Société

Je suis un vrai, un dur, un tatoué

A l’occasion de la sortie de son livre « Why does Mommy have tattoos » en avril 2016, l’artiste Marilyn Rondón revient sur les motivations qui l’ont poussée à publier un ouvrage pour enfants destiné à briser les préjugés liés aux tatouages. L’occasion de se pencher sur une pratique ancestrale encore mal aimée par beaucoup.

Le tatouage, des préjugés qui lui collent à la peau
Si le tatouage est aujourd’hui particulièrement mis en lumière par les médias, il existe une diversité des savoir-faire et des perceptions qui est souvent occultée. En Polynésie Française comme dans les Îles Marquises – très belle exposition à ce sujet au musée du Quai Branly actuellement !-, le tatouage est un véritable rituel qui permet de distinguer les classes sociales et l’âge de chacun de ses membres : plus on est tatoué, plus on accède aux privilèges de la société et plus on est respecté. En ce sens, le tatouage est un acte sacré qui s’incarne dans des motifs comme le Tiki, le dieu créateur qui veille sur ses peuples.

Mais le tatouage prend une toute autre dimension dans certaines sociétés où il est synonyme de honte et de stigmatisation. Dans le Japon du VIème siècle, il servait à marquer les criminels qui conservaient la trace de leur forfait à vie, sans oublier l’Allemagne nazie, qui marquait les déportés d’un numéro indélébile qui les réduisait à un code, à un produit.
Laissez vos tatouages au vestiaire je vous prie
Cependant, depuis la fin du XXème et le début du XXIème siècle et devant l’afflux massif de personnes se faisant tatouer (une partie ou le corps entier), la question du tatouage s’est reposée différemment : permet-il d’appartenir à un groupe particulier ? Est-il seulement à visée esthétique de sorte que le tatoué le réalise tout d’abord pour soi et non pour l’opinion publique ? Si le tatouage, dépourvu de toute dimension sacrée comme nous l’avons énoncé plus haut, est pour beaucoup le moyen de conserver à vie un motif qui lui est cher, il reste toutefois assez mal vu dans le monde du travail et en particulier par les recruteurs qui l’associent à un « mauvais genre », qui renvoie une image de fantaisie et même de subversion qui n’a pas lieu d’être dans le milieu professionnel. Lors d’une interview pour Konbini, Marilyn Rondón raconte comment le fait d’être une femme tatouée influence l’opinion : une femme doit incarner la beauté, la finesse, là où le tatouage serait une vulgaire tache sur une pureté supposée. Elle revient sur l’esclandre provoquée par sa patronne le jour où elle se tatoua le visage alors qu’elle-même était tatouée. A ce titre, Grazia s’était amusé à publier une série de photographies retouchées par Cheyenne Randall reprenant des personnalités telles que Jackie et John Fitzgerald Kennedy ou encore Kate Middleton et le Prince William, en leur imaginant de nombreux tatouages : en touchant à de telles icônes, il s’agit de questionner nos a priori et nos convictions : Jackie aurait-elle été si respectée si elle avait été tatouée ?

L’art du tattoo
Mais si le monde du travail préfère laisser de côté la fantaisie, la publicité quant à elle la reprend à son compte : le tatouage n’est alors plus vu comme vulgaire ou sale mais comme un atout de charme et de séduction. Prenons l’exemple des parfumeurs : un homme tatoué incarne la force voire la domination, tandis qu’une femme tatouée se voudra sexy, mystérieuse, inaccessible et surtout inoubliable : le tatouage est un moyen d’ « encrer » sa différence, mais avec style.

Ces mises en scène des tatouages tentent elles aussi de surmonter les idées préconçues qui corsètent encore ces derniers dans une image de gribouillis qui ne ressemblera plus à rien des décennies plus tard. Elles ont aussi pour vocation de leur rendre leurs lettres de noblesse et de les montrer tels qu’ils sont : des œuvres d’art.
C’est d’ailleurs ce que les tatoueurs défendent ardemment à travers de nombreux salons et en opposition aux détracteurs, à l’image de l’émission « Tattoos fixers » diffusée sur Channel 4. Il s’agit de filmer des personnes regrettant leur tatouage ou s’étant fait tatouer à leur insu, et de le « rattraper » en tatouant un autre motif par-dessus. Les tatoueurs britanniques se sont insurgés car selon eux cela retire toute la dimension artistique du tatouage en le présentant comme un vulgaire collage, dénué d’inspiration et de création. Les tatoueurs de l’émission, également accusés de plagiat, bafouent l’éthique des tatoueurs et la marque de chacun. Le tatoueur Paul Taylor a alors lancé une pétition contre l’émission et qui fut massivement soutenue par les amoureux du tattoo.

Si le tatouage peine encore à se faire accepter comme art et surtout comme un choix individuel qui n’entache en rien ni la personnalité ni la profession des adeptes, le travail et la finesse d’un bon nombre d’artistes tatoueurs tend à redorer son blason. Et puis, Angélina Jolie reste la preuve vivante que l’on peut être belle, élégante, et tatouée.
Ludivine Xatart
Sources
-Konbini, « Pourquoi Maman a des tatouages ? », Olivia Cassano, Mai 2016
-Konbini, « Une émission de téléréalité agace l’industrie du tatouage britannique », Kate Lismore, Avril 2016
-Kustom Tattoo : L’histoire du tatouage
-Grazia, « Pourquoi maman a des tatouages? » : un livre à l’assaut des préjugés, Chloé Friedmann, 22 Avril 2016
-www.mondialdutatouage.com
Crédits photos
-Konbini, « Why does Mommy have tattoos ? »: © Marilyn Rondón
-Marie Claire, “Les plus beaux tatouages repérés sur Pinterest”: © Pinterest/DR
-corion.over-blog.com
-Grazia : photos tatouages numériques par Cheyenne Randall
-deleardebeauté.wordpress.com
-bloodisthenewblack.com
-vice.com

Agora, Com & Société

Le tabou, on en viendra tous à bout

Le tabou est un outil indispensable pour les annonceurs. Il est presque un truisme de dire que les publicitaires choquent et dérangent pour communiquer. Mais ce même tabou peut aussi être un poison. En ethnologie, le terme désigne une prohibition sacrée dont la transgression peut entraîner un châtiment surnaturel. Par définition, il est donc préférable d’éviter le tabou. Suivant ce conseil, l’esprit cherche automatiquement à l’occulter : le tabou finit par tomber dans les méandres de la non-pensée. Il appartient si l’on puit dire à l’ordre de l’immonde qui menace le nôtre par son impureté ou sa dangerosité. Son évocation ne suscite alors qu’une réaction de rejet rendant toute pensée impuissante. Communiquer à travers le prisme du tabou ne revient-il donc pas à limiter le dialogue aux sentiments ? Quelles sont les limites d’une telle communication ?
Le tabou : un garde-boue sociétal
Dans son acception commune, le terme « tabou » désigne un sujet qu’il est préférable de ne pas évoquer au risque de transgresser les codes de la bienséance. Sa forme varie en fonction du temps et de l’espace. On parlera moins de son salaire en France qu’aux États-Unis, on parlera moins de sexe en Arabie Saoudite qu’en Islande … Ainsi, l’être social obéit à des règles plus ou moins tacites qui pèsent sur son comportement et sur son langage.
Le tabou auquel Freud a consacré une œuvre entière structure nos pulsions en prohibant l’inceste et conditionne l’existence de la morale et l’émergence de la culture. Freud s’appuie sur l’hypothèse d’une société primitive -la horde sauvage- dominée par un père tout puissant disposant du seul droit d’accès aux femmes. Il explique la naissance de la société par le meurtre du père qui est paradoxalement devenu objet de vénération. En voulant libérer leur désir du pouvoir paternel, la rébellion a conduit à le contenir. La proscription de l’inceste et l’interdit du meurtre ainsi que du parricide assurent les liens familiaux et sociaux. Cette explication mythique structurerait notre inconscient.
Dans l’esprit polynésien, le tabou est lié au sacré et ne peut se concevoir qu’en relation au mana, équivalent très approximatif de l’esprit qui anime les êtres et les choses que l’on ne peut toucher ou dont on se protège car les forces peuvent être négatives. Ces notions participent d’un ordre que l’on doit absolument respecter. Mais dans l’usage courant, en dehors de l’univers magique et religieux, il renvoie à ce que l’on ne peut pas dire ou faire. Sur quoi dès lors repose cette interdiction ? Quelle justification peut-elle avoir ? Quels que soient nos univers d’appartenance, sommes-nous si loin de cet univers magique, nous qui appartenons à une culture privilégiant la raison ?
Les forces surnaturelles nous menacent sans cesse si nous transgressons le tabou en l’amenant à la communication. La croyance fait sa force dans le domaine mythique et religieux. Que peut-on craindre quand on appartient à un univers laïque et désacralisé ? Si on transgresse l’interdit, on suscitera la gêne ou l’on subira le rejet car on remettra en cause les valeurs fondamentales qui régissent la société. La crainte du tabou semble inscrite dans notre esprit. Au lieu d’avoir affaire à une puissance surnaturelle, c’est la société elle-même, tel un dieu, qui nous imposera tacitement le respect de limites à ne pas franchir. Le tabou est maintenu par un système dont nous sommes nous-mêmes les garants.

