Société

Le vintage-revival a enterré Kodak. Définitivement.

 
Kodak a annoncé le 22 décembre la vente de tous les brevets accumulés au cours de ses 131 ans d’existence. S’envole avec Kodak les débuts de la photographie amateur, les souvenirs de l’argentique, le plaisir de l’attente du cliché, le symbole de toute une génération. Pourtant la photo est loin d’être morte, et la photo vintage vit même son heure de gloire. La mode, qui a commencé avec le rush sur la lomographie, s’est poursuivie avec Instagram qui propose de vous faire revivre le caractère d’une photo à peine sortie de votre polaroid.
Nous semblons désormais être rentrés dans le règne sans partage du numérique sur le vintage mais avec tout de même cette étrange volonté de retrouver l’imperfection au travers de clichés saturés, flous et beaucoup trop contrastés. Alors que la science s’évertue à créer le capteur numérique parfait, le traitement d’image le plus fidèle à la réalité, l’utilisateur vient détruire ces clichés en les assaisonnant de telle sorte qu’ils deviennent les tristes témoins d’une photographique analogique aujourd’hui disparue. Le photographe actuel, est aussi créateur de l’imperfection, du bruit, et de la faiblesse technique de la photographie. Un tel grand-écart entre la recherche de la perfection photographique à coup de mégapixels et de sensibilité ISO et cette mode du vintage, souligne bien la recherche de l’émotion dans la photographie, dans le souvenir. L’aspect pratique vient comme adjuvant à la photographie, et non plus comme une motivation du cliché. Ersatz vulgaire d’une technologie passée qui ne recherchait pas la perfection, Instagram s’est révélé être une interface sociale du souvenir en lui apportant, l’émotion vintage du vécu.
Instamatic vs. Instagram.
Instagram devient donc un faire-valoir social qui illustre la capacité d’un individu à vouloir prouver l’authenticité de ses souvenirs, la puissance des instants passés et son souhait de les diffuser sur les réseaux sociaux. Alors que l’on passe de l’Instamatic de Kodak à l’Instagram, on développe la nécessité de partager son existence, ses moments de vie et d’émotion avec les autres. L’album photo thésaurisé se transforme alors en un flux direct d’une succession d’instants non-plus destinés à soi-même, mais à la multitude. Faussaire d’émotion et de vintage, Instagram s’impose donc aussi comme un objet puissant capable de combler les trois derniers étages de la pyramide des besoins de Maslow : reconnaissance par le groupe social, estime et réalisation de soi.
Le temps d’un instant.
Instagram s’est aussi imposé comme une double négation paradoxale du progrès et des « charges » qui s’imposent à celui qui recherche vraiment l’absolu dans la photographie. Faux puristes, les utilisateurs d’Instagram se sont libérés du temps de la photographie, de l’attente qui s’imposait à celui qui devait acheter la pellicule, la charger, prendre les 36 poses puis enfin attendre le développement. À présent, le message de la photographie n’est plus perturbé par le temps. Laswell nous montre que le message se caractérise principalement par l’impact sur le récepteur. Dans le cas d’Instagram, la vitesse de partage entre l’instant de la prise de vue et la diffusion est quasiment instantanée, ce qui renforce la notion de prise directe de l’information qui devient incontestable. L’utilisateur impose souvent son flux de photographie comme symbole d’une vie riche et remplie. Sommes-nous en train de faire dériver les média sociaux vers un monopole propagandiste de l’image au profit de la parole ?
La photographie argentique est indissociable de ces différents temps d’attente, de ces efforts qui amèneront au souvenir matériel d’un instant précis. Le rejet de la perfection est une part essentielle de la photographie amateur, car elle souligne les conditions de la prise de vue. Une plage trop ensoleillée conduisait à des clichés surexposés tandis que les photos de nuit prises avec l’aide d’un flash étaient souvent blanchies par la dure lumière. Ces problèmes techniques donnaient vie à la photo, en replaçant le contexte du cliché. Tout cela semble avoir disparu aujourd’hui. L’infra-ordinaire est omniprésent dans le travail photographique car le support, le matériel, les erreurs et réussites de prise de vue, conditionnent bon nombre d’informations qui font vivre le cliché au delà de la scène représentée. Que choisiriez-vous ? Une pellicule de 36 photos ayant toute une vie, une atmosphère, des ratés et des réussites non-escomptées ou une carte SD remplie de 8 Gb de photos parfaites ?
Clic-clac-fric ?
Cette question, les 80 millions d’utilisateurs d’instagram ne se la sont pas posée car l’application semble vouloir nous faire croire qu’elle a réussi à combler toutes les attentes artistiques et pratiques de la photographie amateur. Cependant, le scandale de la modification des CGU, Conditions Générales d’Utilisation, survenu le 19 décembre dernier a fait énormément jaser la sphère internet. Instagram s’est en effet donné le droit de monétiser les clichés des utilisateurs et de les vendre. Même après un rapide retour en arrière de la part de la société américaine, le scandale reste entier et pose la question de la propriété créatrice en photographie. Un tel choix d’Instagram semble s’inscrire parfaitement dans le fonctionnement de l’application : l’utilisateur se contente d’appuyer sur le déclencheur tandis que l’application va retravailler le cliché, le cadrer, resserrer les contrastes, appliquer le calque nécessaire qui permettra de créer à nouveau l’image. Le logiciel classe aussi le cliché, le thésaurise en le stockant en ligne et en le partageant. L’action de l’utilisateur est devenue faible par rapport au lourd traitement du logiciel. La balance du « qui a fait quoi ? » penche ici, du coté des ingénieurs d’Instagram qui semblent être les vrais créateurs de l’esprit de ces photographies retouchées.
Une photo en ligne appartient-elle toujours à celui qui a déclenché l’obturateur ? Le papier est-il plus durable que le Cloud ? Sommes-nous désormais de simples contributeurs d’une culture photographique mondiale et remasterisée sur des standards invariables ?
 
Emmanuel de Watrigant
Nous vous donnons rendez-vous demain dans la rubrique Flops à l’appui où Khady So reviendra en détail sur la polémique Instagram.

