Dossiers et conférences

Le vin français, le 100% made in France

 Dès ce matin, nous débutons notre dossier avec l’association de dégustation de vins du CELSA – Wine not ? – qui nous livre son point de vue sur ce symbole du patrimoine immatériel français.
Dans le contexte de mondialisation d’aujourd’hui, le « made in France » est revenu au goût du jour.  Ce fut même un des arguments le plus utilisé lors de la campagne présidentielle de 2012.
Cependant, on remarque que les deux chantres du « made in France », Arnaud Montebourg et François Bayrou, ont semblé avoir oublié lors de leurs argumentaires engagés de mentionner l’importance qu’occupe le vin dans ce processus. Et pourtant, je ne pense pas qu’il puisse exister quelque chose de plus français que le vin français lui-même justement.
Le vin, un des symboles de la culture française
La France est bien souvent considérée dans le monde comme le pays du vin, où les paysages et terroirs viticoles sont aussi bons que variés. C’est d’ailleurs en France que la consommation de vin par habitant est la plus forte, puisqu’elle s’élève à 52,6 litres par an et par habitant en moyenne[1]. Ce n’est pas un hasard : le vin fait partie de notre culture, il a participé au développement de notre économie dans l’histoire et au rayonnement de notre pays à travers le monde. Aucun autre pays au monde ne possède autant d’appellations, de producteurs et de terroirs si divers. Le climat fait que la France est comme la terre promise du vin, on y trouve presque de tout.
Le terroir, cette « usine » qu’on ne peut pas délocaliser
Le vin, c’est du raisin, du soleil, de l’eau, de l’homme, mais aussi un terroir. Tous ces éléments sont très importants à la fabrication du vin, mais le terroir, qui se concrétise dans l’appellation d’origine contrôlée, est sûrement l’un des plus importants. En effet, à l’achat d’un vin, c’est souvent à cela que l’on se réfère, on peut vouloir un bordeaux, ou plutôt un bourgogne, etc – attention ici, je prends la notion de terroir dans son sens (très) large.
Ce terroir il est donc impossible de le délocaliser. Jamais on n’a vu, et jamais on ne verra du Côtes-du-Rhône fait en Chine. D’abord parce qu’il est quasiment impossible de retrouver exactement le même terroir à plusieurs endroits, bien que certains puissent avoir de nombreux points communs. Puis parce que l’on n’en a tout simplement pas le droit. En attestent, par exemple, les longues disputes qui ont eu lieu lorsque les producteurs champenois se sont insurgés contre ceux qui inscrivaient la mention « Champagne » sur leur bouteille pour qualifier le vin mousseux qu’ils produisaient.
Pour pallier à cette impossible délocalisation, dans ce contexte de mondialisation, certains essaient tout de même de reproduire des vins similaires dans d’autres conditions, en utilisant notamment les mêmes cépages. Par exemple, les californiens et les sud-américains utilisent beaucoup de cabernet sauvignon afin de produire des vins qui pourraient se rapprocher le plus possible des châteaux bordelais. A défaut de délocalisation il reste donc toujours l’imitation.
Chaque terroir illustre une appartenance régionale qui ne fait que renforcer l’appartenance nationale, déjà mentionnée par le « Product of France » qui se doit d’apparaître sur n’importe quelle bouteille de vin français.
Le poids du vin dans l’économie française
 Le vin est donc impossible à délocaliser, et est en plus un des produits français qui s’exporte le mieux. En ces temps de crise, il m’apparait tout de même étonnant que M. Montebourg ne lui ait pas donné une part plus importante. En effet, le vin supporte l’effort national : le chiffre d’affaire des exportations de vin s’élevait à 11,5 milliards en 2012 ce qui en fait le second secteur d’exportation français[2]. De plus, le vin est non seulement le deuxième poste excédentaire de la balance commerciale française talonnant ainsi l’aéronautique, mais il représente aussi 83% de l’excédent dans le domaine de l’agroalimentaire[3].
Il s’exporte quand même mieux que le slip français… Rappelons-nous de cela pour que l’un des rares secteurs qui n’est que faiblement touché par la crise ne se laisse pas aller lui aussi.
 
