Publicité et marketing

Pietà : quand les points de croix mènent à la rédemption

 
« Pietà » : c’est le nom de la statue en marbre de Michel Ange représentant la Vierge Marie tenant le corps du Christ descendu de la croix. Mais c’est aussi le nom du label de vêtement créé il y a quelques mois par Thomas Jacob, un Français de 26 ans expatrié au Pérou et dont les productions originales sont entièrement confectionnées par des détenus à Lima. Car comme la figure de la Vierge, ils acceptent avec dignité leur destin et prennent à bras-le-corps leur situation.
Ce projet intéressant et novateur a d’abord une vocation sociale. Il permet à ces détenus d’occuper leur quotidien difficile en s’échappant un peu de l’enfer carcéral, de retrouver une certaine forme de confiance en eux et de considération des autres grâce à un nouveau métier, mais aussi de bénéficier d’un revenu et de réductions de peine pour chaque jour travaillé. Et surtout, c’est l’occasion pour ces exclus de réintégrer une forme de tissu social par le biais des machines à coudre. Qui sait si cela ne donnerait pas quelques idées, voire Révélation, à nos constitutionnalistes français…
L’innovation du projet ne s’arrête pas là. En créant Pietà, Thomas Jacob a souhaité se libérer des « canons » du marketing. S’il y a bien étiquette, il n’y a pas de logo. C’est du moins ce que symbolise la petite croix sur le col des créations, ainsi que la signature personnelle sous forme de broderie de celui qui a conçu le vêtement. La marque de l’individu devient identité visuelle de l’entreprise. Il n’y a pas non plus de positionnement défini. La ligne est très sobre et unisexe pour plaire à toutes les communautés et mettre en valeur tout un chacun. Il s’agit d’effacer les stigmates : ceux de l’uniforme rayé des « taulards » comme ceux de la mondialisation anonyme des vêtements habituels de monsieur et madame tout-le-monde. Enfin, le créateur l’affirme lui-même, tout le design du site internet de commercialisation est « 100% handmade » et avec peu de texte, encore un choix original,  pour que les vêtements soient plus visibles et plus forts. On parle bien d’un nouveau credo de la mode.
C’est en cela aussi que le projet séduit. Bien que soit nié tout processus de marketing ou de communication, on ne peut que saluer les choix opérés par le créateur, amplement justifiés et promesses de qualité. Son choix de l’utilisation de matières nobles et écologiques d’abord, purs produits péruviens, qui en plus de surfer sur la vague de la « green attitude » donnent du cachet au travail des prisonniers. L’unicité des pièces ensuite, qui valorise leurs œuvres exportées aux quatre coins du monde. L’authenticité, enfin, présente depuis la création jusqu’à la commercialisation sur le site internet : toutes les pièces sont dessinées pour eux selon leurs compétences respectives, entièrement assemblées en prison, et les prisonniers s’improvisent même mannequins pour en faire la promotion.

Surtout, c’est l’image de la prison et de ses pénitents forcés  qui est changée grâce à ce projet. Out l’uniforme triste des Dalton, out le charme diabolique des bads boys repris de justice rendus célèbres par nos séries préférées, out le « taulard » qui passe ses journées à tourner en rond, payant sa peine sur les deniers de la société. Ils ont désormais un visage, des compétences techniques et esthétiques, ils sont volontaires pour faire ce que certains pharisiens appelleraient « un travail de gonzesses » et s’investissent dans un projet à long terme.
Car les collaborateurs de Thomas Jacob semblent avoir largement fait leurs preuves, au point qu’ils pourraient bien continuer à travailler pour la marque à leur sortie de prison, si elle réussit un jour à sortir du purgatoire du e-commerce pour ouvrir une boutique.
A nous consommateurs avec un peu de foi pour les projets à dimension humaine de porter la bonne parole de cette belle initiative qui ne compte pas sur la publicité et les rouages de la communication bien huilés. Thomas Jacob, en visionnaire créatif et ambitieux, compte bien développer son réseau et convertir d’autres établissements pénitenciers, ainsi qu’élargir la gamme des produits de la marque. Mais si son bussiness plan est des plus orthodoxes, il n’entend pas renier sa philosophie du 100% carcéral et donner la chance à ceux qui ne sont pas aussi habiles de leurs mains de participer au projet autrement. Cela pourrait aussi donner des idées à de futurs entrepreneurs avec une fibre sociale qui souhaiteraient aider des hommes en bas de la pente à la remonter grâce à une reconversion utile et originale. Quoiqu’il en soit, le relais est donné au public consommateur qui peut, lui aussi, saisir le fil du projet et, à hauteur de ses moyens, s’y engager en faisant l’acquisition d’une des pièces uniques de la collection et ainsi soutenir ce label prometteur qui a fait le pari de réussir en sortant des sentiers battus et rebattus de nos grandes marques de mode.
 
