Société

Le discours des vœux présidentiels ou la communication républicaine normalisée

 
Depuis sa naissance, la Ve République est rythmée par un rituel républicain, mais surtout médiatique, hautement symbolique, auquel se prête chaque président de la République le 31 décembre au soir. Le discours des vœux présidentiels reste un rendez-vous télévisé annuel majeur, retranscris pendant les journaux de quatre chaînes historiques : TF1, France 2, France 3, et M6. Ce mélange public/privé témoigne d’ailleurs de l’engouement autour de cet événement politico-médiatique.
Ce rendez-vous constitue pour le chef de l’État un moment privilégié lors duquel il s’adresse aux Français en toute légitimité. Nul besoin en effet de quelque événement particulier, le 31 décembre est le rendez-vous traditionnel du président et de ses concitoyens. Valéry Giscard d’Estaing le rappelle dans son intervention du 31 décembre 1980 en ces termes :
« C’est (…) un de ces instants – bien rares en vérité – où je peux m’adresser à vous sans être tenu par un sujet particulier. »
Ce lundi 31 décembre, François Hollande a, à son tour, dû s’acquitter de cette tâche traditionnelle. Porté par une mise en scène télévisuelle très solennelle, debout dans la salle des fêtes de l’Elysée, le Président de la République a franchi une nouvelle étape de l’appropriation  d’une rhétorique présidentielle normalisée (plus que normale).
 
Le changement, pas maintenant
« Se plier à une tradition n’interdit pas d’y introduire un brin d’innovation » écrit le journaliste T. Wieder dans le Monde. Hollande ne semble pas en effet avoir eu l’intention de révolutionner le discours des vœux cette année. Il aura préféré suivre l’exemple de ses prédécesseurs, et notamment celui de Jacques Chirac, lors de son premier discours de vœux en 1995. Quand Hollande prévoit de résorber le chômage « coûte que coûte », ça n’est pas sans rappeler les paroles de Chirac : « Notre priorité depuis sept mois, c’est l’emploi ». Ils évoquent tous les deux la « responsabilité » des syndicats, les angoisses quant à la crise, et la nécessité de la « mobilisation de tous » pour garantir un avenir meilleur.
 
Le jeu présidentiel
Ces discours, malgré la stabilité apparente de la forme, peuvent révéler des ethos singulièrement contrastés et des conceptions souvent différentes de la fonction présidentielle.  Il s’agissait pour Hollande d’établir sa propre crédibilité par la mise en scène de qualités morales comme la bienveillance et la sincérité.
Lors de son discours, le Président de la République aura beaucoup employé la première personne du singulier, moins fréquemment la première personne du pluriel, rarement la seconde. Cette prédominance du « je présidentiel » suggèrerait deux choses. La première est l’affirmation dans ce discours de la tendance présidentialiste du régime. La seconde, néanmoins paradoxale, serait le sentiment que notre actuel Président rechercherait encore une légitimité face au Français.
A travers l’exposition et la justification des réformes accomplies lors de ce discours, on croirait voir s’exprimer un candidat qui défendrait son programme. Hollande évoque ainsi la « belle tradition »,  référence qui légitime sa prise de parole. Dans l’exorde toujours, il rappelle que son élection de Président de la République s’est effectuée au moment où s’épanouissent« une crise historique, un chômage qui progresse (…) et une dette record. ». Cet argument justifierait la difficulté de sa fonction et de ses pouvoirs. A l’heure où les sondages continuent de jouer en sa défaveur, cet exercice républicain semble être une belle occasion de redorer son image d’un peu de crédibilité et de légitimité. Légitimité par exemple, de son orientation sociale-libérale : « Voilà, le cap est fixé : tout pour l’emploi, la compétitivité et la croissance. »
 