Les sociétés archaïques et les sociétés modernes ont-elles un but si différent ? Derrière l’interdit, il s’agit de préserver un monde constitué de valeurs communes au périmètre plus ou moins grand. Nos sociétés se distinguent en effet par l’importance qu’elles reconnaissent à l’individu et à sa liberté. Les sociétés anciennes privilégient la communauté par rapport à l’individu qui lui appartient complètement à l’inverse des sociétés modernes. A travers le tabou, la société nous rappelle aux valeurs communes qui la fondent. C’est une limite infranchissable par laquelle elle se défend comme un corps contre des agressions extérieures qui menacent sa cohésion. Ainsi, les menaces d’exclusion qu’elle nous impose perpétuent le tabou. L’individu peut se croire totalement libre – de communiquer – mais la pression sociale lui rappelle qu’il fait parti d’un monde qui lui reconnaît dans le meilleur des cas une liberté relative.
Y a-t-il encore des tabous dans la publicité ?
La publicité semble échapper à l’interdit. Elle n’hésite pas à le braver. Elle joue fréquemment avec lui. Dans un monde saturé de messages, les communicants n’hésitent pas à provoquer, à extraire le potentiel polémique du tabou pour mieux marquer. En fait, l’utilisation du tabou s’inscrit parfaitement dans une communication dite  » transgressive ».
 

 
Comme le tabou parle à l’émotionnel, il est difficile d’avoir une vision claire de la réaction suscitée par une pub exploitant un tabou. Toutefois, le bon communicant pourra anticiper les conséquences de son énonciation.
Il y a des règles à respecter. D’abord, il paraît évident qu’il faut prendre en compte le contexte socio-culturel dans lequel on souhaite développer une campagne. Ensuite, il ne faut pas confondre communication et provocation gratuite : il faut éviter que le choc du tabou phagocyte le message. Ce phénomène correspond à ce que les communicants les plus aguerris appellent sentencieusement « le risque de monopolisation mémorielle par le tabou ».
En 2009, une publicité distribuée au nom de Carrefour Discount était publiée sur le web avec comme titre : « J’aime pas Mamie ». Carrefour démentit aussitôt son affiliation à cette pub. La pub met en scène une famille qui mange tranquillement. Le téléspectateur s’aperçoit rapidement qu’il mange “Mamie”. Le tout est brillant puisque l’humour noir dédramatise le lien grossier fait entre précarité et cannibalisme. La pub amène à penser que Carrefour Discount est assez bon marché pour éviter de tomber dans le cannibalisme. Le message est clair !

La transgression, l’énonciation du tabou doit avoir un but. Les campagnes contre les MST sont à prendre en exemple : elles tentent de lever les tabous pour libérer la parole, oublier « la honte » pour mieux se soigner. Ici, le tabou est énoncé pour mieux dénoncer. Au contraire, la campagne « Unhate » (2011) de Benetton mettait en scène des visuels sans grand rapport avec les vêtements : on y voyait des chefs d’États ou des responsables religieux s’embrasser. Cet exemple montre comment la shockvertising relève de la pure vacuité. Le tabou doit être manipulé avec pertinence.

Le propre du tabou est de gêner, de repousser et même d’horrifier. Cependant, tout comme il existe une “licence poétique”, la publicité est un lieu où le tabou peut s’énoncer sans être suivi de châtiment. Il prend un autre sens sous la bannière publicitaire. L’absence d’un sujet déterminé de l’énonciation favorise la liberté que l’on peut prendre vis-à-vis de lui. Cela ne veut pas dire que la publicité peut tout se permettre : il faut éviter les interdits archaïques tels que le tabou de l’inceste fondé à la fois sur des lois ancestrales, morales, religieuses et scientifiques. Et au-delà de ce simple constat, il faut trouver le ton qui permette d’oublier le tabou pour mieux cerner le message.
En énonçant l’imprononçable, la publicité soulève des questions et modifient les mentalités. Elle habitue à l’inhabituel et dédramatise l’inconvenant. Malgré de nombreux jeux sur les clichés, la pub ouvre parfois le débat sur des sujets tels que la sexualité ou la sécurité routière. En provoquant, en jouant sur le sentiment, la publicité éveille celui qui la regarde. C’est le bon côté de ce genre de communication : elle pousse à la polémique et donc à la réflexion.
De l’utilité du silence dans la communication : une hypocrisie nécessaire
Le tabou provoque. C’est cette vertu que le communicant exploite. Quel intérêt y a-t-il à le braver si cet acte soulève l’indignation et empêche la communication ? Au contraire, le silence fracassant propre au tabou ne serait-il pas un bienfait pour la communication ?
L’interdit de l’inceste par exemple repose sur des explications et des justifications sociologiques voire scientifiques. Statistiquement, il est prouvé que l’endogamie entraîne des conséquences génétiques graves. Lévi-Strauss, un anthropologue contemporain, voit dans la prohibition de l’inceste – une loi fondée sur la nature et la culture – une condition nécessaire pour assurer l’existence sociale en élargissant les relations matrimoniales. Le tabou préserve ainsi la société des conséquences néfastes de l’endogamie. Le respect de la loi ne fait donc pas directement appel à la raison cependant il se justifie rationnellement. Certains comportements pour le dire autrement ne sont pas prohibés pour les bonnes raisons : on ne fait pas telle ou telle chose par sagesse mais par peur, par superstition comme si les dieux allaient se retourner contre nous.
Dans notre société certaines questions sont aujourd’hui taboues. La répartition ethnique en est un exemple. Quand on parle de tabou dans ce cas, il ne faut cependant pas voir seulement le fait qu’on écarte la question, il y va aussi d’un choix de valeurs et de principes. Le risque serait de résumer les individus à des appartenances et des explications biologiques.
Que cela ne soit pas un tabou aux États-Unis relève de raisons historiques. L’absence de ce tabou peut conduire à conforter les séparations entre les hommes. À ce niveau, le tabou est une façon de parler. Il y va en même temps d’une certaine dimension du sacré qui correspond au respect de principes fondamentaux. L’histoire du XXème a vu de surcroît le développement de l’idéologie eugéniste -théorie pseudo-scientifique d’hygiène raciale – qui a entraîné les pires monstruosités politiques.
Le tabou dans l’exemple précédent donnait un sens sacré vis-à-vis de ce qu’il représentait. On pouvait y voir conséquemment la marque d’un attachement à des valeurs. Peut-on conclure de ces observations à quelque possible vertu du tabou ?
Voltaire semble allègrement franchir ce pas lorsqu’il écrit dans ses Dialogues : « Je veux que mon procureur, mon tailleur, mes valets, ma femme même croient en Dieu ; et je m’imagine que j’en serais moins volé et moins cocu. » La croyance devient garante de la morale. C’est un moyen en sacralisant ses règles de conduire les hommes. Cette formule plutôt pessimiste sur la nature des hommes relève d’un acte de prudence sauvegardant nos intérêts. En devenant intouchables, les règles garantissent un ordre impossible de discuter soumis que nous sommes à la suprême autorité qui nous prive en passant de toute autonomie. On reste dans une société d’autorité, celle des anciens opposés aux modernes pour reprendre une distinction établie par Benjamin Constant. Est-ce une entrave à la communication que d’avoir des tabous dans une société ? Supprimer le tabou pour en parler librement suppose qu’il faudrait passer du superstitieux au rationnel. Cela suppose de laisser, peut-être naïvement, les tabous aux griffes de l’intelligence individuelle. S’il n’y a plus de règles de communication, le reste dépend de l’homme. Le risque évident est que l’interdit lié au tabou ne soit plus aussi fort s’il perd sa sacralité arbitraire et que l’homme transgresse sans réfléchir.
La modernité signe-t-elle la fin progressive des tabous ? Le tabou semble appartenir à un univers théologique. En entrant dans l’univers positif ou scientifique perd-il alors son sens ? Dans la mesure où le tabou fait partie du domaine du sacré, le fait de vivre dans une société et une culture caractérisées par la raison n’en fait-il pas pour le dire autrement une relique du passé ? Sans base rationnelle, le tabou demeure un interdit fondé sur des croyances surnaturelles. Il n’est pas le fruit de l’intelligence mais de la crainte superstitieuse. C’est notre peur qui fait sans doute sa force, l’absence de pensée. C’est l’analyse que développe Spinoza en particulier dans la préface au Traité théologico-politique. Rien n’est interdit à la libre pensée. C’est la condition essentielle de notre libération. Le tabou est une limite à penser pour en comprendre la nécessité et accéder au salut pour parler comme le philosophe.
De nombreuses choses restent taboues. « Le phénomène du tabou n’a pas cessé d’exister. Il existe toujours, aussi dans les sociétés modernes, comme il existait dans les sociétés primitives. Ce qui a changé, c’est seulement son caractère, les prémisses sur lesquelles il se base, les causes pour lesquelles il existe. » écrit Stanislas Widlak. Êtes-vous homosexuel ? Combien tu gagnes ? Êtes-vous dérangé par la présence d’une personne séropositive? Êtes-vous malade ? Ces questions gênantes traduisent nos peurs et notre besoin d’ordre, d’appartenir au monde commun. C’est l’expression archaïque de notre être dont nous avons gardé la mémoire ou bien le produit de notre culture.
Existe-il des moyens de communiquer sur un tabou sans heurter ? Pour chaque tabou, il y a un vocabulaire « politiquement correct » spécifique. Le tabou et l’euphémisme sont frères. Toutefois, les mots sont tellement aseptisés qu’ils ne semblent plus renvoyer à des réalités humaines. De plus, Il y a un réel paradoxe, si ce n’est une contradiction, à utiliser ce langage à l’heure où l’on parle de « minorités visibles », de « discriminations positives » ou bien d’ « égalité des chances ». On cache en même temps que l’on essaye de lever certains tabous. On peut peut-être y voir une volonté maladroite de manipuler les sujets tabous pour les exorciser sans dévoiler totalement leur arbitraire nécessaire. En effet, le silence que le tabou suppose empêche certaines minorités d’exister normalement, c’est-à-dire à l’intérieur de la norme, et entraîne parfois des contestations politiques légitimes.
Il y a donc des sujets dont « on peut » parler et d’autres non : la communication est donc encadrée par une « normalité », des normes qui se veulent assurément civilisatrices. Toutefois, il reste une volonté de savoir comme dirait Foucault. Remplacer cette norme par une autre changerait-il quelque chose ou bien la norme actuelle est-elle particulière, organisée et réfléchie, c’est-à-dire basée sur des critères civilisateurs et visant le bien commun ? À y regarder de plus près, les constructions sociales semblent arbitraire. Le philosophe explique entre autres que les normes sexuelles se seraient développées sous l’influence des États du 17ème siècle en partant du simple constat qu’il fallait encourager la natalité. Ainsi, ils auraient soutenu la sexualisation du corps féminin en marginalisant les autres sexualités.
Ameziane Bouzid
Linkedin
Sources :
« « J’aime pas mamie »: mais qui a fait cette fausse pub Carrefour ? », Le Poste Archives, 14/12/2009
 » Comment communiquer sur un sujet tabou en publicité ? « , Études & analyses, 30/03/2008 
« Les briseurs de tabou. Intellectuels et journalistes « anticonformistes » au service de l’ordre dominant », Sébastien Fontenelle, Paris, Éd. La Découverte, coll. Cahiers libres, Paris, 2012, 180 p.2016 
 » « Unhate » : la nouvelle campagne choc de Benetton « , Pure Médias, 16-11-11 
Crédits images :
BNP
AIDES
Reuters/Stefano Rellandini
 

