Instagram est-il un tremplin politique? Quand les internautes dénoncent le scandale des Ouïghours
Réseaux sociaux : bonjour le fisc, adieu vie privée !
Le Ministre de l’Action et des Comptes Publics, Gérald Darmanin, a annoncé dans l’émission Capital sur M6 l’expérimentation de la lutte contre la fraude fiscale en surveillant les réseaux sociaux. Oui vous avez bien lu ! Cette mesure devrait entrer en vigueur au début de l’année prochaine alors il est encore temps de faire le tri dans ses photos Instagram, Facebook et Twitter avant que le fisc ne vous pointe du doigt.
Instapoets VS Patriarchie
La plupart des articles du site de la photographe londonienne Georgie Wileman commencent par la même phrase : « l’endométriose touche une femme sur dix ». J’aimerais commencer cet article différemment : en moyenne, une femme doit attendre dix ans pour avoir un diagnostique correct d’endométriose.
Les eldorados contemporains : voyage en terre inconnue
À l’ère de l’abolition de la notion de distance, voyager est une activité facile. Grâce à Internet, réserver un billet d’avion ou un logement devient un jeu d’enfant. Mais qu’est-ce que voyager après tout ? Du simple séjour touristique à l’expatriation prolongée, tout un imaginaire du voyage se déploie, jusqu’à doter certains pays étrangers d’une aura particulière, en les hissant presque au rang d’eldorados. Certaines destinations semblent pourvues d’une réelle force d’attraction touristique, jusqu’à devenir le graal du voyageur.
Le voyage est mis en scène, non plus comme une simple activité touristique mais comme mode de vie, véritable catharsis du monde contemporain. Cette communication autour de destinations prétendument rêvées est incontestablement un appel à partir. Proposition de vie meilleure ou e-tourisme ?
Voyager avec les yeux
En tant qu’internautes, nous sommes sans arrêt sollicités par de nombreuses images. À l’heure de l’hypermédiatisation, le partage des photos de vacances est une pratique courante. Les réseaux sociaux sont l’écrin parfait pour cela : par exemple, Instagram, en tant que média de l’image, permet de raconter photographiquement une aventure vécue. S’instaure alors une sorte de storytelling du voyage : il s’agit de montrer l’ailleurs pour sortir de son quotidien, tout en magnifiant le lieu photographié et ainsi effectuer un voyage d’abord visuel. De nombreux bloggeurs partagent leurs périples sur les réseaux sociaux, devenus les guides touristiques 2.0.
Les réseaux sociaux sont alors les instigateurs d’invitation au voyage virtuel. Des sites web spécifiques au voyage font leur apparition, afin de partager un imaginaire commun. C’est le cas du site web « Topito Voyage », qui se présente sans prétention avec la formule « L’expertise de Topito pour parler aux voyageurs. Des listes pour sourire, découvrir, et tuer le temps dans le train (dans l’avion, ce n’est pas prudent) ». Le mouvement de scroll voulu par le principe de la liste permet de faire défiler toutes les destinations éventuelles et ainsi d’ouvrir le champ des possibles. Le site web nous fait voyager en 10 ou 20 points, et toujours avec humour. Topito Voyage n’a pas de vocation touristique mais adopte un autre ton pour parler à tous les férus de voyage.
Voir c’est bien, mais faire c’est mieux. Quand on est invité à voyager virtuellement, comment passer de l’image à la réalité ?
L’expatriation enchantée
La communication autour de destinations lointaines n’est pas seulement affaire de quelques photographies : c’est un appel au rêve, et parfois à l’exil. Les paysages présentés dans les photographies des agences de voyage, dans les guides touristiques, ou encore sur les réseaux sociaux, sont souvent idylliques. On nous glisse sous les yeux des paysages grandioses, épurés et souvent sans signe de présence humaine. Cette situation contraste grandement avec nos cadres de vie, urbanisés, désenchantés par la quotidienneté. Au centre du discours, la photographie parle d’elle-même et suscite un fort désir d’évasion.
Cette photo vous fait rêver ? Ce paysage vous dit quelque chose sans jamais y avoir mis les pieds ? C’est normal. Cette photographie reprend tous les codes de la destination idéale : éloignement géographique, pureté du paysage, couleurs resplendissantes, sans aucune trace de passage humain. En outre, certains pays ont la côte, et pour cause : leur situation souvent littorale en fait des lieux paradisiaques dans l’imaginaire commun et participe de notre représentation de l’exotisme. Considérées comme idylliques de par leur décor, certaines destinations prennent une dimension d’idéal dans l’inconscient collectif. Ainsi, cette idéalité visuelle façonne un imaginaire de l’expatriation positive et même bénéfique. L’expatriation apparaît alors comme enchantée, bénéfique pour le voyageur. Celui-ci est appelé à partir, et à vivre une expérience unique.
