Com & Société

La peur par la communication: la méthode Daesh

Le terrorisme est un ensemble d’actes de violence qu’une organisation politique exécute à l’encontre d’une société, afin de la désorganiser et de créer un climat d’insécurité, de sorte qu’une prise de pouvoir soit possible. Le mot trouve ses racines étymologiques dans la France révolutionnaire du XVIIIè siècle. Il désignait alors la doctrine partagée par les partisans du régime de la Terreur. C’est donc dès l’origine un mot à connotation politique. Aujourd’hui, le terrorisme désigne des groupes politiquement formés et organisés tels que le groupe Etat Islamique et AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique), qui s’appuient sur une interprétation fondamentaliste du Coran, militant pour un Islam qu’ils considèrent comme pur, originel. Un prétexte pour mener le Jihad de l’épée, c’est-à-dire une lutte armée contre les infidèles, l’Occident, au nom d’une entité religieuse unique. Les méthodes du terrorisme au XXIème siècle utilisent aujourd’hui les mêmes recettes discursives qu’autrefois : instiller la peur, par les mots et les actes plutôt que de combattre frontalement ses cibles. Cette peur est instrumentalisée dans le but de soumettre les opposants et de faire adhérer à l’idéologie de potentielles recrues.
L’instrumentalisation de la peur par le discours politique
Selon Manuel Castells, dans Communication et Pouvoir, le discours et la violence sont deux instruments du pouvoir, utilisés pour asseoir une domination. Le discours permet de construire du sens, donc des valeurs, des intérêts, une idéologie à suivre. La violence est légitimée – du moins rationalisée par le discours produit. A l’inverse, le discours trouve un poids et un écho supplémentaire dans un appel à la violence. Le terrorisme passe ainsi par la communication et par les actes de violence afin d’introduire un rapport de domination vis-à-vis des populations ciblées, ce qui leur donne l’ascendant dans la relation.
De plus, la cognition politique, soit le traitement des informations, est façonnée par les émotions. Les émotions fortes – et en politique tout particulièrement l’enthousiasme et la peur – renforcent notre attention. Ainsi, l’utilisation de la peur par les terroristes procède d’une tactique politique, poussée à son extrême par une communication menaçante et terrorisante et par des actes de terrorisme.
Dans quel but ?
La peur, oui, mais pour quoi faire ? Le but du terrorisme est, premièrement, la conquête physique de territoires sur lesquels étendre sa domination et, deuxièmement, la conquête des esprits et des cœurs. L’un ne va pas sans l’autre puisqu’il faut convaincre de nouveaux combattants qui aideront sur le terrain. Ces deux objectifs sont d’ailleurs mentionnés dans le discours du 4 juillet 2014 d’Abu Bakr Al-Baghdadi, le leader du groupe Etat Islamique. Adressé à tous les musulmans du monde, ce discours les incitait à rejoindre le « nouveau califat » et à faire allégeance au groupe.
Le but d’une communication axée sur la peur est de soumettre les populations visées, de susciter leur peur, pour paralyser mais aussi de diffuser leur idéologie et de recruter. Le terrorisme est donc très dépendant de la communication. Ce qui compte en effet, n’est pas tant l’acte terroriste en lui-même, que la diffusion et la médiatisation de la terreur. Comme au théâtre, la présence du spectateur est essentielle pour propager l’histoire. C’est par ce biais que les groupes terroristes vont marquer les esprits et créer la paralysie, liée à la peur de la mort, nécessaire pour anéantir toute réflexion, toute révolte.
Une guerre psychologique
La réussite du groupe Etat Islamique à convertir au-delà de leur zone d’influence tient en partie à leur utilisation de tous les moyens de communication actuels. Ils sont présents sur tous les supports : Internet, télévision, print, grâce à leurs propres canaux d’information et aux réseaux sociaux. Certaines agences de communication islamistes radicales comme As-Sahab ou Al-Boraq, créées par Al-Quaïda diffusent leurs messages. Le groupe Etat Islamique édite et diffuse plusieurs magazines dont Dabiq ou Dar Al-Islam, littéralement « domaine de la soumission à Dieu », écrit en français.
La propagande djihadiste passe avant tout par les images : les photos glorifiant les combattants et les vidéos mettant en scène des exécutions sommaires. Cette théâtralisation est particulièrement flagrante avec la vidéo mise en ligne en juillet de la mise à mort publique de soldats syriens au sein de l’amphithéâtre de la ville antique de Palmyre.

Les médias font partie intégrante de la stratégie du groupe Etat Islamique pour propager la peur dans nos sociétés, pourtant géographiquement éloignées de son territoire. Cette stratégie s’appuie sur notre fascination pour les images et le jeu du sensationnalisme chez les médias pour monopoliser l’attention et créer la sidération. Les actes terroristes trouvent ainsi un écho dans les médias, qui font résonner sur le long terme la portée de leur action.
Quand la terreur descend dans nos rues
Enfin, la terreur ne passe pas uniquement par les discours. Les groupes terroristes la font descendre dans nos rues. Les attentats touchent directement les populations et servent de rappel au discours jusque-là prononcé et mis en scène. Ils jouent sur l’effet de proximité. Les attentats sont des prises de conscience directes que la terreur n’est pas seulement formalisée, elle est aussi appliquée.
Les attentats s’appuient avant tout sur la symbolique pour marquer les esprits. Le lieu des attaques est choisi rationnellement par leurs auteurs : Charlie Hebdo à cause de ses portraits du prophète et Eagle of Death Metal, groupe qualifié de sataniste, véhiculant des valeurs négatives. Le symbolique ajoute une dimension supplémentaire à l’acte en lui-même, qui marque davantage les esprits. On retrouve également ce symbolisme dans les discours d’accompagnement : la manipulation des mythes arabes, des références religieuses (le Coran) et de références historiques (le retour au Califat, âge d’or de la civilisation arabo-musulmane). Les noms autoproclamés des terroristes et des membres des organisations sont également d’une grande importance. Par exemple, le chef suprême du Califat, a pris le nom d’Al-Baghdadi. Il s’agit d’un titre accordé à l’élève qui a suivi un cursus d’études religieuses à l’Université de Bagdad, un titre qui lui donne sa légitimité. Enfin, la couleur
funeste du noir choisie pour leur tenue et leur drapeau de ralliement fait également partie de la stratégie de communication de propagation de la peur, associée à l’obscurité qui effraie.

Ainsi, la stratégie de communication des groupes terroristes tels que Etat Islamique se résume en quelques mots : diffuser la peur au-delà des zones d’influences directes (Irak et Syrie) afin de recruter de nouveaux membres et paralyser les sociétés occidentales. Cette stratégie n’est pas seulement abstraite puisqu’elle passe également par des actes terroristes. Non seulement ces groupes terroristes veulent que l’Occident les craigne, mais ils souhaitent également désagréger nos sociétés en propageant la peur de l’autre et notamment celle des migrants en provenance des zones de conflits, des musulmans et des personnes d’origine arabe. Cette peur-là fait donc partie de leur stratégie : y céder signifie céder à leur idéologie.
Julie Andréotti
Sources :
Les Inrocks, Pourquoi la lutte contre Daesh doit d’abord passer par les mots, 26/11/2015 
Aleteia, Le Grand entretien (1/3): Alexandre Del Valle: « Daesh veut provoquer un syndrome de Stockholm généralisé en Occident, 2/12/2015
RT France, Daesh: une exécution massive à Palmyre, 5/07/2015
Télérama, la vidéo: arme de communication massive de l’État Islamique, 2/12/2015
Le Figaro, l’Etat Islamique a une identité de marque très travaillée, 18/02/2015 
L’obs, Daesh, la propagande de la terreur, 7/03/2015
Le Monde, Au procès du cyberjihadiste Al-Normandy: « pour moi, ce n’était que des textes », 6/03/2014
Huffington Post, Daesh: la terreur par l’image, 17/02/2015
Mediapart, Les rouages de la communication terroriste: comment comprendre les enjeux de la terreur, 25/11/2015
Youtube, France 24, Quels sont les principaux messages du discours du chef de l’EI Al- Baghdadi ? 
Crédits photos: 
Le Figaro 
Le megazoom 
 

