Publicité et marketing

“L’underconsumption core” : une réponse à la surconsommation à l’heure des réseaux sociaux

En ce début d’année 2025, un nouveau challenge envahit les réseaux sociaux, en particulier Tiktok : le” no buy 2025”. Le principe est simple : ne plus rien acheter, excepté le strict nécessaire. Une tendance qui appelle à repenser ses modes de consommation au quotidien et qui semble séduire de nombreux utilisateurs puisqu’on recense sur TikTok près de 11 300 publications sous le #nobuy. Ce challenge est une réponse directe à la surconsommation encouragée par les réseaux sociaux. En 2023, selon le rapport Shopping Pulse mené par Klarna, près de quatre consommateurs français sur dix (37 %) affirmaient s’être déjà procuré un produit après l’avoir vu sur les réseaux sociaux.  À travers cet article, FastNCurious vous propose de découvrir le lien étroit entre l’influence et la surconsommation, mais aussi de prendre connaissance des tendances émergentes qui invitent à déconstruire ces modes de fonctionnement. Les réseaux sociaux : un fonctionnement qui facilite les achats Avant de nous pencher sur le lien entre influenceurs et surconsommation, il est important de prendre connaissance de l’environnement dans lequel évoluent ces influenceurs. Sur les réseaux sociaux, tout est pensé pour permettre un passage à l’achat facile et rapide : redirection par des liens cliquables, liens swipe up, boutiques  intégrées, insertion des publicités, enregistrement des données bancaires sur les applications… L’ergonomie des plateformes en fait le terrain idéal pour les entreprises voulant atteindre de nouvelles cibles. Sur Instagram par exemple, les entreprises peuvent disposer d’un onglet “boutique” intégré à la plateforme afin d’identifier, de pointer, les produits sur les publications. Il est possible de faire un achat sans même quitter le réseau social.  Captures d’écran du compte et de la boutique Instagram de la marque Sézane Ainsi sur ces plateformes, nombreux sont les outils d’insertion publicitaire, mais les marques semblent privilégier les influenceurs, qui possèdent des caractéristiques particulières pour modifier les comportements de consommation. Le business modèle de l’influence Sur les réseaux sociaux, les créateurs de contenu mettent en scène une vie idéalisée. Les influenceurs dits “lifestyle”, partageant des contenus à propos de mode, food, beauté, ou encore voyages, semblent avoir un quotidien rythmé par les achats et l’acquisition de nouveaux produits. Hauls, favoris, tutos, looks du jour, autant de contenus de divertissement devenus des écrins publicitaires pour les marques, et étant des sources d’inspiration pour les prochains achats de leurs abonnés. Les influenceurs, comparés à des canaux classiques de promotion, utilisent le lien parasocial développé avec leur communauté pour devenir des figures privilégiées pour les recommandations. Grâce à cette relation sociale à sens unique, dont une personne peut faire l’expérience vis-à-vis d’une personnalité publique ou d’un personnage de fiction, les abonnés accordent parfois aux influenceurs une confiance similaire à celle accordée à un ami. Ainsi, depuis quelques années, ces influenceurs sont au cœur des stratégies marketing des annonceurs, qui font appel à eux pour la promotion de produits en tout genre. Ajouté à cela, pour se démarquer les uns des autres, il leur est nécessaire de renouveler leurs contenus, et par conséquent leurs acquisitions. Naissent alors les micro-trends, des tendances éphémères, qui gagnent rapidement en popularité mais disparaissent en quelques mois ou semaines. Elles sont portées par un produit, style ou esthétique précis. Ces micro-trends encouragent alors à la surconsommation, et inévitablement au gaspillage, les produits devenant rapidement obsolètes. Certaines personnes sur les réseaux sociaux, rient de ce phénomène en exposant dans des vidéos qu’elles ont elles-mêmes étés “victimes des micro-trends”.  Captures d’écran de TikTok de victimes des micro-trends Par essence, le business modèle de l’influence, lifestyle en particulier, en se basant sur la promotion de produit, avec ou sans collaboration commerciale, pousse alors à la surconsommation. Une mise à l’épreuve de l’influence : “deinfluencing” et “underconsumption core” Sur les réseaux sociaux, deux nouvelles tendances tentent de combattre la surconsommation, mais avec deux modes d’approches différenciés.  