Politique

"90 jours" pour tout changer ?

« Écologie » : c’est presque de manière violente que ce terme clivant retentit dans les esprits, victime d’une quantité de clichés indénombrables. L’ « écolo », dans l’imaginaire collectif, est tantôt associé à une sorte de babacool nostalgique aveuglé par les promesses utopiques que lui font ses tongs en bois, tantôt à un genre de « bobo biocool », faisant peser sur tout ceux qu’il fréquente une véritable culture de la culpabilité. L’écologie effraie car elle nous confronte à des réalités parfois choquantes et dramatiques, qui nous renvoient à notre statut de « poussière d’étoile » et bousculent notre rapport au temps. L’écologie effraie, aussi, parce qu’elle nous responsabilise et nous demande de jouer pleinement notre rôle de citoyen.
Les nouvelles technologies au service de l’écologie participative
Pourtant, certains n’hésitent pas à faire preuve de créativité et à utiliser les supports communicationnels modernes pour réconcilier écologie et citoyenneté. La technologie semble en effet s’imposer peu à peu en tant que medium innovant, encourageant la sensibilisation de la société civile aux problématiques écologiques.
C’est dans cette lignée communicationnelle ludique que s’inscrit l’application pour smartphone « 90 jours ». Imaginée par Elliot Lepers, designer de formation, elle offre à tout un chacun la possibilité de se familiariser à l’écologie et d’agir de manière non-chronophage à partir d’outils qui sont entrés dans notre quotidien. Son créateur envisage l’application en tant qu’ « assistant personnel permettant de mettre en œuvre sa propre transition écologique ».

Première étape : remplir un questionnaire afin de définir son profil personnalisé. Deuxième étape : relever vaillamment les défis reçus. De « faire pipi sous la douche » à « modérer sa consommation de viande » ou encore « s’inscrire à une AMAP », les impacts environnementaux des défis sont expliqués et assortis de conseils qui favorisent le passage d’une écologie de la privation à une écologie plaisante qui crée une nouvelle pratique.
Lors d’une conférence donnée pour TedX Paris, Elliot Lepers explique penser qu’il est « important de sortir l’écologie de ses incarnations ». Dans l’espace public et médiatique, l’écologie est le plus souvent dépeinte à coup de drame et de fin du monde, alors que c’est uniquement l’inaction face aux questions environnementales qui nous sont posées qui présage des conséquences dramatiques. De quoi encourager le plus grand nombre à fermer les yeux et à mépriser les couleurs des bacs de tri sélectif.
Il semble légitime de questionner l’efficacité concrète de ce genre d’application qui ne relève, pour certains, que du gadget. Les résultats sont bien là, pourtant : les utilisateurs de « 90 jours » ont déjà réussi à économiser 900 000 kg de cO2 et un million de litres d’eau. Plus de 60 000 personnes l’utilisent aujourd’hui. Cependant, d’autres outils communicationnels de plus vaste ampleur permettent, à une autre échelle, la mobilisation d’acteurs écologiques qui tentent de porter les revendications devant les pouvoirs publics. C’est le cas de la pétition en ligne, par exemple, qui est à l’origine d’une nouvelle communauté partagée.
S’informer, se former… et agir ?
Ce qui semble important, avant de pouvoir agir en tant qu’acteur écologique citoyen, est de savoir comment et pourquoi. Cette nécessité informationnelle est exploitée sous des formes de plus en plus innovantes, comme le webdocumentaire. Ces œuvres multimédia et interactives proposent une immersion documentée au sein d’un thème donné et invitent le spectateur à participer voire, parfois, à mener la visite guidée. Elles sont données à l’usagé comme des jeux, des panoplies à explorer et à manier. Arte en a produit de nombreux, mis en ligne sur sa plate-forme créative. « Polarsea360 », par exemple, est un voyage virtuel à la découverte de la fonte des glaçes.

Ces plate-formes technologiques nous proposent à la fois du contenu informatif et un nouveau mode de participation au débat : le citoyen a des clés en mains. Lors de la COP 21, par exemple, les internautes étaient invités à réagir via les réseaux sociaux. Pour la journée du dimanche 29 novembre (jour de l’arrivée de 130 chefs d’Etat à Paris) plus de 750.000 tweets en lien avec la conférence des Nations unies ont été postés sur Twitter.
Toutes ces initiatives tendent à dé-diaboliser l’écologie considérée comme science obscure pour en faire une pratique qui nous soit familière. Demain, film documentaire réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, récompensé par le césar du meilleur documentaire, nous propose d’aller à la rencontre de ces acteurs innovants qui repensent l’écologie via l’utilisation de nouveaux outils. Comme le dit Elliot Lepers : « nous sommes tous les designers de notre quotidien ». Alors, prêts à relever le défi ?

