« Dis-moi ce que tu portes, je te dirai qui tu es »
Luxe n. m. : vient du latin luxus et se définit comme étant un « plaisir relativement coûteux qu’on s’offre sans vraie nécessité », c’est-à-dire « ce que l’on se permet d’une manière exceptionnelle pour se faire plaisir ». Comme le montre cette définition du Larousse, le luxe est donc exceptionnel : à la fois rare et cher, souvent inaccessible et réservé à une élite. Vaste programme. Dix ans après la crise des subprimes dont on garde encore des séquelles, et dans un monde où le bio se substitue au consumérisme, le marché de la location de luxe bat son plein. Rent the Runway, Panoply, Instant Luxe… tout autant de sites qui nous mettent le luxe à portée de main.
La logomania au Moyen-Orient ?
La clientèle du Moyen-Orient s’affirme dans la quête d’un luxe ostentatoire. Les réseaux sociaux, qui permettent ainsi à chacun de disposer et de contrôler son expression médiatique, entraînent une course effrénée aux logos et autres signes distinctifs. Une compétition s’installe au sein de multiples vitrines réelles et virtuelles, témoignant d’une nécessité des groupes de luxe de proposer une expérience phygitale* et esthétique en cohérence avec cette clientèle stratégique.
Le Moyen-Orient, l’eldorado des marques de luxe
Dans les pays du Moyen-Orient, tels que l’Arabie Saoudite, l’Oman, le Koweït, le Bahreïn, les Émirats Arabes Unis et le Qatar, le client est roi. En effet, de nombreux facteurs illustrent l’attrait économique que représente cette clientèle pour les grandes marques de luxe.
Constituée tout d’abord d’une population relativement jeune – les moins de 30 ans représentent plus de la moitié de la population totale du Golfe – celle-ci bénéficie d’un taux d’éducation élevé. Peu touchée par la crise économique, née avec un fort pouvoir d’achat provenant de la manne pétrolière, cette jeunesse ultra-connectée considère l’accès au luxe comme un dû, contrairement aux générations précédentes qui ont pu connaître une progressive augmentation de leur pouvoir d’achat. D’un appétit insatiable pour les produits mode et beauté, cette clientèle dépense en moyenne 2400 dollars chaque mois dans les secteurs de la mode et de la beauté, dont 8% sont des maisons françaises telles que Chanel, Dior, Louis Vuitton ou Chaumet.
Ce goût immodéré n’est cependant pas anodin : profondément optimiste, cette jeunesse plébiscite par le luxe son attrait pour l’innovation et la nouveauté. Selon l’institut Ipsos, 90% des Saoudiens et 86% des Emirates définissent le luxe comme « ce qu’il y a de plus pointu en matière d’innovation ». Ainsi, ces nouveaux consommateurs veulent avant tout participer à la dynamique florissante de leur région en en possédant les symboles les plus prestigieux.
Cet engouement se traduit par un exubérant enthousiasme pour la consommation, célébrée à l’intérieur de centres commerciaux commerciaux appelés « malls », où sont affichés en vitrines logos et monogrammes prestigieux, faisant acte de la richesse de chacun. Cette exubérance prend alors forme dans un enchantement de la consommation décuplé, dans des activités de divertissement sensationnelles voire excessives.
Mall of the Emirates (Dubaï, Emirats Arabes Unis)
The Mall Doha (Qatar)
Je consomme donc je suis — ou comment s’affirmer par le logo
Dans son ouvrage Le système des objets, Jean Baudrillard affirme que les objets ne sont pas liés à une fonction ou à un objet défini mais servent de champ mouvant et inconscient à la production de signification. De cette façon, les objets signifient prioritairement le statut de leur possesseur.
C’est pourquoi le monogramme devient la figure de proue du luxe ostentatoire : se matérialisant sur un contenu connu et visible par tous – le LV de Louis Vuitton, le G de Gucci, le double C de Chanel, initiales généralement gravées sur le produit comme signature – associé au prestige de la marque, il signifie la réussite économique et sociale de son propriétaire. Dans le luxe, c’est le sens qui fait vendre et la représentation s’est substituée au produit. La marque-spectacle permet ainsi à son propriétaire de se positionner socialement par rapport à son groupe de référence ou d’aspiration et en conséquence, de s’assigner cette nouvelle identité sociale attribuée par le logo.
Insta, insta, dis-moi qui est le plus riche
L’arrivée des réseaux sociaux à prédominance visuelle, à l’instar d’Instagram, n’a fait que renforcer une logomania déjà présente. Par le principe du like, des followers et commentaires, la compétition s’internationalise, constamment médiatisée. Le succès médiatique et l’intégration à une élite deviennent alors quantifiables tout en étant spectacularisés et amplifiés, au plus grand bonheur des marques de luxe.
L’ère de l’overlogo atteint ainsi son apogée avec l’omniprésence de marques fortement visibles et reconnues comme Louis Vuitton ou Gucci. La course aux images et aux symboles de prestige s’affiche comme une accumulation, illustrant le désir de se « brander*» de ces consommateurs statutaires.
Les particularismes locaux se voient parfois modifiés par cet engouement proche de l’obsession, comme lors du défilé Croisière de Chanel à Dubaï où la salle en moucharabieh a été intégralement modelée au logo de la marque. Parallèlement, à l’instar des nouvelles collections d’« abbayas » siglées Dolce & Gabbana, les maisons de luxe ont su créer des produits spécialement destinés pour les pays du Golfe.