Flops

Souvenez-vous d'oublier

Qui n’a jamais été tenté d’improviser une séance de spiritisme « juste pour voir » ? La tentative de s’affranchir de la contrainte ontologique n’est pas nouvelle. N’en déplaise aux amateurs de science-fiction, certains scientifiques vont même plus loin encore : ils réfléchissent à communiquer non pas avec le passé, mais avec le futur.
La construction d’Onkalo (« caverne » en finnois), projet validé jeudi 12 novembre 2015 par le gouvernement finlandais, s’inscrit pleinement dans cette problématique inédite. Il s’agira du premier site d’enfouissement permanent de déchets nucléaires radioactifs, une véritable petite ville souterraine composée de cinq kilomètres de galeries plongeant jusqu’à 500 mètres sous terre.
Sous nos pieds, le sanctuaire, protégé de l’instabilité de la surface (guerres, crises économiques, catastrophes naturelles, etc), a pour objectif d’assurer la destruction naturelle de la radioactivité des déchets. En d’autres termes, la durée de vie du site d’Onkalo doit être d’au moins 100 000 ans. Un véritable défi quand on sait que l’homme n’a jamais rien construit qui ait duré plus d’un dixième de ce temps.
Si ce projet pose effectivement de nombreuses questions purement techniques, il interroge également la communication à travers le prisme d’une temporalité à peine saisissable pour l’esprit humain. Comment faire comprendre aux êtres humains d’un lointain futur (compris entre 100 et 100 000 ans) que leur intrusion dans le site d’Onkalo n’est pas souhaitable puisqu’elle peut potentiellement être apocalyptique ? Comment expliquer le problème des déchets nucléaires radioactifs à une civilisation qui ne parlera pas la même langue, ne partagera pas les mêmes valeurs, ni les mêmes savoirs ?

Une photo pas très sexy, pour un projet pas très sexy..
On marche sur des œufs (t’aimes bien les omelettes ?)
L’environnement est si complexe, les comportements si imprévisibles, que les tentatives d’anticiper les évolutions des sociétés humaines sont, sinon vaines, en tout cas très fragiles (sauf pour Madame Irma). On ne peut même pas prédire dans quelle direction évoluera l’humanité : le progrès technique va-t-il se poursuivre indéfiniment ou au contraire va-t-on retomber dans un nouvel « âge de pierre » ?
Face à tant d’incertitudes, les scientifiques qui se sont penchés sur la question de savoir comment informer les générations (et civilisations) suivantes de ce lourd héritage qu’est Onkalo, se divisent en deux écoles.
Il y a, d’une part, ceux qui pensent qu’après avoir définitivement fermé Onkalo d’ici 2100, le site doit sombrer dans l’oubli. Ils partent du principe que la probabilité qu’une « intrusion humaine » se produise est finalement très faible et que tout indice sur l’existence du sanctuaire serait contre-productif puisqu’il ne ferait qu’augmenter cette probabilité.
A contrario, il y a ceux qui croient en un devoir d’informer les futurs humains en laissant ce qu’ils appellent des « marqueurs ».
Cher Papa Noël, je voudrais…un média inter-temporel
Dans ce cas pratique, c’est finalement la question du média qui est posée par les scientifiques qui se prononcent pour la mise en place de « marqueurs », en considérant le média comme un dispositif matériel qui configure une modalité d’échange. La problématique entourant le média semble s’être déplacée de la volonté de transcender l’Espace, c’est-à-dire d’abolir les frontières, vers l’ambition de dépasser l’indépassable : le Temps.
Certes, l’écriture est le premier média qui a permis à l’homme de s’affranchir des contraintes spatiale et, dans une certaine mesure, temporelle. Mais ce dépassement reste en pratique cantonné à des échelles de temps appréhendables. Or, il est ici question d’un temps plus géologique qu’humain. L’axe ci-dessous, inspiré par le très intéressant film-documentaire Into Eternity réalisé par Michael Madsen, permet de mieux cerner l’ampleur du projet.

Le pouvoir des archives contre la force obscure radioactive ?
Tenir informées les générations suivantes par l’archivage, par une externalisation de la mémoire en un sens, serait en fait un retour à la case départ. Le site d’Onkalo a été construit avec pour idée qu’après sa fermeture définitive prévue en 2100, il sera rendu totalement indépendant et ne requerra donc plus aucune intervention. C’est bien cette passivité absolue du site qui en fait une solution séduisante. Or, de la même façon que les entreposages provisoires actuels, les archives demandent une mise à jour régulière des informations mais aussi de la langue. Selon une étude de l’UNESCO (1997-2002), pas moins de 5500 langues sur les 6000 existantes disparaîtront d’ici un siècle, et se rangeront aux côtés desdites « langues mortes »*. Peut-on ainsi raisonnablement espérer une continuité de ce travail sur des milliers de générations à venir ?
La communication sauvera le monde !
Un des problèmes principaux dans la volonté d’informer sur l’existence du site par des « marqueurs », serait le temps nécessaire au décodage. Le cas des pyramides égyptiennes, dont l’énigme n’a toujours pas été entièrement résolue, l’illustre bien. Déchiffrer le langage d’une civilisation ancienne demande patience et acharnement, même pour des civilisations marquées par le progrès scientifique. Or, la découverte d’une poubelle radioactive offre très difficilement ce temps de réflexion.
Cette limite inhérente à la théorie des marqueurs peut être dépassée en pensant la dichotomie entre information et communication. L’idée serait moins d’informer par des explications, scripturales ou picturales, sur les risques liés à la radioactivité et sur la cause de l’érection d’un tel site, mais d’essayer de créer un sentiment de crainte, de faire ressentir à l’aventurier malheureux qu’il s’agit d’un lieu inhospitalier et qu’il vaudrait mieux rebrousser chemin. Se pose ici la question de l’existence ou de la possibilité de mettre en place des formes de communication qui convoquent l’affect de manière universelle.

On enterre nos déchets… mais pas nos centrales
Puisque nos générations ont exploité l’énergie nucléaire, il nous incombe de trouver une solution pour mettre les déchets à la poubelle. L’idée du tombeau nucléaire est séduisante, notamment parce qu’il ne demande plus aucune intervention humaine. Nombreux sont les pays nucléarisés qui se penchent sérieusement sur la question. La France réfléchit notamment à la mise en place d’un tel stockage souterrain à Bure.
On peut tenter de croire qu’aucune « intrusion humaine » n’aura lieu pour ces 100 000 prochaines années sur le site d’Onkalo, mais ce pari reste-t-il statistiquement raisonnable si de tels sites d’enfouissement se propagent ?
De quoi remettre en perspective les théories qui prétendent pallier au réchauffement climatique à travers l’exploitation de l’énergie nucléaire.

