Quel est le mot de l'année ? (Suite)
L’illustre dictionnaire Oxford a souhaité commémorer les 25 ans du GIF en le consacrant « mot de l’année 2012 ». Et pour cause : ce dinosaure des Internets est devenu à lui seul un moyen de communication numérique. Influencé par la culture Troll, le GIF transmet une image, un extrait de film, une situation qui parle à l’énonciateur et au destinataire. En somme, une situation simple retirée de son contexte et insérée dans un nouveau et le remplit d’une nouvelle signification. Le digital viral est aussi mis à l’honneur par l’American Dialect Society (association d’académiciens linguistes) qui choisit comme mot de l’année 2012, le hashtag !
Alors, après les professionnels présents lors du forum des entreprises du CELSA, à notre tour de s’interroger sur les mots de l’année 2012 et sur ceux de 2013.
Le Fantôme
2012 fut l’année du fantôme. Le fantôme c’est le double revenu du passé, l’artefact d’un temps que l’on préférerait oublier mais qui nous hante. C’est la manifestation physique de cette absence. On a découvert, en 2012 que le fantôme était une entité autant bénéfique que néfaste. Culturellement, l’année 2012 a laissé une grande place à l’ectoplasme, sous toutes ses formes. Après les vampires, ce fut au tour des zombies d’occuper le centre de l’actualité culturelle. Il y a bien sûr The Walking Deads, série américaine de plus en plus populaire. Le zombie symbolise ici la nécrose de la société, l’élément qu’il faut tuer pour pouvoir recommencer sur de nouvelles bases, miroir plein de sens du regard occidental sur la crise qui ne semble jamais finir. Le zombie, c’est l’avatar d’un problème économique qui se transforme en crise de la civilisation. Le zombie, mort revenu à la vie a aussi trouvé un écho bien particulier dans la sublime création originale de Canal +, Les Revenants, dont nous allons beaucoup vous parler dans les prochaines semaines : ici le zombie est un fantôme, les morts deviennent vivants… Et les vivants, eux, plongés dans leurs problèmes, deviennent des morts. Un peu comme ces zombies-walk qui ont marqué l’année. Ce qui est en jeu c’est la conception que nous nous faisons de la civilisation : le fantôme c’est un objet foncièrement passéiste, c’est-à-dire qu’il nous rappelle un passé érigé comme idéal, et voilà son aspect bénéfique. Il nous renvoie le reflet d’une société ancienne, loin du pessimisme caractérisant 2012. Ce retour vers le passé définit l’ensemble de la société de 2012. Il y a eu les hipsters, ces individus que tout le monde adore détester, affublés de vêtements vintage sortis de fripes hors de prix. A Hollywood on fait des remakes, on fait des reboots, on fait des revivals. On prend des photos avec un appareil numérique mais on l’instagramme pour que ça fasse plus ancien (http://fastncurious.fr/irreverences/le-vintage-revival-a-enterre-kodak-definitivement.html). Comment s’en sortir ? La publicité nous en offre la possibilité : en 2012, il fallait consommer pour vivre mieux. Pour être plus beaux. Pour voyager plus vite. Pour faire des économies.
Espérons que 2013 marquera une remontée d’espoir et d’optimisme – après tout nous avons survécu à la fin du monde. L’année qui se présente est lourde d’innovations et d’avenir, signe manifeste d’un renouveau.
La vie privée
2013 sera sûrement l’année de la vie privée. On l’a déjà bien segmentée cette vie privée. On râle contre Facebook, contre Google, contre Apple et plus récemment contre Instagram. La CNIL n’a cesse de nous mettre en garde [1]. La vie privée, concept inventé par Habermas dans les années 80 touche à sa fin. Créée par opposition à la vie publique, espace d’échanges avant tout politiques, elle s’est largement répandue lors de la démocratisation d’Internet. On y tient à notre vie privée, mais on poste des photos confidentielles sur Facebook pour avoir quelques moments de franche camaraderie. On ne veut pas se faire cambrioler mais on se géolocalise sur Foursquare pour montrer qu’on fréquente des lieux sympas. La problématique de la vie privée n’a rien de nouveau, mais 2013 y apportera son lot de changements. En France, l’arrivée de Poke – application célèbre aux Etats-Unis, permettant l’envoi de photos qui s’autodétruisent au bout de quelques secondes- va faire parler. Il y a aussi un modèle économique fondé sur la revente d’informations privées qui ne demande qu’à se développer. Facebook essaie en vain depuis des années. Et si ce modèle s’affirmait en 2013 ? Car il y a quelque chose qu’on regarde du coin de l’œil, ici, au CELSA : le Big-data. Ce concept, permettant le tri de la masse incommensurable de données que l’on crée en utilisant Internet, va s’ancrer peu à peu dans les mœurs. Le Big-Data c’est la psycho-histoire d’Asimov : on va pouvoir prédire les embouteillages, affiner les statistiques, mieux jouer sur l’élasticité des prix [2]. Mais on va surtout pouvoir prédire vos habitudes de consommation. Enfin, on détient la formule magique pour cibler individuellement et d’une façon terriblement efficace vos habitudes les plus secrètes. La vie privée sera, dans ce contexte, au centre des débats et polémiques de l’année qui vient de commencer. Jusqu’où iront les internautes dans le renoncement de la sacro-sainte vie privée pour bénéficier de nouveaux services révolutionnaires ? Nous verrons bien.