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Société

Keep calm and read this article

 
Vous avez forcément vu cette phrase un jour, sur un mug ou une photo de profil Facebook. Que ce soit l’original « Keep calm and carry on » ou un dérivé comme « Keep calm and eat chocolate »…
Keep calm and learn history
Et oui, même une affiche a une histoire, et celle-ci est plutôt insolite… Car il faut le rappeler, même si cette phrase fait actuellement fureur dans le monde, c’est du talent anglais dont nous parlons.
C’est en 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale que le gouvernement britannique crée une affiche destinée à relever le moral de l’opinion publique du pays en cas d’invasion. « Keep calm and carry on », ou comment générer un buzz 70 ans après, à partir du pire scénario possible !
Néanmoins, seulement quelques exemplaires furent distribués, contrairement à ses consœurs de la même série, les fameuses « Your Courage, Your Cheerfulness, Your Resolution Will Bring Us Victory » (Votre courage, votre gaieté, votre résolution nous apporteront la victoire) et « Freedom Is In Peril, Defend It With All Your Might » (La liberté est en péril, défendez-la de toutes vos forces) qui furent diffusées massivement à travers le pays pour remotiver la population.
Si le concepteur de l’affiche reste anonyme, c’est bien le Ministère de l’Information qui est à l’origine du slogan… De quoi en prendre de la graine sur le plan communicationnel !
Cependant, cette affiche est restée inconnue durant toutes ces années… Jusqu’à aujourd’hui !
Keep calm and create a slogan
Il faudra attendre les années 2000 pour redécouvrir cette petite merveille au fond d’une boîte de livres achetée aux enchères par Stuart et Mary Manley, le couple propriétaire d’une libraire d’occasion du Northumberland, Barter Books.
C’est la naissance du Keep calm and carry on : ils encadrent l’affiche dans leur boutique et… Ce fut un succès puisque de très nombreuses copies furent commandées ! Car il faut le savoir, le Crown Copyright (©) sur les œuvres artistiques créées par le gouvernement britannique expire après 50 ans : l’image appartenait donc au domaine public !
Le buzz prend forme : la phrase est sur des vêtements, des tasses et autres objets dérivés, tel qu’un livre de citations de motivation. Et ça continue ! Des entreprises privées de différents pays réimpriment ce slogan à la mode ; la phrase devient la devise officieuse des infirmières britanniques, affichant cette dernière dans les salles de garde du personnel des hôpitaux, et elle apparaît même sur les murs de lieux aussi surprenants que l’unité de la stratégie du Premier ministre au 10 Downing Street, le bureau de Lord Chamberlain à Buckingham Palace ou encore l’ambassade américaine en Belgique.
Face à cet engouement, les détournements humoristiques ont commencé, avec notamment la couronne à l’envers et la mention « Now Panic and Freak Out » (Maintenant paniquez et flippez) ! Mais ce n’était que le début…
Keep calm and buzz on
Ainsi, c’est en 2012 que le buzz explose avec des parodies toutes plus originales les unes que les autres – et parfois même un peu tirées par les cheveux, on peut le dire !
Dans The Economist, un article explique la popularité de l’affiche en l’associant à l’idée qu’elle « exploite directement l’image mythique que le pays a de lui-même : courageux sans prétention, juste un peu guindé, buvant du thé pendant que les bombes tombent ».
Néanmoins, la résonance puissante de ce slogan à travers le monde réside bien dans ce contexte de crise globale qui lui a réellement donné une nouvelle vie et de la pertinence. Les commandes d’entreprises financières américaines et d’agences de publicité illustrent tout à fait cette appropriation du « Keep calm and carry on » devenu plus qu’une simple affiche : c’est une devise, un art de vivre, dans lequel chacun peut se retrouver.
Cependant, si des personnalités telles que Mark Coop, en ont fait un véritable produit de consommation – voir son site – il ne faut pas fermer les yeux sur la dimension incitative (à la consommation bien sûr !) des innombrables parodies : Keep calm and buy shoes ou encore Keep calm and go shopping…
Et ça marche ! Le marché en ligne Etsy par exemple, propose plus de 10 000 articles différents autour du slogan. Encore mieux, vous pouvez désormais créer votre propre « Keep calm and » ce que vous voulez, grâce au Keep Calm-o-matic !
La logique fonctionne, parce que ces petites phrases titillent nos envies de tous les jours et font référence aux mèmes de la culture populaire, du mariage royal à Batman, en passant par le jeu vidéo Mario ou encore Justin Bieber !
L’affiche et ses détournements sont dans tous les médias : même si le texte, l’icône, les couleurs ou la police sont modifiés, l’impact reste le même dans l’imaginaire collectif. Il s’est formé un véritable mouvement de rassemblement autour de cette nouvelle maxime, comme avec le groupe Flickr par exemple, qui présente de nombreuses variations sur le design.
A la fois symbole de la lutte contre la crise mais aussi conseil pour garder notre calme et tenir bon dans la vie quotidienne, le « Keep calm and carry on » semble symboliser le XXIème siècle, tant sur le plan idéologique que publicitaire.
 
Laura Lalvée
Le site officiel…
Quelques exemples de parodies…
Sources
New York Times
The Gardian
The Independant
BBC