Meilleurs aveux 2012 ?
François Hollande aura choisi pour ce discours de vœux un ton réaliste lorsqu’il avoue au début de son allocution : «  je n’entends pas vous dissimuler les difficultés qui nous attendent. Elles sont sérieuses. ». Quand le Président De Gaulle choisissait d’exulter la puissance économique et politique de la France, François Hollande a préféré la sincérité et l’argumentation technique. Quel étrange moment que le discours des vœux pour avouer les difficultés qui attendent la nation. Mais il contrebalance cette tonalité pessimiste par son optimisme (de nature plus que de circonstance) : « Ce soir je veux vous dire ma confiance en notre avenir. (…) Ma confiance, elle est surtout dans la France. » Ce flegme optimiste ainsi que l’appel républicain à la « mobilisation de tous » est solidaire du célèbre leitmotiv américain du Président Obama « Yes We Can ».
 
Je te vois, tu me vois
Enfin, ce rituel républicain suggère le jeu très symbolique du regard réciproque, qui relève de la représentation politique. Quand le Président déclare « Je n’ignore rien de vos inquiétudes. Elles sont légitimes. » ; il rappelle aux Français qu’il peut les « voir », les connaitre, les comprendre. Or, eux-mêmes ont l’occasion lors de ce discours télévisé de « voir » le président dans une certaine transparence. Ce 31 décembre, 11,580 millions de Français ont suivi le  premier discours des vœux du Président François Hollande. 11, 850 millions d’électeurs ?
Margaux Le Joubioux
Sources :
INA- discours des vœux présidentiels sous la Ve République
Le Monde – 2janvier 2013
Le Point.fr
Site officiel de l’Elysée
FinnissBoursin Françoise, Les Discours De Voeux Des Présidents De La République – La France Au Fond Des Yeux
Jean-Marc Leblanc, Les messages de vœux des présidents de la Cinquième République : L’ethos, la diachronie, deux facteurs de la variation lexicométrique

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Société

Flanby, on a tous à y gagner

 
Il y a eu Le Général, il y a eu VGE, il y a eu Tonton, il y a eu Chichi, il y a eu Sarko puis il y a eu… Flanby. On ne choisit pas son surnom, on choisit encore moins ceux qui vous le donnent. Pour l’anecdote, c’est le socialiste Arnaud Montebourg qui, le premier, a affublé François Hollande de ce sobriquet si sympathique. C’est l’inconvénient d’organiser une primaire: les coups bas partent plus tôt, et sont susceptibles d’être recyclés par le camp d’en face. Les militants de droite ne se sont d’ailleurs pas gênés. On aurait du mal à le leur reprocher.
Flanby c’est excellent. Flanby, c’est exquis. Quel meilleur moyen de discréditer un candidat à la magistrature suprême que d’associer son image à celle d’un flan retourné dégoulinant de caramel. Très honnêtement, on ne voit pas. Tout y est, le gras synonyme d’oisiveté, la texture flasque pour la difficulté à choisir et à s’affirmer et enfin le caramel, péché de gourmandise et donc faiblesse dans notre morale chrétienne. Comme en plus Flanby est d’abord un produit pour les enfants, le surnom connote de surcroît l’immaturité. Une chose du coup est certaine, si le remuant Arnaud est  nommé ministre, il ne l’aura pas dû à des courbettes.
