libération
Politique

Centrafrique ou Françafrique ?

 
François Hollande a annoncé jeudi 4 décembre une action militaire « immédiate » de la France en Centrafrique, validée par le Conseil de sécurité de l’ONU, pour aider les forces panafricaines à restaurer le calme dans le pays.
 Malgré une communication bien huilée faite d’éléments de langage insistant sur la dimension courte, rapide et efficace de l’opération « Sangaris », dite de stabilisation, François Hollande n’a pas pu empêcher les polémiques.
Au cinquième jour de l’opération, deux soldats français ont été tués, amenant immédiatement les médias à soulever la question suivante : la Centrafrique ne serait-elle pas un piège pour la France ? La Une de Libération du mercredi 11 décembre en est un exemple. L’erreur de l’exécutif a été d’avoir axé sa communication sur une contradiction entre rapidité et efficacité.
 Mais c’est évidemment surtout le refrain de la Françafrique que l’on entend le plus. Or, si les intérêts de la France ne sont pas économiques, on peut néanmoins considérer qu’ils sont communicationnels.
 Grâce cette opération la France, après le Mali, la Syrie et l’Iran, s’affirme de plus en plus sur la scène diplomatique par une communication de « leadership » qui ferait d’elle le nouveau « gendarme du monde ». Si pour Jean-Marc Ayrault, « la France assume tout simplement ses responsabilités internationales », le sous-entendu habile démontre combien cette communication est un enjeu, car qui dit responsabilités dit bien pouvoir.
 D’autre part, la communication de guerre est toujours un moyen pour l’exécutif de rassembler un pays en théorie unanime devant le fait militaire et la défense de la démocratie. Une communication qui veut faire de cette opération un élément fédérateur, salvateur, à l’heure où le gouvernement s’enlise dans les affaires de politique intérieure.
 Mais si cette stratégie avait bien fonctionné lors de l’intervention au Mali, peut-elle encore être efficace ? Le scepticisme des médias semble indiquer le contraire. Par ailleurs, peut-elle être pérenne ? La communication de guerre n’est souvent efficace que dans un temps limité – le temps de l’enthousiasme patriotique et des premières victoires, et périclite sur le long terme.
 Clarisse Roussel
 
Sources :
Lefigaro.fr
Latribune.fr
Lexpress.fr
Atlantico.fr
Crédit photo : Libération

pub Barilla
Société

QUELLE NOUILLE…OU L’HISTOIRE D’UNE COMMUNICATION MALADROITE

 
Le fameux fabricant de pâtes Barilla a réagi le 4 novembre dernier au tollé international qu’avait déclenché son président avec des dires homophobes concernant l’image de la famille. Barilla annonce désormais la «diversification de l’entreprise» et des campagnes de publicité plus «ouvertes».
«Créez chaque jour votre histoire d’amour… ». Valable pour tout le monde ?
Mamma mia! Vraisemblablement, Guido Barilla, l’arrière-petit-fils du fondateur de la marque, n’avait pas imaginé le vent d’indignation qu’il allait provoquer suite à une émission de radio italienne diffusée le 25 septembre dernier.
A la question « Pourquoi ne voit-on pas de couples homosexuels dans les publicités Barilla? », le président de la marque a répondu (de manière complètement opposée aux valeurs d’amour que véhiculent les publicités Barilla – « Créez chaque jour votre histoire d’amour ») : « La marque ne ferait jamais de publicité avec une famille d’homosexuels. »
En ajoutant : « Nous aimons la famille traditionnelle où la femme joue un rôle fondamental. (…) Si les homos aiment nos pâtes et notre communication, ils peuvent les manger, sinon ils peuvent manger d’autres pâtes. On ne peut pas toujours plaire à tout le monde ».
Un jugement qui s’avère être une grosse erreur communicationnelle.
Les consommateurs ont une (al-)dent(e) contre Barilla
Ces propos ont fait l’effet d’une bombe, premièrement sur les réseaux sociaux, l’arme immédiate et suprême des consommateurs. Sur les comptes Facebook et Twitter de la marque, on a immédiatement vu apparaître de multiples « va fan culo, Barilla » et d’autres expressions de fort mécontentement. Avec le hashtag #boycottbarilla, de nombreux consommateurs ont appelé au boycott de la marque, involontairement suscité par M. Barilla lui-même.
Evidemment, les réponses humoristiques ne se sont pas faites attendre. Certains internautes créatifs ont parodié les publicités Barilla pour les utiliser à leurs fins. En France notamment, avec les opposants au mouvement de « La Manif Pour Tous ».

