Société

Les intelligences conversationnelles : la mutation des liens sociaux ?

Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle ère : l’ère conversationnelle. Depuis la création des machines, l’Homme ne cesse d’évoluer avec elles, les utilise au quotidien pour rendre sa vie plus facile, et les améliore pour assouvir ses besoins. Depuis peu d’années, une nouvelle étape a été franchie : nous pouvons dorénavant converser avec nos machines. Les enceintes portatives, les téléphones portables, les ordinateurs, les systèmes informatiques se dotent de plus en plus d’une intelligence conversationnelle. Cette dernière entre en interaction avec les êtres humains et les aide en fonction de leurs besoins. Ainsi, la machine n’est plus accessoire, elle devient une personne à part entière.
Pour créer ces machines futuristes, les industriels se sont inspirés des auteurs de science-fiction et de leur vision d’un monde hyper-technologique et connecté. En parallèle, ces auteurs nous expliquent que cet univers utopique est semé d’un danger prépondérant : la fin des liens sociaux et des relations humaines telles que nous les connaissons aujourd’hui.
Quelle place ont alors ces machines intelligentes dans notre société ? En quoi changent-elles notre perception du monde et bouleversent-elles notre connexion aux autres ?

Société

Hyperloop: le futur n'a jamais été aussi proche

Petite histoire non exhaustive de la mobilité
Si l’Homme s’est autant impliqué dans le perfectionnement et l’optimisation de ses moyens de transports, c’est pour amplifier le nombre et la qualité de ses déplacements. En France, comme ailleurs, la vitesse fut ainsi le moteur des réflexions sur la mobilité puisqu’elle garantit une certaine efficacité. Dès l’Antiquité romaine, on pava les routes pour faciliter les déplacements. L’industrialisation marqua, en Europe et aux Etats-Unis, une unification des territoires et une généralisation des transports. En 1842, le télégraphe électrique (Wheatstone et Cooke) permet de réguler le trafic des réseaux de chemins de fer et d’optimiser la mobilité. Puis en 1862, les Etats-Unis imaginent la première ligne de chemin de fer liant le Far West à l’Est industrialisé. La première guerre mondiale marquera un tournant dans l’histoire de la mobilité notamment en popularisant l’aviation, la première compagnie aérienne sera créée en 1921. L’Historique des transports et des réseaux serait encore long, d’autant plus que le train, par exemple, alimente encore tout un imaginaire littéraire (le Transsibérien, « l’Orient-Express », l’Indian Pacific ou le Rovos Rail pour ne citer qu’eux)
Tout le monde voudrait monter à bord du Darjeeling Limited avec Bill Murray !
L’Hyperloop
C’est dans ce contexte, qu’en 2013, Elon Musk, l’inventeur sud-africain des voitures électriques Tesla et du mode de paiement Paypal, présente son dernier projet, « l’Hyperloop » : un nouveau train se déplaçant à la vitesse du son, soit à 120O km/heure ! Ce train futuriste se présentera comme une capsule propulsée dans un tube et évoluant sur une plateforme électromagnétique soutenue à la surface par des pylônes. En élaboration depuis 2016 dans l’état californien, il permettrait dès 2020 de relier Los Angeles à San Francisco en 30 minutes (lorsque le trajet est d’environ 45 minutes en avion).
Il est déjà prévu qu’un Hyperloop soit ensuite construit en Europe, notamment entre Bratislava et Budapest, ce qui permettrait de réduire considérablement la durée du trajet (10 minutes au lieu de 2 heures en voiture). La Slovaquie est le premier pays à avoir signé avec l’entreprise « Hyperloop Transportation Technologies » mais on peut aisément imaginer une extension à toute l’Europe si la mise en place des infrastructures le permet.
   Hyperloop Transportation Technologies
Le discours d’escorte d’Elon Musk met l’accent sur certains avantages insoupçonnés de l’Hyperloop. En effet, il fait remarquer que l’optimisation du temps du trajet permettra une disponibilité optimale, avec des navettes régulières « qui partent dès que vous arrivez » (Elon Musk, septembre 2015). Cette disponibilité est perçue comme une véritable avancée dans la mesure où l’enjeu principal du trafic mondial est l’encombrement. En outre, il estime que le coût de l’Hyperloop San Francisco/Los Angeles sera nettement inférieur à celui de ses concurrents ferroviers : 6 milliards de dollars au lieu de 10 pour les autres compagnies. Et un prix au ticket autour de 20 dollars, accessible au plus grand nombre ! Néanmoins, le coût ainsi que le prix public sont aujourd’hui discutés par certains spécialistes. La dimension écologique est également non négligeable puisque l’Hyperloop, fonctionnerait grâce à des panneaux solaires et serait très peu gourmande en énergie.
Hyperloop Transportation Technologies
 
