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Ce n’est plus un secret depuis quelques mois, Netflix, géant américain de la VOD par abonnement (ou S-VOD), souhaite s’implanter dans l’hexagone d’ici à l’automne 2014.
Ce n’est plus un secret depuis quelques mois, Netflix, géant américain de la VOD par abonnement (ou S-VOD), souhaite s’implanter dans l’hexagone d’ici à l’automne 2014.
Tant sur le plan économique que culturel, l’Inde n’a de cesse de s’imposer sur la scène internationale. Depuis une vingtaine d’années, en effet, elle connait un essor économique notable. Aussi attire-t-elle de plus en plus entreprises et capitaux étrangers. Le jeudi 19 décembre 2013, c’est au tour de Christie’s, la société britannique de ventes aux enchères fondée par la famille Pinault, d’investir les lieux. Cette première vente aux enchères sur le territoire indien a remporté un franc succès. A Bombay, ville qui dans laquelle réside près d’un milliardaire sur trois, les œuvres se sont arrachées notamment celles d’art moderne indien, qui est devenu une valeur refuge.
Loin d’être anecdotique, cet événement confirme une fois de plus la nécessité pour les entreprises de conquérir les marchés de ces pays émergents, qui constituent une manne économique et financière encore sous-exploitée. Grâce à son implantation récente en Chine et en Inde, Christie’s est désormais le nouveau leader mondial volant la vedette à Sotheby’s.
S’implanter dans un pays présente évidemment des avantages d’ordre économique mais aussi d’importantes retombées en termes d’image. Une entreprise de cette envergure se doit d’être associée à des pays attractifs, dynamiques, lieux clefs des derniers progrès et évolutions. Là où se créent les nouvelles richesses et où les leaders d’opinion cherchent à valoriser leurs réussites.
Miléna Sintic
Crédits photo :
AP Photo/Rafiq Maqbool
Désormais, les voyageurs qui arrivent par les flots à Marseille ne seront plus emprunts de tristesse provoquée involontairement par le Fort Saint-Jean, dévasté il y a un demi-siècle par les bombardements. A tribord, ils peuvent admirer le Fort entièrement rénové, à côté duquel se dresse sur l’esplanade du J4 le Musée des Civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), habillé d’une fine dentelle de béton. Ce cube minéral, admirable geste architectural de Rudy Riccioti, fait face à la mer ainsi qu’au mistral et côtoie le Vieux-Port qui ne perd pas de son charme face à la modernité apparente du MuCEM. Révélé à la presse mardi dernier avec comme invité d’honneur le président de la République, puis ouvert officiellement au public le vendredi, le MuCEM ouvre la seconde saison du programme des festivités proposées dans le cadre de Marseille-Provence 2013.
Quel rôle peut jouer l’inauguration très médiatisée du MuCEM dans la promotion des manifestations culturelles qu’accueille Marseille, Capitale Européenne de la Culture 2013 et sa région ? Comment ce nouvel espace culturel a-t-il été promu au sein du territoire régional et national ?
Le MuCEM en campagne
« Les Marseillais sont enchantés par ce lieu qui masque une sensibilité territoriale, (qui) exprime un autre horizon plus marin. C’est un lieu qui est poreux à l’imaginaire » déclare Rudy Riccioti à propos du MuCEM. Reste à savoir si les responsables chargés de la campagne de communication pour l’inauguration du MuCEM ont été aussi sensibles à cet imaginaire que ne le prédit l’architecte.
« Vous aussi, rejoignez la campagne du MuCEM ! »
Le MuCEM était entré en campagne dès Décembre 2012, sous l’égide de l’agence Dream On. A cette période, les Marseillais ont pu voir les rues de leur ville envahies par des affiches sur lesquelles figuraient des portraits de Marseillais accompagnés d’un slogan qui résumait ce que le MuCEM représente pour eux. Ainsi, Paul, photographe de La Plaine, déclarait « En Juin 2013, on arrête de mettre les grands musées à Paris » ou Fabrice, poissonnier-restaurateur, annonçait qu’« En juin 2013, la Méditerranée sera un vrai bouillon de culture ».
Dream on a souhaité impliquer les marseillais dans ce projet culturel en mettant en scène leur propre parole délivrée dans l’espace public. Cette campagne s’est faite à l’issu d’un concours qui proposait aux Marseillais de personnaliser leur photo au moyen d’une application Facebook dédiée, pour ensuite proposer un slogan individuel qui traduisait la façon dont ils percevaient le MuCEM. Les dix photos qui ont obtenues le plus de like sur le réseau social ont été sélectionnées pour participer à la campagne.