Tout cela n’a néanmoins pas empêché le candidat socialiste de gagner cette élection présidentielle. Chose intéressante d’ailleurs, il n’a jamais protesté contre ce surnom, ne s’est pas insurgé, n’a pas menacé de traîner qui que ce soit en justice. C’était intelligent. Rien de pire pour la victime de railleries que de protester contre les railleurs. Cela vaut aveu de faiblesse et attire au mieux la pitié, au pire de nouvelles salves de moqueries. Il aurait pu par contre répondre, pour tenter de réorienter les rires vers son adversaire. Si l’idée lui est venue, il a eu assez de lucidité pour en voir le danger. François Hollande a cherché pendant ses deux campagnes, pour l’investiture socialiste et la Présidence de la République, à être à la hauteur juste, c’est-à-dire à bonne distance des conflits partisans. Il ne pouvait donc se permettre de descendre sur un terrain si glissant, même par l’intermédiaire de ses militants.
Ne lui restait donc plus qu’à accepter, où à feindre d’ignorer ce surnom peu enviable. La chose peut sembler dure. Pourtant, si l’on y regarde de plus près, cela en valait sûrement la peine. En ne disant rien, François Hollande a montré de la force, de la solidité. Au lieu d’être démonté par de basses attaques ou de s’abaisser à leur niveau, il a hissé sa stature en ne leur accordant pas la moindre importance publiquement. Plus loin, les premières connotations attachées au désormais célèbre produit laitier sont peut-être en train de se faire oublier, du moins en partie. Ainsi, Flanby pourrait bien se transformer en force pour le nouveau Président, le sobriquet devenant finalement un atout en forme de capital sympathie.
Et la marque Flanby dans tout ça ? Elle s’est tout simplement payé un buzz à l’œil. Comme le dit la directrice marketing des produits frais du groupe Lactalis-Nestlé : « les gens entendent ou lisent très souvent le nom de notre marque et, avec un peu de chance, ils le gardent à l’esprit » (1). En paquet, sur assiette, sur buste, planant au-dessus du palais de l’Élysée ou en rayon à côté d’un certain camembert, on aura de plus beaucoup vu le produit en question, sans qu’il soit, lui, jamais réellement mis en danger. Si au marketing de Lactalis-Nestlé, on la joue prudent et on dit ne pas s’attendre à des hausses « impressionnantes » (1), difficile de nier qu’il s’agit là d’une belle affaire. La marque enregistre évidemment un beau gain de notoriété, sans coût financier ni d’image en outre.
Faut-il dès lors penser que Flanby, on a tous quelque part à y gagner ? L’ambitieux Arnaud sera en mesure de répondre à cette question mercredi.
 
