Agora, Com & Société

Haro sur les bobos !

« C’est toi le bobo, d’abord ! ».
Concise et efficace, cette invective permet de discréditer l’adversaire sans effort. Retour sur un mot-valise, qui est devenu une arme de communication massive.
Allô maman, suis-je un bobo ?
« Bo-Bo », contraction de « bourgeois-bohème », serait le nouvel animal social de la démocratie libérale dont l’ouvrage Bobos in Paradise de David Brooks (2000) symboliserait l’acte de naissance. Par ce néologisme, l’auteur pensait pourtant faire le plaidoyer de ces Américains d’un genre nouveau, sorte de successeurs des Yuppies (Young Urban Professional), qui réconcilieraient les valeurs de la contre-culture hippie avec le monde capitaliste.
Largement utilisé dans les médias, l’image du bobo renvoie aujourd’hui peu ou prou à une catégorie de la population pour qui le capital culturel serait plus déterminant que le capital économique.

Renaud – Les bobos par leebil

Malgré ce que laisse entendre la journaliste de Libération Annick Rivoire dans son article « L’été de tous les Bobos », ou le chanteur Renaud, le bobo ne représente en rien un groupe homogène.
Si dans l’imaginaire collectif, le bobo vote à gauche, qu’il est tolérant « parce que c’est bien », qu’il consomme bio, et se déplace à vélo, « parce que protéger la planète c’est bien aussi », le personnage est surtout un riche hypocrite. L’avantage du mot-valise réside dans le fait que chacun puisse se forger une image sur-mesure du bobo à pointer du doigt.
Etre sociologue à la place du sociologue
Par l’absence de définition précise, le terme « bobo » peut être considéré comme un « mot-besace » au sens de Pierre Schaeffer. Ces mots renvoient à des notions si floues, que chacun peut y apporter sa propre signification, et sont ainsi la hantise des scientifiques dont le métier nécessite une grande rigueur dans la manipulation des concepts. Si la vulgarisation de la science permet d’établir une communication, plutôt verticale, de la sphère scientifique vers le grand public, il semblerait que le destin du concept « bobo », ait pris la trajectoire inverse.
Comme le précise sur France Culture Anaïs Collet, maître de conférence en sociologie, le « bobo » est plus un objet social à analyser qu’un analyseur du social, dans la mesure où il est largement utilisé dans le langage courant.
Si fondement sociologique il y a, la « boboïsation » de la société semble recouper le concept de « gentrification ». Cette réalité urbaine, en cours depuis les années 1960-1970, traduit l’appropriation de l’espace dans la ville par les classes moyennes-supérieures, au détriment des classes populaires, repoussées vers des banlieues toujours plus excentrées. Ce processus sociologique, qui résulte de causes multiples, semble avoir été simplifié par l’idée selon laquelle le  « grand méchant bobo » envahirait les centres villes des grandes métropoles.
Bobouc émissaire
Et si le concept du bobo a été aussi massivement diffusé, c’est peut-être parce qu’il est un instrument politique redoutable.
Par exemple, et sans grande surprise, le bobo est l’ennemi imaginaire favori du Front National, dont Marine Le Pen s’insurge régulièrement, dénonçant les « délires de bobos citadins qui confondent écologie et retour à l’âge paléolithique ».
Mais le bobo est surtout un outil de communication politique, parce qu’il parvient, assez ironiquement, à créer un consensus autour de sa détestation sur l’ensemble de l’échiquier politique.
Globalement, la figure du bobo est affiliée au Parti Socialiste, comme le résume Nathalie Kosciusko-Morizet, alors porte-parole de Nicolas Sarkozy, lorsqu’elle affirme que « le droit de vote des étrangers, un truc de socialiste ou de bobo parisien, et ce sont souvent les mêmes ».
Fustigé à droite pour son progressisme, puisqu’il incarne à merveille la fameuse « bien-pensance », il l’est pourtant également à gauche pour son adhésion au libéralisme économique, ce qui le fait passer pour un traître. En somme, le bobo représente le parfait bouc-émissaire.
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » (contre le bobo envahisseur)

L’utilisation de la figure du « bobo » comme instrument politique pose plus de problèmes que son fondement scientifiquement peu pertinent. Comme le souligne Éric Agrikoliansky, maître de conférences en sciences politiques à l’Université Paris-Dauphine, la stigmatisation continuelle dudit « bourgeois-bohème », voile réciproquement l’existence de la classe bourgeoise, dans le sens où l’entendent Monique et Michel Pinçon-Charlot, c’est-à-dire en tant que dernière classe en soi et pour soi.
Or, conclut Éric Agrikoliansky, si la gauche socialiste est devenue le parti des « bobos », et que la classe bourgeoise a disparu, il semble alors d’une logique implacable que la droite (longtemps taxée de défendre les intérêts bourgeois) et, plus encore l’extrême droite, puissent se revendiquer être les partis du peuple.
Aline Nippert
Crédit photos :
– Bobos in paradise, David Brooks (2000), première de couverture
– Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/02/14/31003-20140214ARTFIG00212-le-bobo-portrait-au-vitriol-des-internautes-du-figaro.php
Sources :
– « L’été de tous les bobos », par Annick Rivoire publié dans Libération (juillet 2000) 
– Des machines à communiquer, Pierre Schaeffer (1969)
– « À quoi servent les bobos ? », émission « Du Grain à moudre » de Hervé Gardette sur France culture (février 2014) 
– Oberti Marco, Préteceille Edmond, « Les classes moyennes et la ségrégation urbaine. », Education et sociétés 2/2004 (no 14), p. 135-153 
– « Le « bobo », repoussoir de la droite puis ennemi préféré de Le Pen », par  Nolwenn Le Blevennec dans l’OBS (2012) 
– « Recherche « bobos » désespérément… », par Éric Agrikoliansky, pour Médiapart (2012) 
– Manifeste du Parti communiste, Karl Marx et Friedrich Engels
– « Le paradoxe du bobo », Le Monde 
– Les Inrocks : http://www.lesinrocks.com/2014/02/06/actualite/la-republique-bobo-marre-du-bobo-bashing-11469944/
– Slate.fr : http://www.slate.fr/story/78698/les-bobos

FLORENCE FORESTI
Société

Pour le prix de la meilleure cérémonie, j'appelle Florence Foresti

Il était grand temps de venir dynamiser un programme qui battait quelque peu de l’aile. Tenues de Gala, sourires timides et sérieux assurés, il s’agit bien sûr des César, qui ont depuis quelques années déjà pris l’allure d’un conseil des ministres à l’Elysée.
Crées par Georges Cravenne deux ans après l’Académie des arts et techniques du cinéma, les César, dits aussi « La nuit des César », ont pour vocation de récompenser les meilleures productions cinématographiques en suivant le modèle de son grand frère américain, les Oscars. Seulement voilà, depuis quelques années, la cérémonie des César semble être devenue une « Très longue nuit ».
Une France étriquée dans son costume 3 étoiles
Le vrai problème se trouve peut-être dans le rapport qu’entretiennent les Français avec leurs hautes institutions culturelles. La procédure de vote aux César a tout de la procédure de vote d’une loi à l’Assemblée nationale. Le collège de votants est composé de professionnels du cinéma, le vote s’organise en deux tours, le premier détermine les concourants aux différents prix, le deuxième les gagnants de chacune des catégories. La présence du ministre de la Culture et de la Communication à la cérémonie est systématique. Cette mise en œuvre procédurière transparait jusque dans la salle du théâtre du Châtelet, l’ambiance est glaciale, le parterre d’illustres acteurs français présent ce soir-là semble inanimé, les rires sont rares… voire inexistants. Les discours sont souvent longs et ponctués de phrases poético-philosophiques qui achèvent d’endormir l’assemblée… et les téléspectateurs devant leur téléviseur. N’est pas Aristote qui veut. Ambiance.
A côté, le cousin américain s’en sort bien mieux, en témoignent les audiences: les Césars représentent 10 à 15% des parts de marché, contre 30 à 40% pour les Oscars. Comment expliquer alors cette différence de popularité entre deux cérémonies qui se ressemblent… ou presque. Les Oscars ont su garder leur fraicheur. Notamment, les discours sont minutés chez nos homologues américains, à hauteur de 45 secondes. Même si cette règle a rarement été respectée dans l’histoire des Oscars, certains gagnants sont contraints d’abréger leurs discours, les remerciements défilant simplement sur un écran. Si seulement c’était le cas en France, le célèbre Fouquet’s pourrait recevoir ses convives à une heure décente. Avec quelques 3h30 de cérémonie en moyenne, les Césars trainent définitivement en longueur.
« C’est qui la meilleure ? »
Heureusement, un vent d’air frais a soufflé cette année sur une cérémonie poussiéreuse. Le vent prend l’apparence ici d’une jolie brunette quarantenaire à l’humour corrosif qui endosse le costume de présentatrice.
Une imitation de Flashdance plus tard, chacun avait hâte de découvrir la performance de Florence Foresti en tant que maitresse de cérémonie… et rares sont les déçus. Les chroniqueurs d’Hanouna ont même encensé l’humoriste, Isabelle Morini Bosc clame « c’est la première fois que je ne me suis pas endormie ». Foresti a su américaniser ces César et dérider son auditoire, on a même cru voir rire et sourire certains des comédiens présents (on vous jure). Loin, très loin de la très décevante et malheureusement trop longue (4h30 de cérémonie en tout !) édition 2015 par Edouard Baer, Foresti a su capter l’attention du téléspectateur en pratiquant l’auto dérision et en lançant même quelques petites piques bien senties à l’attention des acteurs, Vincent Cassel a alors brillé par… son absence.
L’émission a considérablement gagné en rythme et Foresti a réussi son pari: clôturer la cérémonie pour minuit pile et éviter les longueurs qui lui faisaient mauvaise pub.
Madame a même réussi à convier Vanessa Paradis pour sa réinterprétation de “Bloqués”, la mini-série de Orelsan et Gringe diffusée sur Canal +. Les audiences sont au rendez-vous malgré la très forte concurrence de Koh Lanta (TF1) ce soir-là, le Foresti Show a réuni 2,5 millions de téléspectateurs.
L’humour a donc été le grand gagnant de cette 41ème cérémonie des César et Foresti remporte le prix de la meilleure présentatrice. C’est qui la meilleure ? C’est Foresti !

