Publicité et marketing

Les vitrines de Noël, la dernière illusion

En cette fin d’année 2018, Paris n’était pas vraiment une fête. Les manifestations – et les destructions attenantes – des Gilets Jaunes tout au long du mois de décembre ont sans doute largement participé à construire cette atmosphère. Pourtant, les Grands Magasins ont tenu bon et créé, comme chaque année, des décors extravagants pour leurs vitrines de Noël.
L’occasion pour nous de les aborder sous l’angle des sciences de l’information et la communication, pour lesquelles ces vitrines sont des objets hybrides, difficiles à saisir, à michemin entre écrins de protection  et étalages de produits.

Société

Algorithme et Big Data, pour le meilleur ou pour le pire ?

De plus en plus d’entreprises et d’hommes politiques se dirigent vers le big data – désignant l’analyse de volumes de données (data) à traiter de plus en plus considérables et présentant un fort enjeu marketing – et la géolocalisation afin d’affiner leur stratégie commerciale ou d’affûter leurs stratagèmes politiques.
En outre, les algorithmes – équations complexes programmées pour s’effectuer automatiquement à l’aide d’un ordinateur pour répondre à un problème spécifique – connues uniquement de leurs propriétaires, régissent aujourd’hui le fonctionnement de la plupart des réseaux sociaux et sites d’information. Filtrant notre information, cloisonnant les électeurs dans des cases ou influençant nos comportements d’achat, il est temps de se pencher sur l’éthique et la transparence de ces pratiques.

Politique

Web et écologie : une communication (au mieux) absente

 
Bons citoyens éco-responsables que vous êtes, vous avez probablement tous été déjà sensibles à cette petite ritournelle qui occupe la fin de vos factures et autres relevés de comptes, vous invitant, en misant sur votre bonne conscience et sentiment de culpabilité, à demander vos factures en lignes plutôt que par papier pour réduire la consommation de CO2. Que ce transfert soit moins coûteux pour les entreprises, c’est prouvé. Moins polluant… ce n’est pas si évident.
 
Immatérialité, immatérialité chérie           
Si on doit dégager quelques spécificités propres à Internet, la plus évidente serait sans doute la masse de fantasmes, métaphores, mythes qui l’enveloppent et nourrissent nos imaginaires. Et l’un des plus forts est cette notion d’immatérialité. Notion qui, avouons le, par sa seule évocation, mobilise en nous une sorte de crainte, au sens religieux du terme, mêlée d’une douce rêverie de science fiction. Or, on le sait, toucher notre inconscient et nos émotions est la recette d’une communication réussie. Le concept d’« immatérialité », un peu comme celui de « transparence », vaut de l’or.
Mais qu’en est-il réellement ? Bien sur que non, Internet n’est pas dématérialisé. On y accède par un support, quel qu’il soit. S’il faut se connecter, l’utilisateur a également besoin d’un objet assurant la transmission du réseau, qui lui même est amené par d’autres infrastructures… Quant au transfert et au stockage d’information, il est assuré par la présence des serveurs, et je vous invite à jeter un œil sur ceux de Google, assez impressionnants.

Tout cela relève de l’évidence. Mais c’est pourtant dessus que se joue toute la communication des diverses entreprises, qui ont , elles, plutôt intégré les valeurs économiques qu’écologiques de cette « révolution numérique ».
 