Com & Société

Hyperloop: le futur n'a jamais été aussi proche

Petite histoire non exhaustive de la mobilité
Si l’Homme s’est autant impliqué dans le perfectionnement et l’optimisation de ses moyens de transports, c’est pour amplifier le nombre et la qualité de ses déplacements. En France, comme ailleurs, la vitesse fut ainsi le moteur des réflexions sur la mobilité puisqu’elle garantit une certaine efficacité. Dès l’Antiquité romaine, on pava les routes pour faciliter les déplacements. L’industrialisation marqua, en Europe et aux Etats-Unis, une unification des territoires et une généralisation des transports. En 1842, le télégraphe électrique (Wheatstone et Cooke) permet de réguler le trafic des réseaux de chemins de fer et d’optimiser la mobilité. Puis en 1862, les Etats-Unis imaginent la première ligne de chemin de fer liant le Far West à l’Est industrialisé. La première guerre mondiale marquera un tournant dans l’histoire de la mobilité notamment en popularisant l’aviation, la première compagnie aérienne sera créée en 1921. L’Historique des transports et des réseaux serait encore long, d’autant plus que le train, par exemple, alimente encore tout un imaginaire littéraire (le Transsibérien, « l’Orient-Express », l’Indian Pacific ou le Rovos Rail pour ne citer qu’eux)
Tout le monde voudrait monter à bord du Darjeeling Limited avec Bill Murray !
L’Hyperloop
C’est dans ce contexte, qu’en 2013, Elon Musk, l’inventeur sud-africain des voitures électriques Tesla et du mode de paiement Paypal, présente son dernier projet, « l’Hyperloop » : un nouveau train se déplaçant à la vitesse du son, soit à 120O km/heure ! Ce train futuriste se présentera comme une capsule propulsée dans un tube et évoluant sur une plateforme électromagnétique soutenue à la surface par des pylônes. En élaboration depuis 2016 dans l’état californien, il permettrait dès 2020 de relier Los Angeles à San Francisco en 30 minutes (lorsque le trajet est d’environ 45 minutes en avion).
Il est déjà prévu qu’un Hyperloop soit ensuite construit en Europe, notamment entre Bratislava et Budapest, ce qui permettrait de réduire considérablement la durée du trajet (10 minutes au lieu de 2 heures en voiture). La Slovaquie est le premier pays à avoir signé avec l’entreprise « Hyperloop Transportation Technologies » mais on peut aisément imaginer une extension à toute l’Europe si la mise en place des infrastructures le permet.
   Hyperloop Transportation Technologies
Le discours d’escorte d’Elon Musk met l’accent sur certains avantages insoupçonnés de l’Hyperloop. En effet, il fait remarquer que l’optimisation du temps du trajet permettra une disponibilité optimale, avec des navettes régulières « qui partent dès que vous arrivez » (Elon Musk, septembre 2015). Cette disponibilité est perçue comme une véritable avancée dans la mesure où l’enjeu principal du trafic mondial est l’encombrement. En outre, il estime que le coût de l’Hyperloop San Francisco/Los Angeles sera nettement inférieur à celui de ses concurrents ferroviers : 6 milliards de dollars au lieu de 10 pour les autres compagnies. Et un prix au ticket autour de 20 dollars, accessible au plus grand nombre ! Néanmoins, le coût ainsi que le prix public sont aujourd’hui discutés par certains spécialistes. La dimension écologique est également non négligeable puisque l’Hyperloop, fonctionnerait grâce à des panneaux solaires et serait très peu gourmande en énergie.
Hyperloop Transportation Technologies
 
Une communication originale
Fort de son potentiel fantasmatique, le projet aux allures futuristes mobilise un large public, fan de high-tech et d’innovation. Ainsi, le projet est collaboratif, et repose en partie sur la plateforme « Jumpstartfund » où des talents du monde entier s’engagent à réfléchir au projet en échange de stock-options (rémunération variable en fonction du cours de l’action de l’entreprise). Hyperloop bénéfice donc de la réflexion de 400 nerds et ingénieurs impliqués gratuitement sur leur temps libre. Le choix originel de la Californie, proche de la Sillicon Valley, est donc stratégique car ses habitants sont célèbres pour y être les plus réceptifs aux nouvelles technologies. Amazon, Microsoft, Boeing, la Nasa et Aecom ont par ailleurs rejoint l’aventure. Actif sur les réseaux sociaux, et orchestrant savamment la révélation progressive d’informations sur le projet, Elon Musk se garantit une communauté séduite par l’idée d’une science-fiction devenue réalité. Les dessins et les vidéos accompagnant la présentation du projet surfent dès lors sur cet engouement.
Hyperloop Transportation Technologies
 La fin du voyage ?
 Parmi tous les superpouvoirs et les aptitudes olympiennes, le pouvoir de se déplacer à la vitesse de la lumière a toujours été un ardent désir humain. Arriver à temps lorsque nous sommes tous d’éternels retardataires, écourter la durée d’un trajet long et pénible, retourner chercher le pass Navigo oublié, bref anéantir les distances, autant d’avantages qu’offre la vélocité. Dans l’Antiquité, Hermès était le Dieu le plus rapide, messager et voyageur, grâce aux deux petites ailes accrochées à ses sandales. Puis les nouveaux héros des comics américains, post Seconde Guerre Mondiale, alimentèrent cet attrait pour la vitesse en imaginant des personnages tels que Flash ou Silver Surfer.
Il ne fait aucun doute que l’Hyperloop réaliserait cette aspiration. Cependant, cette innovation porte également en son sein la mort du voyage, pour ne pas dire la mort du lointain. Cette maîtrise consubstantielle de l’espace et du temps viendrait en effet anéantir la notion même de lointain en créant de nouveaux usages liés à la distance. Sa définition serait à relativiser, si l’on imagine un train dont les arrêts seraient les grandes capitales pour des durées dérisoires (25 minutes pour Londres et Bruxelles, 1h pour Berlin, 1h30 pour Rome…). L’Hyperloop engendrerait alors un monde on ne peut plus globalisé, où le plaisir de la distance, de l’évasion et du voyage, non pas comme fait mais comme déplacement, serait à repenser tout autrement. De ce fait, cela impliquerait nécessairement de nouvelles mobilités, et de nouveaux usages, modifiant l’urbanisme et la géographie telles que nous les connaissons. Lorsqu’on pense que certains trajets Paris/Lille sont plus rapides que Paris/Marne-la-Vallée, l’Hyperloop interroge par avance un nouveau nivellement dans la mobilité qui serait cette fois-ci à l’échelle internationale.
Emma Brierre
LinkedIn
Sources :
http://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-3493007/Hyperloop-coming-Europe-Superfast-tube-people-continent-just-25-minutes-2020.html

Hyperloop : Comment une stratégie de communication est-elle devenue un levier d’action communautaire pour développer une entreprise du futur ?