Un logo qui ne fait pas l’unanimité
Certains spécialistes, tels que le Groupe Chalhoub, principal partenaire français du luxe au Moyen-Orient, affirme que ces comportements vont peu à peu s’effacer pour laisser place à une recherche d’expérience et de personnalisation des produits.
Parallèlement, on assiste à un retour en catimini du logo en Occident où il devient acceptable à cependant une condition : qu’il ait l’air faux. Lacoste affiche son crocodile en citant son influence dans le streetwear et Gucci le modifie dans des notes romantiques. En faisant mine de se détacher des codes classiques du privilège et d’opter pour la ré-appropriation de sa contrefaçon, le luxe ne fait que renforcer son ADN : qualité, savoir-faire artisanal, détails et rituels invisibles. « Regardez, nous pouvons nous imiter mieux que vous le faites », un rapport entre la mode et son public qui interroge sur les conditions d’infraordinarité* du logo. Ainsi, face à une contrefaçon assumée, il s’agit de s’approprier l’anti-establishment* revendiqué par la jeunesse occidentale.
À condition de bien cerner les attentes et l’usage à la perception de son public, le logo a encore de beaux jours devant lui.
Flore DESVIGNES
https://www.linkedin.com/in/flore-desvignes-b25470112/
Définitions
Se brander* : désir de se transformer soi-même en marqueInfraordinarité* : au sens de la définition de l’infraordinaire de Georges Perec, il s’agit d’interroger l’habituel, ce qui semble aller de soi, dont nous avons oublié l’origine car intégré dans nos pratiques sociales et notre inconscient. Pour approfondir : http://escarbille.free.fr/vme/?txt=ih
Anti-establishment* : opposition au pouvoir existant, en tant que société ou gouvernement.
Sources
CHAPUIS Dominique, “Le client du Moyen-Orient s’impose comme le roi incontesté du shopping”, Les Echos.fr. Paru le 9 juillet 2014. Consulté le 13 février 2017. http://www.lesechos.fr/09/07/2014/lesechos.fr/0203631280317_le-client-du-moyen-orient-s-impose-comme-le-roi-inconteste-du-shopping.htm
TOUMA Nadine, « Les jeunes et le luxe au Moyen-Orient par le groupe Chalhoub », abcluxe.com. Paru le 10 octobre 2011. Consulté le 13 février 2017. http://www.abc-luxe.com/actus/culture-events/article/les-jeunes-et-le-luxe-au-moyen-orient-par-le-groupe-chalhoub
MASSON Delphine, “Au Moyen-Orient, je consommé donc je suis”, Stratégies. Paru le 29 décembre 2015. Consulté le 17 février 2017. http://www.strategies.fr/etudes-tendances/tendances/1027356W/au-moyen-orient-je-consomme-donc-je-suis.html
Le livre blanc du Groupe Chalhoub. Paru en 2014. Consulté le 17 février 2017. http://www.chalhoubgroup.com/uploads/downloads/Chalhoub_Group_White_Paper_2014_French.pdf
MOAWAD, Marie-Héléne, “Les facteurs explicatifs de la consummation ostentatoire des produits de luxe, le cas du Liban”, HAL archives-ouvertes.fr. Paru le 7 septembre 2009. Consulté le 17 février 2017.
https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-00413921/document
HERNAEZ FOURRIER Françoise, “le luxe arabe: un luxe résolument tourné vers l’avenir”, Ipsos GAME CHANGERS. Paru le 7 octobre 2014. Consulté le 17 février 2017. http://www.ipsos.fr/decrypter-societe/2014-10-07-luxe-arabe-luxe-resolument-tourne-vers-l-avenir
PFEIFFER Alice, “faux real: le vrai faux logo”, Antidote. Paru le 29 novembre 2016. Consulté le 17 février 2017. http://magazineantidote.com/mode/faux-real-le-vrai-faux-logo/
Crédits images
Pinterest « Louis Vuitton » https://fr.pinterest.com/wendygail15/louis-vuitton/
UAEZOOM, Noor
TNT magazine
Quatar News, courtesy JK, http://www.qatarliving.com/forum/news/posts/doha-court-overrules-verdict-villaggio-fire
Marie-Hélène Moawad, les facteurs explicatifs de la consommation ostentatoire des produits de luxe – le cas du Liban
Instagram @perso_print_dubaï
Captures d’écrin du défilé Chanel Croisière, youtube Liri Simple and Beauty
Instagram @avanope, Antidote
Les hologrammes à l’assaut des égéries !
Sushi, manga, cosplay et anime¹, la culture japonaise s’exporte en Europe plus que jamais et colore notre quotidien. Cette acculturation va même jusqu’à bouleverser les codes de communication associés au luxe et notamment du côté des égéries. Elles inspirent les consommateurs et incarnent les marques, mais doivent-elles pour autant être « réelles » comme nous le démontre le Japon ?
L’égérie entre lifestyles, imaginaires et représentations
En théorie, l’égérie symbolise une marque et crée une forte identification car elle représente pour le consommateur un modèle à atteindre, aussi lointain qu’accessible. Même si les plus grands acteurs et actrices appartiennent à l’univers des strass hollywoodiens, à certains égards leur quotidien peut sembler proche du nôtre. Ainsi, à la simple vue de Charlize Theron, on ne peut s’empêcher de penser au parfum J’adore de Dior. Et si vous croisez Keira Knightley, la publicité Chanel au chapeau melon recouvrant sa poitrine, apparaîtra spontanément dans votre esprit.
