Lundi 12 mai, la campagne officielle des élections européennes a débuté. L’actualité de ce fait semble pourtant éclipsée par le glamour de Cannes ou par un désintérêt grandissant des Français pour le scrutin européen.
En effet, alors que les 751 futurs euro-députés représenteront 500 millions d’Européens, seules 39% des personnes sondées par l’Ifop le 7 mai dernier (lors d’un sondage réalisé pour Paris Match) comptaient aller voter. Depuis la première élection de députés européens en 1979, ce scrutin est toujours plus délaissé par la population.
Et pourtant, ces élections sont primordiales pour tout citoyen. Des questions phares seront dans les mains des futurs élus : immigration, économie, agriculture et autres sujets sensibles. Il y a en outre une nouveauté de taille : le successeur de José Manuel Barroso, actuel président de la Commission européenne, sera élu par le Parlement européen, donc c’est-à-dire indirectement… par nous-mêmes.
Sans céder au fatalisme ambiant sur l’abstention grandissante ou sur la montée des extrêmes, analysons les axes de communication mis en place : comment intéresser des citoyens toujours plus réfractaires et, plus largement, comment réconcilier les Européens avec l’UE ?
La communication institutionnelle
Plusieurs questions se posent en termes de communication : faut-il évoquer le fonctionnement de l’UE ou des enjeux de fond ? Et quel ton adopter : pédagogique, grave, parodique…? L’enjeu primordial pour le Parlement est de montrer aux citoyens qu’il existe différents projets politiques pour l’UE, afin de sortir du débat pour ou contre l’UE.
L’idée clé de la campagne des européennes se résume en une phrase « cette fois-ci, c’est différent », choisie en raison du contexte de crise, de la défiance envers l’UE, mais aussi des changements institutionnels. Un slogan commun aux 28 Etats membres a été adopté pour la résumer : « Act, React, Impact ». Mais le choix de cette idée-clé est contesté : le choix d’une tonalité alarmante ne donne pas forcément envie de se rendre aux urnes. Il en est de même pour le clip officiel qui alterne images de guerre et regards graves face à la caméra. Mais, et c’est un point positif, le Parlement européen a aussi compris la nécessité de rythmer la vie publique via des débats télévisés entre les candidats à la présidence.
Adopter une posture pédagogique ?
L’enjeu pédagogique est central pour communiquer sur ces élections puisque, par exemple, seuls 41% des Français savent que les eurodéputés sont élus au suffrage direct. Le Monde a ainsi mis en ligne une vidéo de personnages “patates” sur le site internet du journal.
Mais cette posture peut aussi se révéler être un mauvais choix. Il suffit pour s’en convaincre de penser à la série de vidéos “Let’s Rock the Eurovote” réalisées par l’association Européens sans frontières, qui sont un désastre communicationnel. Les vidéos mises en ligne sont surannées, les personnalités mal choisies et les discours creux… Au 17 mai, la vidéo de présentation n’a fait que 1 006 vues et les commentaires sont du type “vous m’avez ouvert les yeux, j’irai voter FN” : le flop est total.
Faire social à tout prix ?
Les innovations numériques ont démultiplié les possibilités de communication et modifié la politique européenne. Prenons l’exemple des simulateurs de vote, qui permettent aux citoyens de se positionner sur un échiquier politique toujours plus complexe. On peut citer EUProfiler ou VoteMatch, qui se présente sous la forme d’un petit quizz rapide en ligne, d’une trentaine de questions stratégiques. Il ne s’agit pas de dire aux gens ce qu’ils doivent voter, mais leur donner envie de s’informer.
Electio2014 est une autre innovation intéressante (cofinancée par l’Union Européenne), qui permet de projeter la répartition des sièges jour par jour selon les sondages. FastCheckEU, de son côté, joue au vrai/faux avec les déclarations des politiques, permettant aux citoyens de vérifier leurs dires rapidement.
Une application Facebook nommée « I’m a voter », créée par le Parlement, permet d’envoyer un ballon/rappel à ses amis accompagné de messages types (« Come on, show the world you’re a voter too! »). Etant donné que l’application publie en notre nom, il s’agit d’utiliser le pouvoir des réseaux sociaux pour répandre le message, clair et injonctif : « if you care, spread the word ». Il y a un voyage à Strasbourg à gagner pour celui qui diffusera le plus de ballons.
Les réseaux sociaux ont donc été investis, comme Twitter ou même Instagram où l’on peut suivre, avec le hashtag #YaBs2014, le trajet de 28 petites figurines décorées aux couleurs des États-membres qui doivent rejoindre Bruxelles avant les élections.
Fais-moi rire
Pour inciter les gens à se rendre aux urnes, une posture ludique a souvent été adoptée. Le parlement européen a ainsi créé une application ludique nous permettant de remonter dans le temps. On peut comparer un appartement décoré dans le style de 1979 (date de la première élection) et un appartement de 2014, afin de découvrir ce qui a changé et quels impacts a eu le Parlement européen sur ces changements.
Mais ce sont nos voisins danois qui ont fait très fort avec la vidéo de « Voteman »,un superhéros aussi violent que convaincu de sa tâche : faire voter les Danois à tout prix. La vidéo, supprimée 24h seulement après sa publication, avait cependant le mérite de changer par rapport aux autres spots, en préférant la dérision au ton moralisateur.
Tous les moyens seraient-ils bons pour intéresser les citoyens aux élections européennes ? Dans le doute, les stratégies de communication ont été assez diverses. Plusieurs choix ont été faits par le Parlement, puis par les Etats-membres. On remarque l’importance accordée au digital et aux réseaux sociaux, de même que l’effort fait pour intéresser, de manière ludique, les jeunes et/ou les abstentionnistes. On remarque aussi qu’il s’agit souvent de spatialiser l’information, comme pour aider les citoyens à mieux se représenter (et à accepter ?) l’Europe.
Et une vidéo cadeau pour finir :
Si avec tout ça vous n’allez pas voter le 25 mai… !
Lucie Detrain
Sources
Elections2014
Franceinfo
NotreEurope