C’est ce sur quoi Airbnb s’appuie pour communiquer : en promettant une « expérience » singulière, le site web prône des valeurs de partage et de solidarité en dépouillant presque son discours de valeur marchande. Le voyageur n’est plus un consommateur ni un touriste mais un jeune explorateur de type « backpacker » en quête d’expériences de vie. Airbnb dépasse la notion de tourisme pour proposer des savoir-faire individualisés, petits morceaux de vie partagés généreusement.
Expériences de vie narrées, témoignages, tout est réuni pour appeler le voyageur à s’expatrier pour son bien. Quand certains rêvent de tout plaquer et partir, d’autres le font réellement.
Pourquoi pas vous ?
Certaines destinations, comme la Nouvelle-Zélande, semblent idéales pour s’expatrier. La force d’attraction touristique de ce pays vient du fait qu’il semble éloigné des problèmes politiques et sociétaux contemporains que nous vivons aujourd’hui. L’émission 66 minutes s’est concentrée sur les expatriés français en Nouvelle-Zélande dans un reportage intitulé « Grand format : Auckland, Nouvelle-Zélande, le nouveau rêve français ». Par le biais de récits de reconversions réussies et de nouveaux départs féconds, le pays apparaît comme un renouveau pour les Français venus s’y installer.
Rien n’y semble difficile et tout y semble possible. À travers différents profils tels qu’une jeune fille d’une vingtaine d’années, un couple qui attend un enfant, une famille nombreuse, le reportage dévoile un programme de vie dont le slogan pourrait être « un nouveau pays pour une nouvelle vie ». Ces personnes lambda démontrent qu’au-delà de l’image d’eldorado de la Nouvelle-Zélande, une autre vie vous attend peut-être ailleurs.
L’imaginaire du voyage est prégnant sur Internet et les réseaux sociaux. Entre rêve et réalité, le voyage apparaît comme un moyen de se détacher de son quotidien désabusé et d’embrasser la diversité qu’offre le monde. Comme le dit le dicton « L’herbe est toujours plus verte ailleurs ».
Diane Nivoley
https://www.linkedin.com/in/diane-nivoley/
Sources :
http://www.6play.fr/66-minutes-p_825/grand-format-emission-du-09-avril-c_11674396
Crédits :
Compte Instagram de « travelmehappy »
Photographie de Promovacances
Topito Voyage
Airbnb
Les réseaux sociaux : Narcisse ou le mythe de la modernité.
À l’ère aseptisée des réseaux sociaux, la mise en scène représente-t-elle une recherche de l’esthétisme artistique ou bien s’apparente-t-elle davantage à une dangereuse quête de reconnaissance ?
Si la question se pose aujourd’hui, c’est notamment à cause des plateformes telles que Facebook, Instagram et Twitter. Il apparaît en effet que les utilisateurs de ces réseaux sont prêts à tout pour faire le buzz et ainsi générer ainsi un maximum de « like » de la part des internautes, sur les contenus ou les photos mis en ligne — à tout oui, comme cette jeune modèle russe, Viktoria Odintcova dont les récents exploits ont fait polémique, provoquant à la fois admiration et protestation dans les rangs de ses abonnés.
À la recherche de sensations fortes ?
C’est comme si nous étions dans un épisode de la saison 3 de Black Mirror : la recherche de reconnaissance sur les réseaux sociaux menant à une progressive aliénation du protagoniste principal de l’épisode 1, Nosedive.
En observant les clichés et les vidéos réalisées (vidéos montrant les coulisses du shooting), tout est fait pour donner le vertige. La jeune femme de 22 ans se suspend dans le vide, maintenue seulement par la poigne de son partenaire, le réalisateur Alexander Tikhomirov, à plus de 300 mètres du sol, du haut de la Cayan Tower de Dubaï. Les photos postées sur son compte Instagram sont impressionnantes !
Pourtant un doute subsiste : aucun moyen de sécurité ne semble avoir été mis en place pour gérer un éventuel accident. La top russe se serait-elle livrée à cet exercice dangereux simplement pour … obtenir des « likes » sur ses photos ? Cela semble absurde — et pourtant, avec plus de 3 millions d’abonnés sur son compte Instagram, Viktoria Odintcova est habituée à proposer des contenus appréciés par ses utilisateurs, visant toujours plus à s’attirer les faveurs d’anonymes sur les réseaux sociaux, au point de mettre sa vie (et celle de l’équipe l’encadrant) en danger.
Art for art’s sake ?