D’abord, par le “deinfluencing”, traduit par “dé-influence”, les influenceurs créent du contenu pour dire quels sont les produits à ne pas acheter. Bien que cela puisse apparaître comme une façon de dénoncer le consumérisme, à travers cette tendance du “deinfluencing”, tous les créateurs de contenu n’ont pas pour objectif de lutter contre la surconsommation, chez certains, on lit simplement dans les discours une volonté de transparence et de sincérité. Malgré tout, cette initiative invite à réfléchir à ses achats et à tendre vers une consommation plus responsable. Captures d’écran de TikTok de “deinfluencing” Une seconde tendance vient promouvoir, et surtout normaliser la sobriété : “l’underconsumption core”. Les utilisateurs exposent une “sous-consommation” par des modes de vie plus sobres et raisonnés. Ils montrent qu’ils utilisent peu de choses et surtout jusqu’au bout. Une façon pour eux de montrer qu’il est normal de ne pas acheter tout ce qu’on voit sur les réseaux sociaux, de résister à une forme de pression sociale. Captures d’écran du TikTok de @dainty.nugs Captures d’écran du TikTok de @notlavdysheva Cette tendance n’est cependant pas exempte de critiques, liées notamment à une “fétichisation de la pauvreté”. Quand pour certains “l’underconsumption core” apparaît comme un phénomène en vogue, pour d’autres il s’agit juste d’un mode de vie depuis des années, parfois subi. Il peut donc être mal vu de se vanter ou de romantiser ces habitudes minimalistes lorsqu’on dispose du privilège du choix. Ainsi face à la surconsommation promue par le marketing d’influence sur les réseaux sociaux, la vision de la sous-consommation monte en puissance. Ces deux visions, surconsommation et sous-consommation, bien que contradictoires semblent malgré tout cohabiter, et il ne semblerait pas que l’une tende à faire disparaître l’autre. Finalement le marketing d’influence proposera-t-il à l’avenir des outils pour penser une consommation durable ? Sources, et pour aller plus loin :  https://www.theguardian.com/fashion/article/2024/aug/07/it-is-ok-to-be-content-with-your-simple-life-is-underconsumption-core-the-answer-to-too-much-shopping https://digital.hec.ca/blog/la-surconsommation-causee-par-les-reseaux-sociaux-quels-sont-les-impacts/ https://pandofashion.com/limpact-des-reseaux-sociaux-et-du-marketing-dinfluence-sur-les-comportements-dachat-dans-lindustrie-de-la-mode/ https://www.novethic.fr/actualite/social/consommation/isr-rse/desinfluence-sur-les-reseaux-sociaux-les-influenceurs-tournent-le-dos-a-la-surconsommation-151379.html https://www.ledevoir.com/societe/consommation/818418/quand-sous-consommation-devient-virale-reseaux-sociaux https://blog.mbadmb.com/tiktok-influence-achat-impulsif-surconsommation/#:~:text=L’impact%20de%20TikTok%20sur%20l’achat%20impulsif&text=Les%20d%C3%A9monstrations%20de%20produits%2C%20souvent,ils%20en%20soient%20pleinement%20conscients. https://www.novethic.fr/economie-et-social/transformation-de-leconomie/sur-tiktok-la-tendance-est-a-la-deconsommation https://www.courrierinternational.com/stories/video-ces-tiktokeurs-qui-denoncent-la-surconsommation_221376 https://korii.slate.fr/tech/underconsumption-core-millenials-generation-z-critique-surconsommation-tiktok-tendance-achats-fast-fashion-mode-vie https://www.20minutes.fr/tempo/style/4050918-20230831-food-mode-beaute-reseaux-sociaux-plus-plus-souvent-origine-achats-jeunes https://www.ladepeche.fr/2023/08/31/les-reseaux-sociaux-des-prescripteurs-en-puissance-11424339.php Marie Desforges
Société

Les revers de la représentation médiatique des sectes : entre dénonciation et publicité involontaire

Dénoncer les dérives d’une secte sur les réseaux sociaux : solution ou piège ? Lorsqu’une ex-membre d’un groupe sectaire prend la parole sur des plateformes comme TikTok ou Instagram, son objectif est souvent de prévenir, de témoigner et d’aider d’autres victimes. Mais que se passe-t-il lorsque cette dénonciation renforce paradoxalement la visibilité autour de la secte dénoncée en lui conférant une publicité involontaire ? C’est ce paradoxe médiatique que nous illustrerons à travers le témoignage de Richelle Desrosiers, ex-membre de la Mission de l’Esprit-Saint (MES). Source : LaPresse.ca Les réseaux sociaux : espace d’expression et « d’empowerment » personnel et collectif.  Richelle Desrosiers, jeune TikTokeuse, est née au sein de la secte de la Mission de l’Esprit-Saint, elle l’a quittée en 2020. Une décision difficile et douloureuse, car elle l’a exposée à des représailles non seulement de la part des membres de la secte, mais aussi plus généralement de la société, la percevant désormais au travers de l’étiquette de « victime ».  