Quels enjeux pour le développement durable ?
Brosser un portrait complet de la multitude d’enjeux que sous tend ce changement serait hélas trop long, complexe et confus pour tenir dans un seul article. Mais l’on peut tout de même mettre en exergue quelques points clefs qui seront sans nul doute au cœur des réflexions très bientôt.
On peut d’abord songer au e-commerce, souvent encensé pour ses vertus écologiques : il serait moins polluant de commander un livre plutôt que d’aller l’acheter en magasin. En fait, il est quasiment impossible de faire un tel calcul, car il faut prendre en compte une multitude de facteurs : à quelle distance est le magasin ? Comment s’y rend-on ? Si l’on achète un livre sur Internet, d’où vient-il ? Ou se fait-on livrer ? Un article de Slate détaille ces questions, et, contre les idées reçues, conclut que, pour le moment, on ne sait pas grand chose.
Se pose ensuite la question, très vaste, des objets technologiques, avec au cœur le problème de l’obsolescence programmée (techniques permettant de réduire la longévité des appareils afin que les utilisateurs s’en rachètent), ainsi que l’habitude de renouveler ses téléphones par exemple, beaucoup trop souvent (tous les 2 ans en France) alors que les métaux les composants, en plus d’être de plus en plus rares, sont extrêmement nocifs (cf l’article du Courier International :  « Un poison radioactif dans nos smartphones ») Place de la toile a récemment consacré une émission à la question de l’écologie, « Les faces cachés de l’immatérialité », référence au livre Impacts écologiques des Technologies de l’Information et de la Communication du groupe EcoInfo, où elle aborde cette question, mais aussi la plus importante certainement : celle des TIC. Il est vrai que l’usage intensif des mails est de plus en plus critiqué. Mais rarement d’un point de vue écologique. Or, un mail de plus d’1Mo a un impact de 19 grammes de CO2, et 247 milliards de mails sont envoyés par jour. Quant aux recherches, « deux requêtes sur Google généreraient 14g d’émission de carbone, soit quasiment l’empreinte d’une bouilloire électrique (15g) » selon Le Monde.
Bien sur, il ne faut pas être trop alarmiste, et voir que le web permet aussi de réduire certains coûts environnementaux, ne serait-ce qu’en propulsant des pratiques telles que le covoiturage ou les téléconférences par exemple. Mais rien ne peut expliquer cette absence quasi totale de vraie communication, assez étrange d’un point de vue économique, quand l’écologie est partout ailleurs (même dans le secteur textile, comme l’avait montré Clémentine Malgras jeudi dernier) utilisée comme un argument de vente, mais aussi d’un point de vue éthique quand on pense qu’en France, les marques ont pour obligation de nous dire qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour et que le tabac et l’alcool sont dangereux. Et cette absence se fait sentir : selon Ipsos (2011), 45% des Français sont écolo-sceptiques, soit… 15% de plus qu’en 2008.
 
Virginie Béjot
 
Pour aller plus loin :
Le documentaire et dossier du Vinvinteur : Web et développement durable
Le compte rendu de L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie)
Photo : espaces de stockage d’Amazon, crédits : Slate.fr