Mettre sa vie en danger pour l’amour du « like » : cela en vaut-il la peine ? Car malgré les 111 920 mentions « J’aime » sur cette photo, les commentaires ne sont pas tous tendres. Sur le compte Instagram de la jeune femme, on peut en effet lire : « Representacion grafica de la estupidez humana » (« Représentation explicite de la stupidité humaine »), « This is completely stupid » (« C’est complètement stupide »), ou encore « You shouldn’t do this » (« Tu ne devrais pas faire ça »).
Ces commentaires témoignent de la prise de conscience des internautes face à l’absence de conditions de sécurité lors du shooting. The Cayan Group, propriétaire de la tour, a rapidement annoncé sur son site qu’une procédure serait lancée pour condamner cet acte téméraire. Ces photos font d’autant plus polémique qu’elles font écho à la mort tragique des deux Instagrameurs, Heavy Minds et Siirvgve, respectivement 18 et 25 ans, récemment décédés dans les mêmes circonstances.
Mais si ces deux « explorateurs urbains » trouvaient leur inspiration dans la ville et son environnement, prenant des risques pour mettre leur talent au service de l’art photographique, on peut s’interroger sur les véritables motivations qui ont poussé Viktoria Odintcova à jouer de la sorte avec le danger.
Les réseaux sociaux jouent un rôle essentiel, et nous ne pouvons, à ce stade, nier le fait que ces outils 2.0 ne feraient en fait qu’exacerber les pulsions narcissiques et l’attrait du danger des individus présents sur ces réseaux.
La tyrannie du « like »
Les photographes et les artistes ont toujours pris des risques. Cela fait partie de ce métier de passionnés. Proust disait de la photographie qu’elle permettait de montrer de combien d’instants éphémères la vie était faite… Le risque en fait partie. Il faut tenter sa chance, comme nous l’explique Larry Fink dans une interview donnée au magazine Time au mois de février, ou comme nous le prouvent au quotidien les reporters photographes en zone de guerre par exemple.
Mais la présence des individus sur les réseaux sociaux, le fait d’être protégé(e) par un écran ne semble en fait qu’accentuer la course au spectaculaire. Il faut fasciner l’utilisateur lambda, le faire rêver, et lui révéler de nouvelles sources d’inspiration. Pouvoir merveilleux et tragique des réseaux sociaux. Je like, tu likes, il/elle like… Foule d’anonymes qui peuvent décider en quelques clics du destin d’un individu et accroître sa soif de reconnaissance. Ou au contraire la tarir. Dans les cours de récréation, les jeunes enfants ont toujours eu recours à des jeux dangereux : le jeu du foulard, le jeu de la tomate (les deux consistants en des jeux dits de non-oxygénation). Mais avec l’apparition des réseaux sociaux, les jeunes (et moins jeunes) sont désormais à la recherche de cet éventuel dernier frisson.
En effet, si des défis comme l’Ice Bucket Challenge (sur le principe de la nomination, il s’agit de se renverser un sceau d’eau glacé sur la tête en se filmant) permettaient de lever des fonds pour la maladie de Charcot, d’autres « jeux » comme l’Ice Salt Challenge (qui consiste à se verser du sel sur la peau puis à y apposer un glaçon, provoquant ainsi des brûlures graves et irrémédiables) ou le Blue Whale Challenge sont au contraire de véritables incitations à la violence sur soi. Le dernier, particulièrement morbide, consiste à effectuer une liste de 50 défis dont le niveau de dangerosité ne cesse de croître à mesure que l’on s’approche de la fin. Ainsi, en février, deux adolescentes russes ont été retrouvées mortes des suites de ce défi apparu pour la première fois il y a environ deux ans sur le site Vktontakte.
Un nouvel existentialisme ?
Ces pulsions étaient donc déjà là en nous, et le mythe de Narcisse a depuis les métamorphoses d’Ovide*, traversé les époques. Toutefois, il semble que les réseaux sociaux aient ici un nouveau rôle à jouer. Ils sont devenus non seulement le nouveau miroir dans lequel on ne cesse de contempler notre reflet lissé et retouché par les filtres dans l’intention d’être vu par les autres, dans une sorte de nouveau théâtre de la représentation de soi.
Mais surtout, ils apparaissent comme un nouveau moyen d’affirmation. En postant des photos sur ces sites et, en prenant des risques, on essaie de se démarquer des autres — au lieu de rentrer en communication avec eux — et de prouver peut-être, que l’on mérite cette reconnaissance quel qu’en soit le prix à payer.
Au-delà d’une polémique autour de la sécurité et des dangers d’escalader un building pour se suspendre dans le vide, les clichés de Viktoria Odintcova nous invitent à réfléchir sur ce nouvel existentialisme, souvent dangereux, du début de notre siècle.