http://www.points-de-vue-alternatifs.com/l-habile-campagne-de-communication-sur-l-hyperloop
http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/hyperloop-le-train-supersonique-du-futur_1696881.html
http://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/20130717.OBS9849/elon-musk-annonce-l-hyperloop-un-moyen-de-transport-revolutionnaire.html
http://www.latribune.fr/blogs/cercle-des-ingenieurs-economistes/20140905tribb778c713d/l-hyperloop-est-il-un-roman-de-science-fiction.html
 

Société

Du pareil au mème

Ci-dessus, l’enfant qu’on ne présente plus. A l’origine un bébé sur une plage, il a fait le tour de la toile et a été baptisé « Success Kid ». Les plus pessimistes l’ont surnommé « I Hate Sandcastles ». Quoi qu’il en soit son histoire ne s’arrête pas là. En février 2012 il devient la star d’une campagne de publicité de la marque britannique Virgin Media. Vous avez vu l’avant, voici l’après :

Récemment, Yomoni a lancé une campagne de publicité basée sur la rhétorique du mème, posant ainsi la question de la pertinence d’une telle stratégie, de plus en plus discutée et parfois préconisée dans le milieu du marketing.
Je suis bilingue web, viens on parle !
Le mème est « un anglicisme utilisé pour décrire un élément ou un phénomène repris et décliné en masse sur internet ». Il peut prendre la forme d’une vidéo, mais on le connait plus souvent sous celle d’une photo, reprise et détournée au moyen de phrases humoristiques surimposées. Il s’agit souvent d’images insolites ou drôles qui se prêtent à une multitude d’interprétations. Il ne tient alors qu’à l’internaute de faire preuve d’imagination, de créativité et d’humour. Ce dernier élément est essentiel au mème et constitue un des ressorts majeurs pour une campagne publicitaire. De plus en plus, les marques cherchent à établir une relation avec leurs publics plutôt que de vendre directement un produit. Passer par le rire ou le sourire est un moyen d’entrer en contact avec des publics potentiels ou déjà constitués. Le capital sympathie du mème est grand et favorable à la marque qui se le réapproprie.
Il est également pour la marque une manière de montrer patte blanche. Si elle s’adresse à un public plutôt jeune (les moins de 40 ans), l’utilisation du mème permet de lui fait comprendre qu’elle parle sa langue. En s’appropriant les codes de la culture web que ce public a en commun, la marque met en place les conditions d’une connivence qui ne peut que favoriser, ou même renforcer, le lien qu’elle entretient avec sa cible. En voici un exemple, qui repose sur l’utilisation du « Y U NO » Guy des Rage Comics, dont la popularité ne cesse d’augmenter.

Partage-moi…
Le mème dans une campagne d’affichage est l’irruption d’une rhétorique web dans un espace extérieur au web. C’est précisément cette hybridation qui constitue l’intérêt du phénomène : internet est en train de devenir le média le plus chronophage, reprendre ses codes semble être une évolution logique et évidente des discours publicitaires qui doivent s’adapter aux usages de leurs publics. Le mème permet de capter l’attention grâce à un effet de surprise double : le format d’une part – celui d’un panneau d’affichage dépasse largement celui d’un écran d’ordinateur et crée une impression de gigantisme amusante – et la présence encore rare des mèmes dans les espaces d’affichage. Sachant que la problématique principale pour les publicitaires est celle de capter et de retenir l’attention, les mèmes sont une réponse encore originale et pertinente.
Par ailleurs, le mème est un phénomène viral fondé sur la reprise et le détournement. En reprenant un même ou en créant un même, une campagne publicitaire incite à la reprise de son contenu et impulse une dynamique favorable à la marque. Celle-ci peut se reposer dessus pour créer le « buzz », une des façons les plus efficaces de faire parler de soi. Il s’agit de donner la parole à ses publics en les invitant à la réappropriation, tout en misant sur leur bienveillance du fait de la connivence instaurée.
De la pertinence de ce discours
En se reposant sur la réappropriation de son contenu par ses publics une marque s’expose cependant à l’éventualité d’un « bad buzz ». Il faut en effet accepter de perdre le contrôle sur le discours initial. Il faut également faire attention à ne pas faire du même pour du même (comme cela a été le cas pour Wonderful Pistachios… Faites-vous un avis :

 
Et de fait, les marques sont encore réticentes à l’utilisation des mèmes, surtout pour des campagnes d’affichage, en publicité. Pourtant, à en croire le nombre d’articles postés sur internet à ce sujet, le « memevertising » est une pratique qui prend de l’ampleur, surtout aux Etats-Unis pour l’instant, et qui commence à émerger en France.
Yomoni est un service de gestion d’épargne, exclusivement en ligne, qui s’est récemment fait connaître grâce à une campagne d’affichage dans le métro parisien, dont voici un échantillon :

Il s’agit d’une bonne illustration de la rhétorique du mème pour établir un premier contact (c’est la première campagne publicitaire du service) avec des cibles potentielles : humour, décalage, visuels, typographie, simplicité des messages. Par ailleurs, Yomoni fait ici preuve d’une très grande cohérence dans son discours. Etant un service exclusivement en ligne, l’utilisation d’un code du web apparaît comme naturelle et démontre ici son efficacité. Etant également un service de type nouveau, le recours à une campagne inhabituelle permet de démontrer par l’exemple son approche novatrice du monde de l’épargne.
Le même est une des évolutions que l’on peut observer dans le monde de la publicité. Il démontre la volonté de s’adapter aux usages des publics : le temps croissant passé sur internet et des phénomènes viraux qui démontrent l’appétit des internautes pour la réappropriation des contenus qui circulent. Cependant, les marques avancent avec précaution du fait de la difficulté de la mise en place d’une communication virale.
Sophie Miljkovic
Sources:
L’ADN, Yomoni, première campagne de communication. In : L’ADN. 18/01/2016
Bouilhot, Elodie, La réappropriation des mèmes internet dans la publicité est-elle légitime ? In Slideshare. Publié le 26/11/2014.
Cléry, Hugo, Quand la publicité récupère la culture internet. In : Blog du modérateur. 11/09/2012
Markowski, Jordan, The Best Examples of Meme Marketing. In : Sparksheet. 10/04/2013
Vaughan, Pamela, 10 Popular Memes Masquerading as Marketing Campaigns. In: Hubspot Blogs. 07/06/2012
Wikipedia, Mème internet
Crédits photo:
http://blog.hubspot.com/blog/tabid/6307/bid/33197/10-Popular-Memes-Masquerading-as-Marketing-Campaigns.aspx
https://www.yomoni.fr/blog/premi%C3%A8re-campagne-de-pub-pour-yomoni
http://knowyourmeme.com/memes/success-kid-i-hate-sandcastles

CILIT BANG
Société

Spontex, Cif, Mir … Des campagnes qui déménagent !

Il fallait bien un jeu de mot aussi subtil et comique que celui-ci pour parler d’un sujet aussi grave et terrible que les campagnes publicitaires des marques de produits ménagers. Car oui, c’est tout à fait dramatique d’allumer son poste de télévision pour assister, une fois de plus, à une énième pub au cheap repoussant comme celle-ci :

 
NON
Non, non, non, ce n’est plus possible. Vanish et les taches qui s’évanouissent comme par magie devant nos yeux, précédées d’une scène scolaire d’un kitsch sans nom. Non, vraiment, ce n’est plus possible.
Fort heureusement, quelques-unes de ces marques ont compris que s’inscrire dans un secteur hyper concurrentiel comme celui des produits d’entretien implique un minimum d’inventivité pour se faire remarquer. Voici donc une sélection de publicités qui nettoient pour notre plus grand bonheur les codes publicitaires propres à cette douce catégorie qu’est le produit ménager.
Un humour décapant : Cillit Bang – The Mechanic (BETC – janvier 2016)

 
Qui n’a jamais fait son ménage en musique ? Ce spot d’une grande ingéniosité montre qu’il est tout à fait possible de montrer l’efficacité du produit avec style. Dès le début, le générique et les couleurs nous indiquent que nous avons affaire à un véritable court-métrage. Un charmant Apollon, le danseur Daniel Cloud Campos (notons que la représentation « Homme + Ménage » est encore peu courante dans les publicités) se voit alors attribuer une mission, qu’il accomplira sur une chorégraphie dingue, tout en écoutant une musique entêtante et absolument connue de tous. On peut dire que BETC a réellement cassé le moule des publicités habituelles de ce genre de produit. Le site de l’agence stipule que les créateurs du spot se seraient inspirés de cette vidéo farfelue devenue virale sur les Internet. Quoi qu’il en soit, il est clair qu’avec The Mechanic, l’agence a absolument rajeuni, modernisé et glamourisé l’image de Cillit Bang.
Mais aussi :
– Dish Therapy – Tattoo‬ (2015 – Grey Argentina)
– Wahou de Spontex (2001 – TBWA)
L’originalité par l’évènementiel : Mir Restaurant (octobre 2015 – Ubi Bene)