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Société

La fin du monde, décembre 2012

 
L’Apocalypse attendue pour le 21 décembre 2012
« La menace extraterrestre (…) est réelle et actuelle. Je maintiens que des communications ont bien eu lieu entre les deux groupes belligérants extraterrestres en présence de moi « . Aussi Jean-Pierre Delord, maire du désormais célèbre village de Bugarach, se voit-il submergé de lettres de ce type concernant la fin du monde présumée. D’après les rumeurs, le pic de ce petit bourg de l’Aude serait épargné par l’Apocalypse du fait de ses pôles magnétiques inversés. Face à cette notoriété soudaine et à l’afflux de visiteurs, l’accès au village a été interdit. En attendant, l’annonce de la fin du monde a fait grimper en flèche les ventes de vin à Bugarach. Des vignerons indépendants ont eu la bonne idée de créer des cuvées spéciales « Fin du monde », et leurs bouteilles ont connu un succès foudroyant. C’est notamment le cas de Jean Pla, négociant en vin à proximité du village. Il a su jouer avec les légendes locales, qui racontent que le pic de Bugarach serait le lieu de rendez-vous privilégié des extraterrestres, et a lancé « La Cuvée du Rescapé » le 22 décembre.
Les personnes qui croient et se préparent à l’Apocalypse sont appelés les « survivalistes ». Elles apprennent généralement des techniques de survie, construisent des abris et stockent de la nourriture en prévention d’une hypothétique catastrophe mondiale. Néanmoins, si les survivalistes qui se préparent à la fin du monde ont mauvaise presse et se voient qualifiés d’ « illuminés », la plupart se contentent d’anticiper des aléas plus quotidiens de la vie, tels que la perte d’un emploi ou une catastrophe naturelle. Leur but est davantage d’acquérir une autonomie afin de ne pas dépendre de l’Etat en cas de pépin. Avec l’annonce de la fin du monde, de nombreux sites de survie ont connu une hausse de fréquentation (voir par exemple Survivre.com ou encore Survivalisme-et-Survivaliste.fr).
La fin du monde, une opportunité marketing
L’annonce de la fin du monde constitue une opportunité marketing de choix, et les marques l’ont bien compris. Différentes stratégies sont mises en œuvre, majoritairement fondées sur l’opportunisme : il s’agit de jouer avec les peurs et les émotions collectives pour accroître la notoriété de marques ou de produits. C’est ce qu’explique Thomas Jamet, président de Moxie (du groupe Publicis) :  » L’émotion est un excellent stimulus pour générer une hausse des intentions d’achat ou augmenter l’affinité envers la marque. Le digital permet de vivre cela de manière plus intense. On est dans le pur « storytelling », dans la pure émotion. »
A ce sujet, il peut être intéressant d’analyser quelques exemples de campagnes publicitaires.
Le marketing de destination
Le Mexique a lancé une campagne axée sur la fin du monde afin d’attirer les touristes dans ce berceau de la civilisation Maya. A cette occasion, le site Mundo Maya 2012 a été créé afin de promouvoir des destinations Mayas, avec un compte à rebours du temps restant avant l’Apocalypse. Le pays attend donc environ 52 millions de visiteurs.
Protéger ses proches
De nombreux slogans du type « Protéger sa famille avec un abri atomique, c’est possible » prolifèrent sur internet. Sur ce thème de refuge pour survivalistes, le fort de Schœnenbourg, situé en Alsace, s’est offert un coup marketing de taille. Il s’agit d’un fort comportant des caractéristiques exceptionnelles : trois kilomètres de galeries, une série d’appartements permettant de vivre à plus de 500 à trente mètres sous terre dans un air filtré, un abri antiatomique. Autant d’atouts qui en feraient un refuge idéal en cas d’Apocalypse. Accessible tout au long de l’année, le fort a ouvert ses portes la nuit du 20 au 21 décembre, créant à cette occasion un formidable coup de pub et attirant un grand nombre de visiteurs.
Une fois les proches réfugiés en lieu sûr, il s’agirait de penser à la suite. C’est ce que propose l’entreprise Costco, qui offre toute une gamme de produits pour survivre à la fin du monde, comme une étagère pouvant contenir 6 mois de nourriture en conserve ou encore des denrées suffisantes pour un an de survie.
Dans la même veine, l’agence mexicaine Menosunocerouno a créé un kit de survie pour la fin du monde. Il s’agit d’un produit qui n’est pas mis en vente, mais qui sert à promouvoir l’image de l’agence auprès des clients et de faire une démonstration de sa créativité, avec des slogans humoristiques tels que : « The perfect gift for friends and clients (only the ones we want to keep). »
Les canulars
Les éditions Edilivre se proposent d’éditer et protéger vos mémoires en cas d’Apocalypse avec la formule « Fin du monde ». Pour la modique somme de 6000 euros, le client peut choisir les packs « Immortalité » ou « Eternité » afin d’écrire et mettre à l’abri ses mémoires dans un bunker. Un canular qui a malgré tout piégé quelques 10 000 personnes, ces dernières ayant essayé d’acheter les packs proposés..!
La marque LDLC, spécialisée dans la revente de matériel informatique, a quant à elle lancé une opération humoristique sur son site. Elle propose de vendre des places limitées pour un bunker, vantant la résistance de la forteresse et « l’accueil chaleureux ».

Mais lorsque l’internaute clique sur la réservation, il tombe sur cette page :

La méthode semble fonctionner puisque le nombre de visites en ligne pour la marque a augmenté de 25%.
C’est la fin du monde, profitons-en !
Les marques exploitent largement la thématique de l’hédonisme fataliste dans leur communication. C’est notamment le cas de Pepsi ou encore de Shock Top, qui invitent à jouir de la vie tant qu’il en est encore temps.

Le créatif Daniel James Evans a conçu une campagne publicitaire pour les préservatifs Durex axée sur la fin du monde. La campagne est largement diffusée sur internet et louée pour son originalité.
La marque Axe quant à elle propose une vision de l’Apocalypse fidèle aux valeurs de la marque à travers un film publicitaire qui promeut une édition 2012 « spéciale fin du monde ». On y voit un homme fabriquant une arche de Noé, destinée à accueillir des centaines de femmes attirées par l’odeur du déodorant Axe.
La faim du monde
 
Alors que de nombreuses marques détournent avec humour le thème de l’Apocalypse, des organisations humanitaires invitent à se préoccuper de la faim dans le monde qui constitue, elle, une menace réelle. Elles lancent des appels aux dons, avec par exemple la campagne de l’Aide médicale internationale, qui rappelle que plus de 870 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde.

 
Clara de Sorbay
Sources :
L’Express
Slideshare.net
Adviso.ca
La Tribune
Blog Préparation Québec