Aline Nippert
@AlineNippert
Sources :
* LECLERC, Jacques. « La mort des langues » dans L’aménagement linguistique dans le monde, Québec, TLFQ, Université Laval, 10 mai 2012, [http://www.axl.cefan.ulaval.ca/Langues/2vital_mortdeslangues.htm], (16 décembre 2015).
– Into Eternity, Michael Madsen (2010)
– Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2015/11/12/97002-20151112FILWWW00263-nucleairedechets-1er-site-de-stockage-eternel.php
– Industrie et Technologies : http://www.industrie-techno.com/l-enfouissement-des-dechets-nucleaires-le-choix-de-tous-les-pays-nuclearises.40944
Crédits images :
– Into Eternity, Michael Madsen (2010)
– http://sanjindumisic.com/onkalo-spent-nuclear-fuel-repository-future-of-monuments/ 
– http://www.toonpool.com/cartoons/nuclear%20is%20good%20for%20you_44117
 

Invités

Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris: un événement hybride entre violence et communication

En une soirée, le 13 novembre dernier, les attaques de l’Etat islamique (EI) à Paris ont tué 130 personnes. Depuis 1980, 57 victimes d’attentats étaient à déplorer en France. Tout est dit. En janvier, la liberté d’expression, la laïcité, l’intégration, l’éducation avaient nourri les débats. Cette fois, la pensée s’est figée. Le mode opératoire a été sophistiqué. Il a synchronisé assassinats à bout portant et prise d’otage de plusieurs heures, ce dans des lieux différents et emblématiques de notre art de vivre. La mise en scène qui en a résulté rappelle à quel point le terrorisme se donne toujours en tant qu’hybride entre violence et communication. Elle souligne aussi, désormais, la propension de ce « spectacle » à s’inscrire dans notre système informationnel en continu. Outre la dimension communicationnelle dont elles sont donc porteuses, ces actions terroristes peuvent se concevoir comme le marqueur de deux mécanismes de redimensionnement simultanés et interdépendants : d’une part un décloisonnement géographique entre «  ici » et « là-bas », d’autre part une série de basculements politiques et psychologiques qui ne sont pas sans poser question.
En consacrant le continuum opérationnel entre « ici » et « là-bas », c’est-à-dire entre nos terrasses de café ou salles de concert et la géopolitique du Moyen-Orient, l’EI a exhibé sa marque de fabrique. Deux points sont ici essentiels. Premièrement, cette violence nomade, interne-externe aux Etats, située entre guerre de religions, d’intérêt et de civilisation, plonge ses racines dans tous les comptes non soldés des colonisations et prédations des empires qui se sont succédé et confrontés dans la région depuis l’Empire Ottoman. Deuxièmement, en pariant à la fois sur la radicalisation des populations d’origine arabo-musulmanes en Occident (et surtout en France) et sur un djihad de proximité contre tous les régimes « apostats » de la région, l’EI capitalise aussi sur la tendance répétée des grandes puissances à sous-estimer la capacité phénoménale du terrorisme islamiste à s’adapter à l’Histoire, à muter tel un virus (car l’EI n’est pas Al Qaida). D’autant qu’aucune des aventures militaires entreprises depuis 35 ans (de l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979 aux actuelles frappes aériennes en Syrie et en Irak) ne s’est jamais accompagnée du moindre projet politique crédible et constructif à l’attention des populations. Ensuite, la force d’attraction de l’EI conçu comme utopie, et son prestige auprès de ses cibles se nourrissent en permanence de deux processus : d’un côté une lutte militaire héroïque contre les aviations les plus puissantes du monde et de l’autre la « perte de sens » qui affecterait nos sociétés consuméristes et oublieuses de toute transcendance. En ce sens, l’irruption de la figure du kamikaze est porteuse un message : donner à sa propre mort un sens que sa vie n’aura jamais. C’est donc une combinatoire inédite qui confère au terrorisme de l’EI sa média génie macabre : un socle territorial irako-syrien à partir duquel une mystique de la conquête et une vision eschatologique de l’Histoire font que commettre des attentats à l’étranger signifie à la fois riposte militaire et propagande.
Pierre Nora a parlé récemment d’une « signification historique géante » dépassant la « péripétie ». Il est vrai que la profonde blessure collective infligée à notre démocratie induit une série de basculements politiques et psychologiques qui ne sont pas anodins au sein de notre société où le « nous » s’est fragilisé. La tension est inhérente à la rencontre entre Etat de droit et état d’urgence ; le lien est ténu entre désordre sécuritaire et désordre électoral. Alors que dire de la proclamation répétée d’un état de « guerre » par François Hollande ? D’ordinaire, toute crise appelle de la part des politiques des discours régulateurs qui oscillent entre logiques d’identification (émotion, pathos…) et stratégies de distanciation (rationalité, explication…). Si ces discours parviennent à construire une relation avec le public, ils vivifient l’image du politique. D’autant que les institutions de la Vème République y sont propices. L’embellie sondagière de l’Elysée le montre. Pourtant, la sociologie du terrorisme de l’EI évoquée plus haut ne peut que rendre très illusoire cette performance communicationnelle, car il est impossible de contrôler durablement l’interprétation qui sera faite (dans l’opinion, dans les médias) des tensions fatales qui sont à l’œuvre entre deuil et guerre, entre Etat de droit / état d’urgence. Surtout si d’autres actes se produisent.
Isabelle Le Breton
Maître de conférences au CELSA
LinkedIn 

MAAF
Flops

La plaisanterie a assez duré

Le mariage de l’humour et de la publicité n’est, malheureusement, pas toujours heureux. Ajoutez-y le rabâchage publicitaire, l’apparition ratée d’un humoriste célèbre ou encore la répétition d’un même schéma « humoristique » pendant plusieurs mois, voire plusieurs années: vous obtenez le parfait divorce entre un annonceur et le consommateur.
 De l’intérêt de l’humour en publicité
 Le rire est un ressort publicitaire très utile. Il permet d’attirer l’attention des consommateurs et de marquer les esprits. Faire rire c’est aussi donner l’occasion au consommateur de se libérer un instant des tensions quotidiennes. L’annonceur peut ainsi créer une relation de connivence avec le consommateur. Cette remarque s’applique d’autant plus aux publicités affichées dans des lieux que l’on peut qualifier d’hostiles comme le métro, où une pub amusante est une bouffée d’air frais pour les passagers.
En tant que véritable créateur de lien social, l’humour est un bon vecteur de publicité. Nicolas Guéguen, chercheur en sciences du comportement à l’université de Bretagne-Sud qui analyse l’importance du rire en société, rappelle d’ailleurs dans une interview donnée au Figaro que « Beaucoup de chercheurs considèrent le rire comme la première activité de partage de notre espèce humaine ». Il prend comme exemple une étude menée à Paris-V, mettant en scène une jeune fille au téléphone sur un banc public: l’expérience montrait que quand elle riait, les personnes assises sur le même banc restaient plus longtemps à côté d’elle que lorsqu’elle parlait sur un ton neutre. De même, une campagne de pub humoristique réussie génère du dialogue, les consommateurs la partagent volontiers avec leur entourage sans qu’on ait besoin de les y inciter.
 Humour: use with caution
Néanmoins il est tout aussi clair que le rire peut diviser et comme le dit Pierre Desproges « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». Séduire un maximum de consommateurs grâce à l’humour est, dès lors, un véritable défi pour les publicitaires. Il semble donc nécessaire de bien connaître les consommateurs ciblés par la campagne pour pouvoir adopter leurs codes et adapter le ton humoristique afin qu’ils y soient plus sensibles. L’âge, les références culturelles ou encore la classe sociale doivent être pris en compte afin que la blague ne fasse pas un flop.
Une campagne humoristique ratée, c’est l’assurance de voir les moqueries fuser, en particulier sur les réseaux sociaux. En permettant à chacun de donner son avis en -presque- toute liberté, ils ont accru la visibilité des feedback du public. Et s’il y a bien un réseau social qui n’épargne pas les flops publicitaires, c’est Twitter. Les twittos n’hésitent pas à clasher et même parfois à menacer les marques, les acteurs des pubs… Gad Elmaleh peut en témoigner. En effet, son apparition dans la campagne LCL en 2014 (dont on vous parlait déjà ici) a suscité une énorme vague de critiques et autres menaces. LCL affirme néanmoins que cette campagne a été bénéfique puisque le taux de mémorisation de la campagne est passé de  23 % pour la précédente campagne à 31 % fin septembre 2014. Le bad buzz dont la banque a été victime aurait donc servi ses intérêts ? Après tout comme le disait si bien Léon Zitrone: « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel c’est qu’on parle de moi ! »