Twitter boycotte Barilla 
Dans le même esprit, Arcigay, une association italienne luttant pour les droits des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres), a lancé une contre-campagne intitulée « Nous sommes tous faits de la même pâte », qui accuse Barilla d’« arriération culturelle » en donnant l’image « d’une Italie qui n’existe plus ». Ils font ainsi référence à l’image patriarcale de la mamma italienne, centrale dans les publicités Barilla, qui sert le reste de la famille à table.
Plus intéressant encore, les concurrents ont immédiatement sauté sur cette opportunité communicationnelle. Ainsi, Buitoni a fait savoir : « Chez nous, il y a de la place pour tout le monde », montrant le piège que Barilla s’est tendue à elle-même.
 Barilla met la main à la pâte
Qu’a donc fait Barilla suite à l’énorme lapsus de son directeur ? Malheureusement pour la marque, pas grande chose. « Je m’excuse si mes mots ont généré de la controverse, de l’incompréhension, ou s’ils ont heurté la sensibilité ».
Voilà les excuses que présente M. Barilla dans la journée sur le compte Facebook de la marque. Excuses « forcées », comme vont le titrer les médias.
Première maladresse de communication : en laissant la parole au directeur éponyme, cause de la crise, Barilla sème la confusion et se distancie de toute responsabilité. Une prise de position ferme de la marque elle-même aurait été nécessaire.
Cinq jours plus tard, Barilla ajoute sur son site internet un communiqué peu convaincant, ne présentant aucune excuse ou explication concrète, fuyant même, en évoquant d’autres sujets plus honorables, comme l’écologie.
Plus maladroit encore : la fuite de Barilla qui s’empêtre dans des explications incompréhensibles, fondées sur les stéréotypes italiens. Dans une vidéo publiée peu après, Guido Barilla déclare innocemment « avoir encore beaucoup à apprendre sur le débat vivace qui existe autour de l’évolution de la famille ». Etonnant qu’un président d’entreprise ne découvre ce débat qu’aujourd’hui…
Enfin, le 4 novembre dernier, plus d’un mois après l’irréparable, Barilla a pris des dispositions concrètes pour redéfinir la marque et ses valeurs. Après un tel lapsus, il est impossible de regagner la confiance des consommateurs seulement avec des mots conciliants. Les actes doivent suivre les paroles. Dans ce but, Barilla a annoncé la création d’un Comité pour la diversité et l’intégration qui fera intervenir des experts afin d’aider la marque à établir des buts et stratégies pour améliorer la diversité et l’égalité au sein de l’entreprise. De plus, la marque préparait une campagne de publicité plus ouverte, mais sans en préciser plus.
Un réel changement est-il possible ?
C’est cette imprécision qui intrigue. Certes, l’entreprise avance maintenant dans la bonne direction mais tout cela pourrait aussi bien n’être que superficiel. Comment alors l’entreprise aurait-elle dû réagir pour mieux gérer cette crise ? Dans tous les cas, elle aurait dès le début dû prendre ses distances, déclarer fermement que les idées de Guido Barilla ne sont en aucun cas celles de l’entreprise et s’excuser plus rapidement auprès de ses consommateurs. Peut-être aurait-il tout simplement fallu que la marque réagisse dans les médias de manière plus efficace.
Ou comme le rappelle le vice-président de l’association LGBT GLAAD[ : « L’homophobie est mauvaise pour le business, […] M. Barilla va vite comprendre que la nouvelle famille traditionnelle accepte les couples gay et lesbiens et ne soutient pas des entreprises qui promeuvent la discrimination », faisant ainsi référence à ce principe de communication élémentaire : « Mieux vaut fédérer qu’exclure ».
Teresa Spurr
Sources :
Reuters.com
Huffingtonpost.fr
Barilla.fr
Lefigaro.fr
CNN.com
Tf1.fr
Crédit photo : Photo de couverture du compte Facebook du site de rencontres homosexuelles Gayvox
 