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Publicité et marketing

Jacques a dit qu'il n'avait plus honte de mettre de la crème Nivea

 
Virales, humoristiques, apportant du « capital sympathie », véritables outils de brand content, les web-séries de marques se multiplient sur la toile et semblent désormais indispensables pour les marques qui souhaitent moderniser leur image et séduire un public plus jeune.
D’après une enquête Yahoo de février 2012, près de 80% des internautes interrogés déclarent apprécier qu’une marque propose du contenu. La web-série devient ainsi un vrai enjeu à la fois marketing et d’image pour les marques. Mais, face à cette abondance de choix, toute la difficulté est justement de réussir à se dé-marquer et à ne pas tomber à côté, au risque du bad buzz.
En proposant depuis le 7 décembre une expérience digitale interactive sur le site www.reveillealex.com , Nivea s’empare de cette tendance pour promouvoir sa gamme de produits de beauté pour homme.
Eugénie PIENS, Chef de Marque Senior Nivea For Men décrit ainsi la mission que s’est donnée la marque avec cette campagne digitale : « démocratiser l’hygiène et le soin parmi les hommes en mettant dans les mains de tous les hommes, chaque matin, des solutions de toilette et de soins simples et efficaces qui leur permettent d’être parfaitement prêts pour affronter toutes les situations. NIVEA FOR MEN a choisi l’humour et la proximité pour dédramatiser une catégorie souvent vue comme « tabou » par les hommes. »
Cette web-série cherche donc à déconstruire par tous les moyens l’image que l’on pourrait se faire d’un homme qui utilise des produits de beauté. Mission réussie ? Voyons voir.
En allant sur le site www.reveillealex.com, nous nous retrouvons face à Alex, le héros de la web-série, en train de ronfler profondément, et sommes invités à le réveiller. Suivant l’heure qu’il est, une situation différente nous sera proposée, avec la possibilité ensuite de regarder les autres épisodes.
La première chose à noter est que l’espace de la salle de bains est intelligemment désinvesti, car trop emblématique des soins de beauté féminins. L’action se déroule ainsi dans l’espace de la chambre et plus précisément du lit, au moment qui précède l’utilisation des soins, c’est-à-dire celui du réveil (plutôt difficile) ! Simple mais efficace pour mettre en valeur le côté « vitalité » des produits Nivea for Men, et s’inscrire discrètement une place dans le rituel du matin.
Le personnage mis en scène est un jeune adulte, tout ce qu’il y a de plus commun, un peu négligé, un peu looser sur les bords, qui rappelle le personnage emblématique de la série Bref.
Au niveau de l’environnement de la pièce, c’est encore une fois assez négligé : chambre en désordre, boites de pizza qui trainent… Nivea joue à fond sur les clichés masculins, et ça fonctionne.
Le héros se retrouve dans des situations loufoques et drôles, mais qui balayent un éventail de situations du quotidien dans lesquelles beaucoup de 20-30 ans peuvent se retrouver : problèmes avec le propriétaire ou le banquier, voisin bizarre, colocataire un peu trop collant, tentatives de drague en soirée…  La série mise aussi sur des références qui parlent à cette cible de jeunes adultes, avec par exemple un double-épisode directement inspiré de Dexter mais qui en propose une adaptation décalée et humoristique, puisque cette fois-ci c’est le voisin qui cherche à tuer le héros car il ne trie pas ses poubelles !
Les produits Nivea for Men, quant à eux, sont présentés en bas de la fenêtre, mais pas directement visibles dans les épisodes. L’objectif est donc d’abord de créer de la proximité avec l’internaute et non de lui imposer à tout prix les produits (ce qui serait certainement peu apprécié). Cette recherche de proximité se voit également dans la stratégie de communication qui est mise en œuvre autour de cette campagne digitale. Elle repose sur de nombreux articles sponsorisés ciblant des blogs masculins, lifestyle et de tendances de communication.
De plus, la web-série se prolongera également en-dehors du Web grâce à un partenariat avec la matinale de Virgin radio, qui proposera de réveiller les internautes de façon délirante. Miser sur la radio est ainsi un bon moyen de continuer à entretenir l’intérêt autour de la série, alors que les opérations digitales sont de plus en plus vite oubliées sur Internet.
Interactive, moderne et bien ciblée, cette campagne Nivea for Men a donc tous les ingrédients pour surfer intelligemment sur la tendance des web-séries. Et avec plus de 2.600.000 vues sur la page Youtube, il semble que leur mission soit déjà réussie.

Judicaëlle Moussier
Sources
http://www.e-marketing.fr/Marketing-Magazine/Article/Le-brand-content-monte-en-puissance-43201-1.htm

NIVEA FOR MEN lance une expérience vidéo interactive autour du réveil !

Culture

Le buzz aveugle, c’est risqué. La preuve.

 
Le titre vous aura probablement aiguillés. Le sujet du jour est l’honnie vidéo virale « Ça sent le sapin », mise en ligne par Cuisinella le mercredi 12 Décembre.
Qu’y voyait-on ? Une fausse caméra cachée (enfin, si l’on ne se fie pas au message d’ouverture) dépeignant d’innocents quidams frappés sans crier gare par un sniper, en pleine rue. Les balles du tireur n’étaient que des paint balls, mais alors que les victimes criaient leurs grands dieux qu’elles n’étaient pas blessées, une équipe urgentiste venait les enlever. Quelques plans – et une séance d’électrochocs bien sentie – plus tard, elles étaient jetées dans un cercueil, livrées à une panique mollement jouée avant de bondir de leur prison soudainement déverrouillée. Tout ça pour se retrouver face à un poster clamant « N’attendez pas pour en profiter », les « piégeurs » surgissant pour applaudir une victime finalement assez amusée par la situation. Vous je ne sais pas, mais personnellement je n’aurais pas exactement souri.