Romain Pédron
(1) – streetpress.com

Tweet sur Ponce Pilate et le débat Sarkozy Hollande 2012
Agora, Com & Société

« Ponce Pilate ! », mais pourquoi ?

 
Ce moment du débat présidentiel en a surpris plus d’un et à juste titre. Les deux candidats étaient alors parvenus à ce moment de leur « discussion », où était ressorti l’affaire DSK. M. Sarkozy accusait M. Hollande de très bien connaître la nature des vices de Dominique Strauss-Kahn, il lui répond donc : « comment vouliez-vous que je connaisse la vie privée de Dominique Strauss-Kahn ? Vous aviez des informations ? Moi je n’en avais pas ». Son débit oratoire est alors très rapide, et cela fait déjà plus de deux minutes qu’ils parlent en même temps et luttent pour prendre le dessus. On atteint clairement un moment où la tension culmine, et la réponse de M Sarkozy tombe alors, assortie d’un air désabusé : « Ponce Pilate ».
Petit rappel historique. Car, même pour nos lecteurs qui connaissent leurs références, il est important en l’occurrence de revenir sur ces détails. Il faut partir du principe qu’ici la référence est biblique, et non pas historique, et qu’elle est employée comme expression figée. Ponce Pilate est donc, selon l’évangile de Luc (3,1), gouverneur de Judée et il est resté célèbre grâce au rôle qu’il a joué dans l’arrestation et la condamnation de Jésus Christ. En effet, Jésus après avoir été trahi par Judas et condamné par l’assemblée législative traditionnelle du peuple juif (le Sanhédrin), doit encore être jugé par le tribunal romain, dont les autorités occupent Jérusalem. Ponce Pilate est le préfet en charge de ce procès, mais il reste sceptique quant aux motifs d’accusation : Jésus Christ est accusé d’avoir excité la révolte du peuple et d’être « le roi des juifs ». Se joue alors une scène d’une injustice flagrante d’absurdité ; Ponce Pilate lui demande : « Es-tu le roi des Juifs? » et « Jésus lui répondit: Tu le dis. » (Matthieu 27 :11). Il refuse ensuite de répondre à toutes les autres questions de Ponce Pilate, qui déclare alors : « Je ne trouve rien de coupable en cet homme. » (Luc 23 :4). Cependant il existe une coutume qui laisserait la liberté au peuple, durant les jours de fête, de libérer un prisonnier et un seul. Comme c’est le jour de Pâques, Ponce Pilate s’adresse à la foule et demande s’ils souhaitent libérer le « roi des juifs », et la foule excitée par le grand conseil et « les sacrificateurs » crie : « Qu’il soit crucifié! » ; le gouverneur ajoute: « Mais quel mal a-t-il fait? Et ils [crient] encore plus fort: Qu’il soit crucifié! » (Matthieu 27 :22-23). Alors Ponce Pilate se lave les mains devant eux et dit : « Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde », et le peuple en accepte la responsabilité (Matthieu 27 :24).
Après cet examen poussé de l’histoire biblique, revenons au débat. La première remarque sans doute à faire, est que M. Sarkozy a comparé Dominique Strauss-Kahn à Jésus. Outre ce non-sens, on comprend cependant qu’il sous-entendait que M. Hollande défendait intérieurement Jésus Strauss-Kahn, mais qu’il « s’est lavé les mains » de sa condamnation et en a reporté la responsabilité sur autrui, de manière lâche et faible. Dans notre cas très particulier, on peut même comprendre, que dans un sens très large, Nicolas Sarkozy accusait François Hollande de faire lâchement l’ignorant en taisant sa complicité et sa connaissance des vices de DSK.
Et c’est après toutes ces explications que vient la véritable question que veut soulever cet article : POURQUOI ? Quels étaient les potentiels électeurs visés par cette accusation ? Est-elle volontairement allusive ? Quelles sont les personnes qui ne l’ont pas perçue comme pédante et/ou mystérieusement incompréhensible ? Pourquoi, en bref, Monsieur Sarkozy a cessé pendant quelques secondes de faire du « grand public » a un moment qui l’était pourtant tellement ?!
Solution n°1 : M. Sarkozy s’adressait à l’élite cultivée de cette nation, et même à la gauche caviar et sceptique, à ses bobos invétérés qui ont hurlé au scandale durant les épisodes du Sofitel, et qui sont allés au catéchisme quand « ils étaient jeunes ».
Solution n°2 : M. Sarkozy espérait qu’on admire aveuglément sa culture, pour contrecarrer l’image du –pourtant indélébile- « cass’toi pov’ con ».
Solution n°3 : il s’est laissé emporter par la tension qui grandissait alors dans le débat, il s’est laissé tenter par le clash, par la joie de la petite phrase charmante et bien placée, une que, même Giscard d’Estaing n’aurait pas osée, au temps de la première « petite phrase » médiatique. C’est bien une « vanne », et du clash, dans la mesure où ce n’est pas expliqué et soutenu par un réel argument, c’est simplement une « pique » comme on n’en fait plus. Intellectuellement c’était justifié, médiatiquement c’était un échec (et le pire des échec pour une vanne du débat présidentiel : l’indifférence et le silence de l’incompréhension).
La leçon de l’histoire ? La France laïque ne connaît plus la Bible ni ses Evangiles et Sarkozy ne sait plus « clasher ». De quoi « s’en laver la main »…
 
Marine Gianfermi
Sources :
Les passages des Evangiles cités (Matthieu ; Luc)
L’extrait du débat
La page Wikipédia de Ponce Pilate (à consulter si on s’intéresse réellement à l’histoire de Ponce Pilate, qui est tout de même considéré comme un saint par l’Eglise orthodoxe éthiopienne et les Eglises coptes)
Crédits Photo : les meilleures tweets sur Ponce Pilate avant et pendant le débat.

