Société

Gleeden et l'infidélité 2.0 en procès

« Gleeden a changé beaucoup de choses dans ma vie. Fidèle depuis 17 ans, j’ai eu envie de vibrer, d’adrénaline, de séduire à nouveau, mais en toute discrétion, car je suis heureuse et épanouie dans ma vie de famille et ne souhaite pas tout bouleverser. » Voilà le genre de témoignage que l’on peut trouver sur la page d’accueil du site de rencontres Gleeden, lancé fin 2009, et qui a fait de l’infidélité son crédo.
La libération des femmes, la promesse d’épanouissement dans l’adultère et la garantie d’anonymat sont les principaux engagements du site. Ces mots d’ordre, doublés de campagnes de publicité aussi drôles que provocantes, n’ont pas manqué de créer des polémiques et ont valu à Gleeden un certain nombre d’attaques en justice. La dernière en date provient des AFC (Associations Familiales Catholiques), qui reproche au site de faire de l’infidélité un « business ».
La police des bonnes mœurs
Des couples brisés, des familles ruinées et une vie sociale rongée par le mensonge et la dissimulation… Voilà les effets de l’infidélité que redoute et prédit l’association catholique qui réunit près de 15 000 membres. Alors en faire l’apologie, l’encourager et la faciliter : une véritable hérésie ! Cette association, on la connaît déjà, c’est la même qui depuis quelques semaines se montre aux côtés de la Manif pour tous extrêmement virulente à l’égard de la campagne de prévention des MST pour les homosexuels. Les AFC appellent les maires à « prendre leurs responsabilités » et exigent le retrait pur et simple des affiches de cette campagne sur lesquelles on aperçoit des couples homosexuels, au motif que ces dernières « troublent et indignent les familles ».
Dans l’affaire Gleeden, l’association entend se placer comme défenseur tout à la fois des plus faibles (les personnes trompées, les enfants des couples adultères), des familles « choquées » par ce type de publicités et des consommateurs qui subissent leur prolifération dans le métro, dans les rues, sur les bus… Et puis l’adultère, renchérit l’association, est interdit par le Code Civil, qui stipule que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».
Drôle de relation qui se noue ici, où une association catholique connue pour ses prises de position conservatrices et rétrogrades prétend venir au secours des valeurs républicaines… En réalité, et comme le rappelle l’avocate de Gleeden Caroline Mécary, l’adultère est dépénalisé en France depuis plus de quarante ans et ce détail du Code Civil à propos du mariage peut seulement être invoqué – ou non – par les époux lors d’un divorce, relevant ainsi d’un choix purement personnel. On ne peut donc pas considérer l’adultère comme un délit pénal au même titre que le meurtre ou le viol.
Autrement dit, affirmer que l’infidélité est illégale est mensonger, un peu hypocrite et opère un retour en arrière conservateur, somme toute assez gênant. Gleeden, à l’occasion d’un autre procès en 2015, dénonçait déjà une « instrumentalisation de la justice ».
Laïcité et familles modernes
En réalité, que défendent les AFC si ce n’est une conception particulière, à tendance moralisante et religieuse, de la famille et du couple ? Ces deux structures évoluent pourtant, et sont appelées à évoluer encore. S’attacher à des conceptions anciennes et sclérosées de la famille, du couple marié et de la fidélité ne convient pas à tout le monde et relève d’un choix. Et si les AFC se targuent de ne pas faire le procès de l’infidélité mais du « business de l’infidélité », on comprend bien cependant ce qui leur pose problème…
L’association, comme son nom l’indique, promeut la famille catholique, et cherche à faire rayonner voire prévaloir ce modèle, s’érigeant ainsi, comme le reproche l’avocate de Gleeden « en censeur, en porte-étendard d’une morale que toute la société ne porte pas ». Entrer dans des considérations qui visent à décider si l’adultère est « bien » ou « mal » est stérile et intrusif. Entre normes sociales, morale et valeurs dominantes, les AFC semblent vouloir élever en valeurs universelles ce qui ne relève finalement que du choix personnel, elles ne jouent donc pas sur le bon terrain.
Fausse subversion et vrai business