L’humour, l’ingrédient secret d’une communication réussie
Cette performance, les César n’avaient pas réalisé une audience aussi conséquence depuis les éditions 2005 et 2012 respectivement présentées par Gad Elmaleh et Antoine de Caunes, consacre le pouvoir de l’humour dans nos schémas de communication actuels. Oasis en a fait son outil de travail avec ses fruits personnifiés, Ramontafraise, Manguedebol et toute la bande, qui ont largement contribué au renouveau de la marque et à son succès. La cérémonie des César reste de l’ordre du divertissement pour le téléspectateur, elle doit donc répondre aux exigences du média télévision, notamment en terme d’attention du spectateur, qui ne peut être de 4h30, n’en déplaise à l’Académie des arts et techniques du cinéma.
Notamment, l’humour est placé aux cœurs de nos communications car il permet de construire des relations plus humaines. Florence Foresti n’est ainsi sûrement pas la seule femme à vouer un culte à la beauté de Vincent Cassel, ni la seule mère de famille dont la fille est fan de Louane depuis ses apparitions dans The Voice puis La Famille Bélier. Par ce biais, elle est parvenue à créer une complicité avec son auditoire derrière son poste de télévision.
Surtout, l’humour ne passe jamais inaperçu, en témoigne les nombreuses réactions des réseaux sociaux et des médias dès le lendemain de la diffusion de la cérémonie. En général très bonnes, les critiques ont permis aux César de faire parler d’eux et de redorer leur image, en témoignent les audiences en hausse, merci à Foresti et à son sens de l’humour.
Attention cependant, l’exercice de l’humour n’est pas toujours chose aisée: l’adage dit qu’on ne peut pas rire de tout, en témoigne le flop d’Edouard Baer l’année dernière lorsqu’il se moque de l’idylle pas si officielle de Julie Gayet et de François Hollande. Celle-ci s’est contentée d’esquisser un rire… jaune.
Foresti répond aussi à ses détracteurs, notamment le quotidien Le Monde qui reproche à l’humoriste d’avoir volé la vedette aux acteurs primés qui ont dû revoir à la baisse leur temps de parole. Au grand bonheur des téléspectateurs ?
Manon DEPUSET
@manon_dep
 
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9sar_du_cin%C3%A9ma#Troph.C3.A9e
http://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20160227.OBS5473/cesar-2016-foresti-assure.html
http://www.lefigaro.fr/cinema/2010/02/25/03002-20100225ARTFIG00792-cesar-contre-oscar-deux-ceremonies-deux-standards-.php
http://1001startups.fr/communication-humour/
Crédits images :
Le Soir
Capture d’écran Twitter

Société

MangAttaque : coeur d'une stratégie de communication

Le 30 novembre 2015, le bureau du mangaka Shigeru Mizekula nous annonçait sa mort. Connu et vénéré pour ses œuvres aussi exigeantes qu’innovantes, le festival d’Angoulême lui a attribué, en 2007, le prix du meilleur album pour NonNonBâ.  Cet événement constitue une consécration du manga en France. Pourtant, ce média fut pendant longtemps sous-estimé. Comment se fait-il que des auteurs tels que Mizekula rayonnent aujourd’hui dans l’hexagone ?
Un média à l’aise sous le soleil levant
En tant que consommateurs, nous sommes destinés à nous concentrer sur les produits qui ont été spécifiquement créés pour nous. Les mangas n’échappent pas à cette règle. Or, lorsqu’on lève la tête, on observe une incroyable diversité de mangas. On peut distinguer des formats et des genres pouvant prétendre toucher tous les démographies d’une société. Le manga prend, tour à tour, la forme d’aventures trépidantes pour les enfants, d’histoires sentimentales à l’eau de rose et même de récits érotiques destinés à toutes les sexualités.
De manière générale, les étrangers vivant au Japon peuvent se répartir en deux catégories : ceux qui restent quelque peu perplexes face à la fascination suscitée par ce phénomène et ceux qui affirment que ce sont les mangas qui les ont poussés à apprendre le japonais. En tous cas, la culture japonaise ne laisse pas indifférent : les jeux télévisés japonais délirants et les serveuses de café déguisées en personnages de dessins animés  participent à la formation d’un mythe autour de la culture japonaise.
Les mangas constituent un média sous-estimé et méconnu en France. Au Japon, ils sont très rarement édités directement sous forme de volumes reliés. Ils paraissent tout d’abord dans des magazines de prépublication. Les séries y sont souvent publiées par chapitres d’une vingtaine de pages. Ces magazines, bon marché, s’écoulent en millions d’exemplaires pour certains et se lisent partout : ils sont consommés de la même manière que les journaux. Le Weekly Shōnen Jump, magazine le plus influent, est vendu à hauteur de 3 000 000 d’exemplaires par semaine.  Sa performance est fondée sur la publication de mangas à succès comme One Piece ou Assassination Classroom.
Si une série rencontre du succès, elle se matérialise en volume reliés ( appelés tankōbon ) vendus dans le monde entier.

Ensuite, elle peut entamer une troisième carrière en étant adaptée à la télévision sous la forme de dessins animés, autrement appelés « anime ». Le mot manga recouvre ainsi deux désignations distinctes : la version papier et la version animée d’une série. Cette constatation fait apparaître les déclinaisons qui font la spécificité de ce média. De cette manière, le contenu est communiqué de différentes manières et a de ce fait, plus de chance de toucher sa cible.
Aujourd’hui, le manga a trouvé sa place dans la culture française mais dans les années 90, un éditeur comme Glénat bataillait pour importer la culture japonaise en France. « J’étais un extraterrestre », se souvient Jacques Glénat. Aujourd’hui, l’éditeur affirme que cette tentative était trop avant-gardiste pour une époque où l’État français arrêtait les magnétoscopes japonais à Poitiers.
Mais alors, comment résoudre ce blocage ? Inébranlable, il décide de séduire les lecteurs plus en douceur avec un manga « occidentalisé ». Ainsi, il choisit de publier son auteur fétiche dans des albums cartonnés. Les onomatopées, propres au manga, sont traduites et les dessins sont coloriés. Par dessus tout, le sens de lecture est inversé. Malgré cet effort, le manga a toujours mauvaise presse.
C’est Goldorak puis Dragon Ball z qui réussiront à convertir les Français au milieu des années 90. Les autres éditeurs français lancent d’autres mangas pour concurrencer leur succès. Dans la foulée, le studio Ghibli commence à se faire connaître dans l’hexagone. De la publicité aux dessinateurs français, la société s’empare de ce nouveau phénomène. 
Selon Glénat, le manga serait une passerelle vers des auteurs européens de bandes dessinée plus classiques dont les adolescents se détournaient. Ainsi, le média manga favorise le « cross-média », autrement dit, il met en réseau différents médias au sens où il a redynamisé le marché de l’édition.
D’un pays émergent à un pays « cool »
L’erreur originelle est de voir le manga comme un simple objet destiné aux enfants et aux adolescents prépubères. D’abord, il est important de comprendre les statistiques : elles prouvent que le manga est un média consommé par toutes les tranches d’âges. Au Japon, 88% des lecteurs sont des adultes. Autrement dit, le manga ne se destine pas à un seul pan de la société. D’ailleurs, il suffit d’observer une classification des mangas pour le constater. Les mangas visent des gens de tout âges, touchent aussi bien à la fantasy qu’à la pornographie et se déclinent sous différents formats.
En réalité, le manga est à analyser comme un outil essentiel de communication pour la culture japonaise. En effet, la « Cool  Japan », dont le manga est un vecteur, est l’une des principales stratégies de communication du ministère japonais de l’Économie, du commerce et de l’industrie. Cette politique fut instaurée dans le but d’encourager le rayonnement culturel du Japon. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le montant des subventions allouées aux chercheurs s’intéressant aux mangas.
La bande dessinée japonaise est un détour qu’utilise la culture nippone pour se faire connaître. C’est lui qui transmet le goût des Rāmen ou la vision idéale des cerisiers japonais. Dans les années 80, le Japon s’enrichissait en exportant des voitures et des appareils électroniques mais n’arrivait pas à se séparer de son image de « pays émergent ». Aujourd’hui, avec cette communication, on voit le Japon comme un pays à la pointe de la technologie. En fait, la « Cool Japan » est un moyen habile d’imposer l’image d’un Japon moderne, autrement dit elle est un « soft power ».
Les effets du « Cool Japan » se font ressentir jusque dans les relations diplomatiques. Par exemple, l’ancien Président de la République française, Jacques Chirac, s’est appuyé sur sa passion pour l’art du sumo pour se rapprocher d’un certain nombre de premiers ministres japonais. Les relations diplomatiques entre la France et le Japon ont ainsi été facilitées. Un centre d’intérêt commun est un lien communicationnel non négligeable.