Ainsi, les Marseillais se sont fait les portes paroles de leur cité. Une parole souvent irrévérencieuse, humoristique et même polémique, avec un accent toujours marseillais. “Nous avons fait ce choix car nous souhaitons que les Marseillais s’approprient le MuCEM” explique Julie Basquin, responsable du département Communication et du Mécénat du musée.
En souhaitant privilégier le marketing participatif, cette campagne a au moins eu le mérite d’investir les habitants de Marseille et de la Provence dans ce chantier phare de MP 2013, duquel ils avaient pu se sentir exclus lors des débats concernant sa construction. On peut également parler de crowdsourcing, c’est-à-dire de la mobilisation d’un grand nombre de personnes pour favoriser une certaine forme de créativité dans l’argumentation publicitaire. L’intérêt de cette campagne est qu’elle ait stimulé une parole, consensuelle ou non, autour de ce lieu. Dans un premier temps, il était nécessaire que le MuCEM soit l’occasion de « faire parler » avant de « faire agir », d’autant plus que son inauguration en juin laissait le temps à cette campagne de pouvoir fonctionner. Bien évidemment, la campagne empreinte également quelques caractéristiques au story-telling, avec l’idée majeure que le MuCEM délivrerait un récit mythique, social, historique sur les civilisations européennes et méditerranéennes. Cette parole est toujours fortement encrée dans un cadre spatio-temporel, en étant sans cesse accompagnée du leitmotiv « en juin 2013 ».
« Toute la Méditerranée se raconte au MuCEM »
En ce moment même et depuis quelques semaines, une seconde vague d’affichage est destinée à exposer le positionnement de l’institution, en mettant en scène des figures qui incarnent les peuples du bassin méditerranéen. Etendue au territoire national, la campagne montre tantôt une femme d’un certain âge coiffée d’un hijab, tantôt un enfant habillé d’une tunique. En arrière plan se distingue des paysages méditerranéens, et les portraits sont accompagnés de slogans comme « Toute la Méditerranée s’émerveille au MuCEM », « Toute la Méditerranée se raconte au MuCEM », ou encore « Toute la Méditerranée s’expose au MuCEM ». L’usage de verbes pronominaux, qui permettent de faire des peuples méditerranéens les acteurs de ce musée avant l’institution elle-même, reste pertinent. En revanche, on ne peut qu’être déçu face à la pauvreté esthétique des visuels, qui reposent essentiellement sur un imaginaire populaire archétype et ne délivre rien du véritable « imaginaire » dont parlait Riccioti à propos du MuCEM.
On ne peut également que regretter le fait que la campagne ne réinvestisse pas l’incroyable effet visuel qu’offre l’architecture du MuCEM (et celle de ses collections), notamment la résille de béton aux formes sensuelles et poétiques. En France, il y a quelques jours encore, le MuCEM ne bénéficiait pas d’une grande visibilité. Cette campagne n’aura certainement pas encouragé la population ni à s’y intéresser ni à venir découvrir ce lieu si incroyable, cet événement à ce point majeur pour la ville de Marseille et MP 2013 qu’est l’inauguration de cet espace culturel.
Mais quoi qu’on puisse penser de la campagne, l’ouverture du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, fortement relayée dans les médias, aura réactualisé les manifestations de Marseille-Provence 2013, et constitue à elle seule un levier médiatique et communicationnel incroyable pour Marseille et la Provence, qui n’ont pas fini de nous faire rêver.
Sources :
Site officiel du MuCEM
Site de la campagne de communication du MuCEM
Site de l’Agence Dream on
Article sur le Monde.fr
Margaux le Joubioux
Annexe :
Le MuCEM en quelques chiffes :
167 millions d’euros pour construire ce monstre architectural
44000 m2 pour partager la Méditerranée
250000 œuvres exposées
300000 curieux et passionnés attendus pour l’année 2013
12 ans de discussions, débats, polémiques pour arriver à l’ouverture de cette incroyable bâtisse.
4 années de construction, travaux, études de terrain pour parvenir à ce cube minéral.
3 sites : le Fort Saint-Jean rénové, le Centre de Conservation et de Ressources dans le quartier La Belle de Mai et l’espace construit sur le J4, dessiné par Rudy Riccioti
1 ville : la Cité Phocéenne pour accueillir ce fabuleux espace culturel
Les faits
La catastrophe avait pourtant été annoncée. Le 7 janvier 2012, la direction de Virgin réunit un comité exceptionnel d’entreprise. Ca y est, l’entreprise est en cessation de payement. Et les choses ont continué. Personne ne semblait remarquer l’absence de ces vitrines, au Louvre ou sur les Champs. Une grève des employés avait bien eu lieu, dès décembre, suite à la résiliation du bail du magasin phare de l’enseigne sur la grande avenue parisienne, mais en vain. Virgin devrait subir la valse des repreneurs et propositions, comme une entreprise traditionnelle. Pourtant, l’entreprise a bien connu son heure de gloire, même si les profits n’étaient plus au rendez vous (« plus que » 286 millions d’euros en 2011). Lors de son ouverture il y a quinze ans sur les Champs Elysées, Virgin était déjà décrit comme « le plus grand magasin de musique du monde ». Mais on en aurait presque oublié ce paradis tombé en ruine… Jusqu’à cette semaine, qui signèrent les derniers soubresauts d’une lente agonie.