L’égérie se doit d’être un idéal à atteindre mais elle doit aussi correspondre par son style de vie et ses aspirations aux valeurs de la marque qu’elle représente pour rendre la collaboration cohérente et efficace aux yeux des consommateurs. Alors le plus souvent, quoi de mieux et de plus simple techniquement que de prendre une célébrité reconnue pour sa beauté, son charisme et, dans la plupart des cas, son engagement humanitaire ? Mais il semblerait que cet être idyllique puisse aussi être fabriqué de toutes pièces.
L’égérie made in Japan
L’innovation vient du Japon, où quotidiennement les personnages de manga prennent vie à travers figurines, cosplay, animes et même hologrammes. En effet, depuis une dizaine d’années, la chanteuse virtuelle Hatsune Miku² cartonne au Japon et aux États-Unis, où elle y a effectué une tournée. Alys, sa cousine française née en 2014, s’est produite en concert au Trianon le 17 décembre 2016. L’hologramme franco-japonais créé par l’équipe VoxWave est le premier de son genre en France. Alys possède une personnalité, une voix et se produit en concert sous forme d’hologramme aux cotés de musiciens et est même inscrite aux sélections françaises pour l’Eurovision 2017.
Ici on ne parle pas d’égéries mais bien d’artistes virtuels. Cependant, cette personnification digitale émettant des sons modulés artificiellement, en a inspiré d’autres. En 2016, Nicolas Ghesquière, le directeur artistique de Louis Vuitton, a choisi Lightning, célèbre héroïne du jeu vidéo Final Fantasy XIII, pour la collection printemps-été, Série 4. À savoir qu’en 2012, Lightning et ses compagnons masculins avaient aussi représenté Prada à l’occasion des vingt-cinq ans de la série.
Dans un autre registre, le Japon a désigné des personnages de jeux vidéo, d’anime et de manga comme ambassadeurs pour les JO de Tokyo en 2020 et vient d’intégrer ce mois-ci Sangoku³ dans l’équipe, le célèbre Saiyan à la queue de singe. Dans le cas du Japon, le choix de ces ambassadeurs atypiques peut s’expliquer par leur forte représentativité de la culture nippone et par leur capital sympathie dans le monde.
Pour ce qui est de la France, on observe ce phénomène à travers le parfum La Petite Robe Noire de Guerlain, un carton marketing qui se passe d’égérie et dont le visage du parfum n’est autre que La Petite Robe Noire elle-même. Cette illustration créée à l’encre de Chine par Kuntzel & Deygas est une véritable innovation en France, où les grandes marques de luxe et de beauté se disputent habituellement les peoples les plus en vogue.
L’égérie malmenée
Comment justifier un tel choix de la part des marques ? Les individus parviennent-ils à s’identifier à de telles égéries virtuelles qui semblent dépourvues de substance au premier regard ? Pour Nicolas Ghesquière, cela relève d’un choix esthétique : Lightning est le « symbole d’un nouveau processus artistique » qui met « en avant la beauté virtuelle des jeux vidéo ». Mais elle représente aussi la femme forte et courageuse bravant tous les obstacles car la femme de nos jours est « parfois si courageuse dans ses actions qu’elle en devient supérieure et iconique ».
Peut-être aussi parce que, d’une certaine manière, les égéries — bien qu’en chair et en os — semblent tout aussi « irréelles » que les virtuelles aux yeux des consommateurs. Se pose alors la question de la pertinence d’une égérie inaccessible faisant rêver au profit d’une égérie proche de ses consommateurs comme les ambassadeurs Mario Bros ou Sangoku pour les JO de Tokyo.
Ces exemples questionnent l’emploi d’égéries « réelles » souvent à des prix exorbitants au profit d’égéries digitales. Elles ont le mérite d’apporter un souffle nouveau à l’univers de la mode et du luxe bien que leur élaboration relève aussi d’une prouesse technique qui peut être également coûteuse, puisqu’il faut faire appel à des experts en graphisme et animation audiovisuelle. Pour Guerlain, l’égérie virtuelle sans visage permet à chaque femme de s’identifier à cette silhouette pétillante et virevoltante qui porte la pièce incontournable de chaque dressing, une robe noire. Même si paradoxalement, cette forme féminine peut représenter un frein à l’identification, par son corps longiligne aux jambes interminables.
Attention tout de même à ne pas tomber dans l’excès ou bien nous serons vite gouvernés par des égéries virtuelles dotées d’une intelligence artificielle. Les ingénieurs de la Silicon Valley auront eu bien raison de construire des bunkers pour se préparer contre la révolution « humanité versus IA » du XXIe siècle.
Flore Voiry
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Glossaire :
¹ Anime : une série télévisée ou un film d’animation japonais. Les animes sont souvent inspirés de manga.
² Hatsune Miku : ou Miku Hatsune, il faut préciser qu’il ne s’agit pas d’une chanteuse au sens classique du terme, mais d’une mascotte du logiciel de synthèse vocale pour artiste musicaux Vocaloid. Les chansons qu’elle interprète sont alors celles créées par les utilisateurs du logiciel. Une grande base de donnée de ces productions se trouve sur le site NicoNico Video, une plateforme d’hébergement de vidéos très connue au Japon.
