Facebook
Société

Marches Facebookiennes

 
A la suite de la victoire du Front National aux élections européennes du 25 mai dernier, un jeune lycéen marseillais, Lucas Rochette-Brelon, a créé un évènement Facebook intitulé « marche citoyenne contre le F Haine », donnant rendez-vous à ses contacts le jeudi 29 mai. Le jour de la mobilisation prévue, l’ensemble des évènements prévus dans la plupart des grandes villes de France rassemblait 24 000 personnes qui comptaient participer. Or, ce n’est finalement que la moitié de ce chiffre qui a manifesté dans toute la France.
En revanche, si ces marches citoyennes n’ont pas suscité une forte mobilisation, elles ont su inspirer les internautes les plus taquins. Ainsi, si on trouve une critique directe : « Marche citoyenne contre les marches citoyennes », certains ont été plus inventifs avec des intitulés tels que « Marche citoyenne contre la pluie, la haine et la mort de Dumbledore » (plus de 8 000 personnes inscrites), ou la « Marche citoyenne contre les Lannister » (qui rassemble plus de 28 000 personnes).
Ces déclinaisons –en plus de leur caractère humoristique- soulignent bien le caractère virtuel de la démarche. Cliquer sur le simple bouton « Je participe » est bien plus facile que de se déplacer pour manifester dans la réalité, mais donne une illusion d’engagement, comme l’inscription à une pétition.
Après cette multiplication des marches citoyennes lancées sur Facebook, la question de l’engagement sur les réseaux sociaux se pose encore plus fortement qu’avant. L’engagement est-il sincère ou s’agit-il d’un simple élément de langage sans acte réel derrière (on parle bien d’engagement lorsque le fan d’une marque s’implique par un like ou un commentaire), d’une posture face à ses amis ou ses followers ?
Astrid Gay
Sources :
Lemonde.fr
Lexpress.fr

Politique

Rêve-veillez-vous !

 
Lendemain des élections européennes, triste mine que fait la France. On s’indigne et on pointe les coupables du doigt : les abstentionnistes d’une part, les électeurs du Front National de l’autre.
Et il y a de quoi s’indigner en effet, lorsqu’en France, le parti d’extrême droite parvient à rafler le quart des sièges au Parlement Européen et que l’abstention atteint 56,50%.
Loin de moi l’idée de féliciter les extrémistes mais l’emballement médiatique qui s’empare de ce sujet m’exaspère. D’une part, les partis politiques, excepté le FN – a priori – , ne font plus rêver comme cela a pu être le cas jusque dans les années 1980. Relayée par les médias, l’aphasie ambiante enfle quotidiennement. Concernant l’Union Européenne d’autre part, la majeure partie des citoyens ne semble pas comprendre (même en cherchant) comment fonctionne le système et surtout, quel est l’impact de l’UE sur leur vie quotidienne. Au lieu de fustiger la partie de la population qui ne s’intéresse pas à la politique, ne devrait-on pas plutôt remettre en cause un système qui représente moins de la moitié des Français ?
Et cela est une question de communication, la question de communication majeure de notre génération peut-être : comment penser un système fondé sur le dialogue, c’est-à-dire un système où l’institution se fait comprendre du peuple qu’elle représente et inversement ?
Les vieilles recettes ne fonctionnent plus, tout est à réinventer aujourd’hui : de la forme des partis aux modes de suffrages.
Alors, profitons de ces résultats pour construire une Europe qui ressemble à ses Européens.
 
Mathilde Vassor
Crédit photo : susauvieuxmonde.canalblog.com
Source : Le Monde

Europe
Politique

« L’Europe, l’Europe, l’Europe ! »