Les humoristes sont-ils vraiment des plus-value pour les annonceurs ?
Pour l’annonceur, engager une star c’est s’assurer une visibilité auprès de son public et donc profiter de sa notoriété. Choisir un comique, c’est essayer d’apporter une caution humoristique à sa campagne publicitaire. Or, il paraît clair que si un humoriste peut nous faire rire sur scène, il perd généralement en crédibilité quand il le fait pour une marque. Le public sait bien que l’artiste ne fait pas de la publicité par conviction mais par intérêt, certains parlent même de « prostitution publicitaire ».
On peut penser à la publicité de Patrick Bosso pour Point S où l’on voit l’humoriste sur une scène, comme s’il était en plein one-man show: on s’attend à rire. Or, on ne retrouve pas l’univers habituel du comique. Il ne fait pas de blague ou de trait d’humour, il conseille seulement de se rendre chez Point S.

Les blagues les plus courtes sont les meilleures
 Ce vieil adage ne semble pas être accepté par tous. Il n’est, en effet, pas rare de voir des campagnes publicitaires humoristiques s’installer dans la durée. Est-ce vraiment une bonne idée ? Prenons l’exemple des publicités pour la caisse d’assurance MAAF. Ces publicités se veulent drôles et décalées, parodiant la série Palace conçue en 1988 pour Canal+.

 
Si cette campagne a pu plaire à ses débuts (elle a même été élue « campagne préférée des Français » en 2005), qu’en est-il après 11 ans de diffusion ? Les pubs MAAF font-elles rire les jeunes ? Il faut tout d’abord noter que la partie du public qui n’était pas concernée par la MAAF il y a 10 ans, les enfants et adolescents de l’époque, ont grandi. Et aujourd’hui, ce public ne semble pas y être très réceptif: une référence qui ne leur parle pas vraiment, un comique de répétition qui semble s’essouffler, une certaine lassitude après dix ans d’« Appelez moi le directeur ! » et de « Je l’aurai un jour, je l’aurai ! ». 
De son côté, LCL a lancé une nouvelle campagne début 2015, reprenant le même scénario, sans humoriste connu cette fois. Même si l’absence de Gad Elmaleh peut être perçue comme une bonne nouvelle, pour lui comme pour nous, la campagne ne prend pas vraiment auprès des consommateurs comme le montre bien le tweet ci-dessous. Et le fait de voir ces spots en boucle, avant chaque vidéo YouTube notamment, risque de nuire encore plus à la popularité de cette campagne.

Pour les générations X,Y,Z, qui ont grandi dans un monde où tout s’accélère, où tout change en permanence, ce schéma de publicité-saga ne semble pas fonctionner. Cela donne l’image d’une entreprise qui ne parvient pas à se renouveler, qui ne tient pas compte de l’évolution de sa cible. En bref, l’image d’une entreprise qui peine à s’adapter à son époque.
Clémence de Lampugnani
@ClemydeLamp
 Sources:
Article d’Olivier Drouin http://www.capital.fr/enquetes/revelations/ces-comiques-qui-s-en-mettent-plein-les-poches-avec-la-pub-950760
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1146032-gad-elmaleh-risee-du-web-sa-pub-pour-lcl-gros-malaise-ou-pas-si-nulle-que-ca.html
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/12/06/21620-rire-est-notre-premiere-activite-partage
Article d’Emilie Longin,  http://www.cbanque.com/actu/49976/publicite-lcl-repart-en-campagne-mais-sans-gad-elmaleh
Article de Veronique Richebois http://www.lesechos.fr/19/01/2015/LesEchos/21858-090-ECH_lcl-fait-son-retour-sur-scene.htm
http://aubert-storch.com/portfolio-item/maaf/
Crédits photos: 
Publicité MAAF 
Captures Twitter 

Tintin - Capitaine Haddock
Agora, Com & Société

"Nom d'une pipe en bois!" : petite apologie du gros mot

Qu’il soit vulgaire, injurieux, scatologique ou encore précautionneusement déguisé en euphémisme, le gros mot verbalise et dévoile l’émotion. Il remplit principalement une fonction « expressive ou émotive » au sens où l’entend Jakobson, c’est-à-dire qu’il tend à une « expression directe de l’attitude du sujet à l’égard de ce dont il parle. » Cette forme de « lâcher-prise » n’est pas toujours la bienvenue dans les lieux de débat politique et de confrontation des opinions privées. C’est alors toute la question de la légitimité et de la crédibilité d’une parole publique émue qui est soulevée à travers l’exemple précis de l’usage du gros mot.
Quand le gros mot se fait petit
Le gros mot a la vie dure et le chemin qu’il tente de se frayer dans l’espace public est semé d’embûches. Alors que la bienséance, la courtoisie et la retenue prêchent la bonne parole, le gros mot fait tache. Il est le mot qui choque, le mot de trop, celui qui scandalise et se fait remarquer jusqu’à frôler l’indécence. Lorsqu’il surgit du discours dans le théâtre médiatique du politiquement correct, il s’habille d’insolence et revêt son plus beau vêtement : la provocation. Proscrit par le bon usage, pointé du doigt comme outil linguistique indigne et licencieux, il est classé dans la catégorie des intolérables. Pourtant, il fait partie de ces rares termes à caractère démocratique qui échappent à la règle du marquage social. Il navigue à travers tous les milieux sociaux, sans exception. Semblable à un flagrant délit d’humanité, le gros mot s’inscrit dans un système sémiotique partagé par tous. Dans l’espace privé, grossièretés, insultes et noms d’oiseaux fusent à tout bout de champ, qu’importe les origines et les milieux sociaux. Le pape n’a-t-il pas déjà juré en se cognant le petit doigt de pied contre le coin d’un meuble mal placé ?
Cependant, le gros mot ne parvient pas à se faire accepter dignement dans l’espace public. La violence symbolique qu’il porte est jugée outrageante et semble mettre en péril l’acte même de communication. Il prend le risque de mettre un terme à l’échange, pousse dangereusement à la confrontation tant verbale que physique, peut délégitimer des propos bien choisis et faire crier à l’indignation lorsqu’il se fait insultant. Citons l’exemple de  Nigel Farage, président de UKIP (parti  indépendantistedu Royaume-Uni) s’écriant lors d’une session du Parlement européen que le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a « le charisme d’une lavette humide et l’apparence d’un petit employé de banque ».
Seuls les réseaux sociaux, qui échappent à la censure contrairement aux médias audiovisuels, semblent tolérer le recours au juron. Illustration avec le site Fbomb.co qui recense en direct l’emploi du terme « fuck » sur Twitter à partir d’une carte interactive.
« Mat » alors !
Le gros mot effraie non seulement parce qu’il est violent, mais peut-être surtout parce qu’il met à nu. Le mot est gros parce qu’il n’a pas été affiné, moulé, façonné pour un cadre lisse et ordonné. Il est celui qui est cru, brut, frontal, celui qui dévoile une réalité sans masque. Il est le grand absent de la plupart des discours politiques et intellectualistes qui font la part belle à la rhétorique et à la grandiloquence. Les stratégies de communication politique valorisent la retenue et la maîtrise des mots comme des émotions. Les dérapages outrageants ou grossiers ne pardonnent pas et font rapidement polémique. En témoigne l’entreprise de justification de Nathalie Kosciusko-Morizet après qu’elle a délibérément qualifié les climato-sceptiques de « connards » sur le plateau du Grand Journal.