Un genre codé mais non moins populaire
Après les catastrophes naturelles du 11 mars 2011, les médias japonais remplissaient leur rôle et s’en tenaient à l’information. En revanche, le manga, en tant qu’objet culturel, était un espace où il était possible de se reconstruire et de repenser la société nippone. À notre époque, le rôle de la culture est de créer une communication sur une autre mode que celui de l’entreprise ou de la nation. Pour Jacqueline Berndt, une sommité dans les études académiques sur le manga, il ne faut pas voir la bande dessinée japonaise comme un outil de l’impérialisme japonais mais comme un moyen de tisser du lien.
Si les Japonais considèrent le manga comme un simple média familier, il n’en n’est pas moins un incroyable objet de communication. Il fait partie intégrante du quotidien des Japonais et sa capacité à se faire oublier montre à quel point il a réussi en tant que média : sa valeur n’est pas à prouver.
Le manga est un média traditionnel au Japon. Mais sans devenir un objet quotidien, le manga s’impose dans d’autres pays. La France est le deuxième plus gros consommateur de manga au monde en termes de volume. Par quel enchantement la bande dessinée japonaise arrive à transcender les mentalités et les contextes culturels ?
À l’évidence, la lecture est un moyen de communiquer avec une pluralité d’individus. Or, la traduction permet une diffusion plus large de la bande dessinée japonaise. La disposition des cases et les lignes de vitesses sont autant de particularités cultivées par le manga. Elles lui permettent de se singulariser et de communiquer de manière originale et inimitable.
Ainsi, le manga fédère ses lecteurs autour de codes bien précis. En France, il existe une communauté de passionnés de mangas. Ce phénomène saute aux yeux lorsqu’on se penche sur le succès des expositions destinées à la culture japonaise : la Japan Expo ou bien le « Paris Manga & Sci-Fi Show » en sont de bons exemples. Ces festivals permettent de regrouper les lecteurs autour des mêmes codes. À l’époque d’internet, les échanges entre mangaphiles sont facilités. Ce n’est pas par hasard au demeurant que le manga est devenu global à ce moment précis.
Le manga est d’autant plus fédérateur qu’il ne crée pas de barrières. Les personnages de manga se sont développés sous l’influence de la bande dessinée américaine. Il suffit de les regarder pour constater qu’ils ne sont pas typiquement japonais. De cette manière, les barrières sont brisées : les personnages dépassent le cadre de la race, de la couleur, de la sexualité, des genres …
Cela n’empêche pas que le manga soit extrêmement codé. C’est d’ailleurs ce qui fait sa force. Des livres pour apprendre à dessiner à la manière des mangakas sont devenus incontournables lorsque le phénomène manga est devenu mondial. Le manga est ainsi un média accessible qu’il est possible d’imiter.
Bouzid Ameziane
Sources :
– Critique internationale 2008/1 (n° 38), P.37,  Iwabuchi Koichi, « Au-delà du « Cool Japan », la globalisation culturelle…. » :
– « Le rôle du manga au titre de la « culture » », Nippon.com, Yata Yumiko, 15/06/2012 :
– « Mort du mangaka Shigeru Mizuki, raconteur de l’indéchiffrable », Frédéric Potet, Le Monde, 30/11/2015 :
– « Pourquoi le manga est-il devenu un produit culturel global », Jean-Marie Bouissou, Eurozine, 27-10-2008 :
– « Le manga en France », Xavier Guilbert, du9 l’autre bande dessinée, 07-2012 :
Crédits images :
– Photo de couverture : Shigeru Mizuki
– Weekly Shōnen Jump
– Sipa, Le Figaro
– Bleach

LETTRE OUVERTE ZUCKERBERG
Politique

Lettre ou (ne) pas lettre : quand la lettre ouverte s'affirme

La lettre ouverte de Zola au président Félix Faure : « J’accuse ! » publiée le 13 janvier 1898, est un texte qui marque un tournant dans l’histoire de la lettre ouverte, car il démontre sa puissance en tant qu’outil communicationnel et argumentatif. C’est aussi grâce à cette lettre ouverte, que l’on peut repérer le premier paradoxe qui la compose.
Certes, cette lettre ouverte est une défense héroïque des principes démocratiques, prônés par Zola. Pourtant, ses motivations ne sont pas purement désintéressées. En effet, même si Zola est à cette période au sommet de sa carrière littéraire, il n’est pas pour autant reconnu par les « siens » du monde des lettres, comme le montrent ses nombreuses tentatives, qui se sont toutes soldées par des échecs, d’intégrer l’Académie Française. De même, ses « amis » politiques ne le prennent pas au sérieux, et lui reprochent de ternir la réalité sociale. A cet égard, la lettre ouverte de Zola est symbolique d’un concept paradoxal. Au-delà d’un coup de gueule politique, cette lettre virtuose traduit une volonté de faire ses preuves et de s’établir en tant qu’intellectuel reconnu.
Par conséquent, la lettre ouverte n’est pas qu’une revendication désintéressée, publiée dans l’intérêt du bien commun. Elle fait preuve d’une motivation plus égoïste, et d’une ribambelle de subterfuges lui permettant de se placer aujourd’hui comme un outil communicationnel efficace, qui a plus d’un tour dans sa manche.
La lettre ouverte, un oxymore
La lettre ouverte est un outil de communication bien plus subtil qu’il n’en a l’air. La première ruse, c’est la double dimension qu’elle recouvre. En effet, tout le paradoxe tient au fait qu’elle s’adresse à une personne en particulier, mais est ouverte à un lectorat bien plus immense. La correspondance dans son sens le plus commun est du domaine privé. Lorsque l’on écrit une lettre à son amant, celle-ci n’est pas normalement destinée à être publiée dans les médias. C’est intime. La lettre ouverte, c’est tout le contraire. Elle défie les règles traditionnelles de la correspondance, et à plusieurs niveaux.
L’élargissement des destinataires peut aussi appeler à une diversion. Prenons l’exemple de la lettre ouverte de Mark Zuckerberg et sa femme à sa fille. Le destinataire premier se veut être le nouveau-né, qui, soit-dit en passant, ne sait pas lire. Il est on ne peut plus clair, par le contenu de la lettre, que cette prise à parti n’est qu’une diversion pour annoncer une nouvelle qui n’a pas grand chose à voir avec une naissance ou l’amour paternel. La lettre ouverte est ici choisie dans le but de faire l’annonce d’une donation de l’auteur à sa propre fondation. Il dévoile donc un manifeste pour sa fondation.

 
Et puis … :

 
Tout l’intérêt de la lettre ouverte est dans sa double dimension communicationnelle : un destinataire premier, et un public secondaire.
La forme : l’ingrédient fondamental dans la recette de l’argumentation
La question qui se pose également, c’est pourquoi choisir la forme de la lettre ouverte pour s’exprimer, au lieu d’un article traditionnel mettant en exergue une opinion. Michel Leiris, dans la préface de L’âge de l’homme parle de la nécessité d’une : « forme qui soit fascinante pour autrui ». Au-delà du fond, cette forme est primordiale dans l’efficacité de l’argumentation. La lettre ouverte bénéficie de cette fascination du lecteur. Elle a plus d’impact dans l’imaginaire du public, et est bien plus attirante car elle promet un discours engagé, et parfois même dramatique. Cela fait partie de son contrat de lecture : elle soulève régulièrement une polémique, un point sensible, et s’inscrit donc dans la dimension du spectacle.

 
Cette lettre ouverte publiée dans Libération par Marwan Muhammad, ancien porte-parole du Collectif Contre l’Islamophobie en France, à l’attention du Premier ministre Manuel Valls, illustre parfaitement cette promesse de divertissement. Ponctuée d’un ton polémique et satirique dès la première phrase : « C’est difficile, pour un Premier ministre, de ne jamais décevoir. Et pourtant, un jour après l’autre, vous réussissez cette prouesse », Marwan Muhammad s’empare de la forme de la lettre ouverte pour faire pression sur le Premier Ministre.
Le but de l’auteur, c’est de convaincre ou de persuader. Dans les deux cas, la lettre ouverte doit faire appel à des procédés stylistiques méticuleusement choisis, afin de faire adhérer le destinataire premier mais aussi les lecteurs, aux positions de l’auteur. Sa double dimension communicationnelle est donc une forme habile, car elle permet une prise à témoin, ce qui engendre une pression sur le destinataire premier. Elle est à elle seule un exercice stylistique qui suscite différents enjeux.
Cette valeur littéraire de la lettre ouverte rejoint le premier point de l’article. Combinée à la promesse de polémique, et à la puissance rhétorique d’une lettre ouverte, cette dernière peut être aussi analysée en tant qu’apologie de l’auteur, par l’auteur lui-même. Il met en avant ses propres talents d’écriture et sa puissance à convaincre les foules. Toutefois, cet intérêt égoïste ne doit pas se faire ressentir à la lecture, d’où l’importance de la forme en tant que style, qui permet de voiler les différentes motivations de l’auteur.
Malheureusement, si une lettre ouverte n’est pas efficace, et ne convainc pas son lectorat, les retombées se font fortement sentir et la critique est directement adressée à l’auteur. Si l’on en revient à la lettre ouverte de Mark Zuckerberg, la stratégie de diversion n’a pas terriblement marché. Que ce soit sur Twitter ou dans les médias d’informations, l’auteur de la lettre a été moqué et critiqué. Les lecteurs ont eu l’impression de se faire berner. A force de vouloir se mettre en avant trop explicitement dans sa lettre, se positionnant comme le sauveur du monde, Mark Zuckerberg a transgressé certains codes de la lettre ouverte qui veulent que les intérêts égoïstes de l’auteur soient plus subtilement déguisés.