Lina Demathieux
Lindekin
@linadmth
*http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/narcisse-mythologie/
Sources :
• Mathieu, « Pour récolter plein de likes sur sa photo, cette Instagrameuse s’est suspendue dans le vide », Journaldubuzz
Paru le 06/03/17 – Consulté le 13/03/17
• Foreign Staff, The moment Russian model Viki Odintsova risks her life in daredevil Dubai photoshoot
Paru le 16/02/17 – Consulté le 13/03/17
• L’EXPRESS.fr, « #Iceandsalt challenge, le nouveau jeu dangereux des ados sur les réseaux sociaux »,
Paru le 31/01/17 – Consulté le 13/03/17
• L’EXPRESS.fr, « Blue Whale challenge, des défis sur les réseaux sociaux qui poussent au suicide »,
Paru le 07/03/2017 – Consulté le 13/03/17
• GHEZLANE-LALA Donnia, « Pour l’amour des « likes », une instagrameuse se suspend dans le vide », Cheese Konkini,
Paru début mars 2017 – Consulté le 13/03/17
Crédits :
Image de couverture : https://www.tv.nu/program/la-mode-2-0-je-poste-donc-je-suis
Image 1 : Photo issue du compte Instagram @viki_odinctova
Image 2 : Photo issue du compte instagram de Siirvgve, Lyon
#Hashtag My Ass
Depuis la mise en application de la réforme orthographique annoncée par le gouvernement, des voix s’élèvent pour défendre l’accent circonflexe. Le succès du hashtag « #JeSuisCirconflexe » révèle la polémique que suscite cette réforme. Mais pourquoi utiliser un hashtag pour réagir ou se battre ? Sait-on exactement ce que cela engage ? En réalité, beaucoup de personnes utilisent le hashtag sans le comprendre. Alors #utile ou #insupportable ?
#Késako
Le hashtag est composé d’un signe typographique, le croisillon, accompagné d’un ou plusieurs mots-clés. Appelé mot-dièse ou mot-clic au Québec, il est un marqueur de métadonnées. Autrement dit, c’est une donnée qui permet d’en organiser une autre. En effet, cet outil a un rôle centralisateur sur les réseaux sociaux : il trie les publications en fonction de leur thème.
Dans le cas du #JeSuisCirconflexe, si un utilisateur le place dans un tweet, ce dernier sera reconnu comme faisant réaction à la nouvelle réforme. De cette manière, le hashtag permet de relier entre eux des tweets relatifs à un sujet donné pour former l’équivalent d’une conversation. Cela permet de transformer des évènements disparates en résumé des réactions. Il y a dans cet outil une volonté d’unification et de rassemblement. Grâce à son affiliation, ce tweet sera ensuite susceptible d’atteindre un public virtuellement infini.
A l’origine, le croisillon sert à référencer des conversations sur IRC (protocole de communication textuelle sur internet) qui sont de cette manière retrouvables. Suite à la suggestion de l’un de ses utilisateurs qui voulait améliorer le filtrage de contenu, twitter a intégré cette fonction en 2007.
Il aura fallu attendre 2009 pour que Twitter commence à renvoyer le croisillon en liens hypertextes qui mène à une liste exhaustive des messages contenant le même hashtag. Facebook a suivi en 2013 et a été ensuite rejoint par Google+ ou encore Instagram.
Dans sa documentation, Facebook donne la définition suivante : « Les hashtags permettent de transformer des sujets de discussion et des locutions en liens « cliquables » dans des publications sur votre journal personnel ou votre page. Ils permettent de trouver plus facilement des publications sur des sujets précis. ».
Le choix du symbole est intéressant parce qu’il fallait en trouver un qui puisse être produit par n’importe quel appareil : il ne restait plus qu’à choisir entre l’astérisque et le croisillon. L’usage s’étant rapidement répandu sur Twitter, un autre utilisateur propose de nommer ce signe hashtag ( que l’on pourrait traduire par “étiquette marquée par le signe dièse”).
#Pourquoi ?
Aujourd’hui, le hashtag est devenu banal mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas un simple élément de décoration. La définition du Journal Officiel de la République Française insiste sur les fonctions de ce hashtag : « suite signifiante de caractères sans espace commençant par le signe #, qui signale un sujet d’intérêt et est insérée dans un message par son rédacteur afin d’en faciliter le repérage ».
C’est la fonction essentielle du hashtag. Suivant cette définition, il devient évident que ce hashtag est intéressant dès que l’on souhaite faire de la veille sur internet ou dialoguer autour d’un sujet important. Mais ce n’est pas son unique fonction. Chirpify en a par exemple fait un système d’achat : en récupérant les informations sur ses utilisateurs, la plateforme disposait d’une base de données pour envoyer des échantillons aux intéressés. Le hashtag peut donc s’avérer très utile mais un néophyte aura de grandes difficultés à le comprendre et à rentrer dans cette communauté d’intérêt.