Cependant, sur des plateformes comme TikTok, Instagram et Facebook, Richelle a choisi de briser ce silence. Elle confie : “Quatre ans plus tard, j’ai envie de partager mon histoire avec vous, de vous parler de mon parcours et de ce que j’ai vécu. J’ai vraiment envie d’honorer mon vécu […] et de partager ma vérité.” Ces mots traduisent une détermination profonde et un courage exceptionnel. Par ce témoignage, elle accomplit un véritable acte d’émancipation en se réappropriant son pouvoir personnel. Elle se positionne ainsi en tant qu’actrice de son propre récit, loin des stéréotypes de victime qu’on lui impose. Cette prise de parole a ainsi pu donner des échos à d’autres récits et, de fait, créer une communauté d’abonnés et un espace de solidarité numérique. Ainsi, les réseaux sociaux comme TikTok deviennent des catalyseurs puissants, où l’intime se transforme en un espace public d’expression, d’affirmation de soi et de renforcement collectif. La dualité des médias : entre dénonciation et publicité involontaire. Bien que l’objectif de cette prise de parole sur les réseaux sociaux soit de dénoncer les dérives sectaires et d’avertir le public, elle a paradoxalement pour effet de rendre la secte plus visible. Ce phénomène de publicité involontaire illustre la dualité des médias, qui, en exposant des pratiques répréhensibles, finissent parfois par en promouvoir certaines facettes. Cette visibilité gratuite profite aux sectes, qui ont pour mission de répandre leur doctrine et d’attirer de nouveaux membres. Richelle évoque même des “assemblées de propagande” au sein de la MES, où des cours étaient dispensés pour apprendre à séduire et recruter de nouveaux membres.  De plus, en raison du mystère qui les entoure, les sectes deviennent des objets de fascination. Cette curiosité est renforcée par une représentation souvent sensationnaliste dans les films et séries. The Path, diffusée sur Netflix, en est un exemple frappant, présentant le mouvement fictif Meyeriste à travers des personnages intrigants et des rituels mystérieux. La série exploite habilement l’ambiguïté morale et spirituelle du groupe, contribuant ainsi à renforcer une image séduisante, presque romantique, de la secte. Cette vision, bien que captivante, masque la réalité des dangers que ces groupes peuvent représenter. En humanisant leurs pratiques et en les présentant sous un angle dramatique, elle crée une perception erronée, où le danger réel est souvent minimisé, remplacé par un attrait malsain. Cela magnifie leur aura de mystère tout en atténuant leur véritable impact. Les défis d’une médiatisation responsable : représenter les sectes sans les promouvoir  D’un côté, il est crucial de parler des sectes et de dénoncer leurs dérives afin de mettre en garde le public, tout en permettant aux victimes de se libérer. Mais, de l’autre, cette médiatisation confère une publicité gratuite à la cause dénoncée, alimentant ainsi une fascination malsaine. Face à cette contradiction, que peut-on réellement faire ? Nous avons posé la question à Richelle, qui répond : “Je crois que ce qui est important, c’est l’éducation. Je crois [qu’on peut], sur les réseaux sociaux, prendre la peine d’éduquer les gens [sur ce qu’est une croyance limitante], l’emprise psychologique, [et ce qui] se passe dans un groupe sectaire. […] On n’attaque pas directement leurs croyances, mais on apporte des informations, des connaissances qui peuvent les faire réfléchir.” Cette approche éducative pourrait être la clé pour responsabiliser les individus, leur fournissant des outils de réflexion qui les amèneraient à remettre en question leurs croyances et à prendre du recul par rapport aux groupes sectaires. Dans cette même logique, la gestion des contenus en ligne pourrait jouer un rôle essentiel. Il est possible, par exemple, de limiter la diffusion de contenus sensationnalistes au profit de récits plus sérieux qui présentent les faits de manière neutre, sans dramatisation excessive. Les chercheurs américains Hill Hickman et McLendon ont démontré que l’utilisation de termes péjoratifs dans les articles, plutôt que des termes neutres, empêche une réflexion rationnelle et objective du public. Au contraire, ces termes entraînent souvent des réactions émotionnelles, éloignant le lecteur d’une analyse éclairée des faits. Cette analyse souligne donc la nécessité de lutter contre la représentation biaisée des sectes et de promouvoir une gestion plus rigoureuse des contenus en ligne. Entre adaptation et “présence numérique” : les stratégies de résistance des sectes en croissance D’un côté, les efforts pour lutter contre les dérives sectaires et dénoncer leurs représentations biaisées dans les médias sont constants. Mais de l’autre, de plus en plus de sectes adaptent leurs stratégies de communication pour résister à la critique et maintenir leur influence, transformant les plateformes numériques en un véritable champ de bataille idéologique. La MES, par exemple, dispose d’un site internet où elle expose sa doctrine et ses principes. Ce site