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Société

Un passé qui ne passe pas

Le Frankfurter Allegemeine Zeitung a lâché une véritable bombe le 26 avril dernier: Horst Tappert (1923-2008), l’homme qui a incarné pendant un quart de siècle (1974-1998) et 281 épisodes le célèbre inspecteur allemand Derrick, aurait été, en 1943, engagé dans les Waffen-SS.
Quand la banalité du mal se cache derrière celle du bien
Le coup est d’autant plus rude que la série est chargée en symboles. Diffusée dès le début des années 70, elle a contribué à améliorer l’image du pays, marqué par la « banalité du mal », notamment à travers les valeurs incarnées par son personnage clé : un peu terne, conservateur mais honnête et travailleur. Diffusée dans 102 pays, la série illustrait le succès du « made in Germany ».
A l’annonce de la nouvelle, la consternation est grande, particulièrement en Allemagne, où Horst Tappert est une icône télévisuelle. En Bavière, on envisage de lui retirer le titre de « commissaire honoraire de la police bavaroise » qui lui avait été décerné en 1980. Les différentes chaînes de télévision déprogramment les épisodes qu’elles devaient diffuser. « Nous ne voulons pas honorer un acteur qui a menti de cette façon sur son passé », explique le producteur de la chaîne norvégienne Max. Ces décisions suscitent nombre de polémiques.
Entre éthique et politiquement correct
Il ne faut bien sûr pas omettre le devoir de mémoire. Un tel passé ne peut être mis sous silence, et à coup sûr, les habitués de la série auraient désormais porté un autre regard sur leur inspecteur préféré. L’affaire pose en effet un problème d’éthique : peut-on continuer à accepter sur nos écrans un ancien nazi ? D’autant que la série fait face à un paradoxe assez gênant, puisque Derrick se caractérisait par son pacifisme, sa volonté d’éviter l’usage des armes, et sa lutte quotidienne pour la justice. Clin d’œil sadique du nazi, ou marque d’un caractère pacifiste en rédemption ? La réponse est peut-être effrayante… ou non. C’est bien ce qui dérange : on n’en sait rien.
C’est pourquoi les médias et les politiques sont accusés de ne réagir que conformément à la « bien pensance », en tenant le même discours diabolisateur. Le politiquement correct prend (encore) le pas sur l’analyse et la réflexion. Or on est à même de se demander si le passé certes trouble, mais non complètement élucidé, de Horst Tappert justifie cette diabolisation. « Les documents dont nous disposons pour le moment ne permettent pas de comprendre les circonstances de son engagement, ni s’il a été soumis à des pressions au moment de s’engager », explique au Spiegel l’historien Jan Erik Schulte. De fait, la réponse n’est pas simple.