 
Alors que les élections européennes du 25 mai prochain approchent à grand pas, une seule question semble encore dominer les débats : celle de l’intérêt qu’y portent les Français. Car même si selon un récent sondage 62 % d’entre eux se déclarent prêts à aller voter, les motivations exprimées restent dans le détail beaucoup moins rassurantes.
Le sacre de l’euroscepticisme ?
Il semble en effet que ces élections annoncent le triomphe d’un repli national déjà bien engagé depuis la crise économique. Ainsi, ce sont seulement 25 % des électeurs qui pensent que ce scrutin changera quelque chose à la situation de la France.
La montée en puissance du Front national en témoigne, avec en particulier le paradoxe de voir que c’est le parti le plus anti-européen qui, avec plus de 20% des intentions de vote, va certainement être la première force politique de ces élections.
Pourtant, à y regarder de plus près, cet euroscepticisme n’est le fait que d’une poignée de pays (France, Royaume-Uni, République tchèque, Pologne ou Danemark) seulement, et c’est bien l’alliance des partis de gauche et des écologistes qui devrait rester majoritaire en nombre de sièges au Parlement.
Plus qu’une approbation aux idées eurosceptiques, il semblerait donc que le discrédit des élections européennes vienne d’ailleurs.
Une communication particulièrement défaillante
 En effet, si la nationalisation des votes est une des raisons principales de ce désamour vis-à-vis de l’Union européenne, il faut aussi noter qu’elle se nourrit d’une communication des partis politiques particulièrement défaillante.
 Cela est spécialement vrai pour le Parti socialiste qui pâtit avant tout des mauvais résultats de François Hollande, 21 % des français annonçant ainsi que leur vote aux élections européennes servirait avant tout à sanctionner le gouvernement. Gouvernement qui avait d’ailleurs lui-même bien mal préparé le terrain lors du dernier remaniement, avec la nomination très contestée du « cancre » Harlem Désir comme Secrétaire d’État aux affaires européennes.
 De son côté, l’UMP souffre de divisions récurrentes, Laurent Wauquiez et Henri Guaino ayant eu la bonne idée de publier dans le Figaro, au lendemain du lancement de la campagne par le Parti, une tribune signée par 40 parlementaires pour « tout changer » en Europe. Une initiative traduisant les amertumes nées de la constitution des listes, et notamment de la nomination d’Alain Lamassoure comme tête de liste d’Île-de-France. Ces problèmes venant d’ailleurs s’ajouter à l’affaire Bygmalion, qui resurgit au plus mauvais moment, jetant un peu plus le discrédit sur le parti, par l’intermédiaire d’un de ses chefs, Jean-François Copé.
 Enfin, et c’est peut-être plus inquiétant, même l’UDI et EELV pourtant connus pour être les plus européens des partis français, ne semblent pas parvenir à gagner la confiance des électeurs. Dans le premier cas, cela est dû à un semblant de désorganisation que focalise la maladie et le retrait récent de Jean-Louis Borloo, tandis que dans le deuxième cas, ce sont des choix de communication peu judicieux qui portent tort au parti (voir article précédent: ).
Le rôle des médias : les dangers de l’effet loupe
Mais si ces difficultés existent, on peut toutefois questionner in fine le rôle décisif que semblent jouer les médias. On peut ainsi se demander dans quelle mesure leur focalisation sur des querelles nationales, doublée d’un désintérêt assez marqué pour les élections européennes, n’est pas ce qui conditionne en grande partie la vision négative des électeurs.
Il apparaît en effet très difficile pour les électeurs d’appréhender le rôle et les enjeux réels de l’UE, quand France Télévisions ne diffuse même pas le débat du 15 mai dernier pour la Présidence du Parlement. De même, il est certainement tout aussi difficile d’accorder du crédit à nos élus, alors que les chaînes de télévisions nous rappellent à loisirs le taux d’abstention de certains d’entre eux.
Enfin, et c’est là que l’effet loupe est le plus pervers, il semble très compliqué de se rendre compte que l’euroscepticisme est loin d’être dominant, alors que la montée du Front national monopolise l’attention et les débats.
Bizarrement, ces élections présentent donc le dangereux paradoxe de ne pas être très médiatiques, tout en étant le pur fruit de la communication ; une communication malheureusement centrée sur la forme et le cadre national, et qui tend à oublier le fond et les enjeux européens.
Il serait alors peut-être temps de se souvenir de la célèbre phrase du Général de Gaulle, pour se rappeler que l’Europe n’est pas une abstraction mais bien un débat d’idées à même de conditionner notre avenir :
« On ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l’Europe, l’Europe, l’Europe », mais ça n’aboutit à rien, et ça ne signifie rien. »
Grégoire Larrieu
Sources :
Latribune.fr
Lesechos.fr

Elections européennes 2014
Politique

Comment vous dire d'aller voter?