De surcroît, il ne faut pas confondre le hashtag avec les détournements ironiques auxquels il est sujet. Un hashtag repose avant tout sur sa capacité d’indexation. Quand une personne utilise le croisillon pour désigner une humeur, une situation ou un contexte, on ne peut plus parler de hashtag : le symbole est utilisé de manière humoristique ou informative mais ne peut plus être désigné comme un hashtag car il perd sa fonction première. Autrement dit, on utilise le mot hashtag à n’importe quelle sauce comme l’illustre parfaitement cette vidéo de Jimmy Fallon & Justin Timberlake.
Toutefois, cela n’empêche pas de manier le hashtag suivant différents desseins. L’expression « hashtag activism », d’abord utilisée par The Guardian, désigne de façon péjorative l’utilisation militante de cet outil. Cette expression est née du décalage qui existe entre les réalités pour lesquelles se battent certains militants et l’a priori futilité de leurs actions virtuelles, ou plutôt, de leur utilisation prétendument utile du hashtag.
La manifestation n’est pas importante en soi, ce sont les rencontres humaines et réelles qu’elles provoquent qui le sont. Or, avec le « hashtag activism », il ne reste généralement que la manifestation. Dans d’autres cas, il n’est pas impossible que ce genre d’action mène à une médiation numérique. Il est trop facile d’accepter le raccourci habituel qui oppose « internet »/ « réalité » et « concret »/« virtuel ».
Pour ne citer que lui, le #BringBackOurGirls faisait écho à l’enlèvement de 200 écolières de Chibok au Nigeria par le mouvement insurrectionnel et terroriste d’idéologie salafiste djihadiste, Boko Haram. Utilisé par 2 millions de twittos dont Michelle Obama, ce hashtag avait pour but d’attirer l’attention internationale et d’empêcher cette histoire de subir l’amnésie médiatique.
Mais une question subsiste. Est-ce le signifiant ou le signifié qui reste dans les mémoires ? Est-ce le #JeSuisCharlie qui reste dans les mémoires en tant qu’objet ou bien les idéaux qu’il est censé porter ?
#Métamorphoses
Auparavant, le croisillon était immédiatement associé au dièse en musique ou à d’autres utilisations comme aux échecs. Mais le hashtag a vite pris le pas sur les usages antérieurs du croisillon en se démocratisant sur internet. Par le passé, le symbole est donc passé du hors-ligne à l’online.
Aujourd’hui, force est de constater que le symbole rebrousse chemin. Avec sa nouvelle e-réputation, il revient sous une nouvelle forme dans le réel. Ainsi, le croisillon est souvent utilisé hors-ligne pour faire référence au symbole numérique même s’il perd sa fonction d’indexation. Il devient ainsi un symbole qui renvoie au monde d’internet et des réseaux sociaux. Il revient vers le réel avec une nouvelle forme : on le retrouve sur le packaging de certains produits et même sur la devanture de magasins.
Le hashtag n’est pas un seulement un mot-clé, il est aussi le nouveau symbole de la culture Internet remplaçant le arobase et montrant par là même la prépondérance des réseaux sociaux. Au demeurant, l’American Dialect Society (société étudiant la langue anglaise) a fait du mot « hashtag » le mot de l’année 2012.
Il est devenu un outil de langage propre à une culture sociale et médiatique. Par ailleurs certains hashtags, tout comme les expressions de la langue, ne sont pas éphémères. Par exemple, le #FAIL est utilisé pour indiquer une erreur tandis que le #NSFW indique que le message contient des liens inappropriés aux mineurs. Grâce à ce symbole, on peut aussi identifier des Trending Topics récurrents avec le #TT.
Mais le hashtag a aussi pris d’autres formes puisqu’il est passé d’internet à la télévision. Les émissions utilisent le hashtag pour permettre aux téléspectateurs d’entrer en interactivité avec leur programme et d’interagir entre eux. « Réagissez sur Twitter » est aujourd’hui un leitmotiv pour rappeler la dimension participative de la télévision. Le hashtag s’organise ici en objet médiatique. Il est une nouvelle fois privé de sa fonction première : le couple hashtag-hyperlien n’existe plus. La télévision utilise le même symbole pour renvoyer à un imaginaire participatif sur les réseaux sociaux.
De cette manière, la télévision crée un lien avec les smartphones, les tablettes et les ordinateurs. Cette stratégie cross-média permet d’attirer le téléspectateur-internaute : une part non négligeable de téléspectateurs regarde la télévision en restant connectée à internet. Cette stratégie permet donc d’inclure cette part dans le processus télévisuel.