 
Partir sans payer au restaurant est désormais possible grâce à Mir. Enfin… à condition de faire la vaisselle ! L’agence Ubi Bene a en effet proposé un concept original : rebaptiser un restaurant parisien Mir Restaurant, qui a proposé durant 3 jours à ses clients de déjeuner ou dîner gratuitement s’il lavent leurs assiettes. L’objectif de cette campagne étant de promouvoir une gamme de différents parfums de produits vaisselle, les clients du restaurant ont donc pu à la fois vivre une expérience amusante et agréable, puis tester les produits Mir. Un site internet (www.mir-restaurant.com) ainsi qu’un #MirRestaurant ont été mis en place pendant la durée de l’opération.
Mais encore :
– Cif efface le racisme des murs roumains (2014 – McCann)
Des campagnes interactives axées sur le digital : Ajax nettoie votre Facebook (janvier 2014)

 
Pour mettre en avant ses nouvelles lingettes Spay n’Wipe en Australie, Ajax propose de résoudre un des grands maux du siècle : effacer spams et faux-comptes résultant de nos likes et follow compulsifs sur nos réseaux sociaux préférés Facebook et Twitter. Pour cela, il suffit de se connecter au site http://www.ajaxsocialwipes.com, de sélectionner les pages honteuses ou inutiles dont nous voudrions nous débarrasser, et en un coup de lingette magique, Ajax fait notre bonheur ! Une campagne digitale cocasse, qui prolonge l’expérience de marque par le digital. La publicité semble avoir eu de bonnes retombées : « 200 000 personnes s’étant désabonnées à des pages Facebook et  20 000  à des ‘bots’ (faux comptes automatisés) sur Twitter, une semaine après le lancement de l’opération » (source : Vanksen).
Mais aussi :
– Le Compte Twitter le plus propre de Spontex (2015 – Kids Love Let Lag / Fred & Farid)
Comme souvent en publicité, l’originalité et la créativité sont essentielles pour sortir du lot. Ces exemples montrent que prendre du recul par rapport aux codes publicitaires du secteur marchand auquel la marque appartient est possible et permet une refonte de l’image très positive.
Mathilde Dupeyron
LinkedIn 
Sources :
– Matthieu Hoffstetter, Bilan.ch, « Mir propose de payer son restaurant en faisant la vaisselle », 22 Octobre 2014, http://www.bilan.ch/economie-plus-de-redaction/mir-propose-de-payer-restaurant-faisant-vaisselle
– Site de l’agence Ubi Bene, « Mir vaisselle et Ubi Bene créent le premier restaurant où l’on paie… en faisant la plonge! », http://ubi-bene.fr/blog/2014/10/20/mir-vaisselle-et-ubi-bene-creent-le-premier-restaurant-ou-lon-paie-en-faisant-la-plonge/
– La Réclame, « Produits ménagers : pubs et campagnes de communication », http://lareclame.fr/produits+menagers
– ComGom, « CIF supprime les graffitis racistes de la Roumanie », 07 juin 2014, http://com-gom.com/2014/06/07/cif-supprime-les-graffitis-racistes-roumanie/
– Helene Bourgois, BETC Pop, « Cillit Bang, ou quand le ménage devient une partie de plaisir », 04 janvier 2016, http://betcpop.com/2016/01/04/cillit-bang-ou-quand-le-menage-devient-une-partie-de-plaisir/
– Solange Derrey, Blog de l’agence Vanksen, « Ajax nettoie même vos réseaux sociaux ! », 28 janvier 2014, http://www.vanksen.fr/blog/ajax-nettoie-meme-vos-reseaux-sociaux/
Crédit image :
www.Adweek.com

SPORT
Société

Bienvenue en Corée du Sport

Quelque soit la période de l’année, tout le monde a la même résolution : faire du sport, perdre deux kilos, manger mieux etc. Le dictat du corps parfait est intact. Dans toutes les grandes villes de France fleurissent les offres à moindre coût pour aller bouger son c…
Le sport pas sport

Suite à la rencontre des prints Neoness, réseau de salles de sport low cost, la question suivante s’est posée : comment une salle de sport peut-elle présenter des « égéries » aussi peu attirantes ? Outre la volonté de jouer sur le « bad buzz »  les campagnes des centres de fitness des grandes métropoles se veulent drôles, percutantes voire cyniques dans le but marquer les esprits. Néanmoins, elles sont révélatrices d’une névrose de notre époque, qu’il n’est pas de bon ton de trop questionner.
Sport pour tous
Cette pub fait échos à celles de McDonald’s. L’idée : pas de chichis chez nous, « venez comme vous êtes ». Au contraire des boites de nuits, chez Neoness, dans tous les cas « tu rentres ». Pourtant, qui veut se reconnaître en cet homme en surpoids, portant un tutu et une baguette magique ? Qui sentira son estime regonflée par la possibilité d’intégrer sans encombre dans un club de fitness, à défaut d’être admis dans un night club… ? Etrange stratégie de la part de ces centres de fitness que de ne pas essayer de séduire et mettre en valeur son potentiel client, qui pourrait aller jogger gratuitement dans un parc. A croire que tout est permis, tant nos concitoyens ont l’obligation d’être beaux, fermes et sveltes.
Mais est-ce bien normal de se laisser parler ainsi ? Au programme : de l’impératif, du tutoiement, des slogans provocateurs. Autant de formules que d’incitations à suivre ce dictat du corps parfait.
Une mythologie contemporaine
Cependant derrière son second degré, la campagne tombe dans un écueil bien commun de notre époque, celui de marginaliser et stéréotyper un type d’individus. Ici, ce sont ceux partageant la caractéristique physique du surpoids qui sont montrés, voire moqués sournoisement. Et ce genre de publicités ne choque pas vraiment le citoyen lambda, tant le standard de beauté est devenu mythique, au sens barthésien. La tactique de Neoness n’est pas un flop, au contraire. (screen shot de twitter #neoness) En exposant en filigrane que le sport n’est pas toujours glamour, et qu’il n’y a pas que des jeunes filles mannequinesques dans les salles, il marquent un point. Ils ont pris le parti de ne mettre aucun miroir, de quoi attirer les moins à l’aise avec leurs reflets. Les corps imparfaits sont donc dissimulés, comme un tabou … Le mythe du corps parfait et par capillarité de l’exercice physique obligatoire n’est plus jamais remis en question, ce qui permet aux publicitaires une liberté presque absolue. Ce genre de campagne aurait-elle pu avoir lieu il y a cinquante ans, ou en zone rurale ? Pas sûr.

Pas d’excuse…?
Dans la campagne Club Med Gym, le hashtag « #pasdexcuse » en dit long. Comme s’il était inconcevable et inexcusable de ne pas faire de sport. Mais au fond qui nous adresse cette apostrophe comme un rappel à l’ordre ? En dehors du fait que la science a prouvé que l’activité physique était bénéfique pour la santé, quelle instance a le pouvoir de classification, de définition et de jugement ?
De plus, ces petits génies du marketing ont complètement ignoré les individus qui ne correspondaient pas à leur clients cibles. Ceux qui ne peuvent pas faire de sport, pour des raisons de santé par exemple. Ou tout simplement ceux qui n’ont pas les capacités ou le courage de courir un marathon ! Peuvent-ils être excusés ?
 

« Femme, femme, être une femme »
Une énième fois dans l’histoire de l’analyse de l’actualité communicationnelle, nous allons souligner ô combien les femmes sont présentées comme des coquilles vides, et ô combien elles sont souvent les premières à pâtir des travers de la société.

Le comble de la vanne est atteint dans la communication des centres de remise en forme X-Fit , où l’on peut voir des images de ventres poilus d’hommes « enceints ». Evidemment, rien de méchant au premier abord, car le slogan « arrêtez de vous mentir » est assez drôle… Mais le parallèle avec la maternité reste douteux, dans la mesure où ces ventres gonflés d’une mauvaise hygiène de vie et de longs mois de paresse néfaste sont présentés comme quelque chose d’éminemment disgracieux à éliminer.

Cette affiche très esthétisée présente une jeune femme souriante et sûre d’elle, qui nous regarde dans les yeux, et affirme « J’ai les yeux de ma mère. Pour le reste c’est Club Med Gym ». Ce message sous entend que la confiance en soi si visible chez cette femme découle de la satisfaction de son corps. La beauté ne serait qu’affaire d’entretien physique ? La formule « tout le reste » ne renvoyant qu’à son corps, la femme se voit (à nouveau) réduite à son enveloppe, à sa soumission au culte du corps, puisqu’elle n’est de toute façon rien d’autre qu’un objet de désir…
Bis repetitas
Ce qui est bizarre en écrivant ces lignes, c’est d’envisager que ces phrases ne résonnent plus. Que certains se disent « encore un truc féministe, on sait, c’est pas cool pour les filles ». Difficile de comprendre ce qui s’est passé pour que l’on se détourne de ces questions, alors que nous avons les clefs de lecture et les outils pour changer la donne. En plus du sexisme inhérent, ces publicités laissent penser que nous tendions vers une société uniformisée, où l’originalité elle-même s’est standardisée. La différence, soit-elle visible ou privée, est toujours plus violemment rejetée. Comme les salles de sport américaines Equinox l’affichent « My body, my biography » : il est donc recommandé d’être « normal » à l’intérieur et à l’extérieur pour vivre en paix. Ce qu’on peut se demander à la vue de toutes ces publicités, n’est pas simplement « est-ce normal de ne plus contester la marginalisation d’un type social (des « gros » des « moches », etc.) ? », car la réponse est évidente, mais bien « est-ce normal de ne plus contester l’uniformisation ? »
Julia Lasry
Sources :
Alix Leridon. « Bad Buzz bad buz whatcha gonna do? » in FASTNCURIOUS.
PARISCOMLIGHT
Femina
Crédits images :
Minute buzz
Twitter
X Fit
Club Med

COUPE MENSTRUELLE
Publicité, Société

La cupérisation libère la femme … et la publicité !