 
Lundi 12 mai, la campagne officielle des élections européennes a débuté. L’actualité de ce fait semble pourtant éclipsée par le glamour de Cannes ou par un désintérêt grandissant des Français pour le scrutin européen.
En effet, alors que les 751 futurs euro-députés représenteront 500 millions d’Européens, seules 39% des personnes sondées par l’Ifop le 7 mai dernier (lors d’un sondage réalisé pour Paris Match) comptaient aller voter. Depuis la première élection de députés européens en 1979, ce scrutin est toujours plus délaissé par la population.
Et pourtant, ces élections sont primordiales pour tout citoyen. Des questions phares seront dans les mains des futurs élus : immigration, économie, agriculture et autres sujets sensibles. Il y a en outre une nouveauté de taille : le successeur de José Manuel Barroso, actuel président de la Commission européenne, sera élu par le Parlement européen, donc c’est-à-dire indirectement… par nous-mêmes.
Sans céder au fatalisme ambiant sur l’abstention grandissante ou sur la montée des extrêmes, analysons les axes de communication mis en place : comment intéresser des citoyens toujours plus réfractaires et, plus largement, comment réconcilier les Européens avec l’UE ?
La communication institutionnelle
Plusieurs questions se posent en termes de communication : faut-il évoquer le fonctionnement de l’UE ou des enjeux de fond ? Et quel ton adopter : pédagogique, grave, parodique…? L’enjeu primordial pour le Parlement est de montrer aux citoyens qu’il existe différents projets politiques pour l’UE, afin de sortir du débat pour ou contre l’UE.
L’idée clé de la campagne des européennes se résume en une phrase « cette fois-ci, c’est différent », choisie en raison du contexte de crise, de la défiance envers l’UE, mais aussi des changements institutionnels. Un slogan commun aux 28 Etats membres a été adopté pour la résumer : « Act, React, Impact ». Mais le choix de cette idée-clé est contesté : le choix d’une tonalité alarmante ne donne pas forcément envie de se rendre aux urnes. Il en est de même pour le clip officiel qui alterne images de guerre et regards graves face à la caméra. Mais, et c’est un point positif, le Parlement européen a aussi compris la nécessité de rythmer la vie publique via des débats télévisés entre les candidats à la présidence.
Adopter une posture pédagogique ?
L’enjeu pédagogique est central pour communiquer sur ces élections puisque, par exemple, seuls 41% des Français savent que les eurodéputés sont élus au suffrage direct. Le Monde a ainsi mis en ligne une vidéo de personnages “patates” sur le site internet du journal.
Mais cette posture peut aussi se révéler être un mauvais choix. Il suffit pour s’en convaincre de penser à la série de vidéos “Let’s Rock the Eurovote” réalisées par l’association Européens sans frontières, qui sont un désastre communicationnel. Les vidéos mises en ligne sont surannées, les personnalités mal choisies et les discours creux… Au 17 mai, la vidéo de présentation n’a fait que 1 006 vues et les commentaires sont du  type “vous m’avez ouvert les yeux, j’irai voter FN” : le flop est total.
Faire social à tout prix ?
Les innovations numériques ont démultiplié les possibilités de communication et modifié la politique européenne. Prenons l’exemple des simulateurs de vote, qui permettent aux citoyens de se positionner sur un échiquier politique toujours plus complexe. On peut citer EUProfiler ou VoteMatch, qui se présente sous la forme d’un petit quizz rapide en ligne, d’une trentaine de questions stratégiques. Il ne s’agit pas de dire aux gens ce qu’ils doivent voter, mais leur donner envie de s’informer.
Electio2014 est une autre innovation intéressante (cofinancée par l’Union Européenne), qui permet de projeter la répartition des sièges jour par jour selon les sondages. FastCheckEU, de son côté, joue au vrai/faux avec les déclarations des politiques, permettant aux citoyens de vérifier leurs dires rapidement.
Une application Facebook nommée « I’m a voter », créée par le Parlement, permet d’envoyer un ballon/rappel à ses amis accompagné de messages types (« Come on, show the world you’re a voter too! »). Etant donné que l’application publie en notre nom, il s’agit d’utiliser le pouvoir des réseaux sociaux pour répandre le message, clair et injonctif : « if you care, spread the word ». Il y a un voyage à Strasbourg à gagner pour celui qui diffusera le plus de ballons.
Les réseaux sociaux ont donc été investis, comme Twitter ou même Instagram où l’on peut suivre, avec le hashtag #YaBs2014, le trajet de 28 petites figurines décorées aux couleurs des États-membres qui doivent rejoindre Bruxelles avant les élections.
Fais-moi rire
Pour inciter les gens à se rendre aux urnes, une posture ludique a souvent été adoptée. Le parlement européen a ainsi créé une application ludique nous permettant de remonter dans le temps. On peut comparer un appartement décoré dans le style de 1979 (date de la première élection) et un appartement de 2014, afin de découvrir ce qui a changé et quels impacts a eu le Parlement européen sur ces changements.
Mais ce sont nos voisins danois qui ont fait très fort avec la vidéo de « Voteman »,un superhéros aussi violent que convaincu de sa tâche : faire voter les Danois à tout prix. La vidéo, supprimée 24h seulement après sa publication, avait cependant le mérite de changer par rapport aux autres spots, en préférant la dérision au ton moralisateur.
Tous les moyens seraient-ils bons pour intéresser les citoyens aux élections européennes ? Dans le doute, les stratégies de communication ont été assez diverses. Plusieurs choix ont été faits par le Parlement, puis par les Etats-membres. On remarque l’importance accordée au digital et aux réseaux sociaux, de même que l’effort fait pour intéresser, de manière ludique, les jeunes et/ou les abstentionnistes. On remarque aussi qu’il s’agit souvent de spatialiser l’information, comme pour aider les citoyens à mieux se représenter (et à accepter ?) l’Europe.
Et une vidéo cadeau pour finir :