Les médias et la lettre ouverte : une belle histoire d’amour, en général
A cet égard, le rôle des médias est primordial dans le processus d’argumentation d’une lettre ouverte. Il n’y a pas de lettre ouverte sans publication médiatique. De plus, relevant de la dimension spectaculaire, c’est un outil de communication intéressant pour eux, car il associe information et fascination. Du côté de l’auteur, il lui est nécessaire de viser des médias de masse, afin d’accroître au maximum sa visibilité, et que sa lettre ouverte atteigne son destinataire premier. En effet, beaucoup de lettres ouvertes sont écrites et publiées chaque jour, sans avoir pourtant un réel impact car écrites par des « anonymes », des personnes inconnues du grand public. Paradoxalement, ce sont des lettres régulièrement adressées à des figures connues, politiques ou non, d’où l’importance d’accroître sa notoriété et par extension, l’écho de la lettre ouverte.

@GuillaumeGrlt témoigne par ce tweet du déséquilibre de la lettre ouverte, qui parfois, n’atteint pas le destinataire escompté, faute d’une couverture médiatique suffisante. Les réseaux sociaux sont l’une des causes mais également l’une des solutions à leur défi. Ils permettent à la fois l’accès à une petite notoriété – par exemple grâce au nombre de retweets ou de partages – qui augmentera la visibilité de la lettre, mais ils sont à la fois un mal. En effet, c’est à cause de cette densité d’informations permise par les réseaux sociaux que la lettre ouverte de @GuillaumeGrlt va peut-être se noyer.
La lettre ouverte : un outil de communication asymétrique
On pourrait comparer l’échange qu’implique la lettre ouverte à la métaphore du catch de Roland Barthes dans les Mythologies : « Sur le Ring et au fond même de leur ignominie volontaire, les catcheurs (…) sont pour quelques instants, la clef qui ouvre la Nature, le geste pur qui sépare le Bien du Mal, dévoile la figure d’une justice enfin intelligible ». De la même manière, les auteurs, durant le temps de la lecture, sont érigés en justiciers, défendant une cause qui leur est signifiante. C’est également un échange qui, s’il répond au code de la lettre ouverte, appartient au domaine du spectacle, comme le catch. Les auteurs seraient donc des catcheurs, qui paradoxalement n’affronteraient pas leur destinataire premier, mais un autre catcheur du public secondaire.
Effectivement, une lettre ouverte n’appelle pratiquement jamais à une réponse du destinataire premier par une autre lettre ouverte. Il peut y avoir un acte de riposte ou d’acceptation de la part du destinataire premier, mais il ne se retranscrira que très rarement par une autre lettre ouverte. Pourtant, si on prend la métaphore du catch, c’est qu’il y a une réponse, une correspondance de lettres ouvertes. La subtilité s’observe dans le glissement du destinataire secondaire qui devient émetteur. Prenons l’exemple de Bruno Lemaire et Germinal Peiro. Bruno Lemaire a écrit une lettre ouverte à l’attention du Président de la République (destinataire premier). En retour, il reçoit une réponse par lettre ouverte de Germinal Peiro (destinataire secondaire).

 
Premier coup de poing :

 
Deuxième coup de poing :

 
La correspondance de lettres ouvertes se manifeste dans un échange asymétrique de l’information mais aussi des émetteurs qui se battent à chaque fois contre des adversaires différents.
Il y a donc une double-asymétrie :

asymétrie de la réponse : forme de la lettre ouverte qui appelle une réponse d’une autre forme par le destinataire premier (actes, discours télévisé, promesse électorale…)
asymétrie des adversaires : un échange de lettres ouvertes est possible, sans qu’il y ait une correspondance entre destinataire premier et deuxième émetteur.

Clémence Midière
@Clemmidw
Sources :
Facebook « a letter to our daughter »
Courrier International : « Humour. Et si la fille de Mark Zuckerberg répondait à la lettre de son père? » -http://www.courrierinternational.com/dessin/humour-et-si-la-fille-de-mark-zuckerberg-repondait-la-lettre-de-son-pere
Libération : « Monsieur le Premier Ministre, vous incarnez la République du mépris » article de Marwan Muhammad – http://www.liberation.fr/debats/2016/01/25/monsieur-le-premier-ministre-vous-incarnez-la-republique-du-mepris_1428858
Twitter : Tweet de @GuillaumeGrlt
Brunolemaire.fr : « L’agriculture se meurt » : ma lettre à F. Hollande co-signée par 106 parlementaires » – https://www.brunolemaire.fr/actualites/577-l-agriculture-se-meurt.html
Parti-socialiste.fr : « Lettre ouverte de Germinal Peiro : réponse à la lettre ouverte de Bruno Lemaire » – http://archives.parti-socialiste.fr/articles/lettre-ouverte-de-germinal-peiro-reponse-la-lettre-ouverte-de-bruno-le-maire
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Politique

La course aux livres chez Les Républicains

Cela fait quelques temps que les médias français nous « alertent » sur la baisse générale du niveau intellectuel de notre classe politique. Elle a beau avoir fait ses classes à Sciences Po et à l’ENA, nombreux sont les journalistes qui se demandent où sont passés les De Gaulle, les Pompidou, les Mitterrand : nos grands hommes de lettres quoi ! La nostalgie du « c’était mieux avant » est caractéristique d’une bonne partie du système médiatique et de l’opinion ; ne comptez pas sur Eric Zemmour et Alain Finkielkraut pour redresser la barre, il est beaucoup plus aisé de briser la coque du bateau quand il est déjà en train de couler.
Soyons optimistes bon sang ! Assez des Anglo-Saxons pour nous descendre, l’ « auto french-bashing » n’a rien de bon, alors lâchons du lest et regardons un peu vers l’avenir. Tiens ! Par exemple, Jean-François Copé qui nous parle du Sursaut français dans son nouveau livre, ça ne vous donne pas envie d’y croire ? Non ? Vraiment ? Je ne sais pas ce qu’il vous faut alors. Notre Jean-François national travaille pourtant d’arrache-pied depuis plusieurs mois à la réalisation de son ouvrage. Experts, anthropologues, tous y sont passés pour l’aider à « révolutionner le logiciel politique » et enfin mettre sur la touche le vieux Juppé et l’autre excité de Sarkozy comme il aime si souvent le dire lorsque les caméras sont rangées.
« Je suis devenu la caricature de moi-même. J’étais omniprésent, avec un style qui forcément agace […] J’étais incapable d’être absent d’un clivage. »

Qui aurait bien pu dire que le style de Copé était agaçant ? Tout le monde se souvient de sa fameuse histoire hilarante du pain au chocolat. Je suis sûr que les Français de culture ou de confession musulmane ont dû apprécier et qu’ils en rigolent encore à table en famille. Une chose est sûr Jean-François, c’est qu’eux aussi, ils sont « profondément choqués » ! 
Mais Copé est loin d’être le premier à sortir un livre dans cette course à la présidentielle. François Fillon, lui aussi dans une perspective de retour sur le devant de la scène médiatique, est le premier d’entre eux avec Faire. Alors si on m’avait demandé de parier sur lui il y a quelques temps, jamais je n’aurais sorti ne serait-ce qu’un centime de ma poche : force est de constater que son ouvrage a connu un certain succès en librairie. A croire que l’ex-Premier ministre a gardé une image solide et un intérêt auprès d’une partie des Français malgré la guerre fratricide qu’a connu l’ancienne UMP. Rares sont les ouvrages d’hommes politiques qui atteignent de tels niveaux de vente ; environ 50 000 exemplaires vendus, – sans vouloir rentrer dans la guerre des chiffres qui a déjà fait polémique -, alors que les experts parlent de 3000 exemplaires en moyenne pour ce type d’ouvrage. A ce moment-là, on se demande qui peut bien faire baisser la moyenne des ventes ? Une rumeur veut qu’il y ait plus d’exemplaires du livre de Jean-Christophe Cambadélis sur les étagères du Publicis Drugstore que d’exemplaires vendus… Mais petit lot de consolation pour le président du Parti Socialiste, puisque la palme d’or revient à Christine Boutin et ses 58 exemplaires de Qu’est-ce qu’un parti chrétien démocrate ? Contrat de lecture explicite ne rime pas forcément avec foule de lecteurs. A bon entendeur.
« Je suis le seul à offrir une vraie rupture avec un projet complet de transformation de mon pays autour d’un concept puissant qui est la liberté. »
Il est vrai que Fillon est clairement dans la rupture avec Faire. Sans lui donner tort ou raison, le projet qu’il avance est radicalement libéral. Un projet que Nicolas Sarkozy n’hésite pas à qualifier de fou, mais de folle aussi la personne qui pense un jour être élue avec. Mais en fin de compte, peut être que ce discours de rupture plaît à bon nombre de Français à en croire les ventes de son livre. Affaire à suivre donc.
Autre personnalité qui a un discours qui plaît à droite, à savoir Bruno Le Maire. Fort de ses 95 000 ventes avec Jours de Pouvoir paru en 2013, l’outsider , comme les médias se plaisent à le nommer, a repris la plume récemment et est sur le point de nous proposer un nouvel ouvrage : Ne vous résignez pas !. L’homme qui a réussi à faire 30% face à Sarkozy lors de l’élection à la présidence du parti ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Le Maire espère réellement incarner le renouveau qu’il prône depuis déjà quelques temps. Vous l’aurez compris, il n’ira pas de main morte avec les camarades de son parti qui sont installés depuis longtemps. L’avenir nous dira si le phénomène Le Maire prendra plus de place dans le cœur des Français.
Vient le tour d’Alain Juppé dans un registre toutefois assez différent des autres. Le maire de Bordeaux en est déjà à son deuxième livre programmatique sur une série de quatre. Le « septuagénaire de gauche », pour faire du Sarkozy-dropping, vient tout juste de remettre le curseur à droite avec Pour un Etat fort, qui traite notamment des problématiques sécuritaires liées au terrorisme. L’ancien Premier ministre a d’ailleurs réservé une partie entière à ces dernières suite aux attentats de Paris de novembre dernier.
« Les Français ont parfois l’impression que l’Etat est absent lorsqu’il devrait être présent, et présent lorsqu’il devrait être absent. Revenons à l’essentiel. »
Le message est clair : un Etat plus fort avec le renforcement des pouvoirs régaliens mais un Etat plus petit dans une perspective de réduction de la sphère d’influence des pouvoirs publics. Un délicat mélange entre Etatisme et Libéralisme qu’il continue de maîtriser et qui le place encore aujourd’hui en tête de tous les sondages. A 10 mois des primaires de la droite et du centre, et avec encore deux livres à paraître et une stratégie de large rassemblement, Juppé pense qu’il a sa chance. En tous cas, il sait que c’est sa dernière pour accéder aux plus hautes fonctions, si tant est que la bulle Juppé n’explose pas en plein vol. Les favoris dans cette même position n’ont jamais vraiment eu de chance dans l’histoire politique française…
Enfin. Nous y voilà. Notre chouchou à tous, le trublion de la politique française, le Racine des Temps Modernes : Nicolas Sarkozy ! Tout comme ses compères, l’ancien Président de la République a publié un livre. Un livre qui restera à jamais gravé dans les mémoires. Tout comme Phèdre à sa sortie, La France pour la vie a essuyé de nombreuses critiques par l’ensemble de la presse avec ses petits couacs historiques. Même Le Figaro, qui pourrait de prime abord être un journal plutôt docile envers Sarkozy, s’amuse à décompter ses aveux de fautes commises pendant son passage à l’Elysée.
« Je ne suis décidément pas très doué pour l’écoute de moi-même ou des autres. »