Le 13 mai à minuit, l’enseigne qui cherche à rentabiliser le peu de temps qui lui reste à vivre, et pensant attirer par cette opération d’avantage de repreneurs décide d’organiser une grande braderie. Jusqu’à -50% sur tout le magasin, et -20% supplémentaire pour les détenteurs de sa carte de fidélité. La suite se passe de commentaires :
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Virgin, cadavre exhalant, est maintenant surmédiatisé. L’article de Rue89 met en lumière les nombreuses violences de cette journée de folie : magasin pillé, modèles d’exposition arrachés, vitrines détruites… Mais surtout, l’effet sur les salariés, traités comme de vulgaires coursiers. L’enseigne a du fermer ses portes a 19h pour filtrer l’intégralité des clients restant, et les employés n’ont vraiment terminé leur journée qu’à 22h.
Le bilan ? Une offre vite retirée, et une agonie qui n’en finit plus. En effet, le lendemain de la vente, le potentiel principal repreneur de la marque, Rougier et Plé, a retiré son offre. Cette dernière concernait notamment la survie du principal magasin parisien. Et aucun autre repreneur ne s’est fait connaître à ce jour.
A qui profite le crime ?
Il est relativement simple d’expliquer cette descente aux enfers de Virgin. « Le plus grand magasin de musique du monde » existe toujours, mais dans nos ordinateurs. L’iTunes Store a explosé, là où la marque écarlate a peiné à prendre le virage, préférant se spécialiser, sur la téléphonie mobile par exemple.
Mais bien plus que le simple prix des loyers de ses magasins pointé du doigt par la direction, il y a un grand coupable. Son nom est sur toutes les lèvres : Amazon. En effet le géant américain propose des prix défiant toute concurrence, et pour cause : grâce à de l’optimisation fiscale et diverses astuces, le groupe ne paye que de modiques sommes d’impôts à des pays où il emploie pourtant des centaines de personne et possède plusieurs grosses infrastructures. Et cela commence à irriter. En Angleterre, la marque au sourire a décidé de rendre publique son imposition. Et celle-ci fait réagir : Amazon a payé 2,4 millions de livres (2,8 millions d’euros) d’impôt sur les sociétés l’an dernier alors que le chiffre d’affaires de sa filiale britannique s’est élevé à 320 millions de livres. Il semble alors impossible pour des groupes comme Virgin de rester compétitif en face de telles marques, omniprésentes en ligne.
Qui est le suivant ?
Virgin n’est pas seul. Une autre enseigne vacille et pourrait bien connaître le même sort. La FNAC est elle aussi en danger. Depuis 2007, le groupe multiplie les plans sociaux, et ses bénéfices continuent à chuter. Au total, plus de 1500 salariés ont déjà été reclassés ou licenciés. Depuis 2009 une épée de Damoclès plane sur le groupe. Son propriétaire, François-Henri Pinault a annoncé son intention de vendre le groupe au Wall Street Journal. Malgré de nombreuses offres et une présence importante en ligne, la FNAC n’arrive pas à endiguer la saignée de ses clients vers l’eldorado Amazon. La bataille pour la survie des enseignes de distribution culturelle n’est donc pas finie. Elle ne fait que commencer.
Clément Francfort
En période d’évolution et de changement, il est intéressant de constater des comportements qui se cristallisent, voire qui se radicalisent : le modèle économique des grandes majors de la musique, des grandes maisons d’édition est en pleine mutation, si bien qu’elles se montrent de plus en plus intraitables dans la défense de leur propriété. De même, les partisans du libre et du partage gratuit radicalisent leurs actions en même temps que leur raison d’être tend à se faire moins évidente.
Pour le meilleur ou pour le pire ?