Une polémique née de faits encore flous
Historien spécialiste du nazisme, Guido Knopp estime qu’«on ne doit pas se précipiter pour le clouer au pilori», en rappelant que la Waffen SS était une «troupe criminelle» mais que tous ses soldats n’étaient pas forcément coupables d’exactions. En effet, de grandes zones d’ombre demeurent ; Tappert a-t-il intégré cette division par conviction ou par pressions ? En effet, si jusqu’en 1940, la Waffen-SS est exclusivement constituée de volontaires devant prouver leur filiation aryenne, ce n’est plus aussi vrai trois ans plus tard. Face au manque de troupes, elle renonce à l’engagement volontaire et élargit le recrutement.« La pression pour devenir Waffen-SS était très forte en 1943, surtout sur les jeunes hommes », souligne l’historien allemand.
Pourtant, cette complexité de l’affaire ne transparaît pas dans les médias, au vu des titres de presse de ces derniers jours. La communication est claire : le sujet est tabou. 70 ans après, il effraie toujours, ce qui explique l’ampleur des réactions ; Tappert est un nazi, on l’enterre et on n’en parle plus. La honte d’avoir encensé un nazi pendant des années, de n’avoir rien vu, la peur de ces souvenirs qui hantent encore notre inconscient collectif,… beaucoup de choses expliquent la construction de ce tabou. La prégnance dans les esprits européens d’un passé qui ne passe pas est encore bien visible.
D’ailleurs, cette posture pseudo-éthique oublie non seulement que l’on ne connaît pas toute l’histoire, mais oublie plus largement l’Histoire elle-même en alimentant le portrait manichéen de cette Allemagne du début du siècle : les soldats allemands semblent avoir, aux yeux des journalistes européens, acquis le monopole international de l’horreur. Or il est peut-être dangereux de réduire la barbarie humaine au nazisme.
D’où les interrogations qui entourent l’arrêt des diffusions de Derrick : peut-on aller jusqu’à bannir complètement un acteur et sa série ? Peut-on s’asseoir sur la série, instrument de la réhabilitation d’une Allemagne salie par les crimes du nazisme ? Nier complètement cette deuxième existence de Tappert, celle que l’on connaît le mieux, ne pourra pas, à priori, nous apporter la « rassurance » dont on a encore besoin.
 