Qui a vu la publicité de la marque Claricup en juillet dernier ? C’est la première publicité française concernant la coupe menstruelle. Mais elle n’est pas pour autant inscrite dans les contrats publicitaires télévisés qui persistent dans le mythe du progrès avec les serviettes et tampons dernières générations. Et si le discours médiatique emploie abusivement le terme de « révolution », sachez que la cupérisation est elle, une véritable nouvelle ère pour la femme… et la publicité !

 
La cup libère la femme …
La meilleure arme quand les anglais débarquent ? Retroussez vos culottes et armez-vous de votre cup ! La coupe menstruelle est invisible, inodore, indolore et fiable d’un point de vue médical et pragmatique. Elle se positionne plus bas qu’un tampon pour récupérer le flux menstruel mais s’insère de manière similaire à ce dernier. L’essayer, c’est vraiment l’adopter. Ses points forts ? Elle est …
– Hygiénique : en TPE médical, elle n’est constituée d’aucun produit chimique ou parfum qui risquerait de provoquer des allergies et d’assécher le vagin, d’autant plus qu’elle se stérilise en fin de cycle dans de l’eau bouillante afin de la préserver sur le long terme.
– Economique : au cours de sa vie, une femme utilise environ 15 000 serviettes et tampons alors que la cup va vous être fidèle pendant environ 5 ans voire plus si vous en prenez grand soin en la stérilisant à chaque fin de cycle.
– Ecologique : la cup est réutilisable, prônant une culture du durable face aux serviettes et tampons jetables. De plus, lorsque viendra le jour où vous la jetterez, elle sera recyclable.
– Respectueuse du corps : la cup est confortable, à tel point que vous ne la sentirez quasiment pas puisqu’elle épouse parfaitement votre corps alors que le tampon s’impose à ce dernier et s’effiloche au risque de l’infecter et les serviettes favorisent l’humidité – a fortiori les mycoses. C’est elle qui s’adapte à vous selon votre morphologie intérieure (femme ayant enfanté ou non), selon l’abondance de votre flux ou encore selon votre profil (sportive ou non), comme le fait la marque Meluna qui s’emploie à concevoir un type de cup adapté à chacune de vos spécificités.
… Et la publicité !

Les publicités pour les serviettes et tampons se cantonnaient dans un paradigme communicationnel qui représentait le sang en bleu et qui faisait rêver (ou pas) à travers l’image de femmes actives et heureuses sur des voiliers malgré ce mauvais moment à passer. Cependant, même si divers particuliers ont valorisé la cup sur le web, avant que ne le fasse officiellement la claricup, aucune publicité n’avait été commandée par une des marques de cup existantes, ni aucune pub n’avait remis en cause ce modèle. Or, avec cette publicité inauguratrice d’une nouvelle ère communicationnelle des flux menstruels, la marque espère vampiriser les spectateurs par l’humour et l’authenticité : le sang est représenté tel qu’il l’est, rougeâtre, la femme dépassée par la fastidieuse tâche et tache qu’engendrent les serviettes et tampons et le vampire, qui est le fil directeur de la vidéo, se montre compréhensif des réalités constitutives de ce moment particulier tout en les tournant en dérision. Le tabou est alors levé et le trait caricatural renforcé afin d’en faire un ressort de l’humour.

La dynamique du progrès et le concept de la révolution : une communication qui se construit en détruisant 
Tout d’abord, la publicité de claricup s’attache à détruire la doxa toxique en embellissant le moment des flux menstruels : cette « merveilleuse nouvelle » d’avoir ses règles – dont l’adjectif épithète reste incontestablement hyperbolique – annonce une autre manière d’aborder ce « mauvais moment ». En effet, la cup « change la vie » comme l’attestent bon nombre de commentaires sur les réseaux sociaux, certains défilant à la fin de la vidéo.
De plus, ce spot publicitaire est révélateur d’une stratégie communicationnelle qui se construit en détruisant puisqu’il s’impose en ébranlant l’horizon d’attente des spectateurs. Dès la partie liminaire, le tampon et la serviette sont dénoncés comme des « instruments archaïques », précédant une liste de défauts, et sont représentés comme une ère « révolue » avant de faire apparaître la claricup comme la solution à tous les défauts de ses prédécesseurs. Sur le modèle d’un avant/après avec écrans juxtaposés, on constate la différence entre les conséquences de ces anciens « instruments archaïques » et celles de la cup qui est bien plus facile à vivre au quotidien et dont rien que le nom fait de suite bien plus fun.
Avec beaucoup d’humour, le clip Tampon VS Mooncup : rap battle de la Mooncup en 2013 avait déjà amorcé ce nouveau « règne » …

Les youtubeuses : une armée dans l’ombre qui résiste aux monopoles

C’est une défloration du tabou : de multiples vidéos postées par des particuliers font depuis des mois la publicité pour les différentes marques qu’ils utilisent comme le fait Sophie-Pierre sur le site Mademoizelle. Ce feedback est un moteur évident de cette croissance dans l’ombre et de cette légitimation qui se consolide avec les nouvelles générations plus aptes à s’ouvrir à cette révolution.
Ce changement progressif de mentalité annoncerait peut-être un essoufflement des monopoles dans les années à venir car des tampons et serviettes, la coupe est pleine. Cette nouvelle ère qu’incarne la cup est-elle une mise à mort des ces « instruments archaïques » plébiscités par ces youtubeuses ?
Et qu’en est-il des hommes ? Lors des premières évocations de la cup à la télévision on constate leur air dubitatif et leur ironie concernant cette nouvelle alternative qui devient référence comme le souligne le site lesanglaisontdebarque.com. Mais cette évolution peut-elle les intégrer dans une réflexion qu’ils moquent avec distance depuis tant d’années ?
Allison Leroux
Linkedin 
Sources :
Les particularités de la cup Meluna – Site Meluna.fr 
Emissions « Allo docteur » – évolution des mentalités et cupérisation – Vidéo Youtube 
Interview d’une gynécologue à propos de la cup – Vidéo Youtube
Pub Claricup – Sauvez un vampire ! – Video Youtube 
Critique de la publicité pour les serviettes et tampons hygiéniques – Site Mademoizelle 
21 raisons pour lesquelles vous devriez passer à la cup – Site Lesanglaisontdébarqué 
Pourquoi passer à la cup ? – Site Mademoizelle
Relations sexuelles et coupe menstruelle – Site Lesanglaisontdébarqué 
 
Crédits images :
Le Vilain
Mademoizelle
Lesanglaisontdebarques
Ladicup
MenstrualCup

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Agora, Com & Société, Publicité

Les bloqueurs de pubs, sauveurs en toc ?

L’une des choses qui nous insupporte le plus lorsque l’on navigue sur Internet, outre les temps de chargement et les bugs, c’est la pub. Omniprésente, sa surabondance et son trop récurrent manque de pertinence ont conduit à un ras-le-bol généralisé des internautes. Des concepteurs de logiciels ont alors décidé de s’engouffrer dans la mode du do not track pour y proposer leurs services.
Le plus connu, Ad Block, créé en 2006 par Wladimir Palant, suscite la polémique. Accusé par certains de violer la propriété intellectuelle des producteurs de contenus gratuits en ligne en leur coupant leur unique source de revenus, il est encensé par d’autres le voyant comme un service pro-consommateur et libertaire. Mais où est la vérité dans tout cela ? Les bloqueurs de pub sont-ils réellement pro-consommateurs ou ne s’agit-il que d’une imposture ? Pour le découvrir, il nous faut d’abord comprendre comment circulent les publicités sur Internet.
La pub sur Internet : marchés automatisés et ciblage
Auparavant, deux grands problèmes contrariaient les affaires des annonceurs sur Internet : les modalités du dispositif d’achat et de vente d’espace publicitaire, et le manque de ciblage des annonces.
Le dispositif d’achat et de vente d’espace publicitaire
Avant 2010, le marché de la publicité sur Internet est entièrement calqué sur le modèle simple et institué des médias traditionnels, composé de trois acteurs : des éditeurs (un site d’information par exemple) qui vendent de l’espace publicitaire, des annonceurs qui achètent ces espaces, et des agences (telles que Havas ou Publicis) servant d’intermédiaire entre les deux parties. Ce modèle est encore utilisé sur Internet, mais concerne surtout les échanges entre éditeurs et annonceurs qui se connaissent bien, qui ont l’habitude de traiter ensemble.
Il a en effet le défaut d’être assez mal adapté au fonctionnement d’Internet. Sur le web, tout va plus vite, et l’audience d’un site internet proposant des contenus gratuits a moins de valeur que celle d’un média matérialisé, car on s’attarde plus sur un magazine ou une émission TV que sur une page Internet. C’est donc le dispositif de l’échange entre éditeurs et annonceurs qui doit être modifié, selon deux critères : l’instantanéité de la transaction et la faiblesse des coûts.
C’est pour cela qu’à partir des années 2010 est arrivé l’achat programmatique, appelé de manière générique Ad Exchange. Les ad exchanges sont des plateformes de marchés automatisés où s’achètent et se vendent des espaces publicitaires en moins de 120 millisecondes par page et par internaute, sous la forme d’enchères en temps réel. Dans ce système on retrouve le triptyque éditeur/agence/annonceur, mais s’y ajoutent d’autres intermédiaires, chacun spécialisé dans un type de format de publicité précis (vidéo, display, native advertising ou autre) : d’un côté les SSP (Supply-Side Platform), qui vendent l’espace publicitaire des sites, et de l’autre les DSP (Demand-Side Platform), qui offrent une interface pour gérer les campagnes des annonceurs.
En moins de 120 millisecondes, cinq opérations sont réalisées sur ces plateformes : l’internaute arrive sur une page web, l’impression de publicité pour cet internaute est mise aux enchères, des acheteurs proposent une enchère, l’enchère la plus élevée gagne l’impression, et le gagnant sert sa publicité.
Le succès de ces Ad Exchanges est tel que la plupart des grandes sociétés informatiques ont développé leur propre plateforme : Microsoft avec App Nexus, Yahoo! avec Right Media, ou encore Orange avec Ad Market. La rapidité et la faiblesse des coûts sont au rendez-vous, mais reste à proposer des annonces pertinentes, c’est-à-dire en adéquation avec les goûts de l’internaute présent sur la page.