Ecouter les autres n’a jamais vraiment fait partie de ses qualités et c’est peut-être pour ça qu’il se retrouve de plus en plus esseulé au sein de son propre parti. Mais pour ne pas passer pour une mauvaise langue, rappelons que La France pour la vie est pour le moment le plus gros succès en termes de vente, ce qui nous montre bien qu’une partie non négligeable de l’électorat ne l’a pas encore lâché ; et que c’est cet électorat qui se déplacera massivement pour les primaires de novembre 2016.
Sarkozy est avant tout ici, dans un pur exercice de communication s’éloignant de l’exercice de style littéraire d’un Le Maire ou d’un Juppé. La France pour la vie ne propose d’ailleurs pas de véritable projet pour 2017 selon Jean-Pierre Raffarin, qui parle plutôt d’un immense mea culpa. Et l’auteur des maintenant fameuses raffarinades s’est adonné au plaisir de trouver un meilleur titre pour le livre de Sarkozy : « Désolé pour ce moment. » Du grand Mendès !
L’important quand un livre d’homme ou de femme politique sort en librairie, c’est d’analyser clairement le contrat de lecture qui est établi. Quels messages l’ouvrage veut-il nous faire passer ? A qui s’adresse-t-il ? Partant de là, il est déjà plus facile d’appréhender la stratégie qui sous-tend l’écriture.
Jean-François Copé tente de sortir de sa longue traversée du désert après avoir été contraint de quitter ses fonctions de président de l’UMP suite à l’affaire Bygmalion, en essayant de retrouver de la visibilité dans les médias grâce à la sortie de son livre. Mais cette volonté de retrouver le devant de la scène est accompagnée d’un désir de bousculer les habitudes de la classe politique en proposant une vision qui selon lui est complètement novatrice quitte à passer pour la condescendance en personne. François Fillon, qui est dans une meilleure position, cherche lui aussi à retrouver sa place dans les grands médias. Pour ce faire, il mise avant tout sur son projet politique pour 2017. En effet, son ouvrage est à mon sens le plus aboutit pour le moment en termes de propositions. Bruno Le Maire ne cherche pas vraiment une place médiatique puisqu’il est déjà dans une très bonne position, mais on pourrait dire qu’il tente de conserver ses avantages actuels tout en s’inscrivant dans la tradition politique littéraire. Alain Juppé quant à lui, développe une véritable stratégie de rassemblement. Il ratisse large en essayant de s’adresser à l’ensemble des Français mais sa dernière sortie littéraire nous montre qu’il a tout de même restreint sa cible « au peuple de droite », même si je n’aime pas cette expression, en envoyant un message sécuritaire fort afin de contrer la stratégie droitière de Sarkozy. L’ancien Président de la République pour finir, s’inscrit plutôt dans la même ligne que Copé dans le sens où tous deux essayent d’obtenir le pardon des Français pour leurs erreurs. Dans la vie, il y a deux types de personnes : ceux qui ont une vision et ceux qui s’excusent.
Quoi qu’il en soit, cet exercice d’écriture n’est pas réservé à Les Républicains puisque comme le rappelle Alain Duhamel, c’est un exercice quasi obligatoire dans l’optique d’une élection présidentielle dans un pays au lourd passé littéraire comme le nôtre. D’ailleurs, si l’on se penche sur les écrits politiques de ses vingt dernières années, la gauche (celle du Parti Socialiste) a été assez prolifique. Mais structurellement depuis quelques temps, cette même gauche est en panne d’idées, en panne de projets. En même temps, comment voulez-vous qu’elle véhicule des valeurs et des idées nouvelles avec un gouvernement qui s’est converti au social-libéralisme ? La gauche ne pense plus vraiment le monde de manière idéologique et la démission récente de Christiane Taubira est loin d’être une bonne nouvelle à mon sens pour la pensée socialiste peu importe ce que l’on en pense…
Antoine Gagnaire
@AntoineGagnaire
Sources :
http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2016/01/19/25001-20160119ARTFIG00061-j-etais-la-caricature-de-moi-meme-cope-sort-du-silence-sur-le-divan-de-fogiel.php
http://lelab.europe1.fr/jean-francois-cope-profondement-choque-davoir-ete-si-souvent-profondement-choque-2650189
http://www.liberation.fr/debats/2016/01/27/la-strategie-du-livre-politique_1429401
http://www.lesinrocks.com/2016/01/24/actualite/les-30-phrases-%C3%A0-retenir-dans-le-nouveau-livre-de-nicolas-sarkozy-11800358/
http://www.lejdd.fr/Politique/Exclusif-Alain-Juppe-detaille-son-programme-pour-un-Etat-fort-766657
 http://actu.orange.fr/france/fillon-lr-je-reste-le-seul-a-offrir-une-vraie-rupture-afp_CNT000000hPnfZ.html
http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/021668070274-70000-exemplaires-du-livre-de-sarkozy-ecoules-en-une-semaine-1197137.php
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Flops

État d'urgence… atmosphérique

Que diriez-vous d’un monde où la conversation avec la voisine de palier ne porterait plus sur le temps qu’il fait, mais sur le taux de particules polluantes dans l’air prévu pour la journée ?
Ce scénario, qui semblerait post-apocalyptique pour un Français non-averti, est pourtant en train de se dérouler juste de l’autre côté du continent eurasiatique. Chaque matin, nombreux sont les Chinois qui consultent l’application « Air Quality China », indiquant le taux de PM 2,5 dans l’air, c’est-à-dire la quantité de particules polluantes mesurant moins de 2,5 micromètres de diamètres.
1, 2, 3…soleil ?
Cette habitude n’est pas qu’une nouvelle lubie originale et exotique, mais nécessaire à la survie des citadins chinois, quand on sait que des centaines de milliers de morts* sont, chaque année, imputées à la pollution en Chine. Ironie du calendrier, c’est pendant la COP 21 que Pékin a dû lancer, pour la première fois, une « alerte rouge » à la pollution atmosphérique. La densité de PM 2,5 avait atteint plus de 500 microgrammes par mètre cube, alors que l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) recommande un plafond moyen de 25 microgrammes par mètre cube pour 24 heures. En d’autres termes, la capitale chinoise avait un taux de ces petites particules particulièrement dangereuses pour la santé près de 20 fois supérieur à la quantité tolérée.

Même si l’urgence de la situation est bien visible dans une ville où le soleil n’apparaît plus, l’accoutumance au phénomène est un véritable danger. Comment faire prendre conscience à la population chinoise qu’il est temps de réagir ?
(Fausse) bonne idée n°1 : utiliser la variable « prix »

Soldes : pour tout masque de protection acheté, une bouteille d’oxygène offerte !
La théorie économique néoclassique repose sur une théorie de la « valeur-utilité »**. En d’autres termes, tous les biens qui subissent une utilité et une contrainte de rareté, possèdent une valeur, donc un prix. Aussi quantité et prix sont-ils fortement corrélés : grossièrement, plus un bien est rare, plus le prix est important.
Dans un pareil contexte où l’air, élément nécessaire à notre survie, vient à manquer, quelques acteurs ont pu flairer l’opportunité. C’est ainsi qu’un restaurant de la ville de Zhangjiagang (Chine) ajoute une taxe d’un yuan par consommateur (environ 15 cents) pour l’air pur respiré. Vitaly Air, quant à elle, est une entreprise canadienne qui met en vente des bouteilles d’oxygène sur le marché chinois. Ces bouteilles d’air pur et frais de montagne auraient pour vertu de « booster la vitalité » (Enhancing Vitality) de ses utilisateurs.

