Bourse-metro-station
Société

Nous indigner ?

 
Ces attentats à la morosité ne seront certainement pas passés inaperçus auprès des usagers du métro parisien. Et, plutôt que de saluer la prouesse technique de ce « terrorisme comique » ou de retracer la généalogie des démonstrations indignées, nous allons nous contenter de « lire » ces opérations de braconnage qui, pour ne pas être subliminales, ne sont pas moins ambigües.
La première illustration est la plus délicate à interpréter. Elle se heurte rapidement à un public sceptique et à la surprise où elle fonde son artifice. Son message est trop plausible, trop rigoureusement semblable aux messages parodiés pour que le spectateur juge de son sérieux sans appel. En fait, ce premier habillage mime les pompes et les tournures du discours officiel pour en usurper la crédibilité ; il pastiche les formes plastiques et rhétoriques de la communication institutionnelle pour en récolter la légitimité – donc le pouvoir. En somme, la reproduction du ton attendu en pareilles occasions suffit à ce que la supercherie du costume opère. Les plaisantins sont grimés ; les énonciateurs sont confondus. Or, cette dangereuse confusion, cette impossibilité à se rassurer est, en définitive, la condition du guet-apens émotionnel – cette embuscade conative – où les larrons veulent surprendre leurs spectateurs. Pour renverser la situation en leur faveur, pour séduire, ils ont besoin que les certitudes chancellent…
Les illustrations suivantes concluent la plaisanterie et aboutissent aux sourires convoités. Nous ne nous attarderons pas sur les derniers messages. Nous supposerons toutefois que la dérive du registre employé est une métaphore du déclin financier condamné… En revanche, les trois discours pris ensemble révèlent une forme de protestation originale. En effet, la guérilla discrète et sarcastique est ici préférée aux démonstrations débordantes de revendications agressives, impératives et sans nuances qui se discréditent en même temps que le système fustigé. Les chenapans reprennent à leur compte le fameux « divertir pour instruire » et appliquent à leurs revendications les dernières vogues de la communication publicitaire, mêlant morale et humour. La complicité subtile et pédagogique devient donc le mode de contestation privilégié des pirates anonymes face à un régime impuissant à se renverser spontanément… Ne laissant à ces chevaliers blancs – pourfendeurs des ordres sourds et sclérosés – que les ressources de la révolution civique – cette indignation clémente.
 
Antoine Bonino

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Opération de réalité augmentée Orange à Auber et Gare du Nord pour le Noël 2011
Publicité et marketing

Quand Orange nous vend (vraiment) du rêve

Où suis-je ? Le grand hall de la station Auber.
Et c’est quoi cet énorme écran en plein milieu du hall ? Ma foi, je me suis posée la même question. Musique, lumière et animatrices : il fallait au moins ça pour stopper les gens sur le chemin de leur foyer ce lundi soir de novembre.
Derrière tout ça : Orange. Voilà une marque qui s’est particulièrement démenée cette année pour ne pas se faire oublier pendant les fêtes. Le petit père Nöel en bougie, les rois mages, le lutin et l’ange sont arrivés à la télévision, à la radio, dans la rue, sur Internet, et dans les applications des smartphones depuis plus d’un mois. C’est ce qui s’appelle ratisser large.
Bref, du Orange, vous en avez vu et entendu, mais en avez-vous dansé ? Car c’était bien le but de cette opération lancée le même jour à Marseille et à Paris. Pour cela, Orange a tout simplement fait un partenariat avec Kinect et a installé un immense écran pour que l’on puisse bouger notre corps avec nos petits personnages préférés, et ce devant une foule d’étrangers.
Il y avait bien sûr un petit teaser…
Ainsi, ce soir là étaient présentes trois animatrices Orange qui dansaient et invitaient les passants à venir les rejoindre. Alors je suis restée non pas pour danser, mais pour voir si ça allait marcher…
Eh bien, oui, figurez-vous qu’au bout de 2 minutes, un homme de 40 ans, type cadre, pose son attaché-case et commence un magnifique dandinement sur une mélodie, cousine de Born to be alive en version Noël.
Donc pour le coup, c’était vraiment amusant de regarder tous ces gens, totalement différents les uns des autres, essayer un par un de suivre les mouvements d’un lutin. La magie de Noël, sûrement
N’empêche que tout cela était très bien pensé. Il est quand même beaucoup plus sympathique de danser avec un roi mage ou un bel ange blond qu’avec le logo d’une marque, et ça Orange l’a parfaitement compris. Devant nos yeux pendant l’animation, pas de mobiles dernière génération, pas de box, pas de gros mots du type « abonnement » ou « haut débit ». Les animatrices ne portent même pas le logo sur elles, vêtues simplement d’un manteau de couleur orange. Tout est organisé dans le détail pour adoucir la représentation que nous avons de la marque : une technique douce pour se rapprocher du consommateur. Et, effectivement, le but de l’opération était d’abord de faire passer un bon moment aux gens… Avec Orange, bien sûr.
A la fin de leur partie, les participants souhaitant apparaître sur la chaine Youtube de Orange étaient invités à signer une décharge. Rien ne se perd, tout se transforme : les petits malins ont enregistré continuellement pendant l’opération. Le passage du physique au numérique permet ici de faire durer les retombées.
Pendant tout ce temps, le mot Orange n’était en fait visible qu’une fois : à côté de l’animation, sur les affiches murales qui invitaient tous passants à aller voir les vidéos sur Internet…

Justine Brisson