Le ciblage des annonces
C’est Google qui a trouvé la solution – et ce bien avant la création des ad exchanges – avec une fonctionnalité permettant aux annonceurs d’afficher des publicités correspondant aux mots-clés tapés par les utilisateurs dans leurs différentes recherches : Ad Words. Grâce à cela, un internaute aura l’agréable surprise, après avoir visité un site commercial, de voir des petits encarts lui présentant des articles consultés ou bien en étroit rapport avec ceux-ci s’afficher sur tous les autres sites sur lesquels il se rendra.
Ces deux phénomènes concomitants – le ciblage des publicités pour chaque internaute et leur diffusion ultra-rapide et surabondante – ont pourtant eu un effet que les annonceurs, pris dans leur appétit insatiable de ventes et de notoriété, n’ont pas vu venir : un ras-le-bol généralisé. Les consommateurs, las d’être envahis de publicités, ont commencé à se plaindre, et ont été entendus par des sociétés proposant de bloquer les publicités intrusives. Reste à savoir si ces services sont aussi désintéressés et efficaces qu’ils prétendent l’être.
Les bloqueurs de pub, une imposture ?
La mode du blocage de pub a certes démarré avec la création d’Ad Block en 2006, et sa pérennisation en entrant dans le groupe Eyeo en 2011, mais c’est en 2013 qu’elle atteint une ampleur jusqu’alors inégalée en France quand Free annonce le blocage automatique de toutes les publicités Google pour l’ensemble de ses clients, à l’occasion de la mise à jour de sa Freebox Revolution. D’autres ont alors suivi, comme Microsoft avec une fonctionnalité dans Internet Explorer 10, et Mozilla Firefox, avant de se rétracter.
Cela peut sembler assez paradoxal pour ces groupes de bloquer la publicité, mais ce blocage est en réalité plus stratégique qu’éthique. Le vrai objectif de Free en faisant cette annonce est double : obtenir un accord de trafic payant avec Google, et renforcer son image de marque proche de ses clients, soucieuse de leur « expérience de navigation ». Les bloqueurs de pub ne sont donc pas désintéressés, encore moins Ad Block.

Le logiciel, dont le slogan est « Surfez sans désagréments ! », se positionne du côté des consommateurs, dont il veut améliorer les conditions d’accès aux contenus sur le web. Pourtant son action n’est pas tout à fait morale. En supprimant les publicités dites « intrusives », il supprime l’unique source de revenus des éditeurs et des producteurs de contenus en ligne, ce qui est potentiellement illégal. En effet, cela peut être assimilé à de la violation de la propriété intellectuelle puisqu’on considère que sur une page web la publicité fait partie intégrante du contenu, tant parce qu’elle y a sa place, délimitée spatialement, que parce qu’étant une source de revenus, elle permet au contenu d’être édité. Mais Ad Block n’informe à aucun moment ses utilisateurs de ce problème.
Le logiciel se défend pourtant de mettre en péril le modèle économique d’Internet, fondé sur la gratuité de l’accès aux contenus en échange du visionnage de publicité. Il ne filtre en effet que les publicités dites « intrusives », et laisse passer celles qui appartiennent à sa « liste blanche ». Cette dernière est quelque peu controversée, car c’est elle qui permet à Ad Block de gagner de l’argent : les pubs whitelisted ne peuvent rester sur cette liste que moyennant finance.
En outre, les critères permettant à une publicité d’intégrer la « liste blanche » sont assez indulgents pour laisser passer une grande partie de la publicité. Ils sont basés sur trois éléments : la position sur la page (une publicité ne doit pas interrompre la lecture), le fait qu’on les distingue clairement du contenu naturel de la page, et la taille. On arrive ainsi parfois à des situations où le bloqueur de publicité devient une vraie passoire. Pour exemple, sur la page d’accueil du site ask.com, la pub whitelisted représente 30% de l’espace, et le contenu de l’article lui-même 13%, ce qui revient à 2,3 fois plus de publicité que de contenu.

Les ennemis d’Ad Block lui reprochent ainsi deux choses. D’une part, d’effectuer une sélection hypocrite et arbitraire des publicités intrusives, et d’autre part de menacer le modèle économique d’Internet sans proposer de solution alternative. C’est ainsi que deux Français ont pris l’initiative en 2014 de créer un logiciel permettant aux sites de contrer Ad Block ayant pour nom Secret Media.

La publicité sur Internet est un vrai problème. Omniprésente et intrusive, il est normal de vouloir la bloquer, ou du moins la réguler. Mais cela remet en question le fonctionnement économique du web en bloquant l’une des uniques sources de revenus des éditeurs de contenus. Les pureplayers sont plus directement menacés, car les médias disposant également de formats physiques ont d’autres sources de revenus publicitaires. Dans tous les cas, le blocage de la publicité crée un manque à gagner pour des groupes médiatiques traversant actuellement une crise, et pourrait devenir un frein à l’innovation et au développement de petites structures web. La publicité sur Internet deviendrait-elle de plus en plus une question éthique ? Ce qui est sûr, c’est que dans notre monde ultra-connecté, elle ne laisse pas indifférent.
Clément Mellouet
Sources :
– Andréa Fradin, Rue89, « On a pisté la publicité sur Internet » (30/03/15). http://rue89.nouvelobs.com/2015/03/30/a-piste-publicite-internet-258354
– Jérémie Bugard,, Le Monde, « A qui profite le blocage publicitaire sur Internet ? » (30/05/14). 
– Frédéric Montagnon, frenchweb.fr, « Adblock Plus : ce qu’ils prétendent faire et ce qu’ils font réellement » (31/03/15). 
Crédits images :
1- SouthPark
2- Rue89
3- castle33.com
4- frenchweb.fr
5- secretmedia.com

LOUIS VUITTON
Publicité, Société

La célébrité : l'arme secrète des marques ?

L’utilisation d’une célébrité par les marques pour véhiculer l’image d’un produit ne date pas d’aujourd’hui. Cependant, l’explosion des réseaux sociaux crée de nouveaux enjeux. Les stars malgré leur besoin de protéger leur intimité n’ont pas su résister à l’appel de Facebook, Instagram et autre. Les marques et les marqueteurs l’ont bien compris en intégrant le fil conversationnel des stars sur les différentes plateformes pour se faire de la publicité.
De l’endorsement…

L’endorsement est un mot d’origine anglaise qui est issu du verbe to endorse (s’appuyer, approuver). Il désigne le partenariat entre une célébrité et une marque. Cette dernière décide d’utiliser l’image d’une célébrité pour véhiculer l’image d’un de leurs produits. Le cas le plus célèbre est la collaboration de longue date entre George Clooney et la marque de café Nespresso. Cela permet un transfert de notoriété entre la célébrité et le produit qu’il représente. Aujourd’hui, les célébrités apparaissent de plus en plus dans des publicités. En France, lors du premier semestre de 2015, 7,3% des publicités dans la presse font ainsi appel à des célébrités, surtout dans les secteurs de l’habillement, de la beauté et du luxe selon l’observatoire du Celebrity Marketing de Brands and Celebrities.
… au micro-endorsement
Le micro-endorsement est une pratique d’endorsement qui consiste à promouvoir l’image d’un produit en utilisant le compte personnel d’une célébrité comme un média. Cette promotion est faite de manière ponctuelle et ne correspond pas à un accord entre la star et la marque sur le moyen ou le long terme. Le micro-endorsement ne relève pas d’une logique publicitaire. Il a vocation à créer un territoire pour relayer des informations, événements entre la marque, une ou des célébrités et leurs fans. Cela permet de générer une conversation sur une marque entre une célébrité et sa communauté.
Avec l’explosion des réseaux sociaux, le micro-endorsement devient de plus en plus fréquent. Les marques vont se servir du fil conversationnel d’une célébrité, souvent sur Twitter ou Instagram pour promouvoir un de leurs produits. En effet, la star va « vanter » les bienfaits du produit auprès de ses followers sur ses différents comptes personnels. Ainsi, en 2013, Oprah Winfrey la célèbre animatrice et productrice américaine vante sur ses comptes Twitter et Instagram les mérites de la friteuse « Actrify » de la marque Seb, faisant 1,3 million de vues. L’animatrice précise toutefois ne pas avoir été payée par la marque.