Si avec tout ça vous n’allez pas voter le 25 mai… !
 
Lucie Detrain
Sources
Elections2014
Franceinfo
NotreEurope

eelv
Politique

Quand les verts capotent

 
Alors que les campagnes pour les élections européennes battent leur plein, Europe-Ecologie les Verts (EELV) a cherché une manière originale de se distinguer : distribuer des préservatifs estampillés de leur slogan. L’opération avait très bien marché lors de la campagne présidentielle de 2012 avec « Eva Joly, la candidate qui protège ». Le renouvellement aurait donc très bien pu fonctionner si leur slogan actuel n’avait pas été : « Donnons vie à l’Europe. »
Voulant jouer sur le paradoxe et une communication décalée, EELV a suscité la raillerie des internautes qui ont jugé la facétie ridicule. En effet, bien que l’humour soit en théorie un bon ressort communicationnel, la grossièreté apparait rarement comme une méthode efficace, surtout dans le contexte politique. Ce trait humoristique prête encore plus à sourire quand on sait que le slogan de leurs opposants UDI se trouve être « Faites l’Europe, pas la guerre ». Chacun semblant malheureusement s’être calé sur la communication de l’autre, ce qui peut perdre l’opinion.
Ce buzz a eu un autre effet pervers pour EELV : souligner leurs incohérences de calendrier. La temporalité est une donnée primordiale dans une campagne de communication : une opération d’une telle sorte, avec un slogan différent, aurait sans doute eu plus de sens en début de campagne. Elle aurait créé un petit effet médiatique et aurait attiré le public qui se serait concentré par la suite sur le fond des idées. Mais, en orientant le débat sur les techniques de communication, le programme vivement en faveur de la construction européenne n’est pas médiatisé et le parti semble avoir un discours frivole et creux. Cette image est très négative à l’heure où les intentions de vote se portent vers des partis eurosceptiques ou vers l’abstentionnisme.
A cela s’ajoute les bourdes communicationnelles de José Bové, candidat pour le parti dans la circonscription du Sud-Ouest. Le 30 avril dernier, dans une émission sur la chaine télévisée chrétienne KTO,  celui-ci a revendiqué ses positions en défaveur de la procréation médicale assistée pour les couples homosexuels mais aussi pour les couples hétérosexuels, se disant hostile à « toute manipulation sur le vivant ». Il s’attire ainsi les foudres des parlementaires écologistes qui viennent de déposer un projet de loi pour l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes. « Un nouvel adhérent de la Manif pour tous ? Attention à ne pas tomber dans des théories naturistes pas très nettes. A trop suivre la nature on finit par vivre avec des animaux dans une ferme du Larzac », a ironisé durement la sénatrice Esther Benbassa à propos du candidat.