³ Sangoku : il est le héros de la série Dragonball et appartient à la race des Saïyens. Ce sont les habitants de la planète Vegeta. Il s’agit d’une race de puissants guerriers à l’apparence humaine. Seule une queue de singe dans le bas du dos permet de les distinguer.
Crédits photo :
1 : Square Enix
2 : Dior
3 : Chanel
4, 5 & 6 : https://adrianongaming.wordpress.com/
7 : Japanese Olympic Commitee
8 & 9 : Guerlain
Sources :
Une campagne publicitaire sans précédent pour La Petite Robe Noire de Guerlain
Tendance-parfums.com
http://www.tendance-parfums.com/la-petite-robe-noire-guerlain-publicite.html
(pas de date ni auteurs)
Steve Ernis
Louis Vuitton : La pub de Lightning dans son intégralité en vidéo
07/01/2016
gameblog.fr
http://www.gameblog.fr/news/55864-louis-vuitton-la-pub-de-lightning-dans-son-integralite-en-vi
Tiphaine Thuillier, publié le 30/04/2015 à 15:06 , mis à jour à 15:18
ALYS, la première chanteuse virtuelle française
le 30/04/2015
lentreprise.lexpress.fr
http://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/idees-business/alys-la-premiere-chanteuse-virtuellefrancaise_1676326.html
Sacha Ramtohul
Les personnages de FINAL FANTASY présentent la collection Prada Homme printemps/été 2012
le 04/04/2012
eu.square-enix.com
http://eu.square-enix.com/fr/blog/les-personnages-de-final-fantasy-presentent-la-collection-pradahomme-printempsete-2012
Le sourire est-il trop populaire ?
Si vous aussi on vous répète toujours de sourire sur les photos pour qu’on ne pense pas que vous faites la gueule, alors bienvenue au club. Quand est-ce que crier bêtement « cheese » avant la capture fatidique est devenu une norme, presque un rite de passage ? On savait que le fromage avait des vertus gustatives particulières mais au point de vous faire paraître heureux, vraiment ? On peut penser que le sourire transcrit le bonheur mais ne perd-t-il pas de son intérêt naturel par une capture qui n’a rien de spontanée ? Cheese ou smiley, analysons la place majeure et insoupçonnée de ce rictus.
Snapchat, nouveau pass VIP des anonymes
Snapchat, l’application de partage de photos et de vidéos que nous connaissons tous, est devenue le nouveau terrain de jeu de la mode, de la haute-couture et du luxe. Qui l’eut cru ? Certainement pas ses créateurs, deux étudiants de Stanford, dont l’inspiration venait du scandale Anthony Weiner, un élu new yorkais plutôt coquin. Désormais, Snapchat rapporte gros et son utilisation va bien au delà de l’échange de sextos et de grimaces habituels. Snapchat est devenu un réseau social incontournable et la mode l’a bien compris.
Snapchat, le nouveau pass VIP des défilés incontournables
Vous adorez la mode mais la mode vous snobe ? Vous vous verriez bien en backstage ou au premier rang des plus grands défilés ? Malheureusement, votre statut d’étudiant anonyme et votre découvert bancaire ne vous permettent actuellement pas de copiner avec les marques les plus prestigieuses. En attendant d’être à la mode ce que Sarah Jessica Parker est à Sex and the City (car le jour viendra les amis, ne perdez pas espoir !), Snapchat devient le pass VIP des anonymes. En effet, les plus grands noms de la mode ont pris d’assaut l’application pour notre plus grand plaisir.
C’est la partie « story » de l’application qu’utilisent le plus les marques. Celle-ci leur permet d’optimiser leur visibilité. Il vous suffit d’ajouter leurs comptes et vous aurez accès à leurs snaps durant 24h. La présence des marques sur Snapchat reste cependant ponctuelle, le but est de promouvoir des événements tels que l’ouverture d’une nouvelle boutique, l’annonce d’une succession à la direction artistique ou encore, une nouvelle campagne publicitaire.
Burberry en est le meilleur exemple. La prestigieuse marque londonienne n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de présence digitale et cela notamment grâce à son directeur artistique de génie, Christopher Bailey. Après les cabines d’essayage en réalité augmentée ou encore la chaîne Apple Music dédiée à la marque, Burberry nous a donné accès à la conception de sa dernière campagne publicitaire via Snapchat avec le seul, l’unique, Mario Testino. Durant 24h, du 22 octobre à 18h jusqu’au lendemain même heure, on a pu voir en direct le célèbre photographe de mode shootant la nouvelle campagne de la marque. En septembre dernier, Burberry avait d’ailleurs révélé au grand public les looks de sa dernière collection dans une story exclusive.
Pendant certaines périodes de l’année néanmoins, Snapchat se met aux couleurs de la mode. Lors des Fashion Weeks, les marques sont très présentes. Certaines, sans aller jusqu’à nous faire découvrir les défilés eux-mêmes, nous donnent à voir leurs backstages. C’est le privilège qu’a accordé récemment Victoria’s Secret à ses nombreux fans à travers le monde. La marque de lingerie est connue pour ses défilés grandioses regroupant une liste d’invités triés sur le volet et les plus beaux mannequins du monde, rien que ça !
