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Jacques a dit que Balzac et Zola allaient devenir des panneaux publicitaires

 

Rien d’étonnant dans le fait de trouver des doubles pages de publicité dans Glamour, ni même dans votre M du weekend : les annonceurs commerciaux ciblent toutes les composantes du spectre de la presse écrite sans faire les fines bouches, en visant néanmoins les titres correspondant à leur secteur d’appartenance et aux publics qu’ils souhaitent toucher – leurs clients potentiels. Cette stratégie permet effectivement d’atténuer le caractère invasif de leurs appels d’offres qui, tombant à propos, dérangent moins les lecteurs. Prenons l’exemple archétype des magazines féminins : si nombreuses sont les lectrices – et nombreux les lecteurs ? – qui témoignent de leur exaspération face à l’absence de contenu éditorial et se plaignent de l’invasion des annonces, il n’en reste pas moins qu’elles font aujourd’hui partie intégrante du corps de ce genre de titres, jusqu’à paraitre naturelles. Ces magazines constituent des supports publicitaires particulièrement opportuns – des écrins publicitaires si bien conçus que les publicités appartiennent désormais au contrat de lecture. Et notons que ce qui est vrai pour Elle ou Grazia l’est aussi pour Auto-Journal ou Science & Vie Junior. Il serait cependant injuste, inutile voire même insensé de faire de ce constat un blâme : la presse écrite a autant besoin des ressources que lui procure la publicité que les annonceurs des supports qu’elle leurs offre – ils sont nécessaires à leur existence respective. L’ensemble du système de la presse écrite repose sur cette interdépendance qui, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, lui permet de conserver sa liberté – son autonomie vis-à-vis des pouvoirs politiques.

Rien d’étonnant, donc, à trouver de la publicité dans les journaux ou dans les magazines – seuls les lecteurs du Canard Enchaîné ou de Causette y échappent. Mais que diriez-vous de voir apparaitre une annonce pour Nescafé, Mr Propre ou encore Durex dans un livre ?

C’est ce qui vous attend si vous avez adopté les eBook readers, ces liseuses numériques à ne pas confondre avec les tablettes, qui possèdent bien plus de fonctions et sont dotées d’applications. Il vous est par exemple impossible de jouer à Angry Bird sur le Kindle d’Amazon ou sur le Kobo de la Fnac ; et je crains qu’elles ne vous permettent pas non plus de consulter vos comptes, de géo-localiser le McDo le plus proche ou de live-twitter un meeting de Mélenchon. Notons cependant que les liseuses offrent un réel confort de lecture : leur écran n’est pas rétroéclairé, et les yeux ne fatiguent pas. Si elles ne multiplient pas les fonctions, c’est donc pour mieux assumer la leur.

J’entends d’ici les puritains crier au scandale – « un support numérique ne remplacera jamais le livre ! ». Et je ne peux qu’acquiescer.

Les eBooks ne remplaceront pas les livres – ce n’est d’ailleurs pas leur vocation. Les contenus numériques sont transportables plus facilement, et moins chers – tout simplement. Et c’est à la lumière de ces avantages qu’il faut reconsidérer et juger les liseuses.

Mais nous ne sommes pas ici pour faire leur procès. Signalons néanmoins que le fait qu’il n’y ait pas encore de tradition attachée au livre numérique laisse la porte ouverte à des pratiques auxquelles on n’aurait jamais songé avec les livres papiers – c’est le cas de la publicité.

Les éditeurs numériques songent effectivement à autoriser l’insertion de publicités au sein même des eBooks. Ainsi, lorsqu’un personnage du roman que vous lirez sirotera une tasse de thé, il se pourra qu’apparaisse sur la page de votre liseuse une annonce, ou le lien vers une annonce de la marque Earl Grey. De même, si le décor de l’action est planté à San Francisco, vous pourriez voir s’afficher sur votre écran une publicité pour une chaîne d’hôtels prestigieux de la ville, ou pour une agence de voyage américaine …

Une telle nouvelle donne envie de crier au scandale, je vous l’accorde. La première réaction ne peut être que le refus épidermique : souiller ainsi le livre, cet objet sacré – sacralisé ?

Les éditeurs numériques mettent en avant la baisse des coûts : une telle pratique permettrait de diminuer le prix des eBooks, et donc de faciliter l’accès à tous aux contenus et à la culture. Rappelons que la T.V.A. sur les livres vient d’augmenter, passant de 5,5% à 7%…

Que penser d’une telle mesure ? Faut-il distinguer les livres papiers des livres numériques, et accepter de faire une place aux annonceurs sur le territoire bien gardé du livre, via les eBooks ? Sans doute serait-il plus judicieux de ne pas établir de différence fondamentale entre les deux types de supports, pour plusieurs raisons : cela permettrait d’abord de revaloriser le livre numérique, qui souffre d’un manque essentiel de reconnaissance et de crédit par rapport au livre papier. Et puis, si l’on autorisait l’insertion de publicités dans les eBooks, pourquoi la refuserait-on, à long terme, dans les livres traditionnels ? …

 
Elodie Dureu

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3 thoughts

  • Malheur, jamais je ne pourrai m'habituer à avoir des liens qui apparaissent au fil de ma lecture personnellement… Entrer dans une histoire c'est se déconnecter du monde qui nous entoure, c'est partir à Tokyo, New-York, c'est partir dans le Londres ou le Paris du XVIIIe, c'est aller dans les petites rues de Venise au début du XXe et filer dans la voiture vers le Sud de la France… Tout en restant assis dans son métro!! Avec des liens pour des hôtels, des restaurants, des sites d'achat en ligne etc. partout autour des pages, comment rester dans nos univers?
    Pour le coup, ça ne me motive absolument pas pour acheter un de ces gadgets. Le bon vieux livre, il n'y a rien de mieux!!

  • Vous les regardez, vous, les pubs dans les magazines ? Pour ma part, juste celles qui m'intéressent, pour leur qualité esthétique ou simplement pour l'info qu'elles délivrent. Autant dire que la plupart sont transparentes. Alors, si ça permet de revoir à la baisse le prix des livres sous format numérique ou papier, je dis benco, euh… banco !

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