Bénédicte Mano

Société

TF1 fait du n’importe quoi

 
L’anecdote n’aura échappé à personne, c’est même passé dans Le Petit Journal. Le 16 avril, l’émission Confessions Intimes de TF1 était la victime d’un trucage fomenté par le célèbre Rémi « N’importe Qui » Gaillard, et un couple d’amis. Lui s’est fait passer pour un fanatique – oui, autant ne pas abréger le mot pour le coup – de la star du Web. Elle a occupé 48 heures de tournage à l’ensevelir sous les reproches devant les caméras, dévastée qu’elle était par les ravages que la passion de son petit ami causait dans leur couple.
On peut comprendre que la première chaîne soit tombée dans le panneau avec tant d’éclat, puisque ce genre de tableau est exactement ce qui fait le fond de Confessions Intimes. Et il est tout aussi compréhensible qu’elle ait réagi en se drapant dans une dignité bafouée, lorsque les piégeurs ont révélé la supercherie.
Mais le public trouve nettement moins d’excuses à TF1 lorsque l’on en vient aux révélations faites par N’importe Qui et ses amis. Car – grands dieux – ils ont offert aux Français la vérité crue : les reportages de Confessions Intimes sont scénarisés !
Pas de quoi faire une attaque, évidemment. Depuis son lancement en 2001, l’émission manie trop de scènes pathétiques pour que tout puisse être vrai et le public n’a pas attendu d’entendre parler de Scripted Reality pour s’en douter. Mais c’est ce qui fait le succès de ce genre d’émission, un contrat somme toute classique avec le téléspectateur, qui doute et discute de ses doutes sur la véracité de ce qu’il voit, pour finalement être au rendez-vous la semaine suivante. Le mensonge peut être aussi énorme que possible tant que l’on a la courtoisie de n’en laisser aucune preuve solide. Les diverses interventions de Rémi Gaillard depuis le canular et notamment le making-of qu’il a diffusé, ont réduit ce dernier point à néant.
Sale époque
Or, la chaîne n’en est pas au premier ternissement de sa réputation cette année. La mort accidentelle de Gérald Babin, candidat à Koh Lanta, puis le suicide du médecin qui l’avait jugé valide, occupaient déjà l’actualité du Web depuis la fin du mois de Mars, comme nous l’avons développé ici. Quel rapport entre ces deux cas me direz-vous ? La dignité du diffuseur, bien sûr.
Les révélations de la famille de Mr Babin, exposant l’attitude pour le moins basse des représentants de la chaîne à son égard, ont fait momentanément redescendre la réputation de TF1 à un niveau qui rappelle ses débuts dans la téléréalité – l’ennui, c’est que cette fois-ci, il n’y a pas de gigantesque succès commercial à la clé. Rien de dramatique pour autant : début avril, la communication de crise de la chaîne était suffisamment succincte et cohérente, jouant sans surprise sur l’abattement de ses cadres devant le mal qu’ils avaient involontairement causé, pour la dédouaner à terme. Denis Brogniart y laissait quelques plumes, mais l’honneur était sauf.
Mais voilà qu’en sus d’un parfum de cupidité dangereuse, la chaîne apparaît coup sur coup comme amatrice dans ses prises de décision et malhonnête dans sa production de contenu ! Dès lors, l’argumentaire des belles valeurs blessées marche nettement moins bien que deux semaines auparavant : le communiqué de TF1 a beau reconnaître honorablement son erreur, s’offusquer, rejeter la faute du mensonge sur Rémi Gaillard, il est bien difficile de passer pour l’innocente victime d’un seul homme lorsque l’on pèse plus d’un milliard et demi d’euros. Et c’est sans parler de la chasse, prévisible mais peu glorieuse, qui a été donnée aux uploads du reportage du 16 Avril : Youtube, et même maintenant Rutube pour ne citer qu’elles, ont été priées de retirer tout leur contenu fâcheux.
Y’a plus de valeurs, ma bonne dame
Il en faut cependant bien plus pour abattre un tel colosse. Malheureusement, le « bien plus » se rapproche progressivement depuis quelques années : M6 continue l’assaut sur les publics de sa première rivale et gagne petit à petit une aura qui n’a plus grand-chose à voir avec la Trilogie du Samedi et son public exclusivement jeune. Désavantagée en termes de dynamisme et de réactivité, la meneuse a toujours pu se reposer sur un ancrage historique et moral, qui n’a que peu à envier à celui du service public, pour lui assurer des parts d’audience relativement constantes, même récemment. Mais même un tel atout ne protège pas indéfiniment contre la lassitude du spectateur, lorsque deux émissions phares sont menacées de mort presque simultanément.
Google arrive, M6 persiste. Le colosse pourrait-il voir ses pieds se muer en argile ?
 
Léo Fauvel
Sources :
Le Plus du Nouvel Obs
PcInpact
The Huffington Post
Le Gorafi