C’est certainement à cause de son côté libertaire qu’il s’attire les foudres de la censure. Au printemps 2013, Vladimir Poutine s’en prend aux expressions grossières en interdisant leur usage au théâtre, dans les films et dans les médias russes. Les disques, œuvres littéraires ou artistiques contenant des grossièretés se voient habillés d’une étiquette mentionnant la présence de termes outrageants. C’est l’argot russe (appelé « mat ») qui est visé à travers cette loi. Le « mat » désigne à la fois l’acte sexuel, les organes génitaux féminins et masculins. Il est employé de manière quotidienne en Russie, par des ouvriers comme par des intellectuels. L’application de cette loi controversée vise à renforcer le conservatisme d’un État démesurément autoritaire qui se donne le droit de pousser dans l’oubli tout ce qui est au fondement de la démocratie.
Art et argot
Le gros mot s’érige alors en tant que véritable moyen de contestation et de contre-pouvoir. S’il a du mal à s’imposer en tant que tel dans les sphères médiatiques et politiques, il fait de l’art un nouvel espace public dans lequel il peut exprimer plus librement sa valeur émancipatrice. Il se fait déterminant dans le milieu du rap français qui, ayant acquis une certaine légitimité, le médiatise et en fait un allié. Par exemple, dans son titre « L’aigle ne chasse pas les mouches », le rappeur MC Solaar donne au gros mot une force nouvelle tout en permettant à la poésie de ne pas se scléroser.

De Médine à la Mecque, armé du stylo bic
Mon stylo nique, Sheitan et les ânes porteurs du style oblique
On dit qu’il faut battre le fer quand il est chaud
On dit qu’il faut battre le frère quand il est faux
Donc sur papier je couche.
À coup sur, je touche, fais mouche
Car l’aigle ne chasse pas les mouches !
Même s’il n’est pas une fin en soi, le gros mot est un outil langagier fort, capable d’éveiller les consciences et de signifier à un collectif des émotions personnelles. Il est la rondeur sur laquelle on s’accorde ou se désaccorde, ce « trop plein de sens » qu’on prononce tous et qui quelque part, nous lie à travers l’acte de parole. Certains s’entêteront à ne pas reconnaître les valeurs qu’il porte mais finalement qu’importe, car comme dirait Brassens: « le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est con, on est con ».
Émilie Beraud
LinkedIn 
Sources :
Huffington Post: « Poutine interdit les gros mots »
Le scan politique du Figaro, « Pour NKM, les climatosceptiques sont des « connards » »
Thierry Paquot, L’espace public
Crédits photo:
http://www.madmoizelle.com/
 
 

Meme cat
Com & Société

Adopte un lolcat

Les chats les plus drôles d’Internet débarquent dans la communication. Un doux mélange entre le rire, LOL, acronyme de Laughting Out Loud, et le chat, nous donne le lolcat, une sorte de chat rigolo. D’un phénomène a priori spontané et sans visée commerciale, il est devenu un réel atout de communication. Pourquoi ?
Le vieux chat fait la grimace
Si le lolcat paraît récent de seulement quelques années, son origine remonte en fait à la fin du 19e siècle, lorsque le photographe américain Harry Whittier Frees immortalisait des chats déguisés.

Le lolcat n’est pas à confondre avec le chat mignon, autre phénomène du web, comme le souligne André Gunthert, maître de conférence de l’EHESS, dans l’émission de Sonia Devillers, l’Instant M du 27 novembre sur France Inter. Développé notamment par le site 4chan.org., une plateforme d’échange en ligne connue de tous les geeks, le lolcat est devenu un mème, autrement dit une image reprise et déclinée par les internautes. Devenu viral dans le milieu des années 2000 et reconnu officiellement dans la presse depuis 2007 avec un article que lui consacre le Times, il répond à certaines caractéristiques. Il s’agit d’une photo d’un chat drôle, mignon ou en situation de détresse accompagné d’une légende humoristique, le tout ayant vocation à susciter le rire. Le texte, un commentaire qui est superposé à l’image en police Impact ou Arial black, est indissociable de celle-ci. Il est écrit dans un langage particulier, souvent bourré de fautes, pour en rajouter à l’effet comique.

Parce que ça fait du bien
Se moquer d’un chat rigolo, qui de plus s’exprime mal, ça fait du bien. Le phénomène d’anthropomorphisme du chat humanise le lolcat et nous permet ainsi de dire des choses sur nous que nous ne dirions pas autrement, de se moquer sans se sentir directement visé. André Günter précise qu’aujourd’hui nous ne pouvons plus nous moquer de certaines catégories de la population, alors nous le faisons avec des chats, car eux sont neutres. Il ajoute que cette pratique est loin d’être neuve, c’est le principe même des Fables de La Fontaine, qui humanisent des animaux pour en tirer une morale sur l’humain.
C’est aussi le caractère universel du lolcat qui fait du bien. Compréhensible par tous, il crée du lien social comme « une soupape de décompression, un îlot de drôlerie dans un monde violent » propos d’Anaïs Carayon, rédactrice en chef de Brain magazine et autre invitée de l’Instant M. Son universalité le rend fédérateur et offre ainsi aux communicants qui l’emploient une plus large cible.
Lol-communication
Si les lolcats sont un phénomène créé par et pour les internautes dans un but non commercial, ils ont vite été mis au profit d’activités lucratives. L’un des chats les plus connus d’Internet, GrumpyCat – le « chat grincheux » – a même aujourd’hui un manager puisqu’il a généré l’an passé plus de revenus que Brad Pitt, seulement en produits dérivés. En effet l’acteur gagne environ 25 millions d’euros par an, lorsque GrumpyCat a rapporté l’an passé plus de 80 millions d’euros à sa propriétaire, n’étant connu que depuis 2012.

Mais les lolcats ont aussi été récupérés par la communication. Certaines marques alimentent leurs comptes sur les réseaux sociaux de lolcats, pour créer une certaine proximité avec leurs abonnés, comme le fait Cdiscount sur sa page facebook. Les community managers de la marque alimentent le profil de lolcats accompagnés de messages pour leurs abonnés, dont le but n’est pas directement d’appeler à la consommation de la marque mais d’entretenir une relation positive avec une communauté d’abonnés qui sont des clients éventuels.

Déclinés en vidéos, ils servent plusieurs campagnes. C’est le cas de GreenPeace, qui se sert des « petit frères » des tigres, les chats, pour sauver cette espèce en danger. L’enjeu est d’autant plus important qu’il s’agit d’une ONG, les ressources étant moindres et soumises à des aléas. Pour une communication originale et décalée, basée sur le rire et pourtant totalement dans le thème des animaux, le lolcat est l’arme efficace.
 