Pour en revenir à Gleeden, il parait assez évident que le site n’a pas inventé l’infidélité, qui existe comme le dit son jeune créateur Teddy Truchot – marié et père de famille – « depuis la nuit des temps ». Ses concepteurs ont seulement très bien su cerner un marché jusqu’alors inexploité : celui des personnes insatisfaites dans leur couple ou dans leur vie de famille. L’existence de sites comme Gleeden n’est qu’un symptôme moderne parmi d’autres, de la solitude qui peut frapper les individus dans une société mettant encore en avant comme modèle normatif – et seule voie d’accès à l’accomplissement personnel – la vie en couple, la famille nucléaire… et tendant de ce fait à présenter comme des anomalies le célibat, les familles mono-parentales ou encore les couples homosexuels.

Chez Gleeden, les campagnes sont souvent drôles, avec une touche de provocation, des petits airs d’interdit… Autrement dit, tout ce qu’il faut pour retenir l’attention du consommateur éventuel. Cette communication extrêmement bien pensée leur a permis de bien se placer sur le marché très concurrentiel des sites de rencontres. La provocation est sans nul doute leur meilleure arme : des slogans placardés dans le métro du type « Par principe, nous ne proposons pas de carte de fidélité », à leur stand au Salon du Mariage, qu’ils avaient loué sous un faux nom avant de se dévoiler et de distribuer des pommes d’amour aux clients du salon, le site sait faire parler de lui en bien comme en mal. « Ce n’est pas normal que vous soyez là. » s’insurge une passante, observant avec effroi les autres clients du salon croquer dans leurs pommes d’amour…
Gleeden est avant tout une plateforme payante (l’inscription est gratuite mais il faut s’abonner pour pouvoir communiquer avec d’autres utilisateurs), qui réunit à l’heure actuelle près de 3,3 millions de membres à travers le monde (dont la moitié en France). Le « marché de niche » qu’elle a choisi, celui des personnes mariées, lui permet de se faire une place parmi les mastodontes que sont Meetic, E-Darling, AdopteUnMec et autres. Ses concepteurs exploitent le créneau jusqu’à la caricature. Entre leurs coups de com’ et leur marketing bien léché, ils n’ont pas fini de faire parler d’eux, ni de provoquer les tremblements d’associations catholiques en tous genres… Le jugement dans l’affaire du procès intenté par les AFC est en tout cas mis en délibéré fin janvier. Affaire à suivre…
Violaine Ladhuie
Sources :
• Annick Cojean « La promotion de l’adultère combattue au tribunal » – Le Monde 25/11/2016
• Daniel Schneidermann « Gleeden, un débat de l’après Charlie » – Rue89 20/02/2015
• « La provoc du site d’adultère Gleeden au salon du mariage » – vidéo BFMTV 13/02/2015
• Emilie Brouze « Gleeden au tribunal : « L’exploitation mercantile du malheur des autres » » L’Obs avec Rue89 22/11/2016
• teddytruchot.com

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Animaux de tous les pays, connectez-vous !

Les animaux : ils sont différents et uniques à la fois, incroyables, mignons, sauvages… On aime les découvrir dans 30 millions d’amis, les observer devant un documentaire d’Arte, jouer avec eux sur Nintendogs ou Angry Birds… Mais aujourd’hui, nos propres animaux prennent le relai et deviennent de nouveaux consommateurs !
Depuis un peu plus d’un an un nouveau marché émerge : applis, chaînes de télévisions dédiées… Bien loin des rayons jouets et autres salons ou concours dédiés, nos boules de poils passent désormais au numérique. Non épargnés par la vague des objets connectés, ils en possèdent eux aussi un certain panel. Vous pourrez par exemple discuter et distribuer des friandises à distance à votre chien avec Petchatz, une sorte de boitier mural équipé d’un petit écran. Dans le même esprit, PetCube, une application mobile, vous permet d’observer votre compagnon pendant votre absence et d’interagir avec lui. Inspiré du bracelet connecté, le collier Voyce vous donne des informations sur la santé de votre chien et sa condition physique.