Inès Garmon
Le site du projet 
Sources
Posemag
Meltystyle
L’express
Influencia

Culture

Jacques a dit que Balzac et Zola allaient devenir des panneaux publicitaires

 
Rien d’étonnant dans le fait de trouver des doubles pages de publicité dans Glamour, ni même dans votre M du weekend : les annonceurs commerciaux ciblent toutes les composantes du spectre de la presse écrite sans faire les fines bouches, en visant néanmoins les titres correspondant à leur secteur d’appartenance et aux publics qu’ils souhaitent toucher – leurs clients potentiels. Cette stratégie permet effectivement d’atténuer le caractère invasif de leurs appels d’offres qui, tombant à propos, dérangent moins les lecteurs. Prenons l’exemple archétype des magazines féminins : si nombreuses sont les lectrices – et nombreux les lecteurs ? – qui témoignent de leur exaspération face à l’absence de contenu éditorial et se plaignent de l’invasion des annonces, il n’en reste pas moins qu’elles font aujourd’hui partie intégrante du corps de ce genre de titres, jusqu’à paraitre naturelles. Ces magazines constituent des supports publicitaires particulièrement opportuns – des écrins publicitaires si bien conçus que les publicités appartiennent désormais au contrat de lecture. Et notons que ce qui est vrai pour Elle ou Grazia l’est aussi pour Auto-Journal ou Science & Vie Junior. Il serait cependant injuste, inutile voire même insensé de faire de ce constat un blâme : la presse écrite a autant besoin des ressources que lui procure la publicité que les annonceurs des supports qu’elle leurs offre – ils sont nécessaires à leur existence respective. L’ensemble du système de la presse écrite repose sur cette interdépendance qui, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, lui permet de conserver sa liberté – son autonomie vis-à-vis des pouvoirs politiques.
Rien d’étonnant, donc, à trouver de la publicité dans les journaux ou dans les magazines – seuls les lecteurs du Canard Enchaîné ou de Causette y échappent. Mais que diriez-vous de voir apparaitre une annonce pour Nescafé, Mr Propre ou encore Durex dans un livre ?
C’est ce qui vous attend si vous avez adopté les eBook readers, ces liseuses numériques à ne pas confondre avec les tablettes, qui possèdent bien plus de fonctions et sont dotées d’applications. Il vous est par exemple impossible de jouer à Angry Bird sur le Kindle d’Amazon ou sur le Kobo de la Fnac ; et je crains qu’elles ne vous permettent pas non plus de consulter vos comptes, de géo-localiser le McDo le plus proche ou de live-twitter un meeting de Mélenchon. Notons cependant que les liseuses offrent un réel confort de lecture : leur écran n’est pas rétroéclairé, et les yeux ne fatiguent pas. Si elles ne multiplient pas les fonctions, c’est donc pour mieux assumer la leur.
J’entends d’ici les puritains crier au scandale – « un support numérique ne remplacera jamais le livre ! ». Et je ne peux qu’acquiescer.
Les eBooks ne remplaceront pas les livres – ce n’est d’ailleurs pas leur vocation. Les contenus numériques sont transportables plus facilement, et moins chers – tout simplement. Et c’est à la lumière de ces avantages qu’il faut reconsidérer et juger les liseuses.
Mais nous ne sommes pas ici pour faire leur procès. Signalons néanmoins que le fait qu’il n’y ait pas encore de tradition attachée au livre numérique laisse la porte ouverte à des pratiques auxquelles on n’aurait jamais songé avec les livres papiers – c’est le cas de la publicité.
Les éditeurs numériques songent effectivement à autoriser l’insertion de publicités au sein même des eBooks. Ainsi, lorsqu’un personnage du roman que vous lirez sirotera une tasse de thé, il se pourra qu’apparaisse sur la page de votre liseuse une annonce, ou le lien vers une annonce de la marque Earl Grey. De même, si le décor de l’action est planté à San Francisco, vous pourriez voir s’afficher sur votre écran une publicité pour une chaîne d’hôtels prestigieux de la ville, ou pour une agence de voyage américaine …
Une telle nouvelle donne envie de crier au scandale, je vous l’accorde. La première réaction ne peut être que le refus épidermique : souiller ainsi le livre, cet objet sacré – sacralisé ?
Les éditeurs numériques mettent en avant la baisse des coûts : une telle pratique permettrait de diminuer le prix des eBooks, et donc de faciliter l’accès à tous aux contenus et à la culture. Rappelons que la T.V.A. sur les livres vient d’augmenter, passant de 5,5% à 7%…
Que penser d’une telle mesure ? Faut-il distinguer les livres papiers des livres numériques, et accepter de faire une place aux annonceurs sur le territoire bien gardé du livre, via les eBooks ? Sans doute serait-il plus judicieux de ne pas établir de différence fondamentale entre les deux types de supports, pour plusieurs raisons : cela permettrait d’abord de revaloriser le livre numérique, qui souffre d’un manque essentiel de reconnaissance et de crédit par rapport au livre papier. Et puis, si l’on autorisait l’insertion de publicités dans les eBooks, pourquoi la refuserait-on, à long terme, dans les livres traditionnels ? …
 
Elodie Dureu

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