Une communication originale
Fort de son potentiel fantasmatique, le projet aux allures futuristes mobilise un large public, fan de high-tech et d’innovation. Ainsi, le projet est collaboratif, et repose en partie sur la plateforme « Jumpstartfund » où des talents du monde entier s’engagent à réfléchir au projet en échange de stock-options (rémunération variable en fonction du cours de l’action de l’entreprise). Hyperloop bénéfice donc de la réflexion de 400 nerds et ingénieurs impliqués gratuitement sur leur temps libre. Le choix originel de la Californie, proche de la Sillicon Valley, est donc stratégique car ses habitants sont célèbres pour y être les plus réceptifs aux nouvelles technologies. Amazon, Microsoft, Boeing, la Nasa et Aecom ont par ailleurs rejoint l’aventure. Actif sur les réseaux sociaux, et orchestrant savamment la révélation progressive d’informations sur le projet, Elon Musk se garantit une communauté séduite par l’idée d’une science-fiction devenue réalité. Les dessins et les vidéos accompagnant la présentation du projet surfent dès lors sur cet engouement.
Hyperloop Transportation Technologies
 La fin du voyage ?
 Parmi tous les superpouvoirs et les aptitudes olympiennes, le pouvoir de se déplacer à la vitesse de la lumière a toujours été un ardent désir humain. Arriver à temps lorsque nous sommes tous d’éternels retardataires, écourter la durée d’un trajet long et pénible, retourner chercher le pass Navigo oublié, bref anéantir les distances, autant d’avantages qu’offre la vélocité. Dans l’Antiquité, Hermès était le Dieu le plus rapide, messager et voyageur, grâce aux deux petites ailes accrochées à ses sandales. Puis les nouveaux héros des comics américains, post Seconde Guerre Mondiale, alimentèrent cet attrait pour la vitesse en imaginant des personnages tels que Flash ou Silver Surfer.
Il ne fait aucun doute que l’Hyperloop réaliserait cette aspiration. Cependant, cette innovation porte également en son sein la mort du voyage, pour ne pas dire la mort du lointain. Cette maîtrise consubstantielle de l’espace et du temps viendrait en effet anéantir la notion même de lointain en créant de nouveaux usages liés à la distance. Sa définition serait à relativiser, si l’on imagine un train dont les arrêts seraient les grandes capitales pour des durées dérisoires (25 minutes pour Londres et Bruxelles, 1h pour Berlin, 1h30 pour Rome…). L’Hyperloop engendrerait alors un monde on ne peut plus globalisé, où le plaisir de la distance, de l’évasion et du voyage, non pas comme fait mais comme déplacement, serait à repenser tout autrement. De ce fait, cela impliquerait nécessairement de nouvelles mobilités, et de nouveaux usages, modifiant l’urbanisme et la géographie telles que nous les connaissons. Lorsqu’on pense que certains trajets Paris/Lille sont plus rapides que Paris/Marne-la-Vallée, l’Hyperloop interroge par avance un nouveau nivellement dans la mobilité qui serait cette fois-ci à l’échelle internationale.
Emma Brierre
LinkedIn
Sources :
http://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-3493007/Hyperloop-coming-Europe-Superfast-tube-people-continent-just-25-minutes-2020.html

Hyperloop : Comment une stratégie de communication est-elle devenue un levier d’action communautaire pour développer une entreprise du futur ?


http://www.points-de-vue-alternatifs.com/l-habile-campagne-de-communication-sur-l-hyperloop
http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/hyperloop-le-train-supersonique-du-futur_1696881.html
http://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/20130717.OBS9849/elon-musk-annonce-l-hyperloop-un-moyen-de-transport-revolutionnaire.html
http://www.latribune.fr/blogs/cercle-des-ingenieurs-economistes/20140905tribb778c713d/l-hyperloop-est-il-un-roman-de-science-fiction.html
 

Culture

Recyclage habile, personnal-branding assumé, rap-game concurrentiel…

Le duc de Boulogne, le MC de la com.
Le jeudi 20 septembre, Booba, rappeur reconnu et reconnaissable des Hauts-de-Seine, a uploadé une piste de son futur album, Futur, sur son compte YouTube. Un décryptage poussé de l’artiste et de son oeuvre amène de nombreuses réflexions sur l’incursion furtive d’un marketing acerbe dans le cadre ultra-contestataire et contre-culture du rap.
 
Qui est Booba ? Un personnal-branding solide

 
Génie des mots, de la formule, de la métagore Booba va encore une fois titiller les charts français avec un sixième album, Futur, censé sortir fin 2012. Considéré comme un auteur respectable par Thomas Ravier dans la Nouvelle Revue Française, B20 aiguise des lyrics toujours sanglantes sur des instrumentales simplistes mais particulièrement efficaces. « C’est comme lorsque tu dessines la nouvelle Ferrari tu te prends la tête sur chaque courbe… » Cependant, sa capacité à manier habilement le buzz, le teasing, mais aussi le hard-selling décomplexé fait de lui un homme d’affaire efficace.
La critique sur ce teasing de Futur, libérée par le feedback 2.0, s’enjaille brutalement sur ce titre en avant première. Créateur d’un rap brutal, sanglant et profondément provocateur, Booba sait cependant monétiser son travail de manière transversale. La date, le thème et les paroles de Wesh Moray sont pensés, réfléchis, afin de provoquer l’habituelle guerre entre fans, rappeurs, et maisons de disques. La provocation est le fer de lance de la machine à vendre B20, il devient la signature d’un business-man mondialisé qui capitalise sur sa réussite. 
 