Un autre exemple célèbre de micro-endorsement est le fameux selfie des Oscars. En effet, lors de la cérémonie de 2014, Ellen Degeneres, la maîtresse de cérémonie et animatrice américaine, décide de prendre un selfie avec d’autres personnalités connues telles que Meryl Streep, Angelina Jolie, Brad Pitt… Ce selfie pris par le Samsung Galaxy Note 3 a été partagé plus de 3 millions de fois sur les réseaux sociaux et a explosé le record du nombre de « retweets ». Le cliché prétendument spontané est en réalité un beau coup marketing de la part de Samsung. Ce dernier était le sponsor de l’événement et aurait déboursé 20 millions de dollars pour promouvoir ces produits sur le « red carpet ».

Une efficacité variable
On peut se poser des questions quant à la réelle efficacité des techniques d’endorsement et de micro-endorsement. La clé d’une bonne stratégie de micro-endorsement est l’ignorance du grand public. En effet, il ne faut pas que les followers des célébrités sachent qu’il y a un contrat – certes ponctuel mais un contrat quand même – entre la star et la marque. Le grand public ne doit pas se rendre compte que l’opinion positive – sincère ou pas – d’une star au sujet de tel ou tel produit est un coup marketing. Il ne faut pas briser la confiance du follower en la star sinon il ne considérera plus son avis. Un exemple récent est le lancement du dernier smartphone de Samsung, le « Samsung S6 Edge + » avec le concert de Mika à la piscine du Molitor. Samsung a demandé à une trentaine de célébrités de relayer l’événement avec le hashtag #NewEdgeNight permettant à leurs fans de voir le concert en live. Cependant, tout cela a été mal reçu par les fans qui n’ont pas compris que les stars qui relayaient l’événement n’y assistaient pas. Les internautes se sont sentis trahis et ont mal réagi en détournant et en s’amusant des messages postés par les célébrités.

Pour l’endorsement, c’est un peu différent. Le plus important est que l’image de la star ne soit pas en décalage avec celle du produit ou de la marque concernée. En effet, tout le monde se souvient de l’échec de la publicité LCL avec Gad Elmaleh. L’image de l’humoriste ne collant pas vraiment à celle de la marque.
Hawa Touré
Sources:
Catherine Heurtebise. « De l’endorsement au micro-endorsement » in Influencia, mis en ligne le 18/12/15. 
« Définition : Micro-endorsement » in Definitions-marketing, mis à jour le 19/12/15. 
« Endorsement (soutien) » in e-marketing.  
« Les célébrités, les marques et la publicité »
« Celebrity marketing », in Wikipédia. 
Carole Soussan. « Publicité et célébrités vont de mieux en mieux ensemble », in CBNEWS, mis en ligne le 20/10/15.  
Géraldine Russell. « Oscars : Samsung s’est payé un selfie à 20 millions de dollars », in LeFigaro, mis en ligne le 05/03/14. 
Crédits images : 
http://www.grazia.fr/people/interviews-et-decryptages/articles/celebrons-les-54-ans-de-george-clooney-en-gifs-759266
Instagram Poppy Delevingne
Instagram Oprah Winfrey
Twitter Ellen DeGeneres
Twitter Gonzague Dambricourt

Agora, Com & Société

Ça se sent, ça se sent…: odorat et branding

« L’odorat, le mystérieux aide-mémoire, venait de faire revivre en lui tout un monde ». Dans Les Misérables, Victor Hugo soulignait déjà les facultés mémorielles de l’odorat, sens souvent délaissé, pourtant si déterminant dans notre manière d’appréhender et de se représenter notre société. Alors que notre vue est sans cesse sollicitée, saturée voire brouillée par un flot d’images en tout genre, entreprises, organisations, marques et collectifs misent sur un nouvel appât : notre nez.
À la découverte du marketing olfactif
Qui n’est jamais entré dans une boulangerie après avoir senti l’odeur de pain chaud et doré qui en émanait ? Quel citadin n’a jamais éprouvé une sensation de profond dégoût dans le métro puant à 9h du matin ? Notre odorat guide inconsciemment nos humeurs, nos affects, certains de nos actes : les professionnels du marketing olfactif l’ont bien compris. Depuis les années 1990, les marques ont développé une nouvelle manière de promouvoir leur univers ainsi que d’attirer et de fidéliser leurs clients. Elles utilisent une véritable signature olfactive, générant une odeur qui leur est propre et qui renforce l’identité singulière de leur enseigne. Nous avons tous à l’esprit l’exemple de la marque Abercrombie&Fitch, qui diffuse jusqu’à l’écœurement son propre parfum (Fierce n°8) dans chacune de ses boutiques. Le but étant principalement d’euphoriser le client et de stimuler l’achat étant donné que « les gens dépensent de l’argent quand ils se sentent bien », faisait remarquer Walt Disney.
La rationalité est alors laissée de côté pour faire place à la perception et à la subjectivité de l’être humain qui est interpellé de manière intrusive par le biais de ses sensations. Parce qu’il met l’accent sur le vécu des individus, le marketing olfactif joue sur le déclenchement d’un processus émotionnel à des fins commerciales. Dans le cadre de ces expériences, le consommateur, qui réclame une offre de plus en plus personnalisée, intègre des informations affectives et développe plus facilement de la sympathie pour la marque en question.
Cette stratégie de marketing sensoriel est souvent utilisée pour favoriser l’expérience client. De nombreuses marques y ont recours pour se classer dans la top liste des « originaux ». En 2014, par exemple, Burger King créait la surprise en mettant en place sa première opération de street marketing, alléchant les babines des passants. L’odeur du hamburger Whopper était diffusée dans un abribus de Madrid par nébulisation (diffusion d’un nuage sec, volatile et écologique).

Le marketing olfactif joue non seulement la carte de l’étonnement, mais aussi celle de l’interaction. L’individu n’est plus le simple spectateur de ce qui lui est donné à voir mais devient l’acteur même de la mise en situation du produit. Ce n’est pas uniquement son esprit mais bien son corps qui est intimement appelé à prendre part au processus communicationnel. En témoigne la création d’un guide touristique olfactif par la ville de York (Angleterre), qui recense les parfums emblématiques de la région. Chacun est invité à découvrir des senteurs de thé, de chocolat, de champs de lavande de rues ou encore de crottin de cheval en plongeant son nez dans le livret.

Le cas du parfum
S’il existe un secteur qui a su mettre à profit notre sens olfactif, c’est bien celui de la parfumerie. Tantôt accessible, tantôt hors de prix, le parfum est associé à un produit de luxe dans l’imaginaire collectif. Il renvoie le plus souvent à un idéal fascinant, que chaque consommateur est désireux d’approcher. Guerlain a su jouer sur cette ambivalence et cerner son client, tiraillé entre volonté d’affirmation de soi et désir de ressembler à cet autre qui n’existe pas.

Dans ce cas précis, le marketing olfactif est la condition même de l’existence du produit et se mêle jusqu’à notre peau. La diversité des flacons, des senteurs, des appellations pourrait nous faire croire qu’un des produits peut correspondre à notre identité et renvoyer aux autres le caractère unique de notre personnalité. Or, la seule odeur qui ne soit vraiment nous, c’est la nôtre.
Kalain, une entreprise normande, s’est emparée de ce constat afin de produire des parfums qui porteraient des odeurs corporelles uniques. L’idée est née du manque que la créatrice a éprouvé, suite au décès d’un être cher. Sur son site, la start-up propose des coffrets pour « combler une absence temporaire » ou bien « définitive ». La commercialisation de nos propres odeurs (le flacon est vendu à la modique somme de 560 euros) semble en dire long sur notre rapport au temps.
Nos sens sont alors quelque part instrumentalisés au profit d’actions communicationnelles et commerciales. Les marques ne vont-elles pas trop loin lorsqu’elles font de notre corps un nouvel outil marketing ? Gare à votre nez !
Émilie Beraud
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Sources :
France Culture, La Philosophie de l’odorat, 2010
Marketing Professionnel, Branding sensoriel, le nouvel atout des marques, 2009
Midis, Burger King diffuse l’odeur de son Whopper dans un abribus, 2015
http://www.visityork.org/first-smellyork.aspx
Huffington Post, Reconstituer l’odeur d’une personne décédée ou absente sous forme de parfum, le projet d’une entreprise normande, 2015
Crédits photo :
http://www.guerlain.com/fr/fr-fr
http://www.visityork.org/first-smellyork.aspx
http://www.midis.com/blog/burger-king-diffuse-odeur-de-son-whopper-dans-un-abribus