Cet indicent révèle plus que des tensions internes, à un mois du scrutin, il met en avant les contradictions inhérentes au mouvement, il détruit devant les électeurs la crédibilité et la légitimité de la tête de liste. Il ternit davantage le blason de Bové déjà jugé rustique dans son allure, ses idées et ses méthodes comme le fauchage des champs d’expérimentation de culture d’organismes génétiquement modifiés. Mauvaise pioche pour EELV, l’image un peu rustre de leur candidat entre en totale opposition avec celle que le parti cherche à promouvoir : un parti moderne aux valeurs progressistes.
Enfin, la dernière erreur de communication du parti, et non des moindres, aura été la sur-médiatisation de Daniel Cohn-Bendit. En effet, ancien député européen et figure de proue d’EELV, ce dernier a souhaité apporter son soutien aux candidats. Toutefois, la presse s’est concentrée sur lui au point d’effacer les véritables intéressés méconnus du grand public. Un effet contreproductif au vu du résultat.
Mais que les écologistes se rassurent, ils sont loin d’être les seuls à avoir fait mauvaise figure pendant la campagne. Les tensions visibles à l’UMP, le manque de cohérence du PS, la guerre des chefs à l’UDI et le climat europhobe n’ont fait qu’augmenter la défiance de leurs concitoyens et semblent responsables de l’ascension déjà fulgurante des partis extrémistes.
Caroline Dusanter
Sources :
Eelv.fr
Lemonde.fr
Crédit photo :
20minutes.fr

agir réagir accomplir
Politique

"Aux urnes citoyens"

 
Malgré l’importance croissante du Parlement européen, son rôle en tant que représentant des citoyens reste amoindri par une participation électorale en baisse constante, et ce depuis les premières élections directes de Juin 1979. La participation moyenne dans l’Union Européenne est ainsi passée de 63% en 1979 à 43,4% aux dernières élections en 2009. A titre de comparaison cynique, la Grande-Bretagne a recensé près de 11 millions de votants aux élections européennes en 2009, contre près de 23 millions pour l’élection du gagnant de Big Brother cette même année. On ne peut que constater la faiblesse d’une démocratie représentative qui peine à convaincre et un manque de communication évident pour permettre aux citoyens de se sentir enfin concernés par les débats européens.

C’est pourquoi, les institutions européennes ont décidé de riposter par le lancement en septembre 2013 d’une vaste campagne de communication à l’occasion des prochaines élections européennes. Ces dernières auront lieu en mai prochain et appellent aux urnes tous les citoyens des Etats membres de l’Union afin d’en élire les 751 députés. Le Parlement Européen a déboursé près de 16 millions d’euros (soit 0,0316 euros par habitant de l’UE) pour une campagne de communication diffusée en 24 langues différentes dans les 28 pays concernés ainsi que sur les réseaux sociaux. Le slogan – « AGIR. REAGIR. ACCOMPLIR » – entend montrer aux électeurs européens qu’ils peuvent utiliser leur pouvoir, par le biais des urnes, pour participer à la construction de l’Europe de demain.