Rap-Game, vous-dites ?

 
On assiste un badinage insensé entre productivisme musical, préservation de l’audimat, marketing débridé entretenant le culte de l’image, de l’apparence, de la personnalité. Le rappeur commercial se doit d’être attirant, bad-boy, provocateur, voyou, homme d’affaire. « Homme d’affaire, j’ai ralenti le teu-chi » / « Boss du Rap-Game » / « Du biff veux-tu, du biff t’auras » /  « Crapaud devenu Prince, cheval cabré sur le capot ».
Le hip-hop se base principalement sur le loop, l’instrumental basé sur la boucle qui revient sans cesse et de façon entêtante. Un tel motif de composition musicale s’est retrouvé dans les textes.  Là aussi la répétition est une marque de fabrique et certains thèmes, certaines images sont omniprésents. Le rap commercial actuel se caractérise par l’obsession de l’argent, des armes, du sexe, des berlines allemandes, mais aussi par le rejet permanent de l’autorité. Booba s’est d’ailleurs lui-même couronné de « boss du Rap-Game » dans Lunatic en 2010. « Avec des gros billets, comme ça qu’on pèse, boss du rap-game, 240 en moyenne, Porsche Cayenne, brolic dans le short, chemise Hawaïenne. »
 Le rappeur impose, fier de sa réussite, fier de ses affaires, de son argent, il se doit de le prouver. « Pas de milieu aisé, j’ai grandi au zoo ». Cet esprit permet d’entretenir une concurrence violente avec les autres grands de la scène hip-hop en France. Le clash entre rappeurs, par textes interposés, permet d’entretenir le buzz, de créer un esprit de clan, de famille chez les fans. Diviser pour mieux régner, B20 l’a bien compris et enfile souvent son costume de gladiateur du rap en multipliant les attaques. On ne les compte plus, Sinik, Rohff, Kyzer,, MCJeanGab1, Matt Pokora, Kamaro, Diam’s, Alpha 520, IAM, NTM, MC Solaar… Le clash est suivi, les réponses attendues, les paroles décryptées afin d’en déterrer les attaques parfois bien cachées.
On est donc bien loin des premières valeurs du hip-hop, du rap contestataire, de la revendication sociale des premiers. Le ghetto de New-York est bien loin du swag assumé et du bling bling revendiqué. On assiste véritablement à une transformation du discours. Le rejet du consumérisme s’est transformé en un matérialisme hardcore. Comme dit le Roi Heenok, « Les berlines de luxe sont un moyen pour le jeune entrepreneur noir de se montrer ».
 
L’omniprésence des marques

 
Booba est surement le publicitaire le plus inventif. Les marques se cachent dans les textes. Nouveau média pour les annonceurs, les lyrics jouent sur la métaphore, l’allégorie, la métonymie pour rendre implicite le produit visé. Le Jack Daniels devient donc « bouteille carré sec au goulot », une Ferrari se définit par son « cheval cabré sur le capot ». Les métaphores sont précises, presque chirurgicales. Ainsi, une voiture devient automatiquement une Lambo, Bentley ou MercoBenz tandis que les armes sont automatiquement décrites par les marques, UZI, ou « Desert-Eagle te blesse »
Le duc de Boulogne fait aussi la publicité de certains produits en les rapprochant de son mode de vie : « j’ai rendu magique les BBM » / « pour m’endormir, je compte les diamants sur ma Breilting » / « J’voyage beaucoup, j’ai des Miles » / « Coke, pas de Pepsi » / « Quoi de neuf ? Tout est neuf, rolex neuve, mercedes neuve… » / « Que des big-booty-girl dans mon Blackberry Curve ».  
 
Découvrez Booba, apprenez à décrypter. Installez vous, bouteille de JackDaniels à proximité, casque sur les oreilles, et écoutez B20. Deux trois chef-d’œuvres se cachent derrière les muscles, les swag, et le bling-bling. Le bitume avec une plume se révèle être particulièrement touchant « depuis les chaines et les bateaux j’rame t’inquiète aucune marque dans le dos, man, je les ai dans le crâne » tout comme Au bout de mes rêves avec « Mon fils, à l’école, tu seras imbattable, mais si tu échoues et si je pars avant toi, prends mes sous, jette ton cartable ».
Admirez les jeux de langages, les sonorités travaillées « Des plaques et des plaques, si c’porc d’Chirac était black » / « Y’a plein d’trucs à prendre, et puis t’apprends, avec les coups, revient avec des c**illes, tes potes, frappe avec les coudes. » Booba fait clairement vivre la langue française, de façon différente, en la disséquant, en lui ouvrant les veines. Je fus plaqué au mur, tabassé par des raccourcis, des rapprochements qui n’ont pas lieu d’être, des images, brusques, brutales, impossibles à se retirer de la tête. Je croyais mettre un disque, j’ai ouvert une vie, un album photo, un livre de passions, de son, de verbe, de langue, de mots, de sang, une boite de pandore.
 
Emmanuel de Watrigant 

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