Dans le cas du livre, le succès insolent d’Amazon, notamment aux États-Unis, ne le dément pas : il ne vous est plus permis de posséder, on vous concède une licence d’utilisation sur un bien dont vous n’êtes plus le propriétaire. Le livre que vous achetez ne peut être revendu, transmis, échangé ou prêté. Il est la propriété d’Amazon. La musique tend à suivre le même chemin, après l’interdiction des DRM (verrous numériques limitant l’usage) avec des services comme Deezer ou Spotify qui proposent des abonnements. De même, le jeu vidéo, qui bénéficiait d’un marché de l’occasion important, s’en trouve privé puisqu’il est de plus en plus téléchargé et non acheté sur des supports physiques, ce qui rend dès lors impossible la revente, le prêt, la transmission…
Fini donc le temps où vous récupériez les livres ou la musique de vos parents.
Mais cette évolution est à l’œuvre partout : le vélo en libre service, la voiture en libre service, l’abonnement annuel à des logiciels comme la suite Office, l’abonnement aux éditions en ligne des médias d’information plutôt que l’achat au numéro…
Du propriétaire à l’usager
Tout cela participe de ce que l’on appelle l’économie de la fonctionnalité : on cherche à monétiser un usage et non plus une propriété. Ce système permet beaucoup de choses, parce qu’il facilite par exemple l’évolution du bien dont vous achetez l’usage ; vous n’êtes plus tenu d’acheter à chaque fois le nouveau produit pour bénéficier de nouvelles fonctionnalités. De même, il y a l’idée que vous payez pour ce que vous utilisez plutôt que d’acquérir un surplus inutile. Un bel exemple de cette évolution est le ChromeBook de Google, un ordinateur, couplé à son OS (Operating System ou Système d’exploitation, logiciel qui gère la partie matérielle d’un ordinateur et permet l’interaction avec l’utilisateur : Windows, MacOs ou Linux sont des systèmes d’exploitations) : ChromeOs. En effet, cet ordinateur de faible capacité (relativement à ce que l’on trouve aujourd’hui) fonctionne grâce à des applications hébergées en ligne, accessibles et utilisables en ligne, mais non installées sur votre ordinateur.
Cela permet, en théorie, de réduire les coûts, puisque vous ne payez qu’en fonction de vos stricts besoins.
Beaucoup de ces entreprises et marques qui se lancent dans l’économie de la fonctionnalité mettent en avant les avantages en termes de coûts, d’environnement (notamment pour l’automobile, le vélo et le papier), la mobilité en ce qui concerne le contenu comme la presse, les livres, la musique…
Cet argumentaire s’intègre d’autant mieux aujourd’hui que la Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE, ou ESG pour les anglo-saxons) et, de manière générale, le bilan extra-financier des entreprises prend de l’importance dans les choix des investisseurs et des consommateurs.
Par exemple, la page d’accueil de Deezer joue sur la mobilité : « Faites entrer la musique dans
une nouvelle dimension. Écoutez tout ce que vous aimez,
partout, tout le temps »
Sur le site d’Autolib’, la rubrique avantages met en évidence la réduction des coûts et l’environnement : « Économique, pratique, écologique, simple »
En présentation de l’abonnement mensuel ou annuel de la suite Office, on retrouve la mobilité : « Utilisez Office quand et où vous en avez besoin »
De l’usager à l’aliéné
Mais cette économie de la fonctionnalité est, dans la pratique, moins convaincante : parce que l’on accroît sa dépendance à l’égard de ces différents acteurs. Si Google ou le Groupe Bolloré rencontrent un problème, vous n’avez plus accès à vos documents ou applications hébergés en ligne, et vous n’avez plus de moyen de transport. Ceux à quoi certains, auxquels les événements ont donné tort, répondront que ces acteurs sont « too big too fail » ; de quoi être rassuré sur la pérennité de ces services, non ?
En dehors de cette forme d’aliénation à un nombre croissant de prestataires extérieurs, cela soulève un deuxième problème : la disparition de la propriété. Or cette même propriété est aussi garante d’un usage non marchand des biens que l’on acquiert. L’économie de la fonctionnalité, des usages, en dépit de ses avantages avancés, est une percée conséquente de l’économie marchande dans le non-marchand : prêt, échange, transmission, héritage… Et la disparition de telles structures aurait des répercussions telles qu’il apparaît aujourd’hui impossible d’en circonscrire toutes les implications.
Plus rien ne vous appartiendra, c’est le mot d’ordre de demain.
Oscar Dassetto
Fort de plus d’une année d’articles, FastNCurious veut aller plus loin dans la curiosité en proposant une série de dossiers qui analyseront un objet de communication sous différents angles spécifiques à l’enseignement du CELSA.
Pour la première édition notre regard s’est tourné vers Les Revenants, dernière création originale de Canal +. Entre fiction et réalité, série et cinéma, tradition française et international, cette série a tout d’un OVNI culturel et communicationnel. Quatorze rédacteurs volontaires ont proposé d’étudier la série sous les angles marketing, médiatique, culturel et symbolique.
