@PrésidentdelaRépublique
Ça y est, la campagne est officiellement lancée ! Nicolas Sarkozy vient de se déclarer candidat à sa réélection à la tête de l’Etat. Les communicants sont contents. On peut enfin activer la machine, sortir l’artillerie, bref se servir de tout ce matériel sur lequel on lorgnait depuis de longs mois. Ainsi, est ouvert depuis le 15 février le nouveau compte Twitter du Président de la République (@NicolasSarkozy), sur lequel il nous fallait impérativement aller faire un petit tour.
Notre regard s’est évidemment porté tout d’abord sur le papier peint. Rien de surprenant de ce côté là : un beau bleu monochrome, tout à fait UMP, tout à fait rassurant, mais un peu électrique, un peu numérique parce qu’on est quand même sur Twitter. La photo, ensuite, ne nous a pas étonnés non plus, c’est celle au bord de cette mer d’huile sur laquelle la France entière rêve de naviguer, au calme, vers de lointains et prometteurs horizons, guidée et sécurisée par ce Président serein et tout entier habité par sa fonction. Le slogan va d’ailleurs dans le même sens. « La France forte », cela accompagne bien la figure du capitaine et on serait presque entièrement rassuré sans un petit bémol, d’ordre typographique. « Forte » est en effet plus gros, beaucoup plus gros que « France ». Le nom est plus petit que son adjectif qualificatif, du coup la « France » paraît être moins forte que « forte ». Mais, ceci est un détail et il est temps de passer aux choses sérieuses.
La chose sérieuse, c’est la spécificité de la communication élyséenne sur Twitter. Là, on a été surpris ! Dès l’arrivée sur le profil du candidat, on vous indique que ce n’est pas lui qui vous parle : « Compte officiel de Nicolas Sarkozy. Ce compte est piloté par mon équipe de campagne », du moins la plupart du temps ( « Mes tweets personnels seront signés -NS »). Évidemment, on s’en serait douté, et c’est justement un des intérêts de la manœuvre. Nicolas Sarkozy est honnête avec vous. Comme en 2007, il dit ce qu’il fait et il fait ce qu’il dit. Mieux encore, il est très occupé en ces temps de crise et Twitter n’est évidemment pas sa priorité. Il est responsable, déterminé, travailleur. Ce n’est pas un geek immature et à demi oisif. Néanmoins, il est aussi moderne. Il tweete de temps à autre, pour remercier @whitehouse notamment. Et, cette rareté, c’est aussi la distance, la distinction. Ce qui est rare est cher, précieux. De même que ce qui est loin. Ainsi, les guillemets encadrant les phrases clés de son discours les isolent-elles dans une solennité en contraste avec la trivialité des autres posts sur le compte. Le discours est grandi, isolé, comme doit l’être le pouvoir, surtout présidentiel.
Globalement, c’est de la bonne com’, et dans com’ il y a aussi communion. La force du candidat Sarkozy est peut-être avant tout là, et ça se retrouve sur Twitter. « J’aime vos valeurs, j’aime vos montagnes. », « c’est par le travail et l’effort que nous garantirons notre modèle social », « s’il y a un blocage, je me tournerai vers le peuple et je lui demanderai de trancher », ces phrases extraites du discours d’Annecy ont été twittées en direct sur le compte officiel par l’équipe de campagne. Pas de chiffres, pas de pure rationalité mais de la croyance. Être en accord avec l’idéologie ou plutôt avec les idéologies, c’est la méthode ici. Ainsi, on retrouve toutes les thématiques qui fondent l’inconscient de la droite française mais aussi de beaucoup d’autres citoyens : traditionaliste, avec les montagnes, libérale, avec le travail et l’effort, ou gaulliste, avec la référence au référendum et au système de protection sociale. Ces thématiques, le Chef de l’État en devient en cette campagne l’incarnation, le garant. On retrouve la figure du héros, c’est-à-dire de l’homme qui porte sur lui les valeurs d’une société et les fait vivre. Ça avait marché en 2007, avec « la valeur travail » notamment. Nicolas Sarkozy était alors un homme frais, comparé à Jacques Chirac surtout, dont il avait pris grand soin de bien se démarquer. Mais, le contexte est désormais différent et on peut se demander si, aujourd’hui très bas dans les sondages, il a les moyens et le temps d’incarner de nouveau ces valeurs, de se refaire héros pour aller battre François Hollande, le candidat normal, le 6 mai prochain ? De la réponse à cette question dépend peut-être grandement le résultat de cette élection.
Romain Pédron