Personnages formant le personnage du logo anonymous
Politique

We are Anonymous.

Depuis la fermeture du site Megaupload par le FBI le 19 janvier dernier, on ne finit plus d’entendre de ce groupe d’hacktivistes : Anonymous. Project Chanology, Operation Payback, Operation Blackout : qui sont ces défenseurs de l’Internet libre?
Avec le succès de ses dernières opérations, notamment le piratage du site internet du ministère de la défense syrien en Août 2011, Anonymous est devenu un véritable état d’esprit. Anonymous n’est pas le nom du collectif à proprement parlé, le terme renvoie à un concept partagé par ses membres. Ses manifestants se représentent par un homme en costume cravate noir, sans tête. Sans visage donc sans identité, un anonyme, quelqu’un comme vous et moi.
Ce choix du logo n’est certainement pas dû au hasard, comme en témoigne l’organisation du groupe. En effet, Anonymous est un collectif, il n’y a pas de leader. C’est un regroupement d’internautes anonymes qui défendent les mêmes valeurs. Comme sur l’image, chacun est libre de participer ; ceux qui ne le souhaitent pas se tiennent en retrait. En fait, la plupart des anonymes sont de simples utilisateurs ; seulement un faible pourcentage de hackeurs « professionnels » contribue régulièrement aux opérations spéciales. Le fonctionnement est simple : un anonyme propose une intervention, et s’il y a suffisamment d’internautes qui souhaitent participer, l’opération est lancée, sinon l’idée est abandonnée. Le nombre d’hacktivistes varie selon les opérations, certaines en impliquent une douzaine, d’autres plusieurs milliers. La portée de l’attaque est d’autant plus forte que les participants sont nombreux.
L’anonyme est en costume-cravate noir, qui n’est pas sans rappeler l’uniforme des Men In Black, ce groupe de personnages présents dans le collectif américain dont le but serait de protéger l’humanité contre les attaques extra-terrestres. Les anonymes affirment être des défenseurs qui se battent contre les congressistes qui adoptent les lois attaquant les droits des internautes, comme celle de la SOPA (Stop Online Piracy Act). Ce projet de loi vise à élargir les capacités d’application du droit d’auteur et des ayants droit pour lutter contre sa violation en ligne et les contrefaçons. Récemment, Anonymous a piraté les sites internet des grands groupes signataires du SOPA.
La protection des données sur Internet est l’une des valeurs revendiquées par le groupe d’hacktivistes, c’est pourquoi les actions sont organisées de manière à ce qu’il soit presque impossible de déterminer les personnes à l’origine des attaques et leur provenance. En fait, les anonymes ne sont qu’une ombre qui plane sur la toile. C’est le message porté par leur slogan : « We are Anonymous. We are legion. We do not forgive. We do net forget. Expect us » (Nous sommes Anonymous. Nous sommes une legion. Nous ne pardonnons pas. Nous n’oublions pas. Préparez-vous). Cependant, le site Paypal, victime d’un hack d’Anonymous a déclaré avoir livré au FBI 1 000 adresses IP permettant d’identifier des internautes ayant soutenu l’attaque.
Les Anonymes apparaissent parfois sous le masque de Guy Fawkes, l’un des protagonistes de « Conspiration des poudres », dont l’action avait pour but de protester contre la politique du roi en matière de religion, jugée intolérante, en faisant exploser le palais de Westminster. Guy Fawkes a notamment inspiré Alan Moore et David Lloyd, les créateurs de la bande dessinée « V for Vendetta ». Cependant, Anonymous est contre l’utilisation de la violence dans ses interventions.
La principale critique envers l’action de cette communauté est celle du couvert d’anonymat et les dérives que cela entraîne. Suite à la fermeture de Megaupload par exemple, Anonymous a décidé de lancer l’opération Blackout dont la communication a été plus que confuse. En effet, plusieurs vidéos ont annoncé le blocage des sites de Facebook, Twitter et Youtube. Il s’agissait en fait de faux ; puisqu’Anonymous est contre l’attaque des médias qu’il considère comme le moyen d’expression des Internautes. L’information a été par la suite reprise par de nombreux sites d’information. Même si le collectif jouit d’un soutien de la part des internautes, l’absence de leadership au sein de ce collectif rend parfois le message des Anonymes obscur, et il devient de plus en plus difficile de faire la distinction entre les actions d’Anonymous et les attaques violentes d’hackeurs qui se revendiquent de la communauté. En tout cas, devant une telle popularité, il serait peut-être temps qu’Anonymous sorte enfin de son anonymat.
 