La série Les Revenants, adaptée du film éponyme de Robin Campillo, débute avec une idée simple : quelles pourraient-être nos réactions face à l’inconcevable ? Comment réagir si un jour nous apprenons que les morts reviennent à la vie ? Et comment, eux, pourraient vivre à nouveau une vie normale ?
D’emblée, un constat récurent apparaît : la série Les Revenants est toujours située dans un entre-deux. D’abord dans le contenu : que ce soit au niveau de l’histoire, du symbolique et du culturel, le spectateur est toujours perdu entre réalité et fiction, vivants et morts. De manière plus surprenante, ce jeu entre des dimensions opposées se retrouve également dans tout ce qui est extérieur à la série : que ce soit d’un point de vue marketing ou médiatique, elle hérite d’un modèle sériel américain qu’elle applique aux traditions sérielles françaises, créant un objet hybride. Bref, Les Revenants ne sont jamais noirs ou blancs, tout l’un ou tout l’autre, mais dans un entre-deux.
Le second élément qui frappe est la dimension assumée des emprunts culturels et stratégiques de la série présente sous tous les angles d’analyse. Bien loin d’être un simple plagiat, le génie des Revenants est de composer avec cet héritage multiple, revendiqué et de proposer un nouveau modèle, une empreinte en devenir sur le paysage télévisuel français. Les Revenants incarnent le renouveau de la série française.
Voici ce que nos Curieux tenteront de vous démontrer cette semaine. Lundi sera consacré à la stratégie marketing mise en place par l’agence BETC, suivie par l’analyse de la stratégie médiatique Mardi. L’aspect culturel sera à l’honneur Mercredi, la symbolique des Revenants sera scrupuleusement analysée Jeudi. Enfin, Vendredi, un invité nous réserve son point de vue particulier.
Nous vous souhaitons une très bonne lecture.
Camille Sohier
Arthur Guillôme
Samsung, LVMH, Lagardère, Total…Tous ceux qui récemment se sont pressés au centre Pompidou pour assister à l’exposition Dali ont pu y apercevoir à l’entrée cette énumération de grands groupes, sobrement remerciés par la direction. Depuis quelques années, le mécénat d’entreprise est en plein boom. Alors quid de cette nouvelle pratique, à la fois manne financière pour les centres culturels et pain béni pour les entreprises qui cherchent à améliorer leur image ?
Une association tout bénef
Le principal avantage de ce type de mécénat est qu’il profite largement aux deux parties. Les uns bénéficient d’importants financements sans contreparties ou presque, tandis que les autres se refont une virginité éthique à grands coups de généreux dons défiscalisés à 60% depuis la loi Aillagon de 2003. Donnant-donnant donc. A demi-mot, les entreprises reconnaissent souvent que le mécénat est d’abord attrayant car il équivaut à une campagne de communication prestigieuse et relativement bon marché. Ainsi, dans une étude de L’Admical (2012), les entrepreneurs déclarent s’engager dans le mécénat culturel d’abord pour renforcer l’identité de leur entreprise et se différencier (35%), viennent ensuite la volonté de participer à l’attractivité du territoire dans lequel leurs entreprises s’inscrivent (26%), puis le goût personnel du dirigeant ou l’histoire de l’entreprise (26%).
Trop beau pour être honnête ?
Face à cette vision pragmatique, des voix s’élèvent parfois contre ce qui apparait comme une récupération mercantile et cynique de l’art. On crie au mélange des genres, on met en garde contre le risque de brouiller les frontières entre culture et opération marketing. Bref, on craint que le front de la Mona Lisa ne se retrouve bientôt tatoué du nom d’un des grands groupes du CAC 40. Cependant le mécénat d’entreprise reste, pour le moment, assez loin des reproches qu’on lui fait. Bizarrement, les entreprises ne communiquent pas tant que cela sur leurs actions de mécénat. Leur visibilité se limite souvent à l’association de leurs nom et logo aux supports de communication du projet soutenu. Serait-ce par peur qu’on les accuse de vouloir uniquement redorer leur blason ? De plus, à ceux qui craignent une collusion des intérêts économiques et artistiques, on rappelle que la loi interdit d’exploiter les actions de mécénat en vue de retombées commerciales, sans quoi on parle de sponsoring ou de parrainage.
Autrefois, le mécène faisait vivre l’artiste en lui commandant des tableaux. La coercition n’était-elle pas plus importante à l’époque? Désormais l’artiste a la liberté de représenter ce qu’il souhaite, et l’influence du mécène ne se manifeste guère plus que par la présence discrète d’une plaque au nom de l’entreprise dans un coin du musée. Nuance importante : la mise en valeur ne se fait plus par l’œuvre elle-même, mais autour de ce qu’elle représente. Le donateur ne cherche plus à bénéficier directement de la création artistique, mais des valeurs positives qu’elle véhicule, de l’enthousiasme qu’elle suscite, et du public qu’elle attire.