Le Conseil interprofessionnel des vins du Roussillon s’est d’ailleurs permis d’interpeller directement en 2012 les membres du gouvernement en leur offrant une bouteille, et en leur rappelant bien que le vin « made in France » tel qu’ils le disent eux même, mérite d’être soutenu de par son importance dans l’exportation, et le fait qu’il représente 250 000 emplois[4]. Et l’on se souvient bien de la campagne de 1980 : « nos emplettes sont nos emplois ».
Le vin « made in France » devient un véritable atout commercial, on consomme « responsable », et on consomme « local ». Cela rassure le consommateur, et lui enlève un sentiment de culpabilité qui pourrait le retenir de faire l’acquisition d’un produit.
Le vin illustre ainsi très bien l’art français, l’art au sens de savoir-faire. Ce n’est bien sûr pas le seul représentant de ce savoir-faire, mais son poids n’est plus à prouver. Dans un contexte où la France perd peu à peu de sa splendeur et grandeur passées, montrons que l’excellence française existe encore tout en contribuant à la relance économique interne du pays. Car dans ce produit impossible à délocaliser, toute la valeur ajoutée reste localisée en France.
La réussite du modèle « made in France »
Le vin pour le « made in France » est donc le symbole d’une réussite économique de ce modèle, et une image positive de l’excellence du savoir-faire français à travers le monde. Les deux intérêts du modèle « made in France » sont bien réunis.
Pourtant nos gouvernants ne semblent pas vouloir pleinement supporter et encourager la réussite de ce secteur, comme en témoignent les candidatures des vignobles de Bourgogne et de Champagne au patrimoine mondial de l’Unesco au profit de la sombre grotte du Chauvet…
On se rappelle bien aussi de Nicolas Sarkozy oubliant de passer du côté des vins lors du salon de l’agriculture. François Hollande, lui, semble avoir au moins compris l’importance de la filière, puisqu’il a promis qu’il ne « diaboliserait pas le vin ». Mais bon, on connaît bien la conception qu’ont les politiques de la notion de « promesse ». Il aura au moins rassuré quelques vignerons surpris pour la première fois depuis cinq ans par la visite du président au salon de l’agriculture.
La mondialisation nous confronte directement aux autres pays, et au dessus de nos têtes pèse la menace de voir s’abattre sur nous l’uniformisation du vin comme une épée de Damoclès. L’identité géographique du vin supposée par son terroir s’impose donc comme un argument très important de la diversité du vin face à cette crainte d’uniformisation. Il s’agit simplement de la mettre en valeur. C’est là toute la beauté d’un produit 100% made in France.
François Philipponnat – Wine Not ?

[1]  http://lexpansion.lexpress.fr/economie/les-plus-gros-buveurs-de-vin-du-monde-sont_287321.html

[2] Source : France Agrimer

[3] http://www.leparisien.fr/flash-actualite-culture/vins-et-spiritueux-made-in-france-nouveau-record-des-exportations-en-2012-14-02-2013-2567575.php

[4] http://www.reussir-vigne.com/actualites/communication-jouer-la-carte-du-made-in-france&fldSearch=:GP0H055C.html

 