Si on suit la logique néoclassique, le fait même de taxer ou de mettre en vente l’oxygène devrait mettre la puce à l’oreille des Chinois sur la raréfaction de l’air. Bien que des doutes sur l’efficacité de la communication par le prix semblent légitimes.
Bonne idée n°2 : le docu qui s’indigne, classique mais efficace
« Crie-le bien fort, use tes cordes vocales ! »***
Chai Jing, connue en tant qu’animatrice et reporter d’investigation phare pour la télévision d’État chinoise, quitte son poste de journaliste en 2013 après qu’elle a appris que l’enfant qu’elle portait devait être opéré d’une tumeur dès sa naissance, en grande partie à cause de la pollution atmosphérique. Elle décide de réaliser et d’autofinancer un documentaire pour attirer le regard de millions d’internautes sur le problème.
Le 28 février 2015, elle met en ligne son documentaire « China’s Haze : Under the Dome » (« La Chine dans la brume, sous le dôme »), qui mêle discours scientifiques, preuves statistiques, et anecdotes personnelles.

En l’espace de 24h, la vidéo est visionnée plus de 30 millions de fois**** et donne lieu à une vive agitation sur les réseaux sociaux chinois (en particulier WeChat, le réseau social le plus populaire en Chine). Outre l’inquiétude due à la pollution atmosphérique, cet engouement pourrait bien être significatif de la perception des Chinois sur les médias traditionnels. La réception du documentaire semble montrer que les Chinois cherchent sur Internet des informations que les médias traditionnels traiteraient de façon tempérée.
Mais le documentaire n’aura échappé à la censure du gouvernement que pendant trois jours de diffusion. Faut-il déplorer cette prohibition étatique ? N’a-t-elle pas justement, paradoxalement, permis de toucher un plus large public en faisant réagir les hautes instances gouvernementales de manière si radicale ?
Bonne idée n°3 : la créativité pour communiquer
D’autres voix émergent, à travers une communication originale et surprenante, pour dénoncer les conditions environnementales du pays. Ainsi, non loin de Shanghai, un collectif d’artistes et de militants s’est insurgé contre une pratique agricole répandue et évitable, qui génère une grande quantité de fumées noires. Si la paille peut avoir de nombreuses utilités (nourriture, engrais, matériau de construction), les agriculteurs ont l’habitude de la brûler à la fin des moissons, ce que le groupe d’artistes déplore par des œuvres créées à partir de ces « déchets » de paille.

Dans le même sens et bien qu’elle s’inscrive peu ou prou dans la tendance du greenwashing, la campagne de communication Breathe Again (Respirez à nouveau) lancée par une entreprise de systèmes de purification d’air, vise également à dénoncer la pollution en Chine. Les fumées d’usine qu’elle dénonce servent de support pour projeter des visages d’enfants, suffocants ou en pleurs.

Certes ces dénonciations sont prenantes et décalées, mais c’est une fois encore le relais des réseaux sociaux qui permet de rendre ces communications efficaces en touchant un large public.
Bonne idée n°4 : on n’demande qu’à en rire !
Juste pour le plaisir, la publicité pour les chauffe-eau écologiques de la marque Sakura, pointe le problème de pollution…de manière légère et décalée !

Sakura Musle 0514 from J. Walter Thompson Asia Pacific on Vimeo.

 
Aline Nippert
@AlineNimere
* D’après Les Echos
** Théorie subjective de la valeur chez les marginalistes (Walras, Jevons, Menger)
*** Issue de « L’hymne de nos campagnes », de Tryo
****D’après  Rue 89
Sources: 
– Mr Mondialisation

Des chinois utilisent la fumée des usines comme écran géant pour dénoncer la pollution


– Konbini
http://www.konbini.com/fr/tendances-2/chine-oxygene-luxe-commercialise/
– L’ADN
http://www.ladn.eu/actualites/pour-reduire-emissions-co2-prenez-vos-douches-2,article,27801.html
Crédit images: 
 
Vitalyair.com 
Mr Mondialisation 
France TV Info 

OBAMA POLITIQUE PLEURER
Politique, Société

Pleure si t'es un homme (politique)

D’aucuns s’amuseraient à constater que nos hommes politiques aiment la transparence… Pas celle qui les oblige à répondre du nombre de zéro sur leurs factures, évidemment, mais désormais la mode est à l’émotion ; on laisse voir, on laisse transparaître. Beaucoup de choses se bousculent sur le visage de nos représentants : l’anxiété, la colère, le soulagement – on se souvient du long soupir de Xavier Bertrand après sa victoire aux Régionales, par exemple. Mais surtout, en politique, on pleure.
Aux larmes citoyens !
Lorsque l’on sait comment les utiliser, les larmes peuvent être un redoutable outil de communication, et Barack Obama est le maître incontesté du maniement lacrymal. Le 5 janvier 2016, alors qu’il présente son plan de contrôle des armes à feu et évoque les trop nombreuses victimes de fusillades, il essuie une larme, puis une autre … « Every time I think about those kids, it gets me mad / A chaque fois que je pense à ces enfants, ça me met en colère », avoue-t-il avant d’enchaîner finalement sur la nécessité de construire une société plus sûre. L’instant est bref, le symbole est fort, les médias s’emballent. Les heures suivantes, on s’évertue à analyser ce comportement. Après tout, Obama n’en est pas à son premier coup d’essai. Lors de sa réélection ou pendant un concert d’Aretha Franklin, on a souvent vu le président américain avec les yeux humides. Alors s’agit-il cette fois d’une manipulation ou d’un véritable élan de chagrin ? Sincere or not sincere, that’s the question. Mais qu’il s’agisse d’une manœuvre politique ou d’un sentiment authentique, les pleurs d’Obama sont efficaces, au point que Donald Trump lui-même déclare sur Fox News croire en la sincérité du président.
Une vieille tradition
En France aussi on pleure, et depuis longtemps. Sous la Révolution, les députés essuyaient des larmes de ferveur lorsqu’ils prêtaient serment à la Constitution. Pendant la Restauration, elles étaient dotées d’une valeur curative, voire expiatoire face aux crimes de la Terreur. Cependant, dans la seconde moitié du XIXème siècle, elles deviennent une caractéristique spécifiquement féminine et il est ordonné aux hommes de pouvoir de savoir se maîtriser en public. Pleurer devient une affaire privée et seul le deuil autorise un peu plus d’épanchement.
Aujourd’hui, bien que ces occasions restent très ponctuelles, il n’est pas si rare de voir une personnalité verser quelques larmes. Mais il est de bon ton de les verser comme il se doit, sans se laisser submerger. Ainsi, les sanglots de Ségolène Royal lors de la défaite de la gauche aux élections législatives de 1993, pudiquement filmés en contre-jour, ont-ils fortement marqué les esprits ?

 
A larmes égales ?
Pour bien communiquer, il faut donc bien pleurer, mais pas seulement. Il faut savoir choisir sa cause. Les larmes sont à double tranchant et peuvent facilement susciter rires ou agacement plutôt qu’empathie. Les joues mouillées d’un Poutine ému après sa réélection a eu moins d’impact que la voix vacillante de Laurent Fabius pendant la COP21 lorsqu’il déclarait : « J’ai une pensée particulière, enfin, pour tous ceux, ministres, négociateurs, militants, qui auraient voulu être là, en cette circonstance probablement historique, mais qui ont agi et lutté sans pouvoir connaître ce jour ». L’émotion du ministre devient l’expression de son engagement pour une cause collective. De la même façon, le visage défait de François Hollande lors des attentats de janvier, ou sa voix cassée lors de ceux de novembre traduisaient d’une manière impressionnante les sentiments d’horreur et de stupeur qui s’étaient emparés des Français.
Girls don’t cry
Malgré tout, l’exercice n’est pas aisé pour tout le monde. Le fait de pleurer étant profondément féminisé, le journal Le Monde remarque que les femmes politiques « doivent constamment balayer les critiques sexistes qui font rapidement des larmes féminines un aveu de faiblesse ». Une femme essuyant ses larmes ne bousculera pas tant les esprits que s’il s’était agi de l’un de ses homologues masculins. Celle-ci étant moins soumise au diktat de la maîtrise de soi, ses pleurs seront perçus – visuellement autant que symboliquement – comme moins spectaculaires. Pourtant, comme le remarque Yann Barthes dans le Petit Journal, les femmes sont plus enclines à pleurer pour « des causes assez profondes et humaines ».
Pleurer donc, n’est pas si rare en politique. Mais il s’agit d’un acte de communication non-verbal strictement codifié. La transparence des émotions est finement élaborée et si les larmes peuvent être authentiques, la manière de les mettre en scène – sans effusion – nécessite sans doute quelque entraînement.
Marie Philippon 
Sources :
« Les larmes politiques », Le Petit Journal du 06/01/16 – http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-le-petit-journal/pid6515-le-petit-journal.html?vid=1348093
Fanny Arlandis, « Larmes politiques », Le Monde, 14/01/16 –  http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2016/01/14/larmes-politiques_4847620_823448.html
Emilie Laystary, « Duflot, Royal, Fillon : les larmes des hommes et femmes politiques », RTL, 17/07/2013 – http://www.rtl.fr/actu/politique/duflot-royal-fillon-les-larmes-des-hommes-et-femmes-politiques-7763204606
Crédit images :
Reuters
Nicolas Kamm / AFP

Invités, Politique

Daniel Bougnoux parle communication, politique et terrorisme avec FastNCurious

Daniel Bougnoux, chercheur en sciences de l’information et de la communication (SIC), est l’auteur d’ouvrages majeurs dans la discipline comme La crise de la représentation et son Introduction aux sciences de la communication.
Dans cette entretien divisé en trois parties, il nous parle des SIC, du terrorisme et de sa médiadépendance et enfin de communication politique.
 