 
Les lolcats présentent des avantages évidents en terme de communication, à commencer par leur universalité et leur transculturalité. Aucun prérequis nécessaire pour comprendre le lolcat, si ce n’est la compréhension d’un minimum d’anglais, quand ils ne sont pas traduits. Le lolcat est aussi un moyen de communication rapide dans un monde de l’instantané : une image accompagnée d’un commentaire bref qui suscite un rire immédiat. Il est question de caricature, de décompression par l’humour, une communication assez facile mais un atout pour séduire les jeunes générations.
Le lolcat contre le terrorisme ?
Après une légère baisse de popularité des lolcats, ils sont revenus en force avec le hashtag #BrusselslockDown, lancé par les belges suite à une demande de la police de ne pas diffuser de photos de l’opération en cours le 22 novembre dernier pour empêcher une éventuelle attaque terroriste dans la capitale. La réaction des internautes : diffuser et partager des images de chats. Lolcats et chatons mignons se sont mélangés, certains au ton ironique, pour dénoncer la censure des forces de police. Malgré ces dénonciations, le chat a plutôt servi a créer du lien, à se détendre un peu dans une ambiance qui n’était pas à l’humour.
Coïncidence malheureuse, le lolcat, et le chat en général, ont aussi servi d’outil de communication à Daesh. Utilisé notamment par la communauté qui fait la promotion de l’organisation Etat Islamique, les lolcats sont représentés avec des armes ou à coté d’images de personnes tuées par l’organisation. Pour les âmes moins sensibles qui voudraient approfondir la récupération des lolcats par l’organisation terroriste, Arte en parle ici
Se détendre seul ou à plusieurs, créer une communauté, défendre une cause plus ou moins noble : le lolcat est partout. Mais il n’est pas le seul animal humanisé à envahir Internet. Depuis peu les stars du web sont aussi des chiens, à l’image de Doug the Pug ou Doge, les nouveaux copains de GrumpyCat, tout aussi productifs en produits dérivés.
Adélie Touleron
LinkedIn
 
Sources :
France Inter, l’instant M: « le pouvoir du chat »
Huffington Post, Les « lolcats » à l’honneur pour la journée international du chat
Arte, Etat islamique: la sainte armée des chats
 
Crédits:
http://i.imgur.com/
http://knowyourmeme.com/memes/sites/cheezburger
http://lejournaldessorties.com/wp-content/uploads/2014/03/harrywhitterfrees7.jpg
 

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Invités

"Emmenez vos enfants voir des gens tout nus" VS Take me (I'm Yours): vous reprendez bien un peu d'art ?

Force est de constater que les stratégies communicationnelles et structurelles évoluent dans le monde de l’art. Ces dernières semaines, deux exemples représentatifs des ces évolutions nous ont été donnés. Les parisiens ont pu en effet être les spectateurs, dans le métro, de campagnes publicitaires singulières.
Mais avant cela, rappelons que les rapports entre publics et arts n’ont jamais été évidents, et à l’heure d’une société de consommation exacerbée, le manque de glamour de l’art classique ne joue pas en la faveur d’une simplification de ces rapports.
Il faut néanmoins remarquer la naissance d’une nouvelle forme d’art: en effet, n’importe qui peut s’approprier le titre d’ artiste grâce aux applications de photographie telles qu’Instagram : le glamour reprend vie, devient art et le voilà qui confère à présent à l’image des qualités artistiques ! Mais dans quelle mesure cette dernière, rapidement produite, rapidement exposée, et consommée à la même allure peut être être classée dans le monde de l’art ? C’est un autre débat, mais on voit que le jeu de l’artiste est de plus en plus répandu, et que l’art est devenu l’affaire de tous, produite et consommée par tous.
De fait, il faut observer les modifications opérées au sein même du monde de l’art : j’entend par là le monde institutionnalisé, celui qui correspond à des règles définies et qui, par essence, est moins glamour. Et bien les choses changent! Mais dans quel sens ? Prenons deux ovnis qui ont fait surface dans les couloirs du métro parisien entre les mois de septembre et novembre : d’une part, la campagne de publicité du Musée d’Orsay et du Musée de l’Orangerie et d’autre part, celle pour l’exposition Take me (I’m Yours) prenant place à la Monnaie de Paris.

Le musée , c’est glamour
On observe ici deux campagnes étonnantes qui attirent l’oeil du badaud et c’est normal. La première fait sourire par son décalage (en effet, l’écart entre oeuvre classique et slogan provocateur ou faisant écho à des références très actuelles est décliné sous plusieurs formes : “Emmenez voir des gens tous nus” accolé sur un nu d’Auguste Renoir ou encore “Emmenez vos enfants voir ni Fast ni Furious” sur une carriole emmenée par un cheval de Douanier Rousseau). Ici, la campagne de pub menée par l’agence Madame Bovary veut inciter les parents à emmener leurs enfants découvrir les chefs d’oeuvres de la peinture, photographie et sculpture du XIX ème et début du XX ème siècle. Pour ce faire, cette campagne cherche à donner une nouvelle vision de l’art classique : tout d’un coup, aller au musée devient aussi cool qu’aller au ciné voir Taxi 7. Cet art là est alors montré comme de l’entertainment : la culture est accessible, consommable, standardisée. Venez au musée, c’est divertissant, venez au musée, vous ne serez pas perdus au milieu de références incompréhensibles, le musée c’est facile, (et ça se consomme comme tout le reste).
Mmm, Y’a bon l’art
De l’autre coté, nous avons Take Me (I’m Yours) qui succède à la Monnaie de Paris aux nains de Noël phalliques de la Chocolate Factory de Paul McCarthy. Take Me (I’m Yours) c’est un projet artistique conçu par Christian Boltanski et Hans Ulrich Obrist et recréé vingt après sa première exposition à la Serpentine Gallery à Londres. Ici, toutes les oeuvres sont à la disposition du spectateur, elles font lieu d’interaction entre celui-ci et les artistes, elles sont vouées à se disperser et à modifier chaque jour la forme de l’exposition. L’exposition prend fin avec la dissémination totale de ses oeuvres, emmenées par les spectateurs. Si cette exposition interroge la valeur d’échange de l’art, elle n’en est pas moins dérangeante, elle aussi. Et si le rapport de l’homme à l’art était réellement celui-ci, celui de la consommation? Et que cette relation n’était pas montrée du doigt, comme avec cette exposition qui propose un méta regard sur le lien homme-art, mais bien entretenue par nos institutions culturelles ? Il est dangereux de mettre en place ce type de performances complaisantes et de croire que les spectateurs y vont pour réfléchir sur la valeur d’échange de l’art. C’est bien ce types de performances qui entretiennent la dégradation du lien entre l’art et le monde, et le modifient : on n’est plus liés aux oeuvres par l’émotion, mais bien par la consommation boulémique de représentations.

I’m lost in the supermarket
Quand le premier cas s’adresse à un public large, en lui faisant miroiter la promesse d’un entertainment (les enfants vont être bien déçus en arrivant au musée), la promesse d’une culture facile d’accès, facile à consommer; le second cas s’adresse lui à une élite, qui a déjà vu les classiques, et qui recherche le moderne, le nouveau, la crème de la réflexion contemporaine sur l’art. Cette exposition, où tout s’emporte, est d’un ludique désarmant, et répond à cette demande actuelle par rapport à l’art : Allez-y, consommez ! Mais elle devient aussi un noyau de réflexion creuse de “spécialistes” qui ont déjà tout vu, d’une élite qui y va non pas pour prendre les objets mis à disposition du spectateur mais bien pour réfléchir sur l’éventuel impact de cette exposition.Néanmoins, quelle est la valeur réflexive de cet impact quand il produit l’effet probablement inverse de son but initial et participe bien au glissement de l’art vers la consommation, du musée vers le supermarché (c’est d’ailleurs Karl Lagerfield qui avait transformé le grand Palais en Chanel supermarket à la Fashion Week de mars 2014 – il avait déjà tout compris lui-). Un supermarché où on achète notre entrée pour faire le plein de références contingentes, qui s’envoleront dans les prochaines heures ou bien les prochaines semaines. Et si le musée devenait un médium qui transporterait les oeuvres de manière aussi fluctuante et rapide qu’Instagram ?
On n’attire pas les mouches avec du vinaigre, et quand le grand public et l’élite sont attirés par la même sauce dans laquelle les institutions font baigner l’art, celle de la consommation, il faut se demander une chose: l’art classique va-t-il disparaitre ? Plus personne ne pleurera jamais devant Le Radeau de la Méduse ? Est-ce la fin des rêvasseries face aux couchers de soleil de Monet ? On croit souvent que le temps forge les classiques en art, mais est ce que les classiques, obsolètes, ne sont attirants que s’ils sont montrés aujourd’hui comme des biens de consommation ?
Il faut espérer que la consommation ne soit pas le nouveau classique artistique. Et comme dirait Baudelaire :
“La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien. »