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Sites de rencontre: "y en aura pour tout le monde"

Un site web comme lieu de rencontre ? C’est la métaphore utilisée par les sites de rencontres, qui proposent d’optimiser les rencontres amoureuses. Après le temps des bals et des bars, le site permet de faire sa propre sélection. Et si l’analyse de Tinder, application mobile de rencontre, par Le Sociologue est implacable, il nous paraît néanmoins nécessaire de revenir sur les stratégies que mettent en œuvre ces sites pour inciter à leur utilisation et satisfaire les acteurs de ce lieu virtuel.
« Le truc c’est que j’ai trop honte… ça craint ! »
Sur le forum jeux-vidéo.com, un utilisateur vient demander de l’aide aux autres membres. Il veut s’inscrire sur un site de rencontre mais n’ « ose pas » : « le truc c’est que j’ai trop honte, j’ose pas m’inscrire sur un site de rencontres ça craint ! ». C’est que nous avons une image péjorative du site de rencontre, c’est un double aveu : celui de l’échec, ne pas avoir rencontré quelqu’un « en vrai » et celui, si rencontre il y a, de s’être rencontrés grâce à un clavier et une souris, plus difficile à avouer que le légendaire coup de foudre.

Toutefois, il s’avère plus facile d’avoir recours à ce genre de site que de faire des rencontres réelles. Pour le sociologue Norbert Elias (1897-1990), nos interactions dans le monde sont régies par des règles de pudeur. Or, bien que le sociologue n’ait pas connu l’ère des sites de rencontre, ces règles de pudeur paraissent être mises entre parenthèses dans un monde virtuel tel que celui de ces sites. Les interactions, c’est le sujet phare d’Erving Goffman, sociologue qui développe la notion de face dans son ouvrage Les rites d’interaction, paru en 1974. La face est la ligne de conduite d’une personne, qui se structure et prend son sens dans son rapport à autrui. Lorsque l’on est déphasé par rapport au monde social qui nous entoure, on « perd la face ». La rencontre via un site internet permet de « préserver la face » puisque l’image est contrôlée et nos actions se font de manière cachée, derrière un écran, imperceptible pour les autres personnes en ligne, qui n’ont de nous que des informations minutieusement choisies.
Rendre le lieu virtuel légitime
Pour les sites de rencontre, l’enjeu est de légitimer leur usage. Pour cela une première approche est celle du désenchantement de la rencontre dans la vraie vie : les rencontres ne sont pas celles que nous choisissons, nous pouvons êtres abordés sans le désirer et tomber sur beaucoup de mauvaises surprises. Pour en finir, les sites de rencontres proposent d’avoir le choix, de pouvoir faire le tri : prendre le pouvoir sur la rencontre et ne pas laisser le hasard ruiner nos relations. Le pouvoir attribué par le choix serait ainsi l’atout du site de rencontre, notamment pour les femmes, qui sont placées au centre des publicités, poursuivies par des hommes aux attitudes grotesques, se réfugiant sur les sites de rencontre pour s’assurer une certaine qualité de relation et éviter ce type d’homme.

Le site Meetic insiste lui sur sur la crainte de la solitude du célibataire moderne : aller sur le site de rencontre au lieu d’attendre que l’amour nous tombe dessus, puisque Cupidon ne semble pas de la partie.
Indiquez vos critères
Marie Richeux résume clairement la situation des sites de rencontres dans son émission Les Nouvelles vagues sur france culture : « y en aura pour tout le monde ». En effet, entre histoire d’un soir, nouveau départ, recherche d’une communauté spécifique avec des exigences spéciales etc., la demande sur les sites de rencontre est très variée. En observant les différents sites, la variabilité des publics saute aux yeux : des jeunes sur Tinder aux « célibataires exigeants » d’Attractive World : chacun sa stratégie, basée sur un agencement de l’offre et de la demande.
La sociologie s’est intéressée aux modalités des choix des conjoints et, depuis La Distinction de Bourdieu, elle tend à montrer que les rencontres se font sur le mode d’une reproduction sociale, c’est-à-dire dans le cadre du maintien d’un certain niveau de vie. Cette endogamie peut être aujourd’hui l’argument de certains sites, notamment à travers l’expression « célibataires exigeants » d’Attractive World. Sur Meetic également, s’il paraît simple de s’inscrire, il est en réalité difficile de passer toutes les étapes, ce qui réserve en quelque sorte l’accès au site à une certaine communauté. Une fois le compte créé, le site nous propose de rajouter plus de critères : « SOYEZ EXIGEANT(E), indiquez vos critères et trouvez des célibataires qui vous correspondent ». S’il a été reproché à Meetic d’être devenu un « supermarché du sexe », le site a créé « Meetic Affinity », nouveau site ciblant une population plus sérieuse et plus âgée.
 