Emilie Beraud
Sources :
http://90jours.org/
http://www.tedxparis.com/?s=90+jours
http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/05/05/linky-le-compteur-intelligent-suscite-deja-la-polemique_1517385_3234.html

Cyril Dion nous raconte le succès de « Demain », le docu écolo-feel good devenu phénomène de société


http://www.franceculture.fr/emissions/la-revolution-ecologique/ecologie-et-democratie
La résistance au changement, produit d’un système et d’un individu par Daniel Dicquemare
Crédits images :
Aline Nippert
http://90jours.org/

Publicité et marketing

Quechua tente l'aventure smartphone

 
Marronniers par excellence, les journalistes nous dépeignaient il y a peu les « cadeaux de Noël préférés des français ».  Tablettes et autres Netbooks n’ont pas réussi à détrôner les smartphones en tout genre qui conservent, cette fois encore, la tête des ventes. En cette période de fêtes de fin d’année 2013, ils auraient générés à eux seuls près de 460 millions d’euros de dépenses. Un montant légitimement attractif qui séduit de plus en plus de marques, désireuses de se créer une place sur le marché. C’est dans cette optique qu’il y a quelques semaines, Quechua, la mythique marque de distributeur de Décathlon, a lancé son propre smartphone. Un pari fou et insensé ? Peut-être pas tant que ça.
« Le premier smartphone mountainproof »
Le « Quechua Phone 5 », puisque tel est son nom, n’a de commun avec le petit dernier d’Apple que le chiffre final, ici référent à la taille de son écran (5 pouces). Loin de toute course effrénée à l’innovation technologique, Quechua propose un smartphone tout terrain, et opte, de fait, pour un cœur de cible adepte des longues randonnées sauvages. Vendu au prix unitaire de 229€ dans tous les magasins Décathlon, « le premier smartphone moutainproof », comme la marque aime à l’appeler, se caractérise par sa robustesse, sa résistance aux chocs et intempéries et par son autonomie longue durée qui n’a de cesse d’impressionner ses utilisateurs. Dans sa recherche de satisfaction du consommateur, Quechua a également pris le parti d’intégrer à son smartphone un altimètre-barométrique ainsi qu’un GPS.

Sur ce même plan purement technique, les critiques s’accordent à dire que le Quechua Phone 5, fabriqué par le constructeur français Archos, est malgré tout assez lourd, encombrant et qu’il propose un équipement dont la performance reste bien en deçà de celle de ses concurrents, à savoir, par exemple, un appareil photo 5 Mégapixels.
Direction communication digitale
Côté communication, Quechua a placé toute sa confiance en l’agence Fred & Farid Paris, avec laquelle elle travaille depuis plusieurs campagnes. De cette association est née une vidéo promotionnelle dont l’unique selling proposition est fondée sur l’aspect particulièrement résistant du smartphone.

Mais la vraie originalité de cette opération, outre le lancement du produit qui peut déjà être perçu comme une originalité en tant que telle, réside dans l’utilisation du digital. Un choix qui apparaît particulièrement cohérent dans un objectif de promotion d’un smartphone.
Quechua a ainsi mis en ligne un site in extenso dédié au produit en question. L’internaute peut non seulement lire les qualités vantées du smartphone mais aussi le « mettre à l’épreuve » des éléments naturels – ici l’eau, la terre et le vent – et se voir proposer une vidéo résultant de ses choix.
Une réponse socio-marketing réfléchie
Dans l’esprit commun, la marque Quechua reste cependant très liée aux accessoires dits plus « classiques » de sport et de randonnée. Pour beaucoup d’ailleurs, elle n’est célèbre que grâce à ses tentes 2 secondes dont la renommée n’est, il est vrai, plus à faire.

Le lancement du Quechua Phone apparaît, à première vue, et à première vue seulement, comme surprenant et sortant du domaine initial de la marque. Peut-être faut-il y voir in fine, plus qu’un simple pari de la part de Quechua, et bel et bien une réponse socio-marketing résultant d’un véritable besoin consommateur ? L’étude, réalisée par Décathlon en amont de ce lancement, a en effet su démontrer que 25% des randonneurs ne se munissaient pas de leur téléphone lorsqu’ils partaient marcher, de crainte de l’abîmer ou parce que celui-ci n’était simplement pas en mesure de répondre à leurs attentes (localisation ou partage de données par exemple). Il faut donc solidement replacer les choses dans leur visée: c’est à cette niche de consommateurs que s’adresse ici le Quechua Phone 5, et non pas aux hypsters en quête perpétuelle de la dernière tendance. Il n’est en rien destiné à concurrencer les Iphone et autres Samsung.
Le Quechua Phone véhicule de fait les valeurs de la marque – simplicité, solidité, bon rapport qualité/prix – et c’est en cela qu’il représente une avancée cohérente pour l’enseigne sportive qui, par-là, fait son entrée dans l’univers du 2.0.
Rappelons qu’elle n’est pas la première à avoir osé sortir des sentiers battus pour « tenter » l’aventure – le jeu de mots est facile, j’en conviens – puisqu’en 2008, Bic avait déjà sorti son Bic Phone. Le concept du téléphone portable simple d’utilisation avait séduit et le pari s’était avéré gagnant puisqu’en moins de trois ans, plus de 500 000 exemplaires s’étaient écoulés. Souhaitons le même sort au Quechua Phone qui a au moins le mérite de détonner au rayon des sacs de couchage et des kits de survie de Décathlon.
 