Tout cela visait évidemment à générer un buzz instantané, et buzz il y eut. L’ennui fut qu’en quelques heures, Twitter se mit à bruisser de condamnations abondantes et variées. Les consommateurs potentiels dénonçaient l’aspect sordide du clip tandis que les professionnels sautaient sur l’occasion pour expliquer à quel point leur propre approche aurait été meilleure. Un fail de l’ordre du cas d’école, en somme, que l’on a immédiatement comparé à l’homme nu de La Redoute déjà mis à l’honneur sur FastNCurious.
L’opération était donc tout à fait désastreuse. Mais rien n’empêchait d’élaborer une communication de crise. Rien, sauf peut-être l’inexistence de Cuisinella sur les réseaux sociaux. La marque a opté pour la solution la plus radicale, et a tout bonnement rendu sa vidéo privée, sans grand effet comme en atteste le lien ci-dessus. Cette reculade vite ridiculisée était accompagnée d’un mea culpa guilleret dont le smiley final devait ajouter au tollé général. Reconnaissons cependant une certaine bravoure à la marque, qui a pris le risque le 20 Décembre d’être de nouveau mise en scène dans une vidéo. Il s’agissait cette fois-ci d’une interview d’Anne Leitzgen, PDG de la marque, par le blogueur Cédric Deniaud. La présidente y justifiait la mise en ligne de « Ça sent le sapin » sans beaucoup changer la ligne de défense déjà établie. Mais elle se démarquait en osant revenir sur un bad buzz qui était pourtant presque retombé, et en assurant que  la communication de Cuisinella n’en serait pas plus timorée en 2013.
Mais quelle fut la véritable erreur de Cuisinella et de son agence, Change ? Comme le communiqué le souligne, les publicités de la marque (presque uniquement télévisuelles jusqu’ici) avaient toujours affiché un goût certain pour le décalage. Lequel était parfois douteux, ici en ce qui concerne l’image de la Femme. Le plan global était également mûrement réfléchi : au clip coupable, inspiré selon Change par l’imaginaire des digital natives (entendons un mix de Call Of Duty, Dexter et The Walking Dead) devaient succéder deux autres, respectivement inspirés du SAV d’Omar et Fred et de Bref, avec le fameux « N’attendez pas pour en profiter » comme fil conducteur.
La marque comptait donc faire une entrée fracassante dans la communication digitale, touchant au gros des centres d’intérêts des internautes français et installant au passage un slogan qui aurait peut-être pu servir de base déclinable à l’avenir. La première faille dans cette logique était évidemment le risque pris. Il s’agissait ici de buzzer pour buzzer, sans disposer, comme nous l’avons vu, d’une présence virtuelle suffisante pour amortir l’impact d’un échec. En outre, aussi provocantes soient-elles, les publicités habituelles de Cuisinella montrent toujours… une cuisine, et se raccrochent à tout le moins à la thématique du couple pour évoquer la vie de famille. L’évidence dicte que toute marque communique en premier lieu sur des valeurs connues et familières. La tentation de les abandonner à l’occasion de ce saut numérique est compréhensible, puisque les cibles étaient ici les fameux digital natives. Et en particulier les vingt-trente ans, logiquement peu sensibles au thème de la famille. Mais voilà, le reste de la population dispose également d’une connexion Internet.
Second pied-bot : la perception des digital natives eux-mêmes. Certes, la violence et les scènes de pure terreur sont monnaie courante dans la majorité des fictions que nous consommons quotidiennement. Mais elles ne sont que cela. Des fictions. Les publics de Cuisinella ont précisément rugi parce que la « réalité » du clip annihilait le recul moral que chacun concède en regardant un film ou une série. La soudaineté de la scène a causé l’effet de surprise voulu, mais son contenu a donné la nausée.
Et de manière plus pragmatique, ces mêmes publics se sont certainement un peu sentis pris pour des cons. La caméra cachée est une recette efficace, mais elle a comme impératif de mettre immédiatement le spectateur dans la confidence. Or Cuisinella a menti sur la réalité du piège lui-même, trahi par un jeu d’acteur trop peu poussé – peut-être intentionnellement, justement pour ne pas aller trop loin dans le choquant.
A titre d’exemple, rappelons le « Push to add drama » de la TNT Belge, qui avait exploité presque exactement les mêmes voies en évitant chacun des écueils vus ici. Peut-être que tout cela manquait simplement de motardes en bikini.
 
Léo Fauvel
Sources :
Huffington Post
Le Plus – Le Nouvel Observateur, ici et là
BugsBuzz
Twitter

Publicité et marketing

MORGAN IS THE NEW CHIC

 
Avec l’hiver et la nouvelle année, il n’y a pas que nous qui prenons des (fausses) bonnes résolutions ; les marques profitent de cette période d’empathie et de bienveillance pour jouer la carte du relooking. Cette année, c’est Morgan qui s’y colle. En effet, la grande marque emblématique des années 90, créée par les sœurs Bismuth et rachetée par Beaumanoir suite à son dépôt de bilan en 2008, a entrepris de faire peau neuve et de renouveler son image de marque.
Souvent associée au monde de l’ « adulescence », cette période impalpable entre adolescence et âge mur, la marque Morgan se reconnaissait facilement grâce à son slogan « Morgan de toi » orné d’ un cœur rouge qui rappelle la sensibilité de l’adulescente ainsi que son désir de plaire et d’être sexy en toutes circonstances.

Alors que jusqu’à présent, la marque se contentait de « campagnes modestes, dans le simple but d’assurer une présence » selon les mots du directeur de marque Hervé Bailly, Morgan veut aujourd’hui frapper fort et propose une campagne « énergique et positive », qui renouvelle l’identité de la marque tout en revenant aux fondamentaux. « L’idée, c’est de finir de positionner Morgan quelque part entre les chaînes que sont H&M ou Zara et les marques que sont Maje ou Sandro, précise le directeur de marque. Mais nous voulons nous démarquer d’une forme de conformisme qui règne, dans l’offre et surtout dans l’environnement publicitaire. Chacun utilise les mêmes codes, du noir et blanc, des expressions identiques, jusqu’à rendre les campagnes interchangeables. Morgan ne doit surtout pas être passe-partout », conclut-il.
Ainsi, non seulement Morgan se propose d’incarner une mode spontanée et décomplexée, mais elle se veut aussi le chantre d’une nouvelle forme de publicité aux accents singuliers, en rupture avec les codes visuels habituels. C’est donc une triple rupture : à la fois dans l’utilisation des codes couleurs (adieu le sempiternel noir et blanc, Morgan fait exploser la couleur, aussi bien dans les décors de fond que dans les vêtements eux-mêmes), au niveau graphique avec un slogan qui devient l’élément principal de la publicité, en gros caractères, mais enfin et surtout au niveau symbolique avec un message clair qui n’est plus un simple faire-valoir mais un élément indispensable du message publicitaire : « Happy is the new chic ». Il ne s’agit donc plus de jouer sur la sensualité de la femme mais bien sur son bien-être psychologique : un vêtement n’est plus proposé pour l’image attrayante qu’il est censé renvoyer mais parce qu’il correspond à l’état d’esprit de la femme qui le porte. Morgan invite les femmes à rechercher l’épanouissement personnel dans la mode plutôt que la volonté de plaire et de paraître à tout prix. Un message qui fait effectivement tâche dans l’univers consensuel et superficiel de la mode.
La femme émancipée du XXIème siècle doit donc se reconnaître chez Morgan : une mode abordable mais exigeante, décomplexée mais tendance, spontanée mais séductrice. Le modèle, qui n’est autre que Hailey Clauson (égérie de Jill Stuart, Dsquared2 et Gucci et qui a défilé pour les plus grands – Calvin Klein, Louis Vuitton, Hermès, Dior, Miu Miu …) nous invite par son attitude pleine de fraîcheur et de spontanéité, au jeu et à la légèreté. La femme du XXIème siècle, c’est bien connu, n’aime pas se prendre la tête : la mode, en plus d’être un nouveau moyen d’expression et d’épanouissement est aussi un jeu à part entière, et en ceci elle n’est ni fixe ni conventionnelle. Un sentiment qui se retrouve quand on regarde le spot publicitaire de la marque, qui est à l’opposé d’une campagne haut de gamme comme celle de Prada (Fall/Winter 2012) qui met en scène des mannequins très figés.
Le spot MORGAN :