Marine Siguier
C’est toujours intéressant de combiner deux éléments. C’est commun, tout le monde fait ça. Tout le temps, pour tout. On expérimente, on essaie, on mélange. Et puis, on voit.
Alors quand on mélange deux choses qui, à priori, n’ont rien à voir l’une avec l’autre, pour peu qu’on soit un peu curieux, c’est d’autant plus intéressant. C’est ce qu’il m’est arrivé en allant voir l’exposition Trompe l’Oeil au musée des Arts Décoratifs quand dans le métro du retour je me suis trouvée nez à nez avec l’affiche de promotion du film « Tahrir, Place de la Libération » de Stefano Savona.
Sans ironie -jamais !- j’ai réalisé que je ne voyais pas de véritable coupure sémiotique avec cette exposition que je venais de quitter.
En effet, c’était seulement le deuxième film dont j’entendais parler qui traitait du Printemps Arabe alors qu’on pouvait considérer qu’il était toujours en cours.
Rien de choquant ? On médiatise, on informe. Ben voyons.
Assise sur un strapontin, une minute et les portes se referment, tout juste le temps pour moi de repenser à ceux qui nous conseillaient d’apprendre à changer d’optique. Il ne s’agit pas ici d’Alain Afflelou mais bien d’Alice et de Buñuel.
« You must close your eyes… otherwise you won’t see anything. » qu’elle disait, la petite. Buñuel semblait préférer utiliser la manière forte, rapide et efficace : couper l’œil directement. En vérité, c’est seulement qu’Alice n’avait pas le droit de jouer avec les couteaux.
Derrick a guidé mes pas jusqu’à Google : « Tahrir, Place de la Libération ». Play sur la bande annonce. Bien, c’est un documentaire. « C’est une chronique au jour le jour de la révolution, aux côtés de ses protagonistes. »
Si l’intention est louable et que je n’ai même pas encore vu le film, quid de l’objectivité d’un film tourné par un étranger dans un pays qui bouillonne ? Et surtout quid de la parole de tous ceux qui n’ont pas sur place les moyens de tourner un véritable documentaire ?
Premiers questionnements pleins d’à-priori… Ce n’est pas très Celsa, tout ça.
Je continue mes recherches ; un autre film est sorti sur un sujet proche « Fleurs du Mal » de David Dusa. Cette fois, on nous raconte une belle histoire.
C’est Père Castor en Iran ? J’ai peur. Je laisse la bande annonce se terminer. C’est peut-être un bon film, en vérité…
Ma nouvelle question n’est même pas là : ce film a utilisé de vraies séquences tournées avec des téléphones portables. Que cherche t-on à démontrer ? Dans quelle mesure ces vidéos « clandestines » sont-elles plus vraies que celles que l’on nous montre au 20h ? Et plus vraies que les films documentaires ? Qui sont ceux qui possèdent ce type de téléphones dans ces pays ? Comment vit-on la révolution chez les populations plus reculées que celles des villes, celles qui n’ont pas de téléphone ? S’en préoccupe-t-on ?
Et puisque tout devient confus : peut-on mettre en rapport les ombres et lumières utilisées dans les illusions d’optique et ceux que l’on choisit de mettre dans l’ombre ou dans la lumière en nous montrant ces révolutions ? La lentille de la caméra n’est-elle pas le premier prisme qui ne peut nous faire voir qu’une seule vérité à la fois ? Jouets optiques et jeux de miroirs ne manquaient pas aux Arts Déco…
Qu’est-ce qu’une illusion sinon un substitut pour convaincre ? Le montage est-ce la distorsion de l’image ? Devient-elle la « projection monstrueuse » dont parle l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ou « la capacité à émerveiller » ? Comment parler objectivement d’un événement qui n’est pas terminé ? Pense-t-on seulement aux conséquences que pourraient avoir ces pré-jugements ? Peut-on décemment mélanger marketing culturel et guerres civiles ? Si oui, où s’arrêtent la fiction et l’information ?
Après quel lapin blanc courent tous ceux qui cherchent à enregistrer et montrer les évènements actuels ? Et ceux qui cherchent à se les procurer?
Aurélia Guechi
Aucun parti pris politique ni jugement sur la religion mormone n’est revendiqué.