Le téléspectateur peut donner son avis et même parfois participer directement à l’émission. En effet, cet outil permet de répertorier facilement les participations et les contributions des téléspectateurs qui deviennent de cette manière acteurs de ce qu’ils voient. Le téléspectateur vote mais peut aussi proposer des changements dans son émission favorite.
Il y a un autre intérêt au hashtag. Le spectateur internaute promeut de manière indirecte le programme en live sur les réseaux sociaux. De cette manière, les émissions trouvent une publicité gratuite sur internet et augmentent leur exposition. Dans son émission quotidienne, Cyril Hanouna promet aux spectateurs de gagner des cadeaux en s’inscrivant à des tirages au sort via un hashtag. Ainsi, les spectateurs ont l’impression de toucher de près l’émission puisqu’ils doivent twitter pour participer, c’est-à-dire réaliser un acte effectivement. Avec leur post, ils peuvent également amener de nouveaux spectateurs en live.
Finalement, le hashtag nous montre comment un objet peut prendre différentes formes, fonctions et détournements tout comme les parties de la langue. Pendant combien de temps coulera t-il des jours heureux sur nos réseaux sociaux ? Telle est la question.
Bouzid Ameziane
Linkedin
Sources :
« Savez-vous parler le hashtag ? Les 20 hashtags à connaître sur Twitter », Giiks, Franck Lassagne, 7 mai 2014
» Hashtag et militantisme, entre existence en ligne et hors-ligne « , (Dis)cursives [Carnet de recherche], Anne Charlotte Husson,22/06/2015, consulté le 10/02/2016
#JeSuisCirconflexe, le hashtag qui agite la toile », GQ, Chloé Fournier, Pop Culture / Actu Culture, 04/02/2016
» Le hashtag, un outil au service des stratégies social média », CultureCrossmedia, Kevin
» Intégrer le hashtag dans campagne de communication », Comingmag.Ch, Renee Bani, 18/11/2014
» Comment le hashtag est devenu le symbole d’Internet », Le Figaro, Florian Reynaud, 04/08/2014
Crédits images :
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Votre j'aime vaut un million…
Instagram vient de fêter ses quatre ans. Cette application, réputée pour son grand nombre d’utilisateurs (plus de 200 millions), affiche toujours un succès remarquable.
La recette de ce succès est simple : avec Instagram, chacun peut se prendre pour un professionnel et réaliser des photos artistiques à l’aide de filtres. Contrairement aux autres réseaux sociaux, il n’y a pas de tri : votre fil d’actualité affiche toutes les images partagées par vos contacts. Malgré cela, certaines photos restent dans l’oubli. La sanction est immédiate : zéro like.
C’est pour leur venir en aide que trois amis graphistes à New York ont eu l’idée de créer No Likes Yet, un site compilant l’ensemble de ces photos oubliées. Après s’être identifié à l’aide de son compte Instagram, No Likes Yet vous propose d’être le premier à liker ce qui n’a jamais été liké : de l’échec photographique patent à la photo d’art injustement oubliée, tout peut être sauvé. Une question se pose alors : de quoi « No Likes Yet » est-il le nom ? Faut-il y voir un concept philanthropique, la conséquence symptomatique de ce qu’on pourrait appeler la course au like ?
De la « curiosité » au « rézoo social »
Tim Hettler, Tal Midyan et Daniel Sumarna, les fondateurs de No Likes Yet, disent avoir créé ce site par « curiosité ». On y trouve en effet un ensemble assez hétéroclite, pouvant faire sourire qui n’est pas habitué au contenu artificiellement coloré d’Instagram : selfies en tout genre, paysages banals rendus extraordinaires par l’œil de génie de l’amateur devenu professionnel grâce à l’usage de filtres, photos de repas pas toujours appétissants… Mais si toutes ces images sont semblables, à un like près, à celles que l’on trouve d’ordinaire sur Instagram, à quoi renvoie cette « curiosité » citée par les fondateurs comme étant à l’origine du concept ? Quelle différence y a-t-il entre deux images uniquement séparées par un petit like ?
En fait, cette curiosité ne renvoie non pas à l’image et à son caractère parfois décalé et toujours artificiel, mais bien au fait que l’image ne soit absolument pas likée. En d’autres termes, le fait qu’une image postée sur un réseau social soit ignorée par ce réseau, seule et anonyme dans les flots de l’indifférence générale, semble bien constituer l’humiliation suprême. Cette curiosité, c’est bien celle que l’on ressent devant celui qui, bien que proche de nous en apparence, diffère de nous socialement. Dans cette perspective, No Likes Yet apparaît comme un « rézoo social » où l’on peut observer ces exclus du like.