Le spot PRADA :

La campagne, signée Kids Love Jetlag, nouvelle branche de l’agence de publicité Fred & Farid, consacrée aux réseaux sociaux, a beaucoup fait parler d’elle, notamment de part sa ressemblance avec l’esthétique d’une campagne pour une autre marque qui a marqué les esprits, mais de manière moins positive. Il s’agit de la campagne publicitaire de Kookaï qui l’année dernière, utilisait déjà les mêmes codes (« X is chic », formule inconditionnelle de la presse féminine), la dimension polémique en plus.
Une campagne réussie pour Morgan, qui révèle un certain anticonformisme face aux diktats de  la mode. Pour autant, je ne serai pas aussi catégorique : la marchandisation du bonheur commence par l’appropriation de ce  sentiment proprement intime par l’univers de la publicité et plus largement par celui de la mode. Sans prendre le message au premier degré, on peut tout de même s’interroger sur les codes et préjugés véhiculés par le message : y’a-t-il encore seulement un « chic » en 2012, à l’instar du mantra popularisé par Vogue, « X is the new black » ? Le bonheur passe-t-il forcément par le vêtement ?
Cette campagne Morgan, qui surfe sur une nouvelle dynamique déjà initiée par Kookaï l’an dernier, n’est pas si révolutionnaire que cela dans l’image qu’elle propose de la femme et de son rapport au vêtement. Cependant, on attend toujours la campagne qui mettra d’accord les féministes et les puristes.
 
Laura Garnier
Sources :
Stratégie de marque #3 : Morgan, la résurrection ? sur Sémiozine
« Happy is the new chic » : la nouvelle campagne de pub de Morgan sur Made In Retail
MORGAN présente sa nouvelle campagne « Happy Is The New Chic » sur Générationnelles

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Publicité et marketing

Les shampoings à barbe passés à la loupe

 
En ce décembre 2012, l’antenne zurichoise de la célèbre agence publicitaire Publicis vient de publier une campagne d’affichage de trois visuels assez atypiques à la demande du client Garnier. Pour la promotion de leur nouvelle gamme Fructis, les shampoings Garnier ont fait le pari d’une campagne drôle et décalée. Et il faut dire que le pari est réussi. Le slogan reste le même « Prends soin de toi. » mais l’accroche « Pour tous types de cheveux » prend ici un tout nouveau sens. En effet, les images publicitaires mettent en scène trois personnages masculins, un roux, un brun, un blond (afin de respecter la sacro-sainte trinité) possédant chacun une magnifique barbe ondulante. Au lieu des traditionnels cheveux de femme, Garnier semble ici adresser ses vertus nutritives aux hommes et à leurs barbes. Quelle est la raison ? Une envie d’élargir leur cible ? De développer une approche universelle et mixte ? De briser le conservatisme des codages sociaux ?
Que nenni. En analysant un peu plus les prints ci-dessus, force est de constater que la stratégie marketing employée ici par Garnier n’est pas tant de diversifier ses consommateurs que d’en donner l’illusion pour mieux flatter leur cible originelle et fidèle : les Femmes. Par la mise en place d’un territoire publicitaire humoristique et décalé, Publicis développe ainsi une campagne en plusieurs couches visuelles, très subtile et subversive.
Le double parcours de lecture
Si notre premier contact visuel se focalise sur la pilosité des barbes soyeuses de ces messieurs, notre deuxième contact nous révèle l’astucieux trompe-l’œil. Il faut en effet quelques secondes à notre oculaire pour assimiler le fait que cette crinière appartient à une femme vue de dos que l’homme serre contre lui. Cet effet d’optique opère une séparation très nette entre les deux couches visuelles et donc relève une disparité analytique. Ce double parcours de lecture est un classique dans les analyses iconiques (cf : le schéma de Freud ci dessous qui contient consubstantiellement un homme à lunettes et une femme nue). Le deux en un trompeur assoit et légitime une profondeur de l’interprétation de l’image. Le deuxième plan devient alors plus important que le 1er car secret et sujet à réflexion. Ici, le cœur de l’affiche, celui qui fait objet de devinettes et qui ne se laisse pas découvrir au premier abord, n’est rien d’autre qu’une femme …

Garnier, des shampoings féministes ?
À l’image d’un Brad Pitt devenu nouvelle icône du parfum Chanel n°5, les publicités pour femmes développent de nos jours une nouvelle tendance féministe : introduire des hommes pour être les mannequins de leurs produits à l’instar des produits masculins qui eux ont depuis toujours utilisé les femmes pour attirer les panels de mâles dans leurs filets. Peut-on y voir là un moyen de contrecarrer le sexisme en renversant les codes ? Chez Garnier, l’homme devient appât et cela donne un côté jeune et dynamique en affirmant sans tabous la sexualité décomplexée des femmes. En effet, chez Garnier, ce ne sont plus des femmes qui parlent aux femmes des secrets de beauté dans un langage mièvre mais une émancipation sexuelle qui s’affirme : il faut des hommes pour attirer les femmes. C’est l’affirmation de l’homme-objet dans la publicité. Au lieu d’engendrer la femme à ressembler à un idéal féminin dicté par des lois canoniques, Garnier lui tourne le dos (sans mauvais jeux de mots) et masque le visage de la femme pour affirmer celui de ses désirs : l’homme, qui lui nous regarde face caméra. Pour autant, la publicité ne se fait pas anachronique car celle qui détient les cheveux et qui est au cœur de l’interprétation iconique reste la femme. Cette instrumentalisation de l’homme, qui devient un simple accessoire pour la femme, permet un renversement des codes genrés traditionnels.
Les trois prints publicitaires de Garnier se révèlent ici très brillants : leur forme, iconique et esthétique, sert ici le fond à savoir le message symbolique délivré. En effet, l’analyse à deux étages de l’image dont le centre est la femme, permet de révéler et de souligner la profondeur de l’interprétation féministe.
Une campagne intelligente et vraiment pas « barbante » …
 