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Campagne Homoparentalité Lepen
Archives

Jacques a dit « Eva aussi aurait pu avoir deux papas gays »

 
Bon d’accord, ce n’est pas Jacques qui l’a dit. On vous explique :
Période électorale oblige, les candidats à l’élection présidentielle ont  été vus partout, dans tous les médias et dans toutes les situations, plus ou moins réelles. Après avoir vu François Bayrou ou Nicolas Sarkozy à l’agonie dans une campagne en faveur de la légalisation de l’euthanasie, on retrouve six des dix candidats dans la peau, pour le moins surprenante, d’enfants et adolescents épanouis.
Cette idée peut prêter à sourire (ou au contraire être plutôt effrayante) mais elle traite un sujet bel et bien sérieux. Ces images ont en effet été réalisées dans le cadre d’une campagne web lancée par SOS homophobie pour défendre les droits des familles homoparentales.
François Bayrou, François Hollande, Eva Joly, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Sarkozy auraient pu, comme le répète la campagne, être eux aussi élevés dans des familles homoparentales et être heureux. Voilà le message simple véhiculée par l’association qui se bat depuis 18 ans pour l’égalité des droits des couples.
Le recours aux candidats pour cette campagne relève d’un double intérêt : tout d’abord, certains électeurs, ou du moins ceux qui n’ont pas fait une overdose, ont été à l’affût de toute apparition des aspirants présidents. Dans un tel contexte, la visibilité de leur message est assurée auprès d’un large public. Public dont faisaient à coup sûr partie les principaux concernés par cette campagne : les candidats.
SOS Homophobie avait auparavant sollicité chaque candidat sur douze de leurs revendications essentielles (mariage homosexuel, don du sang, sensibilisation à la diversité des relations amoureuses dans les programmes scolaires…) et mené plusieurs actions pour médiatiser ses problématiques. Et c’est cette campagne, relayée également par Le Monde, qui constitue le point d’orgue de la mobilisation. Ces images à la fois choquantes et drôles devaient interpeller les candidats sur un thème particulièrement discret, voire absent de cette (longue) campagne, bien qu’il divise très clairement les différents candidats. Liberté et ouverture pour les uns, respect des traditions pour les autres, la question des droits des lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT) a été relayée au second plan lors des débats mais gagne de l’importance grâce à cette nouvelle campagne bien ancrée dans l’actualité.
Même si les candidats se voient interpelés par cette campagne, ils peuvent également en bénéficier. Après tout, qui résisterait à un bébé Eva ou teenager François ? L’image des candidats devient de plus en plus importante. Le futur président se doit d’être présentable, souriant et d’être un citoyen lambda. Mathieu de Martignac, photographe pour Le Parisien, l’a bien compris, en proposant même aux candidats d’être pris en photo par… eux-même ! Quoi de mieux pour maîtriser sa propre image ?
La vidéo à voir ici >> laparisien.fr
En bref  l’ancrage dans l’actualité du message de SOS homophobie, qui lui reste intemporel, augmente l’impact de la campagne et vise directement les premières cibles visées. Mais le recours à l’image des candidats est-il une nouvelle tendance ou est-il amené à retomber dans l’oubli (et avec lui les thèmes abordés) dès la fin de la campagne et de sa couverture médiatique ? Les médias montrent ici une fois de plus leur pouvoir en s’adressant, quasiment sans intermédiaire aux candidats de l’élection.  Les enseignements à tirer de ce type de campagne publicitaire sont nombreux.  Et quel que soit son avis sur la question, on ne peut qu’apprécier de voir enfin des candidats souriants !
 
Manon Levavasseur
Sources :
Sos-homophobie
Lemonde.fr

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Société

François Hollande : l’homme du centre de la présidentielle ?