La pitié ou la charité du like
Dès lors, c’est bien la notion de pitié qui est en jeu : il n’est tout de même pas possible de laisser ces pauvres images sans aucune mention « j’aime », c’est-à-dire dans le dénuement le plus total ! On le voit bien dans les messages – certes au second degré – qui apparaissent et qui vous poussent à être le premier à liker une photo : « votre j’aime vaut un million », « un petit j’aime, comme pour vous… », mais aussi « Help this poor photo » ou mieux encore : « Nobody will know you liked this »… Second degré révélateur d’une tendance faisant du nombre de like le seul critère d’une existence digne de ce nom sur les réseaux sociaux.
La grande dilution du like
Finalement, que nous dit ce site sur le concept du like en lui-même ? L’irruption de la pitié au sein des réseaux sociaux semble bien concrétiser l’émergence de ce qu’on pourrait appeler la course au like. Il suffit de regarder le court métrage Aspirational, de Mattew Frost pour s’en convaincre – dans ce court métrage, deux personnes se ruent sur Kirsten Dunst et prennent un selfie avec elle sans même lui adresser la parole… Sur No Likes Yet, le like change de nature. Il n’est plus un qualificatif rapporté à un objet ; je n’aime pas cette photo parce qu’elle est belle, ou parce qu’elle me fait rire, ou même parce que j’aime son auteur. Non, je l’aime parce que dans cette communauté globale formée par les réseaux sociaux, une photo sans like est une photo seule. Je l’aime parce que je ne conçois plus la solitude.
En rassemblant ces images oubliées, No Likes Yet créé une communauté d’exclus. Plus encore, il créé ces exclus par un système de double institution : en ajoutant une photo sans like, No Likes Yet institue cette image comme exclue, victime de la course au like. Et en étant ajoutée à un ensemble d’images non likées, cette photo participe de l’institution de No Likes Yet en tant que communauté.
Finalement, le like n’est plus signifiant, au sens où une photo likée est une photo considérée comme esthétiquement belle : le like devient signe, signe de l’existence de l’image. En effet, une fois l’image likée sur No Likes Yet, elle « ek-siste », elle sort du monde maudit de l’anonymat et de la solitude pour rejoindre le paradis de la notoriété virtuelle. De qualificatif d’une image, le like devient charité sociale.
Finalement, il est peut-être temps de revenir au fondement de ce que signifie le verbe « aimer ». En rassemblant les photos auxquelles nous sommes indifférents, No Likes Yet contribue au phénomène de la course au like, qui dénature le like. Arrêtons de créer des oubliés en rassemblant artificiellement des photos non aimées qui, osons le dire, n’avaient peut-être pas à être aimées. Remettons le like à sa fonction première : la communication à d’autres membres d’une émotion ressentie, et non un geste de pitié totalement distinct de l’image en question.
Alexis Chol
Sources :
Stylist n°064, 09 octobre 2014, p09 : « recherche likes désespérément »
http://www.nolikesyet.com/
blogdumoderateur.com
washingtonpost.com
glamourparis.com
wikipedia.org
Et le court métrage de Matthew Frost
Vous ne passerez pas!
C’est officiel. Le 28 septembre, Instagram a intégré la redoutable liste noire des sites interdits en Chine continentale. Le célèbre réseau social, fondé sur le partage d’images et de vidéos, rejoint ses compatriotes américains Facebook, Youtube, et Twitter à la frontière… « Vous ne passerez pas ! » C’est par cette réplique culte du grand Gandalf que se résume le dialogue entre Pékin et les États-Unis en matière de digital, à quelques exceptions près. Certes, il ne s’agit pas d’un affrontement entre un magicien et une créature démoniaque, mais Pékin semble mener une véritable lutte pour exclure les concurrents occidentaux de son territoire. Retour sur les faits qui lui sont reprochés.
Les autorités chinoises ont décidé fin août de modifier les règles du jeu politique de Hong-Kong. Les candidats aux élections de 2017 seront préalablement choisis par le comité électoral chinois avant d’être présentés à la population de l’ex-colonie britannique. Indignés par cette disposition jugée profondément liberticide et contraire aux « standards internationaux du suffrage universel », les premiers manifestants sont descendus dans les rues dès le 22 septembre. Principalement d’origine étudiante, le mouvement de contestation n’a cessé de grandir. Le ralliement du mouvement de désobéissance civile Occupy Central le 28 septembre a permis aux manifestations d’acquérir une plus grande visibilité. Fondée en 2013 par Benny Tai Yiu-ting, professeur de droit, cette organisation pro-démocrate a offert à la révolution des parapluies d’Hong-Kong une couverture médiatique sans précédent, notamment sur Instagram.