De nombreuses femmes à travers le monde se sont réunies autour de la story Victoria’s Secret et sans même le savoir, se sont lamentées en communauté. Des résolutions similaires ont alors été prises : 1. lâcher le chocolat que l’on a actuellement dans la main, 2. faire 20 abdos (là tout de suite !), 3. s’inscrire dans une salle de sport.
Snapchat + luxe = succès ?
Les 8000 captures d’écran faites de la story Michael Kors lors de la Fashion Week de New York témoignent du succès de la combinaison Snapchat et mode. Celle-ci plaît au public car elle est la promesse d’une authenticité qu’on ne trouve pas ailleurs. À l’inverse d’Instagram, Snapchat permet très peu de retouches photos. On a accès à un contenu peu contrôlé, capturé à chaud et donc plus vrai. De plus, cette combinaison est plus proche de nous. Avec Snapchat, la mode et le luxe, d’ordinaire si loin du grand public, atteignent notre sphère intime. La mode devient plus accessible, plus humaine et ainsi, suscite le désir. Le public a l’impression d’avoir un laissez-passer entre les mains qui lui permet d’avoir accès aux coulisses de la mode. C’est si bon, le temps d’un snap, de se prendre pour Andréa dans Le Diable s’habille en Prada !
L’aspect éphémère des snaps intéresse beaucoup les marques. Il permet de se montrer sans trop se dévoiler et surtout, force l’attention. La courte durée d’un snap oblige l’utilisateur à y être attentif à une époque où il est de plus en plus difficile de capter l’attention du public durablement.
La cible « digital natives »
L’utilisation de Snapchat par les marques est avant tout une stratégie d’entreprise. En effet, 71% des utilisateurs de l’application ont moins de 25 ans. Il s’agit donc d’attirer de futurs consommateurs. Le but est d’approcher la génération Y via un canal de marketing original, qui leur parle. Snapchat est une manière pour les marques de rester jeunes et au goût du jour. Ainsi, en s’intéressant à ses potentiels futurs consommateurs, les marques évitent de vieillir.
On peut néanmoins s’interroger sur l’efficacité d’une telle stratégie : les jeunes qui suivent aujourd’hui la story Valentino deviendront-ils de futurs consommateurs ? Les digital natives sont séduits par le couple Snapchat-marques notamment parce qu’ils aiment l’instantanéité mais rien ne prouve un réel impact sur les ventes.
Luxe et Snapchat : la démonstration en images d’un profond changement dans la culture d’entreprise
La présence des marques sur Snapchat est révélatrice d’une prise de conscience. Alors que la croissance du marché mondial du luxe a ralenti, le luxe prend le poids de la nécessité du digital. Longtemps réfractaire au digital, le monde du luxe comprend maintenant que ses nouveaux consommateurs évoluent rapidement, et qu’il doit évoluer avec eux.
L’engagement dans le digital du groupe LVMH par exemple, pourrait aller plus loin, en rendant disponible à la vente en ligne toutes ses maisons. Le succès du site de ventes en ligne de Cartier dément l’idée commune liant ventes en ligne et dégradation de l’image de marque.
Une chose est sûre, les réseaux sociaux allègent les dépenses publicitaires et une plus grande ouverture du luxe au e-commerce permettrait sûrement une augmentation des ventes et une plus forte rentabilité.
Yasmine Guitoune
Sources :
ELLE, Burberry dévoile son défilé en avant-première sur Snapchat, 18/09/15. Consulté le 10/11/15 – http://www.elle.be/fr/96168-burberry-devoile-son-defile-en-avant-premiere-sur-snapchat.html
Poyer, Marine. Burberry : la campagne printemps-été 2016 réalisée en direct sur Snapchat, ELLE, 22/10/15 – Consulté le 10/11/15 – http://www.elle.fr/Mode/Les-news-mode/Burberry-la-campagne-printemps-ete-2016-realisee-en-direct-sur-Snapchat-3006621
Vincent, Anthony. Pourquoi Snapchat captive la mode ? Grazia. 15/04/15. Consulté le 10/11/15 – http://www.grazia.fr/mode/news/pourquoi-snapchat-captive-la-mode-754224
Blanchot, Valentin. Luxe et réseaux sociaux : Burberry se lance sur Snapchat. Siècle Digital, 04/05/15 – Consulté le 10/11/15 – http://siecledigital.fr/2015/05/luxe-reseaux-sociaux-burberry-snapchat/
Malka, Raphaël. Burberry – Snapchat , zoom sur le partenariat Luxe & Social Media de la rentrée! My Digital Luxury Galaxy. Consulté le 10/11/15 – http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/burberry-snapchat-zoom-sur-le-partenariat-luxe-social-media-de-la-rentree/
Luxusplus. La génération Y ciblée par les géants du luxe sur Snapchat, 12/06/15. Consulté le 10/11/15 -http://luxusplus.fr/revue-presse/475-snapchat-les-geants-du-luxe-visent-les-consommateurs-de-demain?utm_content=buffer03522&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer
Challenges. Le luxe doit rattraper son retard dans le digital, 22/04/15. Consulté le 10/11/15 -http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20150422.REU9528/analyse-le-luxe-doit-rattraper-son-retard-dans-le-digital.html
Crédits images :
Photo de une : Burberry
Victoria’s Secret
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Les maisons de luxe toutes « gaga » des chanteuses
« Rihanna incarne ma vision de Balmain […]. Devant l’objectif, elle donne l’impression d’être la seule femme sur terre* » affirme Olivier Rousteing. C’est par ces mots que le directeur artistique de la maison parisienne de luxe parle de son amie et muse Rihanna, icône de toute une génération.