Société

Ford en marche arrière

 
JWT, la filiale indienne du groupe de publicité WPP, vient de licencier plusieurs employés pour avoir publié sur Internet des projets de publicités pour la « Figo » de Ford. Publicités à l’état d’ébauche dont ni la direction de l’agence, ni Ford n’avaient connaissance.
Il s’est écoulé une longue semaine avant que les internautes ne comprennent que Ford ignorait la teneur des publicités dévoilées par l’agence. Visualisez tout d’abord l’ancien Président du Conseil italien Silvio Berlusconi tout sourire, au volant de la Figo, avec trois jeunes femmes très dénudées, ligotées et bâillonnées dans le coffre. Puis Paris Hilton avec – également dans le coffre de sa voiture et dans le même « état » – les trois sœurs Kardashian, connues pour leurs apparitions dans des émissions de télé-réalité. Enfin Michael Schumacher transportant en otages trois de ses concurrents que sont Lewis Hamilton, Sebastian Vettel et Fernando Alonso, et toujours dans le coffre…
« Laissez vos soucis derrière avec le coffre extra-large de la Figo », un slogan en parfaite adéquation avec les images !
Les réseaux sociaux pris d’assaut accusent Ford « dans le meilleur des cas » de comparer la femme à un « souci », de la réduire à un simple bagage, un objet que l’on veut cacher en la mettant dans le coffre. Au pire Ford s’engagerait dans la voie SM : attacher et donc maltraiter, bâillonner et ainsi faire taire. En un mot chez Ford, la femme est quantité négligeable, elle ne fait pas partie de sa cible. C’est le consommateur masculin qui est décisionnaire. Retour à la case départ des publicités sexistes des années 60.
Un consommateur masculin au style pour le moins douteux : celui de Silvio Berlusconi, l’homme des soirées « bunga bunga », celui des relations sexuelles tarifées avec des jeunes filles mineures : de la corruption et de l’argent facile à tous les étages. La publicité ne consiste-t-elle pas à « entrer par effraction dans l’esprit de quelqu’un pour y déposer une opinion sans que l’on sache qu’il y a eu effraction » comme l’explique Philippe Breton dans La Parole manipulée ? La publicité de Ford, même si elle n’a pas été voulue par l’entreprise elle-même, transforme l’imaginaire du client de telle manière que le facteur sympathie de celui-ci en est immédiatement entaché. « Si c’est ce que représente Ford, je n’achèterai plus jamais de Ford et je ferai le maximum pour ne pas m’asseoir dans une de leurs voitures », a ainsi écrit un utilisateur de Facebook.
Cette histoire pose la question du professionnalisme des publicitaires de JWT. Publier le projet avant d’avoir eu l’aval de la direction était une grave erreur à l’encontre des règles de déontologie et de respect à l’égard de Ford. De plus s’il y a dix ans de cela, cette histoire serait sans doute passée inaperçue ou restée au niveau local, aujourd’hui la vitesse de propagation des nouvelles sur les réseaux sociaux démultiplie les effets négatifs d’une histoire de ce genre.
Cependant quand bien même cette image serait restée en Inde, qu’est-ce qui a poussé les publicitaires indiens à utiliser Silvio Berlusconi pour promouvoir la « Figo » et véhiculer cette image de l’entreprise ? Est-ce le côté sulfureux du dessin ? Car pour concevoir une publicité et son message, il faut se mettre à la place du consommateur et se demander ce qu’il attend, ce dont il a envie. Alors à la suite d’incidents majeurs en Inde concernant les violences faites aux femmes, ne serait-ce pas l’expression d’un subconscient refoulé ?
Ce projet d’affiche faisait partie d’une série publiée quelques jours seulement après l’adoption d’une nouvelle loi réprimant les crimes sexuels, suscitée par le décès en décembre d’une jeune fille victime d’un viol collectif dans un bus. En mars, une touriste suisse a été violée par plusieurs hommes dans le pays. Ces événements graves ont donné lieu à des manifestations contre les violences faites aux femmes. Avec la publicité, ils soulèvent le problème de la société indienne très machiste, qui pense que seule la génitrice d’un garçon est considérée comme une vraie femme. La naissance d’une fille est condamnée alors que celle d’un garçon est célébrée. L’Inde manque de plus de 40 millions de femmes et le désir sexuel devient alors l’esclave de la misère.
Cela pose la question de la place de la femme dans la société orientale qui apparaît être en décalage avec la société occidentale. La publicité est révélatrice des mentalités de la société indienne. Ce qui paraissait normal à tous dans les publicités sexistes des années 60, semble désormais être la norme en Inde. La déontologie s’efface sous le poids des images qui laissent entrevoir les mentalités d’un pays…
 
Félicia de Petiville
Sources :
Reuters France
Huffington Post: « Ford s’excuse pour son affiche avec Berlusconi »
Libération : « Naître ou ne pas naître fille en Inde »