1
Dossiers et conférences

Le Made in France façon FastNCurious

 
En Janvier dernier, FastNCurious s’intéressait aux Revenants, dans le cadre de sa nouvelle rubrique, les « Dossiers ». Nous avions vu dans quelle mesure Canal+ et Haut & Court façonnaient un modèle de série française. Cela ouvrait la voie à un sujet plus large sur les productions made in France. Ce mois-ci, nous vous proposons notre second dossier qui vient prolonger cette réflexion et nous nous intéresserons donc au Made in France dans son ensemble.
Le made in France a, avant tout, une définition juridique. C’est une appellation, un label, sur l’origine d’un produit. A son origine, il ne désigne rien d’autre qu’une étiquette « fabriqué en France ». L’appellation se positionne en effet par rapport au bien connu made in China. Elle marque donc le retour au local, la réponse à la mondialisation. Elle serait un réflexe identitaire, une mise en avant de la culture française comme unique et solide. Mais cette définition est partielle. En effet, ce label a rapidement pris une toute autre envergure.
A priori, le made in France est culturel. Uniquement et sincèrement culturel ? Non. C’est avant tout un objet de communication. Communication politique, médiatique, marketing. Il est objet politique car, revêtu d’une apparence culturelle, il offre une belle légitimation à un discours communautariste. Peur de l’autre, peur de la mondialisation, peur de la consommation débridée, auxquelles répond le made in France et son aspect communautaire, équitable, sain, authentique. L’appropriation politique du sujet, par la droite comme la gauche, montre bien à quel point il est dépendant de discours et d‘un contexte ou d‘une atmosphère politique et sociale particulière. Le Slip Français au moment des débats sur l’identité nationale aurait eu une toute autre saveur.
Puisqu’il s’agit de mettre avant tout l’authenticité en exergue, celle-ci désigne un objet dont l’origine et l’auteur sont certifiés, et dont la réalité et la sincérité sont incontestables. Ce sont donc des valeurs de transparence, d’exactitude, de pureté et de véracité qui sont ici à l’œuvre. Mais dans ce contexte complexe des problématiques de traçabilités et de repli sur soi, la culture fait aussi partie intégrante du soft power. Le made in France serait alors un moyen d’affirmer la place du pays sur l’échiquier mondial, un outil. C’est en tout cas ce qu’ont compris les politiques ou les marketeurs qui tentent de l’imposer sur le marché global, mais aussi sur le marché intérieur. Paradoxalement, les premiers à convaincre de la sincérité du sujet, sont bien les français eux-mêmes.
On se demande alors comment le made in France peut garder son aspect authentique alors qu’il fait aussi l’objet d’une construction communicationnelle, médiatique et politique. D’autant plus que la conception que les Français ont de la culture suppose qu’elle ne doit pas être souillée. On nous vend un label spontané et authentique, mais n’est-il pas une construction, une œuvre de communication ?
Pour répondre à ce paradoxe, nous avons décidé de faire appel aux associations du CELSA et à quelques rédacteurs. Contrairement aux Revenants, nous avons fait le choix de nous intéresser à différents objets, tout en traitant la question du made in France de manière transversale. Lundi, Wine Not nous présentera les particularités du vin français et Com’ des Chefs traitera des délices de la gastronomie française. Mardi, nous analyserons la stratégie du Slip Français, emblème du made in France. Mercredi, la French touch sera à l’honneur avec le Gorille, Jeudi nous verrons en détail les enjeux qui se cachent derrière le nouveau moteur de recherche Qwant. Vendredi, nous laisserons la parole à Sybille Rousselot, Alice Nieto, Pauline Saint Macary, Marine Miquet et Alicia Poirier N’Diaye qui ont travaillé sur le Made in France dans le cadre de leur travail d’initiation à la recherche de L3.  Pour terminer en beauté nous vous réservons une invité de marque qui portera un regard original et plus global sur la question.
Camille Sohier et Arthur Guillôme