Depuis quelques semaines, nos comptes Instagram sont en effet inondés de photos du duo, en backstage du dernier défilé Balmain ou encore assistant à un spectacle du Crazy Horse.
Il faut reconnaître que l’image de la star du R’n’B colle parfaitement aux codes de la maison de couture: sulfureuse et sexy, au style vestimentaire aussi audacieux que bling-bling. Sa tenue très provocante à l’after-show organisé par la marque a d’ailleurs beaucoup fait parler d’elle, autant de publicité gratuite pour Balmain… Olivier Rousteing le sait pertinemment, lui qui explique « c’est la fille que tout le monde connaît […] elle est très puissante, très forte […]. Elle sait mêler mode et musique et je pense que ma collection est justement construite autour de ça ».
Captures d’écran des comptes Instagram de Rihanna (à gauche) et d’Olivier Rousteing (à droite).
Mais alors, quel intérêt pour les entreprises ?
Un mariage puissant…
Collaborer avec un musicien, c’est d’abord l’assurance d’une couverture maximum. Il faut rappeler que les artistes de l’industrie musicale sont les plus suivis sur les réseaux sociaux : Katy Perry comptabilise plus de 51 millions de followers sur Twitter, Rihanna plus de 86 millions de « J’aime » sur Facebook, les clips de Justin Bieber et Psy ont été vus plus d’un milliard de fois chacun sur Youtube… Un musicien est donc forcément beaucoup plus puissant qu’un acteur : tandis que ce dernier incarne des personnages fictifs, qui sont parfois à l’opposé de leur vraie personnalité, le musicien ne joue (en principe) pas de rôle, c’est lui qui choisit ses textes, ses tenues vestimentaires, l’image qu’il veut renvoyer au média, son style de vie… Il crée un véritable univers autour de lui et de sa personnalité favorisant l’identification par ses fans, autant de cibles potentielles pour les annonceurs…
Car s’associer à un artiste, c’est aussi l’occasion pour des maisons souvent inaccessibles au commun des mortels de sortir des sentiers battus et d’atteindre des cibles moins aisées, ce qui entraîne alors une démocratisation de la marque. Ce n’est pas le but recherché par certaines maisons de couture qui, au contraire, préfèrent se démarquer : c’est le cas de Givenchy, qui a choisi comme égérie la chanteuse Erykah Badu, peu connue du grand public, renforçant au passage son image d’entreprise élitiste.
…et très lucratif…
Mais les retombées positives ne sont pas uniquement pour la marque… Depuis la sortie de son dernier album Artpop, Lady Gaga multiplie les frasques pour faire parler d’elle (elle s’est fait récemment vomir dessus au festival SXSW). Pour Lady Gaga, être égérie Versace c’est autant de couverture médiatique, d’apparitions publiques et d’occasions de prendre la parole. Pour certains artistes, devenir égérie est donc avant toute une façon de se rappeler au bon vouloir du public tout en restant associés à une maison prestigieuse.
…mais un mariage d’amour avant tout.
Un point commun à toutes ces collaborations : l’artiste et le créateur sont des inspirations mutuelles, même si la musique inspire plus la mode que le contraire. Ainsi, Miley Cyrus ne tarit pas d’éloges sur Marc Jacobs, dont elle a porté une création au dernier Met Gala de New-York, pratiques courantes entre chanteurs et couturiers. Il avoue quant à lui ne trouver aucun défaut à la chanteuse : « elle a son franc-parler, elle agit comme bon lui semble, elle est talentueuse et n’a pas peur de prendre des risques ».
De manière plus globale, musique et mode ont des liens très étroits : on achète souvent du merchandising à l’effigie d’un artiste et ces derniers se produisent souvent en live lors des défilés (Taylor Swift ou Rihanna pour Victoria’s Secret, Lily Allen, Rita Ora, M.I.A, Sellah Sue et Likky Li pour Etam, Woodkid pour Jean-Charles De Castelbajac…). Des pans entiers de styles vestimentaires sont aussi liés à un style de musique spécifique (rap, gothique, hippie, grunge…).
Bien ancré dans les mœurs communicationnelles, ce phénomène ne touche pas uniquement les maisons de luxe. D’autres marques plus populaires comme H&M avaient déjà sauté le pas en choisissant de collaborer avec Lana Del Rey, Beyoncé ou encore une certaine Madonna… Et on parie que le phénomène n’est pas prêt de s’arrêter.
Elsa Mahouche
*En référence au single de Rihanna intitulé « Only Girl in the World »
Les soldes chez les marques de luxe : la discrétion comme règle d’or
Depuis le 8 janvier dernier, les marques ont dégainé leurs plus belles promotions afin de multiplier les actes d’achats dans le but de se débarrasser des invendus de la saison.
Toutes ? Pas tout à fait. Les marques de luxe font figures d’exceptions.
Hermès, Vuitton, Chanel, Gucci etc. sont autant de marques qui rejettent – officiellement du moins – le système des soldes, ce rabais hivernal vu par celles-ci comme une dévalorisation de la marque. Ces grands noms se prévalent de vendre des produits « de qualité » mais surtout « intemporels » et se distinguent ainsi des marques dites « de mode », qui se renouvellent chaque saison.