L’image mormone dans les médias : entre parodies, caricatures, campagnes politique et publicitaire :
Bien qu’elle ne représente que 2% de la population, établie majoritairement dans l’Utah, la communauté mormone ne cesse d’être mise sur le devant de la scène. Les candidatures aux primaires républicaines de Mitt Romney et Jon Huntsman, la série télévisée Big Love et plus récemment une comédie musicale co-écrite par les auteurs de South Park n’ont de cesse de rendre les Mormons plus présents dans la sphère médiatique.
Meet the Mormons :
L’Eglise Fondamentaliste de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours prend naissance au XIXe siècle, sur le territoire américain même. Leur fondateur, Joseph Smith, aurait gravé sur des assiettes en or un texte en égyptien ancien, racontant comment Jésus serait revenu, il y a plus de 1 500 ans, prêcher la bonne foi aux américains. Ce testament aurait été déterré par Smith après que l’ange Moroni lui eût révélé l’endroit où il se cachait.
Beaucoup de choses ont été dites sur les Mormons. On leur reproche notamment d’être polygames, comme la série Big Love se plaît à le montrer. En effet, le personnage principal, Bob, entretient des liaisons officielles avec trois femmes différentes. Pourtant la pratique de la polygamie, auparavant revendiquée comme respectant la volonté divine, a été abandonnée dès 1890. Les Mormons se débattent avec ce stéréotype qui leur colle à la peau, c’est pourquoi Mitt Romney s’est bien appliqué à préciser qu’à soixante ans, il n’a connu qu’une femme, rencontrée au lycée et devenue mère de ses enfants.
Le rapport qu’entretiennent les américains avec la communauté mormone n’est pas nécessairement hostile, mais tient à fréquemment tourner en dérision leurs valeurs et croyances. Le fait que 10% des revenus de chacun des membres reviennent à l’Eglise et les appellations en vigueur au sein de leur hiérarchie les font aisément passer pour une organisation sectaire. Le président est nommé Prophète, et est secondé par deux Conseillers et douze Apôtres.
Selon un article paru dans The Economist, il paraît étrange que les Mormons peinent à se faire comprendre dans la société américaine puisqu’ils partagent le passé et les valeurs d’un héritage qui a profondément influencé l’esprit américain. Les Mormons aussi ont été pionniers, s’exilant à Great Salt Lake (actuel Utah) pour assurer leur liberté de culte. Le mormonisme est même la seule religion à être née sur le sol américain et à être, donc, influencée par les valeurs du continent. Ils se définissent comme patriotiques, dévoués au service public et croient en l’origine divine de la Constitution des Etats d’Amérique. Aucun désaccord sur ce plan. Les Mormons soutiennent l’entrepreunariat, l’audace et le libéralisme (l’autorité doit s’exercer au seul sein de la famille ou de la communauté) et estiment qu’il est de leur devoir de propager leurs idées par le biais de missions à l’étranger. Enfin ils valorisent le travail, le mariage et les familles nombreuses. Le cœur de leur philosophie s’enracine dans l’idéal du self-improvement, quoi de plus américain ? Ils jouissent même d’une excellente réputation en tant que citoyens modèles, il faut dire que lorsqu’on interdit la consommation de cigarettes, d’alcool et même de café, difficile de se laisser déborder par un tempérament de feu. Le work ethic mormon semble parfaitement adapté à la vie moderne. Harvard est principalement fréquenté par les trois M : les McKinsey, les militaires et les Mormons. Wall Street et la CIA en recrutent souvent. Pour finir, quand seulement 2% de la population est mormone, 3% des membres du Congrès sont mormons. Si US et mormons ont des valeurs communes, pourquoi l’éventualité de retrouver un membre de l’Eglise Fondamentaliste à la tête du pays laisse-t-elle aussi dubitatif ?
I’m Gabe, I’m a Mormon.
Le problème, c’est que le Mormonisme est le dernier né des religions et est particulièrement fermé, ce manque de communication et de racines ne convaint pas, pire il nourrit le scepticisme. C’est pourquoi l’année dernière, l’Eglise mormone a décidé de lancer une campagne vidéo pour revendiquer sa « normalité » et son enracinement dans la culture américaine – il s’agissait également de limiter le scandale qu’avait suscité le financement d’une campagne anti-gay par la communauté mormone. Une série de vidéos met en scène des jeunes surfeuses, des pères athlètes, des mères débordées mais souriantes et blogueuses, des maris qui font de la Harley Davidson… des personnes lambda qui nous paraissent, à nous européens, faites de carton pâte tant elles débordent de bons sentiments, mais qui n’en semblent pas moins correspondre à l’average American citizen. Ce speech finit par délivrer son message-cible, leitmotiv de la campagne : « and I’m a Mormon ».
Forget Hipsters, Get The Mormon Look[1] ?