 
Maud Cloix
Crédits photos : 
Chanel Shopping center au Grand Palais, fashion week mars 2014 
Publicité pour  l’exposition musée d’Orsay et musée de l’Orangerie
Exposition Take me I’m yours, Monnaie de Paris
Eugène Boudin, Deauville, coucher de soleil sur la plage, 1893
 

Edito

L'union, par la communication

Alors que le bilan des attentats qui ont eu lieu vendredi soir s’alourdit d’heures en heures, l’équipe de FastNCurious tient à exprimer son soutien à tous ceux qui ont été affectés par ces évènements tragiques. Nous partageons le choc et l’effroi auquel vous faites face.
Nous adressons toutes nos condoléances aux victimes, qui, à Paris, Beyrouth ou ailleurs sont chaque jour plus nombreuses.
Les actes perpétrés hier soir sont ignobles. Ils touchent profondément la France et portent atteinte au vivre ensemble dans notre pays où la liberté est et restera une valeur essentielle qui motive chaque citoyen.
Le communiqué dans lequel le groupe Etat islamique revendique l’attentat qualifie le Président de la République française d’ « imbécile ». A travers son Président, c’est ici tous les citoyens français qui sont insultés par l’organisation Etat islamique. Entre un peuple motivé par les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité et un groupe d’extrémistes religieux répandant la mort sur leur passage au nom d’une religion qu’ils n’incarnent pas, nous ne préciserons pas qui pourrait être qualifié d’ « imbéciles ». Mais nous ne tomberons pas dans leur rhétorique, face à ces actes qui cherchent à nous diviser, restons unis.
Sur FastNCurious nous continuerons à dévoiler ce que cache la communication. L’exemple du groupe Etat islamique est révélateur, au-delà de ses attaques, l’organisation rejette la diversité, la pluralité de la société française et ce sous couvert de leur discours religieux. Ces actes visent à instiller la peur, à remettre en cause notre capacité à vivre ensemble. La lutte contre le terrorisme passe indéniablement par la compréhension des actes qui le motivent. L’impact de cette stratégie de la peur s’effondre dès lors qu’elle est dévoilée, et c’est à cela que nous allons travailler.
Nous n’avons pas peur. Et nous sommes unis.
L’équipe FastNCurious. 
Crédit image : Joann Sfar

JO Paris
Com & Société

#JO 2024: le poids de la communication digitale

Elles sont cinq villes candidates: Budapest, Hambourg, Rome, Los Angeles et Paris. Chacune d’entre elles propose un projet en adéquation avec les nouvelles orientations éthiques du Comité International Olympique (CIO) : innovation, respect de l’environnement et abaissement des coûts. Au delà de la pertinence du projet, il est déterminant d’obtenir l’adhésion des populations. Puisque ce sont les jeunes générations qui feront les Jeux 2024 et qu’elles passent aujourd’hui beaucoup de temps derrière leurs écrans, quoi de mieux que la communication digitale pour obtenir cette adhésion ?
Sur la ligne de départ : 5 villes disparates
Avec un budget réduit, Budapest ne part pas favorite. C’est qu’elle a affaire à une concurrence rude. Hambourg présente un programme axé autour de l’écologie qui pourrait séduire le CIO, mais ce n’est pas une capitale et les infrastructures permettant d’accueillir les Jeux y sont quasi inexistantes. Rome mise quant à elle sur un patrimoine culturel imposant ainsi que sur la mise en place du recyclage des installations des JO de 1960. Mais la peur des dettes et une récente affaire de corruption viennent mettre à mal cette candidature. En effet le scandale « Mafia capitale », un réseau de corruption au sein de l’administration principale, secoue la ville depuis qu’il a été démantelé en décembre dernier. Le réel poids lourd face à Paris est donc Los Angeles. En tant que ville organisatrice des jeux de 1932 et 1984 elle est un adversaire sérieux. Seulement, après l’Amérique avec l’attribution des JO 2016 à Rio et l’Asie avec celle des JO 2020 à Tokyo, l’équilibre voudrait que les JO 2024 soient attribués à une ville européenne. Dans cet perspective, Paris pourrait prendre l’avantage. Un budget à « taille humaine » de 6,2 milliards partagé entre financements publics et privés et infrastructures existantes, profitant des chantiers du grand Paris : la ville a une longueur d’avance.

L’atout clé pour obtenir les Jeux reste cependant l’engouement des populations. A cet effet, de véritables stratégies de communication sont mises en place, à commencer par une intense web-communication.
La communication digitale comme tremplin des candidatures
Réseaux sociaux et sites officiels : la bataille commence. Et elle s’arbitre d’abord en nombre d’abonnés. Rome domine sur Facebook avec ses 26 000 fans mais sur Twitter c’est Paris qui écrase la concurrence avec 17 000 abonnés, laissant loin derrière les 2 239 de Los Angeles ou, moins brillant, les 11 de Budapest. Sans être l’unique objet de la course aux jeux, le nombre d’abonnés reflète toutefois les stratégies de communication digitale des villes : avantage à Paris, là encore. Au delà des chiffres, Paris est aussi la seule à s’adresser aux citoyens en les prenant à parti: « avec vous, Paris se lance dans la course ».
Si Paris a autant d’abonnés tandis que Budapest peine à convaincre, c’est que chaque ville n’a pas la même stratégie. En effet la ville de Paris, bien qu’elle ait beaucoup d’atouts dans la course aux Jeux, doit obtenir l’adhésion de ses citoyens. C’est pourquoi elle mise d’ores-et-déjà sur une web-communication dense, présente sur les réseaux sociaux les plus influents. Ce que ne fait pas, pour l’instant, Budapest, qui prend ainsi un train de retard. Hambourg attend quant à elle les résultats du référendum qui doit sonder l’engouement de sa population le 26 novembre. Peut-être lancera-t-elle alors une campagne de web-communication plus intense.
Deux écoles pour les sites officiels : Budapest et les autres. Los Angeles, Rome, Hambourg et Paris ont des sites modernes, épurés et attractifs. A la vidéo de campagne de la première page succède un simple scroll pour découvrir d’autres informations. Paris se démarque encore en proposant de cliquer sur un « participer » dès la page d’accueil. Le site de Budapest s’illustre lui par un design accumulant des informations visuelles diverses, bien moins attractif donc.

Le rêve Parisien
Le rêve est le thème phare de la campagne de communication de Paris. Le slogan « Je rêve des jeux » est véhiculé par les plus grands sportifs français, répété par des enfants dans les publicités télévisées et inscrit sur chacune des publicités de la candidature de Paris.

 
Sur le site éponyme, une communication originale : le crowdfunding. Le financement participatif repose sur une démarche habile : la mise aux enchères d’objets appartenant aux meilleurs sportifs français, dédicacés et utilisés lors de grands évènements. Cette semaine on s’est ainsi disputé le maillot de Thierry Omeyer, porté lors des qualifications de l’Euro 2016 et dédicacé par celui qui a été élu meilleur gardien de handball de tous les temps en 2010, finalement adjugé à moins de 200€. L’originalité de l’appel au financement ne s’arrête pas là. Vente de rubans « je rêve des jeux » à 2€ et envoi de sms à 0.65€ : chaque participation compte.
Cependant, bien qu’en avance sur celle des villes concurrentes, la web communication de Paris reste à améliorer. Elle peine par son manque de dynamisme et de cohérence. Le site « je rêve des jeux » ne figure qu’en page 3 des résultats d’une recherche google « Paris 2024 ». Rares seront ceux qui s’aventureront jusque là lorsqu’on sait qu’une page 2 de Google est déjà reconnue comme « l’endroit idéal pour cacher un cadavre », pour citer un même devenu viral sur tweeter. Très faible visibilité donc. Autre défaillance : les comptes des différents réseaux sociaux ne redirigent pas dans leur description vers le site officiel. Un problème d’unité difficilement concevable. Le compte Instagram, pour sa part, mérite un bon point pour son unité visuelle et ses graphisme épurés et ludiques.