C.D.

Société

Facebook : un colosse sous la mitraille

 
Rappelez-vous le 5 novembre dernier. Nombre d’entre-nous frissonnions, mi-incrédules, mi-fascinés, devant nos écrans dans l’attente d’une hypothétique apocalypse numérique. Un type portant un masque de Guy Fawkes avait annoncé la mort de Facebook pour ce jour.
Rien ne se passa et l’on parle beaucoup désormais de franc-tireur ou d’extrémiste isolé. L’homme avait été rapidement démenti, il est vrai, par d’autres membres du collectif Anonymous. Néanmoins, certaines de ses critiques, comme « tout ce que vous faîtes sur Facebook reste sur Facebook, indépendamment de vos paramètres de vos confidentialité », ne peuvent être ignorées et sont d’ailleurs reprises par des activistes bien plus sérieux.
Max Schrems, par exemple, l’étudiant devenu célèbre pour avoir déposé 22 plaintes contre Facebook, les a faites siennes. Il a lancé avec des amis le site Europe-v-Facebook.org, où sont exprimés ses griefs. Il y reproche notamment à l’entreprise de Marc Zuckerberg son manque de transparence quant à l’utilisation des données des utilisateurs, et l’impossibilité pour eux de vraiment choisir ce qui est divulgué les concernant.
Le monde politique s’intéresse également à la question. Facebook devrait être prochainement attaqué en justice par les autorités allemandes à cause de sa fonction de reconnaissance faciale, et la Commission Européenne vient d’être saisie sur la conformité du réseau au droit européen.
Aux Etats-Unis, on est en avance. Un accord devrait être conclu dans les prochaines semaines avec la Federal Trade Commission, rendant impossible pour Facebook de changer le degré de publicité des données sans l’accord des utilisateurs. Il devra également se soumettre à des audits réguliers sur la vie privée pendant 20 ans.
Ce pas en arrière n’est en vérité pas le premier. En 2007 déjà, Zuckerberg avait dû revoir à la baisse ses ambitions pour Beacon, un système rendant publique la consommation de chacun sur le web. Sous la pression de milliers d’internautes, Beacon était passé de l’opt-in à l’opt-out. Autrement dit, l’accord préalable de l’utilisateur était devenu obligatoire.
L’intérêt d’un tel dispositif est immense, Zuckerberg l’explique bien : « La référence de quelqu’un en qui ils ont confiance influence plus les gens que le meilleur message télévisé. C’est le Saint Graal de la publicité. » Beacon était un calice, que Facebook a craint de boire jusqu’à la lie.
En effet, le site de social networking existe et génère du profit en donnant à voir à des entreprises les échanges des utilisateurs dans le cadre de communication qu’elle fournit, et en accordant à ces entreprises des espaces, dans ce même cadre, pour proposer des publicités aux membres qui les intéressent. Si les utilisateurs se défient du réseau, ils le fréquenteront moins, y produiront moins de contenu, donneront moins d’informations sur eux et y seront donc moins exposés à la publicité et moins bien. La reculade se comprend aisément.
Derrière elle, moins visible, est la contradiction, ou asymétrie, inhérente à Facebook, entre la nécessité de bonnes relations avec les usagers et la tentation omniprésente d’aller contre leur besoin de vie privée, défendue désormais par les institutions politiques.
Ainsi, au-delà des risques terroristes ou judiciaires, toujours plus ou moins maîtrisables, est celui majeur de la fuite des utilisateurs. L’ambitieux Google + ou l’alternatif Diaspora ne demandent qu’à accueillir des masses de migrants numériques indignés. Impensable diront certains. Il fut un temps où Myspace dépassait Facebook de quelques têtes leur répondra-t-on.
 
Romain Pédron

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