Dossiers et conférences

Les Revenants envahissent FastNCurious, Conclusion

 
Après tous ces jours consacrés aux Revenants, l’on peut aisément dire que la série présente les caractéristiques d’une série novatrice, unique en son genre. Les différents angles d’analyse montrent tous à quel point elle occupe une place à part dans le paysage télévisuel français.
L’usage du fantastique lié à un certain traitement de l’intime à l’intérieur même du scénario donne un réalisme qui sera repris dans la stratégie de communication marketing et médiatique. D’un point de vue interne à la série, la caméra s’intéresse aux relations entre revenants et vivants. La question du pourquoi est mise au second plan, simplement mentionnée grâce à quelques symboles qui traversent la série, comme l’eau. L’intérêt porté aux relations donne au thème fantastique un hyperréalisme. D’un point de vue externe à la série, le site Internet nous immerge dans un village sur lequel planent de sombres nuages menaçants, un village profondément réel, mais traversé par des éléments fantastiques (ce verre qui se reconstitue dans le snack, ces ombres lumineuses dans un pré.) Par le virtuel, Canal+ nous présente paradoxalement un monde qui paraît réel mais qui, au-delà des apparences, plonge le téléspectateur dans une « inquiétante étrangeté ».
L’entre-deux thématique, outre son exploitation au sein de la série, est utilisé dans les stratégies marketings et médiatiques (bien malgré Canal+, BETC et Haut & Court.) Si la série fascine autant, c’est justement parce que cet aspect se remarque de manière inconsciente dans l’ensemble de ce que nous pourrions appeler « l’univers Revenants. » Le spectateur est sans doute séduit par le fait que la série en elle-même et tout ce qui l’entoure ne se positionnent jamais de manière évidente et catégorique. Facteurs de très nombreuses questions, le téléspectateur se plonge lui même dans une quête du savoir. Le fait est que depuis tous les points de vue étudiés, « l’univers Revenants » ne donne aucune réponse claire. Or ceci est notamment un facteur d’addiction auprès du téléspectateur et pourrait donc expliquer le succès de la série.
La dernière question que nous nous poserons est pourquoi n’ont-ils pas poussé le potentiel de « l’univers Revenants » jusqu’au bout ? La communication faite en amont de la série, le soin des journalistes, l’actualité de l’intrigue, la mise en place du site Internet : tout a contribué à créer un événement cérémoniel. Pourtant, la ferveur est vite redescendue durant la diffusion, tant ces logiques mises en places en amont furent peu prolongées. Les indices, peu nombreux, n’ont pas participé à la création d’une stratégie transmédia aboutie. Si la celle du bouche à oreille a très bien fonctionné grâce aux soins apportés aux journalistes, on peut déplorer l’absence de suivi des autres leaders d’opinion durant la diffusion (comme les blogueurs) ainsi que le silence médiatique de la chaîne.
Cependant Canal+ occupe une place tout à fait particulière dans le paysage audiovisuel français. Si le potentiel de « l’univers Revenants » n’a pas été poussé jusqu’au bout c’est peut être pour la juste raison que la chaîne ne se place pas dans une logique de production de blockbusters. Cela permet à la série, finalement, de garder un aspect mythique et noble.
Enfin, la fascination engendrée par Les Revenants chez les téléspectateurs lui permet de se placer dans une position unique au sein de la famille des séries françaises. Il y aura sûrement un avant et un après.
Et pour ceux de nos lecteurs qui veulent le dossier complet en format pdf, c’est par ici !
Camille Sohier
Arthur Guillôme

1
Dossiers et conférences

Les Revenants envahissent FastNCurious, Introduction

 
Fort de plus d’une année d’articles, FastNCurious veut aller plus loin dans la curiosité en proposant une série de dossiers qui analyseront un objet de communication sous différents angles spécifiques à l’enseignement du CELSA.
Pour la première édition notre regard s’est tourné vers Les Revenants, dernière création originale de Canal +. Entre fiction et réalité, série et cinéma, tradition française et international, cette série a tout d’un OVNI culturel et communicationnel. Quatorze rédacteurs volontaires ont proposé d’étudier la série sous les angles marketing, médiatique, culturel et symbolique.
La série Les Revenants, adaptée du film éponyme de Robin Campillo, débute avec une idée simple : quelles pourraient-être nos réactions face à l’inconcevable ? Comment réagir si un jour nous apprenons que les morts reviennent à la vie ? Et comment, eux, pourraient vivre à nouveau une vie normale ?
D’emblée, un constat récurent apparaît : la série Les Revenants est toujours située dans un entre-deux. D’abord dans le contenu : que ce soit au niveau de l’histoire, du symbolique et du culturel, le spectateur est toujours perdu entre réalité et fiction, vivants et morts. De manière plus surprenante, ce jeu entre des dimensions opposées se retrouve également dans tout ce qui est extérieur à la série : que ce soit d’un point de vue marketing ou médiatique, elle hérite d’un modèle sériel américain qu’elle applique aux traditions sérielles françaises, créant un objet hybride. Bref, Les Revenants ne sont jamais noirs ou blancs, tout l’un ou tout l’autre, mais dans un entre-deux.
Le second élément qui frappe est la dimension assumée des emprunts culturels et stratégiques de la série présente sous tous les angles d’analyse. Bien loin d’être un simple plagiat, le génie des Revenants est de composer avec cet héritage multiple, revendiqué et de proposer un nouveau modèle, une empreinte en devenir sur le paysage télévisuel français. Les Revenants incarnent le renouveau de la série française.
Voici ce que nos Curieux tenteront de vous démontrer cette semaine. Lundi sera consacré à la stratégie marketing mise en place par l’agence BETC, suivie par l’analyse de la stratégie médiatique Mardi. L’aspect culturel sera à l’honneur Mercredi, la symbolique des Revenants sera scrupuleusement analysée Jeudi. Enfin, Vendredi, un invité nous réserve son point de vue particulier.
Nous vous souhaitons une très bonne lecture.
 
Camille Sohier
Arthur Guillôme

1