AGIR en votant pour entretenir la vitalité du débat politique citoyen
Il s’agit de repenser la démocratie à l’échelle européenne et de rappeler au citoyen qu’il possède le pouvoir de décision dans un contexte où l’UE doit faire face à un déficit démocratique et une représentativité dépréciée. L’opacité institutionnelle pourrait partiellement expliquer le désintérêt supposé des individus, celui-là même auquel la campagne de communication tente de répondre en essayant de clarifier les enjeux des prochaines élections et d’objectiver la compréhension des débats actuels par cinq thématiques définies : économie, emploi, qualité de vie, finances et intégration mondiale de l’UE.
Le défi actuel de l’Union est bien de faire comprendre que les institutions telles qu’elles s’édifient actuellement sont les plus appropriées pour exercer une souveraineté accrue en Europe. Cependant, celles-ci demeurent éloignées du citoyen et difficiles à comprendre, impulsant de fait l’instauration d’un système européen élitiste qui tend à créer les conditions d’une représentation oligarchique du pouvoir : on est bien loin de la volonté politique initiale d’une démocratie fédérale.
REAGIR à la montée des extrêmes insufflée par le déficit démocratique constaté
On constate un paradoxe entre la volonté affichée de l’UE de renforcer son caractère démocratique et la concrétisation de cette dernière. En effet, les principes démocratiques se réalisent essentiellement dans le cadre étatique national, faute de l’existence d’un véritable peuple européen. D’ailleurs, qui se sent davantage citoyen européen que citoyen français..?
Chaque gouvernement est soumis à une « opinion européenne » supposée qui ne correspond pas tant à une conversation citoyenne émanant de la société civile mais plutôt à un processus hasardeux et illisible provenant d’une représentativité hypothétique. La désaffiliation se renforce alors entre les citoyens européens et la politique fédérale, ce qui se traduit actuellement par une montée de l’extrême droite partout en Europe.
Il convient ainsi de réagir face à cette montée des partis dits contestataires qui s’appuient sur une idéologie populiste et font d’une angoisse existentielle issue d’une perte de repères structurels liée au déclin de l’Etat-Providence le cheval de bataille d’un discours qui cristallise les peurs chroniques et le danger conjecturé que représentent les étrangers, désignés comme responsables des maux de la société.
ACCOMPLIR les changements nécessaires pour revaloriser un contrat social mutualiste
Le problème central de l’Europe résulte de l’incertitude de ses ambitions. Dès lors qu’on ne sait pas ce que l’on veut mettre en commun, on ne peut pas créer de véritables institutions nouvelles pour répondre à une envie commune définie. De fait, on assiste à la juxtaposition d’institutions prosélytes et anciennes, nationales et communes, encombrant le pouvoir décisionnel européen et fragmentant les populations.
L’Europe a besoin de se forger un destin commun, une histoire collective, une volonté politique unique qui permettrait de la repenser comme une entité à part entière venant répondre à une demande de stabilité. Il serait alors possible d’assurer la prospérité du vieux continent face à la montée des nouveaux pays émergents et à la menace qu’ils représentent pour l’équilibre économique, politique et social des Etats membres.
Le philosophe et sociologue allemand Jürgen Habermas, dans Après l’Etat Nation, y répond en instituant un « patriotisme constitutionnel » qui entend insuffler aux citoyens la passion des institutions démocratiques plutôt que celle de la Nation. Grâce à celle-ci, on peut alors repenser l’Europe fédérale à travers le développement d’une pratique commune de formation de l’opinion publique et de la volonté générale.
L’Europe serait donc un vaste espace de civilisation soumis à des règles uniformes, offrant d’immenses possibilités à des individus capables d’agir positivement selon ces mêmes règles, mais auquel il manque un corps politique mutualiste qui assurerait la « communauté de destin » et l’homogénéité du projet politique européen.
Mais une mobilisation ponctuelle des populations à l’approche de ces élections ne risque-t-elle pas de plonger un peu plus l’Europe dans une illusion démocratique qui ne servirait, en fait, qu’à asseoir une légitimité technique du pouvoir?
Quelle qu’en soit la réponse, aux urnes Citoyens, l’Europe n’attend plus que vous !
 
Charlotte Bavay
Sources :
Portail du Parlement Européen
Pour aller plus loin :
Pierre Manent, La raison des Nations
Jurgen Habermas, Après l’Etat Nation, une nouvelle constellation politique