 
Ce dimanche 15 avril, une semaine pile avant le premier tour de la présidentielle, a été l’occasion pour les deux poids lourds de l’élection présidentielle d’organiser chacun leurs grands meetings publics avec une particularité pour cette fois : le plein air ! Difficile de ne pas voir en arrière fond l’influence de Jean-Luc Mélenchon et de sa « prise de la Bastille ».
François Hollande sur l’esplanade du château de Vincennes, Nicolas Sarkozy sur la place de la Concorde : les deux candidats avaient prévu de parler à la même heure. Une épreuve pour tester la capacité des journalistes à tweeter sur deux meetings en même temps ? Ou un simulacre de second tour au mépris du 1er et des autres candidats ? En tout cas, la réalité est bien là, on ne pouvait pas écouter les deux candidats en même temps, on était obligé de choisir l’information que l’on voulait avoir, de voter avant d’avoir voté en quelque sorte.
On nous avait ainsi annoncé une « démonstration de force » des deux côtés qui devaient se mesurer au nombre de personnes présentes : Le PS annonce 100.000 badauds tandis que le discours de Nicolas Sarkozy aurait fait déplacer 150.000 personnes. Des chiffres à prendre avec précaution, car la police ne fait jamais d’estimations pour les meetings politiques.
En s’attardant plus précisément sur le fameux meeting de François Hollande, on peut noter que, bien qu’il n’ait jamais nommé de candidats, il s’est autant attaqué à Nicolas Sarkozy qu’à Jean-Luc Mélenchon. Le « vote utile » était bien le but avoué de l’événement, « un classique de fin de campagne », surtout à gauche. C’est ainsi que François Hollande a cité François Mitterrand, qui, avant le premier tour en 1981, disait : « Candidat des socialistes, je suis aussi le seul candidat de Gauche qui soit en mesure de l’emporter. Et je serai fort dans le scrutin du premier tour pour permettre de conduire le changement. Et c’est pourquoi je demande à ceux qui veulent le changement, à ceux qui veulent une autre politique un autre président, de me donner, dès le premier tour, tous les moyens de gagner l’élection présidentielle ».
Pourtant, il est évident que le programme de Jean-Luc Mélenchon est bien plus proche (idéologiquement et concrètement) de celui de François Mitterrand en 1981, que de celui de François Hollande aujourd’hui. Dans un paysage médiatique où François Bayrou paraît avoir été éclipsé, l’homme tampon, l’homme du centre qui se dessine est bien le candidat socialiste. En réalité, son positionnement est plus de l’ordre du parti radical, François Hollande est ainsi plus crédible quand il revendique l’héritage de Pierre Mendès France que quand il cite celui de Léon Blum. C’est en ce sens, que son clip de campagne a pu en désarçonner certains. Il est possible de penser – sans trop s’avancer – que si la montée de Jean-Luc Mélenchon avait été moins forte dans les sondages, un clip de campagne un peu plus classique nous aurait été proposé.
Au final, le meeting de F. Hollande n’a pas été une démonstration de force : aucune nouvelle mesure n’a été annoncée, l’ambiance ressemblait plus à la Fête de l’Humanité (malgré le prix des merguez !) qu’au meeting du Bourget.
Certains voient dans cette position d’équilibriste (ni trop à gauche, ni trop au centre) un révélateur de la mollesse supposée du candidat, voire une faiblesse qui pourrait lui être fatale. Pourtant, au regard de l’histoire de la Vème République, la modération au sein de leurs partis respectifs est une caractéristique récurrente de nos anciens présidents. On peut penser que la personnalité de Nicolas Sarkozy et son positionnement politique plus prononcé ont changé la donne, mais tant que le coup d’essai n’est pas confirmé par une réélection, aucune conclusion ne peut être tirée.
 