Cependant, des opérations sont organisées dans le plus grand secret. Ventes « très privées », soldes sélect’, revente auprès du personnel, rachat du stock par des acteurs étrangers : toutes ces opérations sont réservées à un public d’initiés, trié sur le volet. Ce système fonctionne par cooptation : on « n’entend » pas parler d’un évènement pareil, on y est exclusivement invité. Un même point commun les caractérise : le silence, la non-communication. Rien ne doit contredire le discours officiel.
Il s’agit de se débarrasser des stocks en préservant dans le même temps cette dimension centrale : l’image élitiste des marques, qui leur permet de se positionner sur un marché du luxe premium.
Se distinguer, toujours, « les soldes, c’est pas du luxe ».
Adeline Mateus
Sources :
Libération
Challenges
20minutes
Crédit photo :
news.social-dynamite.com
Un Noël de luxe (pour tous) !
Des campagnes de publicité affichant le prix, des partenariats avec des marques de grande distribution bon marchés, le lancement de gammes accessibles… Le luxe et son élitisme traditionnel serait-il aujourd’hui paradoxalement à la portée de tous ?
Rappelons d’abord que le luxe n’a cessé de se rapprocher du plus grand nombre : dans les années 1970 avec le passage au prêt-à-porter et aux accessoires, puis dans les années 1980/1990 avec la démocratisation du luxe et la recherche de cibles plus larges et diversifiées. Aujourd’hui, c’est autant de guests designer pour H&M que de magasins Zara. Stella McCartney, Lanvin, Versace, Marni, Jimmy Choo, Maison Martin Margiela et plus récemment Isabelle Marant, y sont passés, rendant leurs produits accessibles au consommateur moyen. Si les avantages pour la marque ne se comptent bien évidemment pas en termes de chiffre d’affaire, ce genre de partenariat permet un gain en termes d’image de marque et de notoriété, sous le thème du « accessible à tous » démocratique et tendance.
Cependant, un luxe accessible n’est-il pas justement impossible, le luxe étant par définition rare et réservé à une sorte d’élite économique ? Même si la qualité et la marque demeurent, le luxe se base encore sur des prix élevés et la promesse d’une certaine singularité du produit à l’inverse des fabrications en série. C’est le standing du « pas comme tout le monde » et de la série limitée qui attire tant dans une société de plus en plus uniformisée aux membres en quête d’affirmation individuelle. En outre, dans cette démocratisation du luxe, l’autre prise de risque des marques semble se situer au niveau de ces consommateurs de la première heure : ces classes supérieures vebleniennes à la consommation ostentatoire visant la différenciation par rapport au « reste » de la société. Quels pourraient alors être les arguments faisant pencher la balance vers un tel choix marketing ?
L’idée d’un luxe investi dans une cause sociale, celle égalitaire démocratique, ne colle pas. Le luxe a depuis longtemps fait le choix marketing du haut de gamme et surtout du haut revenu. Cette tendance d’accessibilité, même ponctuelle et éphémère, doit se comprendre autrement. La réalité est telle que ces collections capsules citées précédemment permettent davantage de donner envie au consommateur lambda d’avoir plus, de lui mettre « l’eau à la bouche » afin d’orienter ses futurs choix de consommation vers une « grande » marque, quitte à ce que l’achat du produit de luxe se fasse au détriment d’autres consommations. C’est le choix classique du « quantitativement moins pour du qualitativement mieux ». C’est également un moyen de faire découvrir une marque par des prix d’entrée accessibles pour ensuite attirer le consommateur vers des produits plus chers. « Il faut au luxe une entrée de gamme et un haut de gamme… C’est de la « tension » entre les deux que naît le désir. » écrit Michel Gutsatz. Que cette entrée se fasse via un partenariat avec H&M pour Jimmy Choo ou la mise en vente de bagues Mauboussin en série limitée à 500€ l’unité, elle passe par un payement facilité. « La modernité du luxe, c’est le partage. » écrivait en 2010 Alain Némarq, président de la célèbre marque de joaillerie de la Place Vendôme.
C’est qu’en terme de luxe accessible, Mauboussin domine : que ce soit en vitrine ou sur ses affiches publicitaires, le prix est toujours renseigné, et ce depuis 2004. Cette pratique de mass-market, renforcée par des lieux privilégiés de diffusion de masse, à savoir le métro parisien et plus récemment la radio RTL, permet ainsi d’éviter au client d’avoir à subir le moment délicat de la demande et de l’annonce du prix, surtout si celui est au-dessus de ses moyens. Si cette pratique demeure très contestée, autant par les professionnels que par les consommateurs (qui aurait envie d’offrir une bague dont tout le monde connaît le prix ?), une autre stratégie d’accessibilité envahit aujourd’hui le marché du luxe pour attirer de nouveaux clients moins fortunés : celle du fameux « payable en x fois sans frais ». Chez le joaillier Mauboussin, on peut ainsi se payer une bague à 2 000 euros en 12 fois sans frais. Chez Porsche, on peut repartir au volant d’un bolide avec un crédit spécial « sans engagement ». Et la dernière tendance c’est la montre pour homme à 8 000 euros en crédit-bail.