Claire Lacombe

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Publicité et marketing

La reine de la pub

 
Élisabeth II et ses tailleurs colorés sont devenus des atouts royaux pour certaines marques en quête de visibilité.
La reine d’Angleterre est bel et bien le plus beau joyau de la Couronne ; mais à qui fait-elle profiter son rayonnement ?
Vous n’avez pas pu y couper, ce fut un véritable scoop, une révolution culturelle, un petit tour pour the Queen mais une odyssée pour le monde. Oui, Élisabeth II était au sein de l’usine Bailey le 22 novembre 2012 pour visiter des camping-cars !
On se demande, quand même, si les informés ne se sont pas fait écraser par le vide de la nouvelle.
En tous cas, pour le plus ancien constructeur d’Angleterre, l’égérie était parfaite et la foule de journalistes qui l’accompagnaient aussi.
L’histoire ne dit pas si cette idée est royale ou si elle vient de l’entreprise mais la notoriété de la reine fait du bien à l’économie britannique.
Sa lumière n’empêche t-elle pas finalement de bien voir les marques ?
En effet, quand toutes les caméras sont braquées sur la reine, le bruit des enseignes n’est qu’un murmure de fond.
Pourtant la marque « Bailey » a été citée dans tous les articles et dans tous les commentaires parus et entendus sur le sujet. Alors, comme un coureur, ce murmure est endurant, il perdure, on l’entend, on l’attend, on s’y attache.
La reine reste donc une véritable force marketing. Certes elle incite à l’achat, notamment par ses compliments, mais sa notoriété, son aura mondiale rendent surtout visibles certains acteurs de l’économie.
Et les Britanniques ne sont pas les seuls à s’intéresser à ce type de placement de produit. D’ailleurs, c’est avec plaisir que la marque Samsung s’est s’invitée au Jubilé de la reine en juin 2012. Et quelles photos n’ont pas été prises de cette dernière recevant une tablette nouvelle génération ! La reine fait parler et par la même met en évidence, volontairement ou non. Est-elle le joujou des enseignes ou se joue-t-elle des marques ? Reste à déterminer.
Mais en quoi la visibilité permise par la reine est-elle spéciale ?
L’image de Buckingham accorde une noblesse à des produits déjà coûteux. Les objets bourgeois veulent acquérir leur titre, et en s’associant à un prestige royal, c’est un peu comme s’ils y parvenaient.
La reine est respectée, aimée, trendy. Elle détient même sa fan page officielle sur Facebook depuis 2010. La reine est fashionable, kitsch, mais surtout elle anoblit certains produits, elle les rend d’autant plus exceptionnels et luxueux.
Samsung, Rolls, Bailey et tout Piccadilly Circus l’ont bien compris.
En cette période de fêtes nous sommes donc heureux de vous annoncer que la bienveillance d’Élisabeth II est sans borne. Au-delà des traditionnelles œuvres de charité elle n’oublie personne, surtout pas les entreprises britanniques qui lui tiennent à cœur. Aussi et surtout, les entreprises ne la mettent pas de côté grâce aux symboles qu’elle représente : longévité, puissance, noblesse, luxe.
Et on attend avec impatience le nom de l’enseigne mortuaire qui organisera ses obsèques.
Le business jusqu’à la mort, Élisabeth II est vraiment la reine de la pub !
 
Maxence Tauril

Société

Jacques a dit : « j'accuse, tu accuses, il accuse…» : rhétorique de l'insulte et victimisation

 
Gérard Depardieu a claqué la porte du territoire et enclenché, par la même occasion, chez diverses personnalités, une salve de diatribes verbales à son égard. De son pied de nez spectaculaire au fisc français – spectaculaire car donné à voir en spectacle – surgit un enjeu de taille pour le phénoménal Cyrano : son fameux panache. « Je ne demande pas à être approuvé, je pourrais au moins être respecté ! » insiste-t-il dans la lettre ouverte adressée au Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Cette prise de parole accusatrice se trouve à l’origine d’un chassé-croisé d’injures et d’indignations véhémentes au sein de l’espace médiatique de la presse.
Le poids de l’injure
Le Premier ministre a été invité à s’exprimer le 12 décembre sur le cas Depardieu : « Je trouve cela minable (…) C’est une grande star, tout le monde l’aime comme artiste. Payer un impôt, c’est un acte de solidarité, patriotique ». L’acteur, blessé, ripostait dans le journal du JDD au moyen d’une lettre ouverte. Le commentaire de M. Ayrault a fait mouche. Sa botte secrète : l’emploi d’un seul petit mot, « minable », pourtant lourd de sens. C’est bien pour cela qu’il est préférable, afin d’éviter des ennuis, de peser ses mots, qui plus est en politique et a fortiori sur une chaîne publique de télévision. Tout bon orateur sait déguiser la vindicte directe, facilement répréhensible, par quelques habiles détours. De fait, le mot n’est rien sans le contexte qu’on lui donne, et c’est précisément ce que M. Ayrault a tenu à souligner pour sa défense. À droite on lui reproche d’avoir été insultant le 12 décembre. L’injure serait-elle donc un faux pas de la communication ? « Je n’ai pas traité de minable M. Depardieu », dixit M. Ayrault, « j’ai dit que ça avait un côté minable effectivement » d’établir sa résidence en Belgique pour payer moins d’impôts. Le qualificatif visait donc davantage le comportement de l’exilé fiscal que l’homme-même. Or voilà bien le centre de cette effusion polémique, à laquelle ont ensuite participé Philippe Torreton, Catherine Deneuve, Brigitte Bardot et tant d’autres encore : l’argument ad hominem, cher aux pamphlets et autres coups de gueules engagés depuis la nuit des temps.
Une tradition historique
La polémique sur la fuite des exilés fiscaux est donc déplacée, puis supplantée par la question de l’honneur. Il s’agit même d’un code de l’honneur, qui réactualise dans l’écriture pamphlétaire la tradition des duels entre gentilshommes. Plus généralement, l’argument ad hominem a pour but de décontenancer l’adversaire. Il discrédite sa position au regard de sa personnalité, ce qui est le propre de l’attitude sophiste. Repérer ces piques verbales permet parfois de redécouvrir la violence rhétorique de certains évènements cruciaux dans l’histoire contemporaine de la France. Zola, en son temps, avait provoqué, en « accusant », une folle farandole d’insultes lors de l’affaire Dreyfus. On pense également aux termes ouvertement antisémites, utilisés par les opposants à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), à l’endroit de la ministre Simone Veil en 1974. Sans aller aussi loin dans l’insulte, le sarcasme est réputé pour être un excellent outil de sape, dans le champ politique en particulier ; et ce, du célèbre « Napoléon le Petit » lancé par Victor Hugo le 17 juillet 1851 au tacle plus récent d’un Charles Pasqua : « Monsieur Fabius est au Premier ministre ce que le Canada Dry est à l’alcool ».
Argument ad hominem, communication abominable ?
La meilleure illustration de cette stratégie rhétorique, dans la polémique qui nous occupe, est la tribune publiée par Philippe Torreton, « Alors Gérard, t’as les boules ? », dans Libération. À la lettre ouverte répond la tribune : même type de mise en scène. Il s’agit bien d’un exercice oratoire, puisqu’ il se livre au public. Philippe Torreton apostrophe directement son confrère du septième art et lui rentre littéralement dans le lard. « Tu voudrais qu’on te laisse t’empiffrer tranquille avec ton pinard, tes poulets, tes conserves, tes cars-loges, tes cantines, tes restos, tes bars, etc. (…) Nous faire avaler (…) que l’homme poète, l’homme blessé, l’artiste est encore là en dépit des apparences… » C’est tendre le bâton pour se faire battre, car la méthode est peu orthodoxe. L’attaque personnelle risque d’être contre-productive, puisque l’assaut mène à la victimisation de l’adversaire. Catherine Deneuve monte ainsi au créneau : « Ce n’est pas tant Gérard Depardieu que je viens défendre, mais plutôt vous que je voudrais interroger. Vous en prendre à son physique ! A son talent ! ». Et Brigitte Bardot d’insister que M. Depardieu est « victime d’un acharnement extrêmement injuste ».
Jeter l’opprobre publiquement, c’est prendre le risque paradoxal qu’on vous renvoie l’ascenseur, en vous collant l’étiquette du bourreau. C’est un risque communicationnel que M. Hollande a bien compris, lui qui a ainsi préféré les félicitations au blâme, en soulignant le patriotisme fiscal de ceux qui demeurent en France.
 