Plus de 60 000 publications mentionnant le tag #occupycentral ont été recensées au 15 octobre. La plateforme de partage d’images était un des seuls lieux du cyberespace qui donnait à voir la violence des répressions policières, dont les attaques aux gaz lacrymogènes. Chaque mois, Instagram regroupe plus de 150 millions d’usagers. Les statistiques officielles quant aux utilisateurs chinois demeurent inexistantes, mais le fondateur Kevin Systrom a déclaré qu’en 2011, l’application était téléchargée près de 100 000 fois par semaine en Chine. L’intérêt que portent les internautes à ce réseau social paraît donc difficilement contestable.
Une question reste pourtant sans réponse : cette décision est-elle définitive ? Les autorités chinoises, en l’interdisant, ont voulu parer à une éventuelle propagation du « virus démocratique » en Chine continentale. Si l’on se tourne vers les événements antérieurs, la réponse est claire. Cinq ans plus tôt, en 2009, les émeutes ethniques survenues dans la région du Xinjiang ont entraîné la fermeture immédiate de Facebook et de Twitter, qui restent aujourd’hui inaccessibles pour l’internaute chinois moyen. Assimiler les politiques autoritaires de Pékin seulement à une idéologie liberticide semble toutefois réducteur pour comprendre la situation.
En effet, le comportement sectaire de la Chine sur le plan digital paraît tout à fait logique du point de vue économique. Il s’agit moins d’une opposition aux Américains que d’une profonde envie de la part de la Chine d’apposer son empreinte sur l’Internet mondial. L’enquête de terrain menée chez les géants du net chinois par Frédéric Martel en avril 2014 permet d’y voir plus clair. En théorie, rien n’interdit à un site américain d’être présent sur l’Internet chinois, mais les autorités ont réussi à bloquer une bonne partie de ses concurrents grâce à des accidents politiques. La fermeture précédemment évoquée de Facebook et de Twitter en 2009 coïncide plutôt bien avec le lancement des premiers « weibos » (sites de micro-blogging) par Sina, le plus grand portail de divertissement du pays. De nombreux équivalents aux autres services connus en occident sont disponibles, Renren (équivalent de Facebook), Youku (YouTube), QQ (MSN), Meituan (Groupon), Weixin (WhatsApp), et le plus connu, Baidu (Google). Ces sites, qui reposent sur des fonctionnalités identiques aux originaux, ressemblent plus à des clones qu’à des innovations dignes de ce nom.
Comment échouer quand on imite un modèle qui marche mondialement ? Avec plus de 630 millions d’internautes, le cyberespace chinois représente un marché particulièrement fructueux, où les enjeux économiques s’avèrent être tout aussi importants que les autres. L’Internet chinois mérite peut-être son surnom de « Great Firewall » (grande muraille virtuelle) mais comme l’a expliqué Frédéric Martel suite à ses investigations dans ce qu’on pourrait appeler « la silicon valley chinoise », il est nécessaire de passer au-delà du simple constat de censure généralisée pour comprendre les agissements des autorités. Il ne s’agit pas seulement d’une alternative à l’internet occidental mais d’un patriotisme qui se décline sur le mode économique.
Le comportement de la Chine paraît presque pathologique. La grande puissance mondiale serait-elle atteinte du syndrome “Docteur Jekyll et Mr Hyde” ? À la fois omniprésente dans la mondialisation des échanges productifs et hyper-protectrice dans le secteur digital… Si la qualité de la croissance est assurée au détriment de la parole, la liberté de communiquer est une illusion bien cher payée !
Karina Issaouni
Sources
lemonde.fr
kriisiis.fr
SMART, enquête sur les internets – Frédéric Martel, éditions Stock, 2014
Crédits Photos :
The Lord of the Rings, The Fellowship of the Ring, 2001, Peter Jackson
INSTAGRAM DANS LA RUE
A l’angle des rues Ponthieu et Jean Mermoz, se trouve un prototype des plus originaux. Face à un hôtel parisien, collé sur le mur, un miroir semble vous interpeller. Il faut dire que sa forme est quelque peu particulière : le cadre entourant le miroir rappelle en tout point celui des photographies postées sur Instagram. En effet, on y retrouve les codes du réseau social : forme carrée de la « photographie », police de caractère, boutons « j’aime » et « commenter », etc.
Mais qui se cache derrière cette œuvre de « street art » ? Pour avoir la réponse, il suffit de taper sur Instagram « Encoreunestp », soit le nom du compte indiqué sur le miroir. On y découvre alors en photo chaque étape de la préparation du projet : de la confection du miroir à sa pose, dans ce carrefour du 8ème arrondissement de Paris. Cette œuvre d’art hybride, en encourageant les passants à prendre un selfie et à le poster sur Instagram, offre à « Encoreunestp » la possibilité de contempler la réception de son œuvre. Streetart rime désormais avec Feedback.
Lisa Brunet
Crédits photos :
compte Instagram « Encoreunestp »