D. Bougnoux qualifie les SIC de « randonnée critique » il explique qu’il y a dans les SIC une volonté de s’écarter de la méthodologie tracée par d’autres disciplines. « Il y a la volonté de se confronter au hasard des événements » et l’idée que tout est bon à prendre pour réfléchir.
« Nous sommes des sujets de mondes propres ». Chaque porteur est facteur de transmission, prélève sa dîme sur le message qu’il a reçu, c’est à dire, au passage, le transforme ». « Tout ça fait partie d’une médiologie ». La médiologie fédère de nombreuses études, elle analyse ce qu’un médium fait à un message.
 

Les médias agissent comme une « caisse de résonance » des actes terroristes. Ils propagent l’onde de choc des actes terroristes. « Il y a médiadépendance du terrorisme et les médias trouvent un effet d’audience pernicieux dans les actes terroristes ».
Le journaliste va t’il relayer simplement ces actes ou alors utiliser un langage de prise de distance ? « Le propre de la terreur c’est qu’on n’a plus aucun recul, on a la face contre terre. » « Les messages sont reçus et traités par des sujets d’information qui doivent rester critiques, » ils doivent les élaborer en les recevant.
 

 
En 1996, Daniel Bougnoux écrit une Lettre à Alain Juppé. Il revient ici sur son contenu et l’éclaire à la lumière de la situation politique actuelle.
« Il [Juppé] avait une vision descendante de la politique où le chef d’Etat ou de gouvernement était en position d’avoir à expliquer des mesures, et les autres à les appliquer ou à les enregistrer. » « C’est une conscience que la raison est distribuée et non pas incarnée dans le chef et que la raison étant distribuée, seule une forme minimale de participation et de communication horizontale peut faire émerger des solutions éminemment politiques ».
Un message a de moins en moins de chance d’arriver dans la tête des gens de la même façon pour tous à cause de la multiplication des mondes propres.
« Le costume de chef de guerre de Francois Hollande lui va bien et il va bien, en général, à un chef d’Etat. » Cela peut rassembler la nation et faire du bien au pouvoir en place. « il y a actuellement un moment d’émotion qui rend le corps social moins fracturé qu’auparavant ». « Mais on sait à quel point ces états sont métastables ».
FastNCurious remercie Oliver Aïm qui nous a permis de réaliser cet entretien.

Com & Société

=3 : l'apprentissage de la démocratie 2.0

Les origines
Youtube naît en 2005 et avec lui la deuxième génération d’Internet : celui des réseaux sociaux, des memes, des lolcats. Le site est d’abord empli de vidéos courtes d’animaux, de chutes plus ou moins drôles dignes de Vidéo Gag, bref de vidéos qui se distinguent par leur aspect brut, sans aucun montage.   
Pourtant, dès l’automne, deux individus décident brusquement d’utiliser la plateforme pour se mettre en scène et de diffuser leur talent d’humoristes, ou plutôt d’entertainers. C’est ainsi que naît la chaîne SMOSH, création de Ian Hecox et Andrew Padilla qui connaît un succès fulgurant : ce sont les premiers youtubeurs. Ils lancent un phénomène qui marque durablement notre utilisation d’Internet, une forme de stand-up renouvelé grâce à la liberté totale de format dont ils bénéficient.
Un concept novateur
En 2009, un inconnu, héritier de SMOSH, crée sa chaîne et publie sa première vidéo, avec en guise de vignette, un dessin fait sur Paint et comme titre « Kick his a$$ » (« botte-lui le cul »). Il s’agit de Ray William Johnson qui crée là un nouveau concept : le commentaire de vidéos issues d’Internet. Cette formule connaît un énorme succès et en fait une des chaînes les plus regardées et suivies au monde ; plus particulièrement, son concept novateur va être repris et décliné par des milliers de youtubeurs, comme Mathieu Sommet ou Antoine Daniel en France.

Le roi est mort, vive le roi
Après cinq années de gloire, Ray William Johnson provoque en 2014 un coup de tonnerre sur Youtube en annonçant son départ : il ne présentera plus le désormais célébrissime show « Equals Three ».

La raison invoquée ? Ray pense avoir fait le tour de son personnage et veut passer à quelque chose de nouveau. Toutefois il ne souhaite pas abandonner un projet qui est toujours très populaire et annonce donc être à la recherche d’un nouveau présentateur. L’épisode récolte plus de 10 millions de vues et des milliers de commentaires éplorés sur le départ de Ray. Le nombre impressionnant d’articles et de vidéos consacrés à son départ montre que =3 était devenu un incontournable de la pop culture. Le Daily Dot va jusqu’à affirmer: « It’s the end of an Internet era.” (“C’est la fin d’une époque sur Internet”).

La relève
C’est finalement plus de quatre mois plus tard qu’Equals Three revient, avec comme nouveau présentateur le jeune inconnu Robby Motz, dans un épisode en partenariat avec Jenna Marbles, youtubeuse américaine renommée.

Si le début fut difficile pour Robby, largement critiqué et considéré comme un présentateur de niveau inférieur à Ray, finalement le jeune homme parvient à s’imposer et à trouver son rythme. De plus en plus populaire, son départ au terme de son contrat d’un an au sein du studio Equals Three provoquera à nouveau tristesse et nostalgie chez les amateurs du show.

La pomme de la discorde
Ray William Johnson avait prévu que tous les humoristes faisant part du Equals Three Studios feraient au moins une saison de =3. Robby devait donc laisser sa place.
Ray publie alors une vidéo qui est probablement la plus grande erreur de communication de sa carrière puisqu’elle nourrira un fort ressentiment de sa communauté envers le créateur du show.

Dans « Who’s gonna host Equals Three ? » Ray laisse entendre qu’au lieu de passer par des fastidieuses auditions comme il a dû le faire pour recruter Robby Motz, cette fois il va laisser le choix à ses abonnés qui pourront choisir entre tous les humoristes qui font un sketch dans la vidéo. Les deux noms les plus récurrents dans les commentaires sont alors soit Jules (la jeune femme blonde) soit Carlos (le jeune homme brun en veste orange).
En fait, ces mots exacts sont : « Je vais laisser les acteurs de Booze Lightyear  [une autre production des studios] jouer, et vous pourrez voir qui vous aimez ». Seulement, les internautes se sont enthousiasmés et ont cru qu’ils auraient leur mot à dire. Ainsi, Ray William Johnson aurait pour la première fois sur Youtube laissé les viewers faire un choix décisif pour le contenu de la chaîne.
 

La vidéo suivante « And the New Host is… », très attendue, paraît le 28 juillet et déçoit énormément les abonnés. En effet, le nouveau présentateur n’est autre que Kaja Martin, une des créatrices du studio, qui avait été très peu plébiscitée dans l’épisode précédent.
Ray W. Johnson avait choisi la présentatrice d’avance, sans tenir compte des avis des abonnés qui étaient à ses yeux purement consultatifs. Ceux-ci ne lui pardonneront pas de leur avoir laissé croire qu’ils pouvaient être partie prenante dans la création du studio. L’énorme déception est visible à travers les votes, qui pour la première fois dans l’histoire de la chaîne sont très majoritairement négatifs.

L’incompréhension domine dans les commentaires, les internautes se plaignant que leur choix n’ait pas été pris en compte :

Seulement, beaucoup affirment que comme Robby à ses débuts, Kaja doit faire face à une vague de rejet qui par la suite s’éteindra.
 
Un âpre combat
Et Kaja reprend cet argument à de nombreuses reprises dans ses vidéos suivantes, affirmant ne pas s’inquiéter outre mesure des commentaires négatifs qu’elle reçoit. Pourtant, loin de disparaître, le mécontentement grandit : si les vidéos qui suivent obtiennent une majorité de votes positifs, ce n’est que de justesse. D’ailleurs, la seule vidéo véritablement plébiscitée est celle dans laquelle elle annonce son départ en tant que présentatrice du show.
Le nombre d’abonnés baisse également, tout comme le nombre de vues. Un épisode de Ray atteignait jusqu’aux 10 millions de vues, ceux de Kaja ne parviennent jamais au million. Quant aux commentaires, ils sont en très grande majorité négatifs.
Un tournant s’opère dès mi-septembre 2015, quand le nombre de dislikes redevient plus élevé et que les abonnés expriment de plus en plus leur lassitude envers Kaja. Une certaine mode apparaît, celle de commenter à chaque vidéo de Kaja « Came, disliked, left ».

 
 
Malgré ce constat préoccupant pour le show, de manière inexplicable, Ray William Johnson s’obstine à maintenir son amie en place. Les viewers s’étonnent de plus en plus du silence assourdissant du créateur de la chaîne, au moment où l’impopularité du show devient criante : aucune vidéo n’a un ratio de votes positif depuis le 15 septembre. Les internautes montrent leur incompréhension (pour ceux qui persistent à regarder les vidéos du studio) à travers les commentaires.