Publicité et marketing

Plus redoutable que l’épreuve des poteaux ? La gestion de crise chez TF1

 
Épreuve de la mort subite
Il y a quelques jours, TF1, grande chaîne nationale, a dû faire face à une situation sans précédents. Si au début, il s’agissait seulement d’une rumeur circulant sur Twitter et qui s’est retrouvée dans les Tendances françaises en l’espace de quelques minutes, la chaîne et la production l’ont ensuite confirmée par un communiqué officiel : « Gérald Babin, 25 ans, participant de la 16e saison de Koh Lanta est décédé ce jour d’un arrêt cardiaque lors de la première journée de tournage au Cambodge. Toutes les équipes d’ALP, de TF1 et Denis Brogniart sont effondrés et s’associent à la profonde tristesse de la famille de Gérald. Toutes leurs pensées vont vers ses parents, sa sœur, sa compagne, ses proches. Il a aussitôt été décidé d’arrêter le tournage et de rapatrier dès que possible toutes les équipes à Paris. »
Ce drame qui a eu lieu la première journée de tournage d’une émission de télé-réalité phare, a déclenché une tempête médiatique qui nous amène à nous poser plusieurs questions. Qu’en est-il du futur de l’émission ? De la télé-réalité elle-même ? Ce drame aurait-il pu être évité ? Est-ce la faute des jeux d’aventures peut-être trop dangereux ?
A l’épreuve d’immunité, TF1 arrive dernier
Koh Lanta appartient à un genre de télé-réalité plus qualitatif que celles d’enfermement de type Secret Story ou Les Anges de la Télé-réalité. La dernière saison avait récolté 33 millions de recettes publicitaires et environ 30% de parts de marché soit environ 7 millions de téléspectateurs réunis chaque vendredi en Prime time devant l’émission. Il serait donc dommage pour la chaîne d’arrêter la diffusion d’un programme qui, depuis 2001, connaissait une très forte audience qui n’avait jamais vraiment reculé malgré l’aspect et le contenu répétitif de l’émission d’une année à l’autre. Si la saison 2013 a été finalement amputée, la chaîne demeure silencieuse quant au futur du programme. Si beaucoup espèrent que Koh Lanta continuera, on a quand même du mal à imaginer Denis Brogniart revenir sur nos écrans un an plus tard avec 15 autres candidats et prononcer les phrases cultes du programme : « Ils ont décidé de vous éliminer, leur sentence est irrévocable » ou « A la fin, il n’en restera qu’un. » Difficile pour les proches et surtout l’image de la chaîne qui serait alors considérée par tout le monde comme une chaîne qui ne cherche qu’à faire de l’audience. TF1 a déjà une image négative auprès du public en raison de certains de ses programmes jugés un peu « limites », voir qualifiés de « télé poubelle » par certains. Ainsi, perdre le programme le plus regardé en prime time après The Voice et qui s’adressait à un public très large, serait un coup dur pour la chaîne. Mais en même temps, si l’émission continuait comme si de rien n’était, TF1 commettrait alors un suicide médiatique. Cela ternirait son image et confirmerait alors ce que beaucoup disent déjà de TF1, la chaîne ne serait plus grand public mais « complètement Trash ».
Comme à la réunification, place à la stratégie… De com’
Pour le moment, TF1 gère cette situation de crise plutôt bien et se bat justement pour ne pas véhiculer cette image « trash ». La chaîne, dans ce déferlement médiatique, tente plutôt de privilégier l’aspect humain. Il est donc l’heure de la compassion chez TF1 qui, dans son communiqué, a humanisé la victime en indiquant son nom et en présentant ses condoléances à la famille. Chez ALP, la production, ils déclarent : « On privilégie à 400% l’humain. » La chaîne a donc pris en charge les proches et les a aidés à se rendre au Cambodge, ils sont attendus sur le lieu du tournage pour une bénédiction et pour qu’ils puissent ainsi faire leur deuil. De ce fait, en ne lésinant pas sur les messages de condoléances envers la famille du défunt, la chaîne respecte un fondamental en matière de communication de crise, c’est-à-dire, faire part de respect et de compassion lorsque il y a malheureusement eu des victimes. La famille devrait même recevoir la visite du PDG de la chaîne et recevoir l’aide d’un psychologue.