La communication digitale pour remporter les Jeux ? Paris s’est dotée du meilleur atout en terme de communication en la personne de Mike Lee, celui qui a réussi à faire basculer quasiment chaque campagne en sa faveur. Le directeur du cabinet de communication Vero a déjà décroché Londres 2012, Rio 2016 et la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Un vrai guerrier, son cabinet est connu pour ses méthodes peu tendres, capable de déstabiliser chaque adversaire. Son rôle est de crédibiliser la candidature de Paris auprès du CIO. Pour cela, il va connaître les 102 membres de l’organisation sur le bout des doigts car ce sont eux qui éliront la ville des JO 2024. Le poids lourd de la communication réussira-t-il à porter Paris jusqu’aux Jeux ?
Adélie Touleron
LinkedIn
Sources : 
http://www.lexpress.fr/actualite/sport/jo-2024-les-points-forts-et-les-points-faibles-des-adversaires-de-paris_1716079.html
JO 2024 : Un mois après l’ouverture de la course, Rome vire en tête sur Facebook et Paris sur Twitter
http://abonnes.lemonde.fr/jeux-olympiques/article/2015/06/25/paris-2024-la-boite-de-com-qui-fait-gagner-les-jeux_4661244_1616891.html
http://tempsreel.nouvelobs.com/sport/20150623.OBS1362/jo-2024-mike-lee-le-roi-du-lobbying-qui-peut-faire-gagner-paris.html
Crédits : 
Captures des comptes officiels de la candidature de Paris aux JO: Facebook, Instagram, Twitter 
AFP 
Site officiel de la candidature de Budapest 

Gluten
Société

Gluten : pourquoi tant de haine ?

« Est ce que c’est sans-gluten? » : ou comment résumer en 6 mots, dont un composé, la tendance qui sévit dans nos assiettes depuis quelques années. Car oui, nous avons tous, dans la file d’attente d’une boulangerie, à table dans un restaurant et même en attendant notre BigMac (ressentez le vécu qui s’exprime) entendu cette question. Mais comment la mode du gluten-free a-t-elle pu se répandre au point de s’intégrer complètement dans nos quotidiens ?
Gluten, qui es-tu?
Le gluten est une des protéines contenues dans le blé. Son intolérance, prouvée scientifiquement, est appelée « maladie coéliaque » et détruit progressivement la paroi de l’intestin grêle. Cependant, il existe également une forme d’hypersensibilité au gluten, c’est-à-dire que l’on observe une amélioration de l’état de santé des individus qui stoppent ou réduisent la consommation de cette protéine, sans pour autant que ceux-ci ne soient atteints de la maladie coéliaque. Aucune preuve absolue n’a aujourd’hui été apportée à cette thèse, ce qui n’empêche pas 5 à 10% des Français de s’auto-déclarer hypersensibles.
Il y a quelques années encore, les partisans du sans-gluten étaient assez marginaux, et pourtant, à voir la multiplication des enseignes de restauration et les marques qui se targuent de proposer des produits « gluten-free », un constat s’impose : le sans gluten est devenu un argument de vente solide et aguicheur, au même titre que le bio ou le local. Bien qu’aucune étude n’ait pu démontrer de façon indubitable que réduire ou stopper notre consommation de gluten ait une incidence positive sur notre santé, il faut bien l’avouer : le sans gluten, niveau marketing, a fait ses preuves. Le nombre d’intolérants au gluten est estimé à 1% de la population Européenne et Nord-Américaine et le marché génère plus de 2 milliards de dollars par an aux Etats-Unis. Autrement dit, c’est un marché bien foisonnant pour si peu de véritables intolérants au gluten …

 
Le gluten: partout sauf dans nos assiettes
Pourtant, malgré le flou scientifique qui plane sur la question du gluten, on retrouve le label « sans gluten » dans de plus en plus d’endroits, toujours plus insolites. Qu’il s’agisse de marques célèbres comme Cheerios, qui a lancé une gamme de céréales gluten-free, ou de toutes jeunes marques spécialisées dans le sans-gluten. C’est évidemment le secteur alimentaire et les cosmétiques qui sont les plus touchés par cette tendance. Plus surprenant, on la retrouve également sur des sites de rencontre comme Glut’aime, ou encore dans the Gluten Free Campaign, un projet dont le but est de réunir assez d’argent pour pouvoir acheter une île paradisiaque (oui, oui) où le gluten n’aura pas sa place.

 
Less is more…
Pour expliquer ce succès, il faut le lier à une tendance plus générale qui est celle du « sans » : la chimiste Ni’Kita Wilson explique au magazine Pure Trend : « Nous sommes dans une ère du marketing « sans » : sans parabens, sans parfum, sans huile, et maintenant, le petit dernier de la famille, le sans gluten ». Il semble que nos produits du quotidien ne peuvent devenir sains que par un retour aux sources. Il faut donc qu’ils se débarrassent de tous ces additifs qui ont été intégrés dans l’imaginaire collectif comme néfastes. Les marques ont bien compris qu’une grande partie des consommateurs (et généralement celle qui dispose d’un plus grand pouvoir d’achat) choisit ses produits en fonction de cette nouvelle variable. La santé et le bien-être sont les nouveaux critères de sélection de notre société d’abondance occidentale.
Comment le gluten-free vous envahit
Comment toute cette histoire a-t-elle commencé ? C’est en 2011 que le docteur Peter Gibson publie une étude, affirmant l’existence d’une forme d’hypersensibilité au gluten, créant maux de ventre et autres migraines. A partir de ce moment, c’est l’engouement et on voit se multiplier les formes de régime qui excluent la méchante protéine, notamment chez les people … Gwyneth Paltrow, guru du « healthy lifestyle » n’hésite pas à partager sur les réseaux sociaux ses nouveaux choix de vie (elle crée d’ailleurs la polémique en affirmant avoir supprimé les pâtes et le pain de l’alimentation de ses enfants). Elle finit même par publier un livre de recettes sans gluten, permettant aux intolérants et hypersensibles de se régaler en prenant soin de leur santé. Et c’est surtout ce type de personnalités, avec une forte présence médiatique, qui a pu donner de l’importance à ce mouvement. Novak Djokovic (qui a d’ailleurs sorti un livre sur son régime sans gluten), Oprah Winfrey, Lady Gaga ou encore Victoria Beckham sont tous adeptes de cette tendance et n’hésitent pas à le partager … A chacun la figure people qui le convaincra peut-être de franchir le cap de l’alimentation gluten-free.

Une chose est sûre : quand bien même la tendance s’essoufflerait (notamment à cause de son prix relativement élevé), une autre prendrait sa place et le cycle merveilleux des modes et tendances de consommation continuerait… Après le sans gluten, who’s next ?
En attendant : bonus !

Sana Atmane
Sources : 

http://www.lexpress.fr/styles/saveurs/faut-il-ceder-a-la-folie-du-sans-gluten_1106427.html
http://okmagazine.com/get-scoop/gwyneth-paltrow-shares-how-going-gluten-free-changed-life-her-family/
http://www.puretrend.com/article/des-cosmetiques-sans-gluten-pour-quoi-faire_a80429/1
http://www.lsa-conso.fr/gerble-et-novak-djokovic-s-associent-autour-du-sans-gluten,170541
Vanity Fair n°26 (août 2015)

Crédits images : 

– Cheerios
– Gerblé
– Alimentation Générale

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