Black Mirror 1
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Les écrans noirs du méchant Monsieur Brooker

Je sais que les temps sont durs pour nous autres sériephiles, mais je me permets quand même de vous conseiller la petite dernière de Charlie Brooker. Black Mirror, diffusée sur Channel 4 en décembre dernier a fait beaucoup de bruit  au Royaume-Uni. La mini-série en trois épisodes explore nos relations avec les nouvelles technologies, ce que nous en faisons et ce qu’elles font de nous. Avec ses allures de 1984, Black Mirror place le spectateur dans une situation dérangeante et l’invite à s’interroger sur ses propres pratiques. Tout un programme donc.

 

Trois petits tours et puis s’en va.

 

Black Mirror se décline en trois épisodes, chacun conçu autour d’une intrigue et d’un casting différents. Le premier épisode, « The National Anthem », donne tout de suite le ton. La princesse Susannah a été enlevée. Dans une vidéo, elle expose les revendications de son ravisseur: pour qu’elle soit libérée, le premier ministre doit s’engager à avoir un rapport sexuel avec un porc en direct à la télévision. Lorsque Downing Street prend connaissance de la vidéo, celle-ci est déjà sur Youtube, et est vite devenue un sujet « tendance » sur Twitter. A partir de ce moment-là, la machine médiatique s’emballe. Flash-infos, tables rondes d’experts, sondages, micro-trottoirs, le pays entier suit le déroulement des opérations. C’est une véritable structure panoptique que l’on voit s’installer devant nos yeux, s’appuyant sur des outils que nous utilisons tous les jours.

Les deux autres épisodes se situent davantage dans le registre de la science fiction.

Dans « Fifteen Million Merits », les personnages évoluent dans un univers plus futuriste, où ils sont sans cesse entourés d’écrans. Toute la journée, ils doivent pédaler sur des vélos afin de gagner les 15 000 000 points qui leur permettront de participer à Hot Shot, un concours de talent très nettement inspiré de X factor, dont il emprunte le décor et la mise en scène.  Le dernier épisode, « The Entire History of You », s’intéresse, lui, à la mémoire. Une petite puce logée derrière l’oreille des personnages enregistre chaque instant de leur vie. Tous leurs souvenirs sont stockés sur cette base de données, et ils peuvent à tout moment les visionner. Rien ne peut plus être oublié, tout est sauvegardé. Chaque instant peut être ralenti, agrandi afin d’analyser toutes les subtilités qui avaient d’abord échappé au personnage. La mémoire devient un poids dont il est impossible de se défaire.

 

Meet Brooker

 

Charlie Brooker est considéré comme un homme très drôle au Royaume-Uni, pour peu que l’on soit sensible à l’humour noir et grinçant qui est sa marque de fabrique. Cela fait plusieurs années qu’il prend un malin plaisir à tourner en dérision les médias et leurs pratiques. Sa chronique ponctuelle pour le quotidien anglais The Guardian, dans laquelle il offre son analyse satyrique de l’actualité, est l’un des meilleurs exemples du style Brooker. S’il n’est pas toujours tendre avec les médias, il est pourtant très présent dans le milieu, et surtout à la télévision. Ses émissions NewsWipe et Screenwipe, diffusées sur BBC4, et How TV ruined your life, une série en six épisodes, ont ainsi connu un certain succès et ont fini de lui tailler la réputation d’un gentil cynique.

Avec Black Mirror, Brooker change cependant de registre. Si on y reconnaît son goût pour l’irrationnel et le ridicule, le ton est nettement plus sombre qu’à l’accoutumée. Il s’attaque ici à un sujet qui semble le fasciner depuis toujours ; les nouvelles technologies et l’impact qu’elles ont sur nous. Son argument de départ, c’est que nous sommes tous accros aux gadgets, lui le premier. Nous vivons entourés d’écrans avec lesquels nous dialoguons en permanence et, comme le suggère le titre de la série (inspiré d’une chanson d’Arcade Fire), ces écrans nous renvoient une image confuse de la réalité. Dans une interview accordée au Guardian, il déclare avoir voulu explorer les effets secondaires de notre addiction à ces nouveaux outils et analyser la manière dont ils modifient notre humanité, la façon dont nous nous comprenons et rendons compte du monde qui nous entoure. Au fil des épisodes, les personnages ne sont pas libérés par le progrès, mais apparaissent au contraire comme pris au piège de tous les gadgets qu’ils ont intégrés dans leur vie. Les médias, les réseaux sociaux, tous ces écrans avec lesquels nous cohabitons, ont créé une structure de contrôle invisible qui influence nos comportements et nos réactions. Brooker place donc au centre de sa réflexion la question de l’intégrité et de l’éthique, en invitant le spectateur à se mettre à la place des personnages, en questionnant ses pratiques et en jouant avec ses peurs.

Si son penchant pour la caricature peut laisser perplexe, Black Mirror a en revanche le mérite de ne pas laisser indifférent. Lors de son lancement, la série a reçu des critiques dans l’ensemble assez positives, et beaucoup ont salué l’audace du projet. Peut-être Brooker en fait-il trop, mais c’est généralement aussi pour cela qu’on l’apprécie; pour son cynisme, et le plaisir malsain qu’il prend à bousculer nos certitudes.

 
Pauline Legrand
Crédits photo:
©Channel4
©Metro.co.uk

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One thought

  • Du même (génialissime) auteur : Dead Set qui représente une émission de téléralité style Loft Story qui se déroule pendant que le monde est envahi par des zombies : les candidats sont les seuls survivants mais découvrent peu à peu la vérité du monde extérieur !
    Il est le type même de journalistes média qu'il manque en France, avec suffisamment de recul sur le monde auquel il participe. Il est à suivre sur twitter d'ailleurs, @charltonbrooker

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