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Fake News et people, au service des Midterms ?

Fake news et liberté d’expression : du monopole de la vérité au règne du mensonge ? Si les députés de la République En Marche ont déposé fin mars 2018 une proposition de loi relative à la lutte contre les fakes news – loi défendue par l’ancienne Ministre de la culture Françoise Nyssen – les Etats-Unis quant à eux réfutent toute loi sur le sujet. En effet, une telle proposition reviendrait à contredire le 1er Amendement de leur Constitution qui repose sur la liberté d’expression. Ainsi, un Américain peut s’exprimer librement et partager des informations que celles-ci soient vraies ou fausses, malgré une incapacité croissante de discernement.
Midterms 2018 : les réseaux sociaux prêts à lutter contre la désinformation. Mais comment finissent-ils par utiliser le phénomène fake news pour inciter au vote ?



Alors que Twitter avait affirmé au New York Times être prêt à lutter contre la désinformation et avoir supprimé des milliers de comptes suspects, la version américaine du ELLE Magazine, suivie par 6,8 millions de lecteurs, a publié ce 18 octobre un tweet : « Kim Kardashian et Kanye se séparent 😱💔 » suivi d’un lien renvoyant au site d’une organisation à but non lucratif : When we all vote – organisation dont font partie Michelle Obama, Tom Hanks ou encore Faith Hill. Son but : lancer une conversation sur les droits et responsabilités des citoyens dans la construction de la démocratie. Sur cette page, la rédaction ELLE s’adresse à ses lectrices : « (…) Peu importe votre parti ou votre État, il est plus essentiel que jamais de faire entendre votre voix. ». Incitation au vote et partant d’une bonne intention de la part d’une rédaction « engagée » ? Peut-être. Néanmoins, ce tweet annonçant une fake news, permettant ainsi de le rendre viral : celle de la séparation de Kim Kardashian et Kanye West (don’t panic, le couple le plus « influent » n’est définitivement pas près de quitter la sphère médiatique) – ne fait que reprendre la stratégie usée par un Tim Cigelske qui avait alors annoncé une fausse rupture d’Ariana Grande et Pete Davidson. Alors que son tweet a été aimé 71 000 fois et retweeté plus de 45 000 fois, la rédaction ELLE est accusée d’un manque d’imagination et son tweet de bad buzz.

Après le flop médiatique, ELLE s’excuse

Énoncer volontairement une fake news et engendrer un tel bad buzz n’étaient apparemment pas la meilleure recette pour inciter les lectrices de ELLE à aller s’inscrire sur les listes électorales puis voter. De plus, cette fausse information s’est accompagnée d’un texte jugé sexiste par les internautes : « Jusqu’à présent, dans les primaires, les femmes ont battu des candidats en exercice, ont créé des compétitions historiques, tout en redéfinissant la signification de ce qu’est être une femme en politique ». Ce bad buzz a créé une polémique sur les réseaux sociaux : la Femme ELLE est-elle consciente de l’importance de son vote dans le climat politique qui règne aux Etats-Unis actuellement ? La Femme Elle a-t-elle besoin de « l’appât » Kim Kardashian pour s’inscrire sur les listes ? Le magazine a alors dû s’excuser publiquement : « Nous avons fait une mauvaise blague. Notre passion pour l’inscription a altéré notre jugement et nous en sommes sincèrement désolés ». Cependant, si la diffusion de fake news ne cesse accroître la défiance envers les médias, comment comprendre l’effervescence médiatique qu’a suscité le tweet de Tim Cigelske, cet Américain inconnu aux yeux du grand public ?

L’appât Kardashian-West : marqueur d’un désintérêt politique ?
La viralité du phénomène « Kim Kardashian » aux Etats-Unis est aujourd’hui impressionnante. Plus qu’un leader d’opinion, elle forme avec Kanye West un couple d’influence, (du latin influere qui signifie « produire un flux puissant alors capable d’agir sur les autres à distance »). Néanmoins, les Kardashian sont-ils réellement le reflet de la société américaine ? D’une simple famille, ils sont devenus un véritable phénomène sociologique et le choix de la séparation du couple Kardashian-West ne peut être anodin. Quelle est l’utilité sociale de ce couple dans ce choix fait par ELLE ? Héros de la révolution numérique maîtrisant à la perfection les mots, les images et le flux médiatique, annoncer cette fake news était un moyen d’inciter un certain type de population à aller voter plus que l’ensemble de la population américaine.
Figure de référence et d’influence pour ceux que l’on pourrait nommer les « Millennials », ces derniers, bien qu’ultra-connectés et jeunes, ne savent majoritairement pas comment procéder pour voter. C’est ce que démontre le site internet voteplz.org. Son objectif : lutter contre la faible participation des jeunes au processus électoral en les accompagnant, de l’inscription à la localisation du bureau de vote. Peut-être était-ce aussi la visée de la rédaction du ELLE ? En effet, la moitié des Millennials seraient inscrits sur ces listes, mais seuls 40% d’entre eux se rendraient aux urnes alors que le taux de participation atteint 70% pour les plus de 50 ans selon le Pew Research Center. Ce 6 novembre 2018, l’ensemble des membres de la famille ont d’ailleurs invité leur communauté à aller voter. Kim Kardashian a alors posté sur Instagram une photo de son fils Saint, accompagnée de la caption : « voted today for my baby right here and his future !!! » qui a atteint les 2,6 millions de likes. Plus qu’un marqueur d’un certain désintérêt politique par la population jeune, le couple Kardashian-West et plus largement l’empire Kardashian tendent à représenter une grande partie de la population américaine qu’ils influencent.

Tess Maksimovic-Jimenez
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