Ludivine Preneron
Crédits photo : ps71.org

Signe de ralliement du PS pour les présidentielles 2012 fait par Jack Lang
Flops

Des ninjas au PS

La communication tient aujourd’hui un rôle majeur en politique, peut-être souvent, et malheureusement, le rôle le plus important. Nous sommes, depuis maintenant un certain temps, les spectateurs béats du combat pour la terre, non pas du Milieu, mais de l’Elysée. De ce fait, faire campagne revient aujourd’hui à prendre les armes, à entrer en guerre contre différents adversaires pour conquérir différents publics. Mais aujourd’hui comme tout le monde le sait, l’homme politicien se bat en grande majorité via les médias, de toutes les formes possibles. Il tire la lance face aux micros, croise le fer avec les caméras, luttant corps et âme pour répondre aux questions, aux réactions et aux attaques des opposants et des commentateurs. Plus rien n’est laissé au hasard. Pas le moindre geste, la moindre réflexion, le moindre lapsus.
Cette année 2012 va donc voir s’affronter jusqu’au mois d’avril les principaux prétendants à la présidence et leurs armées respectives sur le grand champs de bataille médiatique, semé d’embûches.
Ceci est l’histoire de l’échec d’un cri de guerre raté qui pourrait s’avérer dérangeant  dans ce contexte politique sanglant.
En tête des sondages, le candidat socialiste à la présidentielle, François Hollande, est clairement rentré en campagne ces dernières semaines. Et quelle entrée ! S’il n’y a rien à redire quant à la communication « personnelle » de l’homme qui peu à peu se métamorphose, passant de simple candidat à personne sérieusement présidentiable, le problème vient du slogan et surtout de l’illustration médiatique de ce dernier, véritable fiasco sur le net que je vous invite (peut être une fois de plus) à regarder.

Cette vidéo, circulant partout sur la toile depuis bientôt deux semaines, est l’objet de nombre de critiques, attaques et moqueries. Il faut en effet admettre en toute objectivité qu’il ne s’agit pas d’une grande réussite visuelle et symbolique. Le slogan en lui-même peut laisser certains d’entre nous dubitatifs. Confectionné à la perfection sous contrôle de l’équipe de communication du candidat dirigée par Manuel Valls, cet octosyllabe scindé en deux hémistiches également rythmés (1 pied, 3 pieds) véhicule tout l’enthousiasme, l’envie et peut-être la naïveté présente dans le projet socialiste. Loin de l’éternelle « Force tranquille » de Tonton, il rallie à la fois la part d’utopie présente dans le « rêve français » – notion chère au candidat (cf interview dans le Cabinet des curiosités) –  ainsi qu’une impression déjà très critiquée de déjà vu, du fait de sa ressemblance chiraquienne (« Ensemble maintenant ») et de son héritage mitterrandien (« Ici et maintenant »).
Las Ketchup revival
L’idée d’ajouter au slogan une dimension symbolique en lui assignant un geste, était donc risquée. Elle s’est avérée désastreuse.
Yann Barthès a reçu dans son Petit Journal du mercredi 25 Janvier, Vincent Feltesse responsable de la campagne numérique du candidat socialiste. Ce dernier a défendu l’idée de « blague au sein de l’équipe numérique » en mettant en avant toute « l’autodérision » du projet. Sauf que voilà l’autodérision est très vite capable de se transformer  en énorme flop. Si l’on regarde d’un peu plus près la vidéo, on voit que le geste de double coupure n’est pas réalisé de la même manière par tous les candidats. Il y a ceux qui le fond de l’extérieur vers l’intérieur (Jack Lang, Manuel Valls) symbolisant l’idée de coupure radicale dans le rassemblement, ceux qui partent de l’intérieur et décalent leurs mains vers l’extérieur pour faire table rase du passé (Pierre Moscovici). Et, c’est bien là le plus drôle, ceux qui font des vas-et-viens entre les deux positions, peut-être pour montrer que c’est quand même assez dur de couper le cordon. Nous rentrons alors là dans la catastrophe visuelle, surtout quand on voit deux personnes sur le même plan faire deux gestes complètement différents. Comment ne pas penser à Las Ketchup et leur chorégraphie qui fit danser un temps, la France entière, ou encore pour les puristes à la position des Power Rangers avant de se battre ? Une nouvelle image ninja pour le parti socialiste ?
Si le ridicule ne tue pas, il peut décrédibiliser. Quand on sait que l’UMP a racheté le nom de domaine du site relié au slogan de François Hollande pour y publier un faux programme critiquant le projet socialiste, on se dit que le candidat du changement aurait sans doute autre chose à faire que d’essuyer les facéties et maladresses de son équipe de communication.
Ne pas encore se tirer une balle dans le pied : tel est sans doute l’objectif premier des socialistes dans cette campagne bien assez violente.
 
Ambroise