Autant de pratiques destinées à agrandir le marché des enseignes du luxe en cette période de crise économique. Car si les riches ne suffisent plus à remplir les objectifs de chiffre d’affaire, les classes moyennes (supérieures), elles, n’y manquent pas. Tout le monde semble alors y trouver son compte. La question reste cependant la même : se rendre accessible à un plus grand nombre ne va-t-il pas à l’encontre même de la définition du mot luxe ? Comme le rappelle Michel Gutsatz l’étymologie du mot vient de « luxus » signifiant « qui ne pousse pas droit », « déviant ». Le luxe renverrait alors à un comportement du consommateur qui ne consommerait pas comme tout le monde, qui dévierait de la norme du plus grand nombre…
Eugénie Mentré
Sources :
Michelgutsatz.typepad.com
Webandluxe.com
Influencia.net
M6.fr
The Chinese dream
Une campagne de lutte anti-corruption
La campagne de lutte anti-corruption bat son plein en Chine. En excluant la semaine dernière Liu Tienan, l’un des principaux conseillers économiques du parti, le président de la Chine populaire Xio Jiping affirme à nouveau sa volonté de mettre fin aux « énormes pots-de-vin » que reçoit la bureaucratie afin de prôner une vie plus saine, étrangère à toutes les décadences passées. Grâce aux révélations de sa maîtresse, les médias officiels avaient en effet publiés les trésors de cet homme qui possédait près de 25 diamants, 4,5 kg d’or et d’autres nombreux cadeaux. Cette lutte anti-corruption fut lancée par Xio Jiping à son arrivée au pouvoir, lorsqu’il a déclaré qu’il serait intransigeant sur le fait qu’il fallait désormais « frapper les petites mouches comme les grands tigres en matière de corruption ».
Mais loin de ne s’en prendre qu’à la bureaucratie, le président s’attaque également aux marques de luxe. Frappées de plein fouet par cette stigmatisation, celles-ci ont vu à l’approche des fêtes de Noël leurs chiffres d’affaires dégringoler à cause de cette nouvelle adéquation entre le luxe et la décadence réprimée par le pouvoir en place.
Une nouvelle stratégie de marque
La campagne anti-gaspillage incite ainsi les marques de luxe à envisager et à adopter une nouvelle stratégie de communication. Après le fameux « American Dream », voici « The Chinese Dream ». Ce rêve est synonyme de réussite, d’accomplissement, de gloire surtout, et tout cela par la simple force du poignet. Afin de véhiculer une image positive de leurs produits, les marques innovent en présentant dans leurs publicités non plus des égéries mais des « self made men ». Il est loin le temps des campagnes publicitaires clinquantes, où la célébrité du moment portait le dernier sac Vuitton. Désormais, le choix des célébrités repose principalement sur leur réussite professionnelle plus que sur un facteur luxe.
Mercedes-Benz a par exemple organisé une campagne de « Dream Makers » sur Sina Weibo, connue pour favoriser les professionnels de la création aux dépends des stars de cinéma. Cette campagne met ainsi en vedette un personnage adulé par les consommateurs, en cela qu’elle explique comment elle en est parvenu à un tel succès et qu’elle redonne espoir dans un marché économique mondial aujourd’hui en difficulté. Le dur labeur et la vision créative sont récompensés à la place des paillettes et du glamour. On admire alors leur philosophie de vie. Pour plus de succès, Mercedes-Benz demande même à ses utilisateurs de participer en racontant leurs rêves avec la possibilité ensuite de gagner une voiture.
Cette même stratégie a été utilisée par la marque Johnnie Walker, une célèbre marque de whisky, dans sa campagne intitulée « Game Changer » qui met en scène entre autre Ma Yonsong le fondateur de MAD architects, et le lauréat du prix du scénario de Cannes et réalisateur Jia Zhangke. Ces publicités sont innovantes puisqu’elles ne présentent plus simplement des produits mais proposent également des conseils pour bien réussir dans la vie.En plus des créatifs, ce sont également des athlètes professionnels qui sont utilisés. On peut citer le célèbre champion olympique d’escrime Lei Sheng, le couturier Guo Pei, le photographe Xiao Quan et le painiste Zhao Yinyin. La campagne « Pinnacle moment » contait ainsi le moment de couronnement de leur vie ainsi que le chemin emprunté pour y parvenir.
The Chinese Dream
Derrière l’emprunt de ces « self made men » se cache bien sur l’espoir des marques de s’éloigner de l’adéquation luxe / corruption martelée par Xio Jiping. L’effet recherché est de dissocier le luxe du délabrement moral, de la décadence et du vice pour le requalifier et l’associer à la beauté et à l’artisanat. Une image positive est alors véhiculée par leurs produits de qualité en faisant l’éloge du travail acharné et de la créativité. Ces publicités permettent alors de doter le produit d’une singularité propre : en effet, le consommateur peut plus facilement s’identifier à lui et se l’approprier. La richesse matérielle est donc sublimée par une satisfaction personnelle et par un sentiment d’accomplissement qui viennent se greffer à l’achat.
En utilisant les espoirs des consommateurs, cette nouvelle stratégie marketing érige en valeur suprême le travail. Elle polie également l’image des marques de luxe en donnant un revers positif à leur simple représentation de richesse, celle de réussite et de bonheur. On est donc bien en plein « Chinese Dream ».
Laura de Carné
Sources:
– Le Figaro magazine
– Le Monde magazine
– L’agence marketing chine
Photo Carlos Barria, reuters