Il est indéniable qu’en lançant cette campagne (très vite parodiée par des you-tubers concluant leur présentation par un « and I’m a Moron »[2]), l’Eglise Fondamentaliste cherche à donner un coup de frais à l’image que véhicule sa communauté, donnant ainsi la parole au mormon-rocker Brandon Flowers, chanteur des Killers. A cette occasion, The New York Times est entré en contact avec la jeune communauté mormone pour en apprendre plus sur ces teetotallers et leur manière de concilier la fougue de leur âge avec la rigueur de leur foi. Mini jupe, alcool, tatouage et barbe sont interdites – rassurez-vous, la fine moustache est autorisée et si votre peau ne supporte pas le passage de la lame vous pourrez bénéficier d’un laissez-pousser, « the beard card ».
Lola Kah
Sources :
Campagne « I’m a Mormon »
The Economist, When The Saints Come Marching in – Can a Mormon Get in The White House
New York Times, Young Mormons Find Ways To Be Hip
South Park, « All About The Mormons »
Crédits photo :
© The Book Of Mormon, comédie musicale de Broadway.
[1] « Get The Mormon Look » parodie le célèbre slogan de Rimmel, marque de cosmétiques anglaise : « Get The London Look ».
[2] Moron = bouffon.
« Pas de bras, pas de chocolat » ça vous dit quelque chose ? Si non, c’est sans doute que vous vivez dans un monde parallèle sans le moindre média, voire sans personne. En effet, puisque Jacques l’a dit, ce sont plus de 10 millions de français qui ont gagné les salles obscures pour voir ce « phénomène ».
Impossible d’y échapper, le film d’Eric Toledano et Olivier Nakache est omniprésent dans les médias. Ainsi, Philippe Pozzo di Borgo et Abdel Sellou, les personnes ayant inspiré le film, font l’objet de « portraits » tandis que leurs interprètes dans le film sont les invités de plateaux télé tels que le JT. Ces apparitions sont bien sûr relayées dans les réseaux sociaux. Par exemple ce tweet de ‘20hLFerrari’ : « Omar Sy et François Cluzet seront les invités mercredi 30 nov du 20H de TF1 pour les 10 millions d’entrées d’intouchables ». La page facebook du film compte actuellement plus de 200 000 « j’aime » et la presse écrite n’est pas épargnée (double page consacrée au film dans Libération).
Pourquoi un tel succès ? Tout d’abord, un sujet grave traité sur un ton léger plaît en ces temps de crise et de pessimisme. Le film cherche à délivrer un message de tolérance puisqu’il relate l’amitié inattendue entre un riche tétraplégique et un jeune de banlieue repris de justice. Stéréotypes me direz-vous ? Sans doute, mais le fait que le film est inspiré d’une histoire vraie ajoute une touche d’émotion et de compassion qui suscite l’adhésion des spectateurs. Ainsi, personne ne s’indigne lorsque Philippe Pozzo di Borgo et Abdel Sellou expliquent que les courses- poursuites avec les forces de l’ordre sont réellement arrivées, le regard porté sur eux est au contraire indulgent et bienveillant.
Comme tous les films français sortis récemment, Intouchables a bénéficié d’une promotion avant sa sortie en salle. Et le résultat est là. Cependant, contrairement aux autres films sortis à cette même période, la promotion s’est largement poursuivie, voire amplifiée après sa sortie. Alors, à la manière de l’œuf et de la poule, une question relative à la communication faite autour du film se pose : Est-ce la bonne promotion qui a attiré autant de spectateurs ou est-ce au contraire l’incroyable succès du film qui a provoqué une telle médiatisation ? Autrement dit, lequel est arrivé le premier entre l’hyper-promotion du film et l’adhésion du public ? Désormais, lorsqu’on interroge une personne pour savoir si elle a ou non vu Intouchables, les réponses se répartissent souvent entre un « oui » enthousiaste et un « non, pas encore ». Pas encore, comme s’il était indispensable et évident qu’elle ne tardera pas à y aller.
Ce succès inattendu provoque également des débats dépassant (peut-être) le cadre du film. Le handicap est ainsi devenu un sujet très en vogue dans tous les médias. Alors que Le Parisien publie un supplément spécial handicap, le Petit Journal de Canal + interroge Mickaël Jérémiasz, le tennisman paraplégique, afin de connaître son avis sur le film, et au micro d’Europe 1, on demande à Dominique de Villepin s’il l’a vu. Le film pose également, dans une moindre mesure, la question des inégalités sociales. Autant de sujets mis ou remis au goût du jour grâce à un film, reste à savoir si la parenthèse sociale qui s’est ouverte ne va pas se refermer dès que le nombre d’entrées en salles s’essoufflera.
Manon Levavasseur