« Pour le fun »
Pour passer outre la honte ressentie au fur et à mesure des étapes d’inscriptions, les sites plutôt dédiés aux jeunes dédramatisent leur recours par plusieurs biais.
La première option est celle de la simplicité, qui s’applique particulièrement au cas Tinder. En effet, l’application mobile lancée en 2012 par quatre Américains, repose sur un fonctionnement simplifié au maximum : il suffit de créer un compte à partir du compte Facebook – ce qui oblige à en avoir un – puis d’ajouter une à cinq photos, éventuellement une description libre, l’« à propos ». L’application repère les membres aux alentours et fait apparaître leur profil, il suffit de faire glisser le profil sur la droite ou sur la gauche suivant si l’on veut le garder ou non. S’il y a un accord des deux côtés, il y a alors « match » et il est possible de se parler sur un chat. La simplification fait passer l’imaginaire du site de rencontre d’un lieu dans lequel il faut rentrer après plusieurs étapes à une simple activité sur son téléphone, souvent justifiée par « c’est pour rire » ou « c’est pour le fun ».
Une autre manière de dédramatiser est l’humour. Et c’est le biais que propose le site français Adopte-un-mec, qui se présente comme le « supermarché des femmes », et la métaphore est filée dans chaque élément : « notre sélection régionale », « nos clientes », « nos offres à la une », « boutique ouverte 24/24 7/7 », « livraison rapide », « mise en panier illimité » etc. Tout le dispositif est construit autour du principe du supermarché, de manière volontairement insistante, pour dédramatiser en donnant le pouvoir aux femmes. Mais si cette stratégie fonctionne c’est parce qu’elle renverse les rôles, un site avec les sexes inversés serait vivement critiqué car il relèverait de beaucoup plus de la réalité. Et pourtant ici, ce sont les femmes qui font les courses…

 
Dédramatiser une utilisation honteuse, c’est le défi que se donnent les sites de rencontre. Ce phénomène participe de l’économie de la captation. La sociologue Pascale Trompette l’utilise, quant à elle, à propos du marché des défunts : trouver le biais pour vendre dans le secteur funéraire sans paraître irrespectueux face à la situation délicate des clients.
Dans notre cas, les sites de rencontres contournent leur situation délicate si bien que leur recours est devenu fréquent, et leur notoriété leur permet maintenant de faire de la publicité sans évoquer leur nom, comme le fait Adopte-un-mec dans sa toute dernière campagne.

La notoriété des sites de rencontre ne se mesure pas seulement à la reconnaissance de leur logo dans le métro, mais également en chiffres. En effet une étude Ifop de juin 2015 sur la rencontre en ligne,  dévoile une pratique de plus en plus répandue : « quatre Français sur dix (40%) se sont déjà inscrits au moins une fois sur un site de rencontre, soit une proportion qui a doublé en l’espace de 5 ans (20% en 2010) ». Seulement, l’étude remarque aussi que la pratique paraît plutôt correspondre à des « coups d’un soir » qu’à de sérieuses relations, une affaire à suivre.
Adélie Touleron
@AdelieTouleron
Sources:
Etude Ifop juin 2015: “L’essor des rencontres en ligne ou la montée de la culture du « coup d’un soir »
Emission Culture pub du 16 février 2009 sur les sites de rencontre depuis leurs débuts
Pascale Trompette, Le marché des défunts, sur la sociologie de la captation
Crédits photos:
Forum jeux-vidéo.com
Site Adopte-un-mec.com
Pub Adopte-un-mec.com
Site Meetic.fr
 
 

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