Sibylle Rousselot
Sources :
Stéphane Lembré, « Thomas Bouchet, Noms d’oiseaux. L’insulte en politique de la Restauration à nos jours », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2010, mis en ligne le 22 mars 2010, consulté le 21 décembre 2012.
Libération, ici et là.
U-Bourgogne.fr

Culture

Voir la communication et mourir

Du 11 octobre au 31 décembre 2012, se tient à la Gaîté Lyrique l’exposition HELLO™, par le collectif H5. Le principe en est simple, et pourtant déroutant : une marque créée de toute pièce, HELLO™, avec pour but d’explorer les outils et les stratégies marketing des marques et surtout d’interroger sur leur influence.
Il ne s’agit pas de dénoncer la société de consommation, comme l’a déjà fait le collectif dans un court-métrage d’animation anxiogène et déroutant, mais bien de recréer un acteur fictif du système et d’observer son influence.

Tout commence avec un nom, « HELLO™ », et un logo : un aigle inoffensif, simpliste et coloré. Vient s’ajouter une musique, « Hello inc. » composée par le producteur français Alex Gopher et agrémentée de plusieurs remixes.
L’image de la marque en devient presque infantilisante, comprendre plus insinuante.
Dans les locaux de la Gaîté Lyrique, pourtant, le malaise s’accroît. Tout commence par une voix féminine qui susurre à l’oreille des visiteurs des slogans publicitaires, dans une salle bleuté, sombre, aux murs recouverts de plumes stylisées en feutrine.

Plus loin, étalée sur un pan de mur, la figure d’un aigle en gros plan, un prédateur celui-là, dont les yeux se meuvent et laissent, à dessein, la désagréable sensation d’être surveillé.

Une longue table dans le plus pur style « conseil d’administration » avec de hauts sièges, des blocs-notes, des bouteilles d’eau, le tout parfaitement blanc, sans identité, désincarné. Et au fond, projetée sur le mur, une présentation façon PowerPoint, plus vraie que nature, plus convaincante que jamais. C’est ça la magie du PowerPoint.

Ce n’est pas HELLO™ qui y est à l’honneur, sinon toutes les marques aujourd’hui tant la présentation PowerPoint est devenue universelle et partout identique.
Bref, tout ce qu’il faut pour du story-telling poussé à son comble et redoutablement efficace. Voilà bien le point névralgique : HELLO™ est incroyablement cohérente, efficace et ludique. C’est une marque dans toute la puissance de son image que l’on vous donne à voir, et que vous aurez envie d’aimer. Pourtant, que produit-elle, que fait-elle ? Nous n’en saurons rien.
L’aspect créatif et ludique se suffit à lui-même, et vous suffira. On ne peut s’empêcher de repenser au Meilleur des Mondes d’Huxley, à 1984 d’Orwell, à Nous Autres de Zamiatine, face à cette séduisante absurdité, exclusivement superficielle. Mais vous ne trouverez, en fait, aucune critique chez le collectif H5. Rien ne vous indiquera quoi penser, comment réagir. On ne vous donnera à voir que cette marque créative et sympathique. Une marque qui veut tellement se faire aimer qu’elle obtiendrait de vous n’importe quoi.
Un peu comme les sympathiques Angrys Birds qui servent d’égéries au mastodonte Google via son navigateur Chrome, comme l’inoffensif et graphique oiseau de Twitter, comme autant de mascottes auquel on se remet sans vraiment s’interroger.
C’est là qu’apparaît toute la perversité d’une image si alléchante, si bien travaillée, si cohérente, et pourtant si désincarnée.
Tout est magistralement résumé dans l’intitulé de l’exposition : « Le marketing est-il un jeu d’enfant ? »
Mais il est parfois tellement inquiétant de se l’imaginer comme un jeu dangereux. Comment se méfier de Coca-Cola quand ses campagnes de Noël parviennent brillamment à faire renaître chez nous un brin de magie, d’Apple quand on observe son image si léchée, si sobre, de Total quand on voit ses publicités pleines de vie et de sentiments, de Danone, si attachée à notre bien-être ?
Finalement, ce que H5 nous rappelle et qu’il est sain de garder à l’esprit pour le consommateur comme pour les marques, même s’il ne s’agit là que d’une évidence, c’est qu’on a trop souvent tendance à confondre ce qu’une marque donne à voir, et ce qu’est l’entreprise qui l’a construite.
Oscar Dassetto