Au « conseil » de la télé-réalité, on a décidé de vous éliminer
Maintenant, il est temps pour la chaîne de prendre des décisions mais également répondre à plusieurs questions, que beaucoup se posent, en étant totalement transparente. Tous les tests médicaux nécessaires ont-ils été faits ? Ont-ils lésiné sur les précautions à prendre pour la sécurité des candidats ? Est-ce la faute des jeux d’aventures, trop imprévisibles et donc trop dangereux ? Etc. Lorsque l’on a pris connaissance du décès d’un candidat par arrêt cardiaque, on a tout de suite imaginé un sexagénaire, un peu fatigué qui n’aurait pas tenu le coup lors d’une épreuve physique. Après les explications de la chaîne, c’est le choc. On ne comprend pas vraiment car on sait que la chaîne fait passer des tests médicaux draconiens et alors on pense aux footballeurs qui se sont éteints très jeunes, en plein match, sur le terrain. Pourtant nous ne sommes pas ici dans un cadre sportif mais dans un cadre de télé-réalité et c’est ce qui choque. Gérard Babin est la première victime directe de la télé-réalité en France. Avant lui, on se rappelle malheureusement de François-Xavier (FX) qui s’était suicidé après Secret Story ou Jean-Pierre de « Trompe-moi si tu peux » (émission qui n’avait pas vu le jour en raison de son suicide justement). Mais à l’étranger, dans des émissions de même format que Koh Lanta, d’autres décès sont à déplorer. Ainsi, en 2009, dans la version bulgare, Noncho Vodenicharov, âgé de 53 ans, décède d’une crise cardiaque aux Philippines. La version pakistanaise connaît le même drame la même année avec Saad Khan, 32 ans, qui se noyait en Thaïlande. Le nombre de victimes à déplorer nous amène à nous interroger sur la dangerosité du programme et de ce type de jeux d’aventures. Une affaire et une polémique qui peuvent poser problème à l’heure où M6 s’apprête à diffuser la nouvelle saison de Pékin Express, un jeu d’aventure presque aussi éprouvant que Koh Lanta. Pourtant, ce genre d’émissions a du succès pour ces raisons, pour les risques que prennent les candidats. Les téléspectateurs veulent les voir « trimer », souffrir et pour ceux qui l’avouent, même se blesser. C’est ce qui permet aux chaînes de mettre les spectateurs en haleine. On l’a vu dernièrement dans l’émission Splash, que beaucoup ont avoué regarder en espérant que les candidats se ratent.
Tous ces dangers ne concernent pas seulement les jeux d’aventures mais la télé-réalité en soi : aujourd’hui, on élève le nombre de victimes de la télé-réalité à 12, la plupart s’étant suicidée. Est-il temps d’arrêter la télé-réalité qui continue pourtant de connaître un succès fulgurant ? Il est peu probable que les chaînes sautent le pas. La télé-réalité semble encore avoir de longs jours devant elle, ce qu’on ne peut pas dire dans le cas de Koh Lanta en revanche. Le scénario le plus probable pour la chaîne est de trouver un autre concept d’émission proche de Koh Lanta mais sans l’animateur star de TF1, Denis Brogniart étant associé directement au programme dorénavant entaché par l’incident. Si la chaîne ne trouvait pas de remplaçant à celui-ci, cela pourrait poser problème financièrement à TF1 sur le long terme puisqu’elle devra dire adieu à 33 millions de recettes publicitaires.
 
Sabrina Azouz
Sources :
Le JDD
L’entreprise.com