Politique

La guerre de la communication

 
« Une guerre sans image », voilà l’expression employée ces derniers temps pour décrire la communication du conflit malien. On l’entend se répéter comme un cliché journalistique, ses occurrences nous submergent, elles envahissent nos écrans ainsi que nos oreilles.
Nous avons été mitraillés par cette expression au cours des offensives maliennes, et son usage s’étend jusqu’à la plupart des guerres : celle d’Afghanistan, celle d’Irak, jusqu’à la première guerre du Golf, en passant bien sûr par tous les génocides africains et est-européens.
La conclusion se dessine : nous ne voyons rien ! Cette formule est donc, par là même, un reproche adressé par certains reporters à l’armée française. Nous voulons voir ! Un peu plus la vérité du scandale de la guerre, nous voulons voir le déclin, la mort, la ferveur, les batailles, les vainqueurs et surtout les perdants. Nous voulons voir  mais surtout savoir si on ne nous cache pas certaines choses, glorieuse ou non.
L’armée ne l’entend pas de cette oreille. Est-elle pour autant sourde ?
En effet, la présence des journalistes dans les régions concernées est restée difficilement acceptable d’un point de vue stratégique. Pourtant cette guerre s’inscrit aussi bien militairement que médiatiquement, mais la communication entre les deux partis semble souvent difficile. Ils n’ont pas les mêmes visées, les mêmes attentes, et ces différences ne sont-elles pas d’ailleurs, à l’origine même des tensions qui les traversent ?
Un dialogue compliqué entre « La Grande muette » et le déballage médiatique
L’armée et les médias ont des stratégies de communication différentes et l’Histoire fait souvent d’eux des adversaires plus que des grands alliés.
La communication journalistique est à la recherche de l’information nouvelle : sur l’avancée ou non, du conflit, à l’affût des chiffres, ceux du nombre de morts, de blessés… Elle établit principalement une communication vers l’arrière, vers tous ceux qui ne sont pas sur le terrain.
Transparente, elle veut rendre visible aux yeux des informés un combat et pour cela, elle a besoin d’images, de documents audios, de témoignages qui soient vérifiés, vérifiables au moins.
Elle cherche à se démarquer des autres médias par son analyse, son originalité, son scoop, elle veut créer de l’audience, intéresser, polémiquer. Sa communication dépend alors aussi de la ligne éditoriale, à savoir ce qui prime dans le média, entre actualités des faits, réécriture, point de vue ou synthèse. Mais malgré cette nuance, le point commun est le suivant : les reporters ne sont pas là pour écrire des billets doux à l’armée française, et ils ne louperont pas ses éventuels dérapages. Heureusement, tel est aussi le devoir de véracité et de régulation journalistique.
Il n’est donc pas toujours à l’avantage de l’armée d’être en relation, sur le terrain, avec des colporteurs qui ne s’interdiront pas de transmettre la moindre erreur, le moindre faux pas. Le risque d’erreur militaire ayant des conséquences souvent plus dommageables. Et c’est souvent à son insu, que l’armée est rendu médiatique.
Les journaux omnivores, cannibales, ne font parfois qu’une bouchée de ce qui la concerne, et l’affaire Petraeus, dans un tout autre contexte, en est quand même bien l’exemple. L’Express s’intéressait aussi à l’état de l’armée française, à son retard, sa vulnérabilité, titrant à propos du conflit malien :« La France a t-elle les moyens ? ».
Pourtant, la communication externe de l’armée française se veut discrète. D’ailleurs, qui sait le nom du ministre français de la Défense ? Mais à la manière d’une entreprise, il lui est utile de jouer sur ses atouts vis-à-vis de l’opinion publique notamment par la publication quotidienne de communiqués, mais aussi vis-à-vis de son processus de recrutement. Et on se souvient des campagnes publicitaires attractives pour l’armée de Terre telle que « Devenezvousmeme.com ».
Mais l’armée se base essentiellement sur sa communication interne, qui, fine, rapide et efficace, passe par des dispositifs techniques pointus. Sans interruption, elle est en contact avec les missions sur le territoire nationale et à l’étranger, les différents bataillons, les différents commandements. Alors quand les journalistes sont tournés vers l’arrière, l’armée elle, est surtout axée vers le front.
Mais les reporters ont aussi besoin de s’approcher du conflit pour mieux le comprendre et le faire comprendre.
Le journalisme embarqué : une réconciliation possible ?
Quand on parle de journalisme embarqué, on met en évidence plus fortement encore que la guerre est le lieu de prédilection de l’armée, pas celui des journalistes. On les relègue à un rôle secondaire, un rôle qu’ils n’apprécient pas forcément, celui où il sont sous influence, sous contrôle.
La communication de la guerre du Vietnam avait déjà mis au jour les problèmes d’un fonctionnement où les acteurs possèdent des rapports de forces asymétriques, et où le pouvoir médiatique est sous le joug de manipulations, telles que la propagande ou la désinformation.
Le journalisme embarqué est donc limité et les journalistes eux-mêmes adressent leurs critiques à cette méthode.
Mais on ne peut certainement pas se restreindre au journalisme de bureau pour couvrir un conflit. Car couvrir une guerre, c’est couvrir non seulement les faits mais aussi sa population, la vie présente et celle qui disparaît. Le terme même de « couvrir », renvoie au champ de la protection, celle des personnes, comme celle des informations. Couvrir c’est aussi et alors répandre, voiler, mais surtout mettre le voile sur certains aspects pour mieux en dévoiler d’autres. Et c’est pour cela que la guerre doit avoir des images, car la logique du reportage se place dans un paradigme où voir c’est agir, ou faire voir c’est faire agir, par le seul fait déjà d’en prendre conscience.
Un journalisme moins embarqué, plus réfléchi n’est pas une solution négligeable dans ce dialogue compliqué, et il prend déjà place. Mais tous ne peuvent pas suivre les militaires sur le champ des opérations, nous faisons alors confiance aux journalistes pour utiliser leur réseau de contacts développant un dialogue si ce n’est plus complice, moins encadré.
Pourtant la réconciliation parfaite des deux partis semble utopique, chacun joue son rôle communicationnel, défendant ses intérêts propres. L’armée est plus tournée vers sa communication interne alors que les journalistes investissent une sphère plus externe. Et finalement à l’image de la démocratie et au détriment d’une cité idéale, s’ils ne s’entendent pas toujours, n’est-ce pas le signe de la vigueur de leur pouvoir ainsi que celui de leur auto-régulation ?
Mais tout ne les divise pas, ils possèdent certains points communs. En effet, ces deux acteurs du conflit véhiculent une double image : l’armée et les reporters représentent à la fois un symbole salvateur, les uns sauvant des vies, protègeant, les autres apportant une visibilité à des peuples oppressés et à des combats. Et un symbole carnassier, d’un côté les forces spéciales, les tueurs dont on ignore les dérives, et de l’autre ceux qui livrent en pâture médiatiquement, les sans scrupule.  Ils sont par là même, à la fois objets et sujets des théories du soupçon,  ou de celles du complot.
Et ce débat sur la guerre de la communication est aussi éthique, il se calque sur la meilleure façon d’agir en situation de crise. Alors un troisième acteur entre en scène, le public. Les spectateurs doivent-ils tout voir ? Sont-ils déjà spectateurs s’ils savent la trame d’un spectacle ? Nécessitent-ils toute cette imagerie de guerre ? Soyons réaliste : The show must go on !
 
Maxence Tauril
Sources :
FranceCulture.fr
L’Express, « Guerre au Mali : La france a t-elle les moyens ? », n°3212, paru 23 janvier
Crédits photos : © Fred Dufour/AFP (1), Défense Française (2) (3), L’Express (4)