Société

Facebook : un colosse sous la mitraille

 

Rappelez-vous le 5 novembre dernier. Nombre d’entre-nous frissonnions, mi-incrédules, mi-fascinés, devant nos écrans dans l’attente d’une hypothétique apocalypse numérique. Un type portant un masque de Guy Fawkes avait annoncé la mort de Facebook pour ce jour.
Rien ne se passa et l’on parle beaucoup désormais de franc-tireur ou d’extrémiste isolé. L’homme avait été rapidement démenti, il est vrai, par d’autres membres du collectif Anonymous. Néanmoins, certaines de ses critiques, comme « tout ce que vous faîtes sur Facebook reste sur Facebook, indépendamment de vos paramètres de vos confidentialité », ne peuvent être ignorées et sont d’ailleurs reprises par des activistes bien plus sérieux.
Max Schrems, par exemple, l’étudiant devenu célèbre pour avoir déposé 22 plaintes contre Facebook, les a faites siennes. Il a lancé avec des amis le site Europe-v-Facebook.org, où sont exprimés ses griefs. Il y reproche notamment à l’entreprise de Marc Zuckerberg son manque de transparence quant à l’utilisation des données des utilisateurs, et l’impossibilité pour eux de vraiment choisir ce qui est divulgué les concernant.

Le monde politique s’intéresse également à la question. Facebook devrait être prochainement attaqué en justice par les autorités allemandes à cause de sa fonction de reconnaissance faciale, et la Commission Européenne vient d’être saisie sur la conformité du réseau au droit européen.
Aux Etats-Unis, on est en avance. Un accord devrait être conclu dans les prochaines semaines avec la Federal Trade Commission, rendant impossible pour Facebook de changer le degré de publicité des données sans l’accord des utilisateurs. Il devra également se soumettre à des audits réguliers sur la vie privée pendant 20 ans.

Ce pas en arrière n’est en vérité pas le premier. En 2007 déjà, Zuckerberg avait dû revoir à la baisse ses ambitions pour Beacon, un système rendant publique la consommation de chacun sur le web. Sous la pression de milliers d’internautes, Beacon était passé de l’opt-in à l’opt-out. Autrement dit, l’accord préalable de l’utilisateur était devenu obligatoire.
L’intérêt d’un tel dispositif est immense, Zuckerberg l’explique bien : « La référence de quelqu’un en qui ils ont confiance influence plus les gens que le meilleur message télévisé. C’est le Saint Graal de la publicité. » Beacon était un calice, que Facebook a craint de boire jusqu’à la lie.

En effet, le site de social networking existe et génère du profit en donnant à voir à des entreprises les échanges des utilisateurs dans le cadre de communication qu’elle fournit, et en accordant à ces entreprises des espaces, dans ce même cadre, pour proposer des publicités aux membres qui les intéressent. Si les utilisateurs se défient du réseau, ils le fréquenteront moins, y produiront moins de contenu, donneront moins d’informations sur eux et y seront donc moins exposés à la publicité et moins bien. La reculade se comprend aisément.
Derrière elle, moins visible, est la contradiction, ou asymétrie, inhérente à Facebook, entre la nécessité de bonnes relations avec les usagers et la tentation omniprésente d’aller contre leur besoin de vie privée, défendue désormais par les institutions politiques.

Ainsi, au-delà des risques terroristes ou judiciaires, toujours plus ou moins maîtrisables, est celui majeur de la fuite des utilisateurs. L’ambitieux Google + ou l’alternatif Diaspora ne demandent qu’à accueillir des masses de migrants numériques indignés. Impensable diront certains. Il fut un temps où Myspace dépassait Facebook de quelques têtes leur répondra-t-on.

 
Romain Pédron

Tags:

2 thoughts

  • Merci pour cet article.
    Je me permettrais juste de commenter votre conclusion : je suis très loin de penser que G+ offre une alternative sérieuse aux "indignés" de Facebook. J'ai eu la chance de me familiariser à ce réseau pendant sa période beta, et je l'ai tout de suite quitté lorsqu'il a est passé en public : j'avais encore moins l'impression de contrôler mes données que su facebook. Le projet de google est dangereux. Pour la plupart des internautes, google est avant toute chose un moteur de recherche (même si, avec l'unification de son design sur les différentes plateformes qu'il possède – youtube par exemple – la prise de conscience qu'il est plus que ça est lentement en marche), or, les critiques faite à Facebook développent en nous une espèce d'obsession de la protection de nos données, si anodines soit elles. S'inscrire alors sur un réseau qui excelle dans le domaine du <strong>moteur de recherche</strong>, c'est à dire qui sait bien "dénicher" et répertorier les données, ne me semble pas être une bonne alternative (de plus, l'hégémonie de google et son poids sur le scène économique et politique ne sont pas des plus rassurants…)
    Diaspora en revanche me paraît bien plus accueillant : fondé par un petit groupe de jeune qui ne s'attendait pas à tant de soutien, considérant la protection des données comme primordiale (rappelons que si G+ n'accepte pas que les utilisateurs prennent des pseudonymes, diaspora l'encourage presque), et disposant d'un beau design. Malheureusement, c'est G+ qui a récupéré toutes les innovations de diaspora (autant en design qu'avec l'idée des "aspects", "circles" sur G+) et diaspora rame, noyé par les grands.
    G+ n'a déjà pas été une réussite, je doute que Diaspora, malheureusement, en soit aussi une : les utilisateurs sont bien trop installés sur Facebook qui, bien plus que Myspace, est un véritable coffre de leur vie.

Laisser un commentaire