 
Le nombre de vues ne cesse de s’effondrer et les abonnés perdent clairement patience :

 
La pérennité de ces critiques est  exceptionnelle : alors que tout « bad buzz » finit en général au bout d’un certain temps par s’éteindre sur Youtube, le phénomène persiste depuis des mois sur la chaîne, c’est-à-dire une éternité sur Internet.
L’happy ending de Noël
La situation devenait intenable : d’abord pour les fans qui ne comprenaient pas que leur avis soit à ce point ignoré, mais aussi pour le studio, qui ne peut pas continuer à exister si le nombre de vues et d’abonnés s’effondrent sans cesse. Finalement, après cinq mois de présentation et malgré une manifeste répugnance à mettre ainsi fin au contrat de Kaja Martin, celle-ci annonce son départ.

La vidéo, intitulée « Big Announcement », amène plus de vues que d’habitude et pour la première fois depuis des mois est largement plébiscitée.

Enfin, le nouveau présentateur prend place : ce n’est autre que Carlos, l’humoriste le plus apprécié lors de la vidéo du vote. Deux semaines avant Noël, il présente pour la première fois =3.

Et c’est un véritable succès ! Le nombre de dislikes est très faible alors que les commentaires félicitent unanimement le nouveau présentateur. Seulement, =3 a du mal à se remettre du ravage causé par Kaja Martin : les vues, si elles sont un peu plus nombreuses, n’atteignent toujours pas le million. Carlos a réussi à enrayer les critiques et probablement la disparition programmée du show, mais il reste encore beaucoup à faire pour que =3 retrouve son lustre d’antan.
Le sort d’Equals Three montre les ravages que peut faire une erreur de communication ; si Ray n’avait pas laissé croire qu’un choix était possible, peut-être que Kaja Martin aurait été accueillie bien plus favorablement. Toutefois, la persistance des critiques montre qu’elle n’était réellement pas de taille à présenter le show, et Ray a commis alors une deuxième erreur. En s’enfonçant dans un silence obstiné qui lui permettait d’ignorer le problème, il a suscité incompréhension et colère chez ses fans dont beaucoup ont préféré arrêter de suivre le show. Or une émission ne vit que grâce à son public et ne peut donc se permettre de l’ignorer. Toutefois, l’histoire d’Equals Three montre que Youtube reste un média démocratique où les spectateurs parviennent, de gré ou de force, à se faire entendre.
 
Myriam Mariotte
Source
https://en.wikipedia.org/wiki/YouTube
https://www.youtube.com/channel/UCGt7X90Au6BV8rf49BiM6D
https://www.youtube.com/watch?v=ygufbVxFvcw
 

Société

Du gratuit dans nos vies

La gratuité, à quel prix ? 
Gratuité, « qui est fait, donné ou dont on peut profiter sans contrepartie pécuniaire » (Trésor de la langue française)
La notion de gratuité est aujourd’hui complexe. Difficile d’imaginer quelque chose sans prix. Le donateur et le bénéficiaire font toujours plus qu’il n’y paraît et le gratuit n’est en fait que le premier geste d’une chaîne d’opérations. Les promesses de gratuité sont nombreuses mais bien souvent fausses. Le web ne devait-il pas être un espace gratuit et ouvert à tous où la propriété n’aurait pas sa place et où l’information serait partagée sans contrepartie ? Si nous n’avons pas l’impression de donner quoi que ce soit lorsque nous accédons à un site, la contrepartie est ailleurs puisque les données que nous fournissons gratuitement sont revendues aux annonceurs. La nature est également un domaine où la notion de gratuité se heurte à des enjeux politiques et économiques qui transforment l’environnement en un bien profitable, l’air canadien se vend même à prix d’or … Il est donc difficile de légitimer la place de la gratuité dans un contexte où les mécanismes de la logique marchande sont appliqués à l’ensemble des sphères de la société. Le principe même de gratuité pose des problèmes éthiques. Le geste peut être associé à une forme de charité, le travail non rémunéré à de l’exploitation. L’argent est devenu, en plus d’un système d’échange, un moyen d’affranchissement et de lutte pour l’égalité. Alors même que la notion de marché fait partie de notre quotidien, l’idée d’un service gratuit nous semble étrange et soulève des débats virulents sur la nature humaine et le fonctionnement de nos sociétés.
Si la notion de gratuité est si complexe, c’est parce qu’elle porte en son sein la reconnaissance et la construction d’un lien entre les individus. L’échange non monétaire accorde une place centrale à l’autre. L’individu trouve dans le comportement de don une récompense, et sait que l’action est efficace seulement si les autres se comportent de la même façon. C’est ce sur quoi se fonde l’économie collaborative.
Boutique sans argent, magasin pour rien
On voit fleurir depuis quelque temps différentes pratiques d’économie collaborative à l’image des incroyables comestibles, potagers urbains où les récoltes sont mises à la disposition gratuite de tous, les repairs café où des réparateurs bénévoles aident à réparer certains objets, ou encore les donneries qui permettent aux individus de donner ou de prendre des objets gratuitement.
L’idée de monter une Boutique sans argent à Paris est née suite à la découverte du Magasin pour rien de Mulhouse, premier freeshop (officiel) de France. Tous les freeshop reposent sur un même principe : l’absence totale de transaction monétaire (même de monnaie alternative) ou de troc (on n’échange pas un objet contre un autre). La règle : on donne, on reçoit, rien n’est attendu de vous, vous n’attendez rien des autres. Théoriquement. Car si ce système fonctionne, c’est bel et bien parce que l’homme, consciemment ou inconsciemment, ne peut rester indifférent au don et ressent le besoin de donner en retour. La générosité est contagieuse. Alors oui, au Zigua-Zigua, on insiste sur le fait que ce n’est pas un échange, qu’aucune contrepartie n’est attendue, que c’est un don pur. Mais voilà, pouvoir prendre gratuitement, ça pousse à donner. Si dans un monde où l’argent est roi le manque génère une compétition dans laquelle « moins il y en a pour toi, plus il y en a pour moi », dans l’économie du don, la transmission est primordiale : « tu es gagnant, je suis gagnant, plus pour toi, c’est plus pour moi ». Les gens savent donc que leur don reviendra à eux un jour, sous une autre forme.
« Ce n’est pas du troc, c’est du don. Si vous n’avez rien à donner, vous pouvez tout de même faire un petit tour et peut-être trouverez vous votre bonheur… Tous les objets sont les bienvenus (vête-ments, livres, petits appareils électriques, accessoires, etc.), vérifiez simplement qu’ils soient en bon état, propres et transportables à la main. » (La Boutique sans argent.)
Après avoir développé plusieurs « zones de gratuités » dans différents évènements comme Le Festival des Utopies Concrètes ou le Free Market de Paname, l’association la Boutique sans argent a posé ses bagages dans le 12e arrondissement de Paris, au Zigua-Zigua. Un lieu idéal pour mener à bien leur projet : sortir le quartier de ses logiques égocentriques et consuméristes, créer un lieu à part, rempli de générosité et de partage, lutter contre l’exclusion sociale et économique, et créer une réelle communauté. Ces projets à première vue utopiques ont fait leurs preuves puisque le plus vieux freeshop à été créé au Canada en 1978 et qu’ils n’ont cessé de se développer depuis.
La Boutique sans argent, le magasin pour rien, deux structures qui prônent la décroissance. Mais dans quel but ? Questionner les dérives du système capitaliste, s’émanciper d’un pouvoir capitalisé, récupérer une autonomie d’action, et peut-être, prouver que la place accordée à l’argent n’est que le résultat d’une vieille idéologie, que l’essence des être humains est ailleurs.

Petites boutiques, grandes ambitions
Le projet de la Boutique sans argent s’inscrit plus précisément dans l’économie du don, dont le principe est de nouer des liens sociaux d’autant plus forts qu’ils sont construits sur le don désintéressé. Faire naître une importante reconnaissance vis à vis du donneur, qui va conduire la personne qui a reçu quelque chose à faire un don à son tour.
Dans A circle of gifts, Charles Eisenstein montre que la communauté est impossible dans une société monétisée, parce que la communauté est tissée de dons. Aujourd’hui, plus besoin d’un voisin maçon à qui demander service, puisqu’on a de l’argent pour payer un maçon. Nous n’avons plus besoin des personnes qui nous entourent, mais du savoir faire d’un tiers. Nous devenons donc rem-plaçables. Le Zigua-Zigua, en prenant en compte cette réflexion, va structurer son approche selon le modèle du « cercle de dons ». La boutique sans argent va mettre en place un programme de partage des savoirs et savoirs faire de chacun, et va, dans le même temps, favoriser la création d’une communauté plus forte. Cette communauté serait donc une solution à la fragilisation des liens sociaux. Nous devenons interdépendants à une échelle locale, et non plus dépendants d’inconnus ou d’institutions.
La volonté de recréer du lien social n’est pas la seule préoccupation de ces structures qui sont également impliquées dans la protection de l’environnement. Elles voient dans l’économie du don un moyen de réduire la production de déchet et de ralentir la croissance économique. En réduisant la croissance économique, on réduit les dégradations environnementales, et on protège les biens qu’il reste.
Ces structures veulent montrer qu’il est possible de développer un nouveau type de civilisation, où l’humain serait au coeur. Ces économies alternatives améliorent pour le moment à l’échelle d’un quartier la vie des habitants, s’impliquent pour la défense de l’environnement et remettent en question nos modes de fonctionnement. Trois principes : gratuité, réemploi, solidarité.
Victoire Coquet
Sources: 
Charles Eisenstein, préface au Moneyless Manifesto
Charles Eisenstein, A Circle Of Gifts
http://laboutiquesansargent.org
http://www.mcm-web.org
Crédits images :
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