s’ancre dans une stratégie de présence numérique, terme développé par la chercheuse en communication Zizi Papacharissi. Cette « présence numérique » permet aux groupes comme la MES de se défendre contre les critiques et de légitimer leurs actions. En publiant régulièrement des articles sur leurs pratiques et rituels, ils consolident leur image et se positionnent comme acteurs légitimes de leur propre récit. En réponse aux obstacles générés par la pandémie de COVID-19, la MES a aussi ajusté sa stratégie de communication pour préserver son influence. Plutôt que d’utiliser les plateformes publiques, souvent soumises à des dénonciations. Elle a privilégié des canaux plus privés tels que les appels vidéo via Zoom ou WhatsApp et l’envoi de newsletters. Ces méthodes ont permis à la secte de maintenir une relation plus intime et discrète avec de potentiels nouveaux membres, notamment en Afrique, où elle a intensifié ses efforts de recrutement. Ces échanges privés offrent un espace sécurisé pour les membres et potentielles recrues, à l’abri des critiques publiques. Ainsi, la secte procède à un déplacement d’enjeu : plutôt que de se concentrer sur les canaux de communication, elle se focalise sur le public, en ciblant des personnes en quête de sens, dans des régions plus isolées. En réalité, ce n’est pas tant pour éviter une exposition négative ou des accusations publiques que la secte recourt à ce détour, mais c’est plutôt dans le but de rester fidèle à ses priorités qu’elle agit. Ce détour met ainsi en lumière la multiplicité et la diversité des réseaux sociaux et canaux numériques qui existent et qui peuvent propager plus efficacement et massivement certaines idéologies. Le mythe de l’objectivité médiatique : viser la neutralité tout en élevant la conscience du public En somme, les médias sont traversés par une double tension : en dénonçant les dérives sectaires, ils finissent parfois par en promouvoir involontairement les intérêts. Ce paradoxe n’est pas seulement lié aux « défauts » des médias, mais à la manière dont ils représentent la réalité, influencée par nos valeurs et expériences personnelles. Comme le dit Davallon, « le sujet construit l’objet ». Si l’objectivité pure reste difficile à atteindre, il est essentiel de remettre en question nos propres biais. Concrètement, cela passe par la diversification de nos sources d’information, comme lire des journaux aux orientations politiques opposées, afin d’obtenir une vision plus complète et nuancée. En fin de compte, nous avons tous un rôle à jouer dans ce processus. Il ne suffit pas de consommer l’information passivement : chacun doit adopter une posture active, remettre en question ce qui est présenté et cultiver un esprit critique. C’est ainsi que nous pourrons construire une vision plus juste et éclairée du monde qui nous entoure. Sources :  Voir la vidéo : https://www.tiktok.com/@richelledesrosiers/video/7426756568445701382) https://croir.ulaval.ca/fiches/m/la-mission-de-lesprit-saint/ (Croire.ulaval.ca.) Hill, H., Hickman, J., & McLendon, J. (2001). Cults and Sects and Doomsday Groups, Oh My: Media Treatment of Religion on the Eve of the Millennium. Review of Religious Research, 43(1), 1-25 Zizi Papacharissi dans son ouvrage Affective Publics: Sentiment, Technology, and Politics (2015). Pour aller plus loin :  https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/3315035-20220624-netflix-pourquoi-documentaires-sectes-multiplient-comme-petits-pains? https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2019-08-21/quotidiens-de-la-responsabilite-des-lecteurs? https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/upload/docs/application/pdf/2019-06/nvelle_version_site_clemi_orme_2019_diapo_de_velopper_lesprit_critiqueavec_les_medias.pdf https://shs.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2012-6-page-467?lang=fr Nithyashri Canessane
Société

TikTok, la com’ à la mode

Quels enjeux pour cette jeune application de l’entreprise chinoise ByteDance ? En 2018, Le Monde nous parlait de la nouvelle « application pour les adolescents fans de play-back », alors que BFM TV décrivait un « Instagram musical » mêlant « karaoké et selfie », qui arrivait étonnamment à se placer comme l’application la plus téléchargée de l’année. Pourtant, en juillet 2020, c’est Emmanuel Macron qui fait son apparition sur l’application, félicitant nos bacheliers pour leur réussite dans ce contexte si particulier. Deux ans après son arrivée sur nos plateformes de téléchargement, TikTok est devenu bien plus qu’un réseau social pour partager une courte vidéo musicale : il représente une véritable opportunité pour les marques, les artistes, et les politiques, de se rendre visible sur la toile.