Céline Male
Sources
Blackandgold
Quechuaphone
Stratégies
Photos
Clubic
Twitter

Blackberry
Société

Vendre la peau de l’ours (canadien) ?

Au terme de deux ans de difficulté, l’entreprise anciennement nommée RIM, rebaptisée BlackBerry à l’occasion, a présenté le 30 janvier la nouvelle version de son système d’exploitation (OS, pour Operating System), BlackBerry10, qui équipe d’ores et déjà deux nouveaux terminaux, le Z10 et le Q10.
Comment la firme, leader incontesté des smartphones il y a encore 3 ans, en grande difficulté face à la montée en puissance de Samsung et d’Apple, a-t-elle mis en scène son retour et pour quel résultat ?
La question est d’importance, parce que c’est une bonne part de l’avenir de BlackBerry qui s’est jouée dans la présentation du 30 janvier, du moins pour ce qui est de sa portée symbolique.
C’était une présentation du directeur général Thorsten Heins, retransmise sur internet en direct, une présentation telle que les a popularisées Steve Jobs sous le nom de keynote ; un exercice dans lequel on a pu voir Xavier Niel au lancement de Free Mobile et plus récemment Stéphane Richard pour la mise sur le marché de la nouvelle Livebox.
Pour BlackBerry, il s’agissait de rassurer d’une part les marchés, de l’autre les utilisateurs, sur sa capacité à être à la pointe de l’innovation et d’assurer le service fiable qui a beaucoup contribué à son succès premier. Il s’agissait également de montrer que l’on avait pris acte des déboires de ces deux dernières années, et de redonner à BlackBerry une unité, une cohésion lui permettant de reconquérir les marchés.
En ce sens, la prestation de Thorsten Heins a été exemplaire : il n’a eu de cesse de saluer et de remercier ses quelques 12 000 collaborateurs. De même la décision de donner un nom unique à l’entreprise, à sa marque et à son système d’exploitation est une façon exemplaire de mobiliser autour d’un objet unique : BlackBerry. On a pourtant senti le directeur général peu à l’aise dans cet exercice particulier, inséparable désormais de toute annonce relative aux nouvelles technologies.
C’est que l’image de BlackBerry a toujours été du côté de la discrétion, comme il se doit pour une marque dont le marché principal a été l’entreprise : rien à voir avec le charisme d’un Steve Jobs ou, plus tonitruant, d’un Xavier Niel.
Un lourd travail a été accompli pour moderniser des terminaux et un OS largement distancés par ses concurrents : des photographies de piètre qualité, une navigation internet bien en deçà de ce qui est proposé aujourd’hui, un catalogue d’applications bien trop pauvres face aux 700 000 applications d’Apple ou au 800 000 d’Androïd… Autant de points critiques sur lesquels BlackBerry a insisté au cours de cette présentation. Rattraper le temps perdu, parfaire le présent, anticiper l’avenir, tels étaient les mots d’ordre : le clavier, tactile dans le cas Z10, physique pour le Q10, a fait l’objet d’un soin particulier en tant qu’étendard de la marque, mais on a pu découvrir des fonctionnalités intéressantes comme le partage d’écran au cours d’un appel vidéo, toute une panoplie de gestes pour interagir avec son terminal, ou encore la possibilité d’accéder à ses messages sans avoir à repasser par un menu centralisé.
À noter également, l’intégration poussée de Twitter, Facebook ou encore LinkedIn, désormais réunis avec les mails et les sms.
On a retrouvé dans cette présentation tous les gènes de BlackBerry : la rigueur, la fiabilité, l’efficacité, mais également une certaine vision de l’avenir sur nos smartphones.
Par ailleurs, émanait de cette présentation un parfum de sincérité : un peu du relatif inconfort de Thorsten Heins et beaucoup de cette belle marque aujourd’hui acculée qui a joué sa dernière carte.
Mais dans ce monde technologique où les évolutions sont fulgurantes et les déclins tout autant, il serait mal avisé de vendre la peau de l’ours (canadien), d’autant que BlackBerry10 et ses deux terminaux sont alléchants, et anticipent la grande versatilité que l’on exige déjà de nos appareils en termes de manipulation, d’usages et d’efficacité.
Parce que c’est toujours un crève-cœur de voir partir à la dérive une belle entreprise, on ne peut que lui souhaiter une année 2013 dynamique, qui, à l’image de son nouveau baptême, tirera un trait définitif sur le passé.

Oscar Dassetto

CRÉDIT PHOTO Justin Sullivan/Getty Images