Le marketing sportif
Avec les Jeux Olympiques, en 2012 le sport a été à l’honneur dans le marketing. La mode pour les entreprises a été de promouvoir des valeurs calquées sur le sport. Elles ont été de plus en plus nombreuses dans ce cas.
Prenons par exemple la Société Générale qui suite aux scandales dont elle a fait l’objet (affaire Kerviel notamment) et à la crise de confiance dans les banques, a choisi dès 2011 de redorer son blason en misant sur le rugby et ses valeurs avec l’aide de l’agence Fred & Farid. Leur nouveau slogan « Développons ensemble l’esprit d’équipe » et leurs efforts de sponsoring poursuivis en 2012 en sont les symptômes. Ou encore, il est difficile de dénombrer tous les fournisseurs officiels des Jeux Olympiques ou les campagnes de publicités axées sur cet événement. (Vous pouvez avoir un aperçu des 10 meilleures campagnes autour des Jeux Olympiques ici)
En 2012, malgré les contractions des budgets, le marketing sportif est resté une cible privilégiée. Il faut dire aussi que les valeurs sportives tombaient à pic dans ce contexte de crise. Rien de plus efficace que de recentrer sa communication sur l’équipe et la solidarité dans ces temps difficiles. L’événementiel sportif ou encore le sponsoring étaient les bienvenus.
Mais 2013 n’est pas une année phare pour le sport en France et ailleurs. Il y a toujours les rendez-vous habituels (Grands Chelems dans le tennis, coupes de France dans le rugby et les autres sports) mais pas d’événement assez exceptionnel pour marquer le coup. Cependant, si 2013 est une année plutôt creuse, en 2014 les coupes d’Europe et du Monde de Football ainsi que le Jeux Olympiques d’hiver devraient redonner de l’énergie au marketing sportif.
Responsabilité sociale
On le sait bien, dorénavant le consommateur n’est plus un simple acheteur. Il est aussi un citoyen responsable et actif. En conséquence, les entreprises sont de plus en plus surveillées, elles doivent maintenant rendre des comptes sur leur techniques de production au nom de la transparence. Ce phénomène touche tous les domaines de la responsabilité sociale : le respect de l’environnement, le respect des droits de l’homme, des conditions de travail, « les bonnes pratiques dans les affaires » (comme le respect de la concurrence), les droits des consommateurs, etc. En 2012, les débats sur l’obsolescence programmée (avec les nouveaux équipements liés au nouvel iPhone par exemple), le nucléaire (Areva tente justement de communiquer sur la transparence pour rattraper ses bourdes), l’écologie ou le dumping social sont les symptômes de cette responsabilité citoyenne grandissante.
Dorénavant, l’entreprise se doit d’assumer sa responsabilité sociale pour se prévenir de scandales et donc sans cesse se légitimer au près de ses consommateurs. A ce propos, elles choisissent de plus en plus de faire de la RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise). Par exemple, elles sont nombreuses à choisir de répondre à la norme ISO 26 000. Son but est de donner un cadre à cette nouvelle responsabilité des entreprises. Elle a été créée pour répondre aux attentes des consommateurs en terme de transparence et récompense les entreprises s’engageant à lancer des démarches de développement durable, de protection de la santé des personnes et d’encouragement au bien-être de la société (En savoir plus sur la norme ISO 26000 : http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/iso26000.htm) Le fait que la RSE est maintenant institutionnalisée montre bien son actualité et son importance grandissante.
Si les phénomènes autour de la responsabilité sociale existent déjà depuis quelques années, ils seront plus que jamais au cœur des débats en 2013, comme l’annonce le récent scandale autour d’Apple et les conditions de travail de ses employés. Désormais, les mythiques entreprises ne sont pas épargnées. Si la RSE est une démarche volontaire de la part des entreprises, aujourd’hui les grandes firmes ont du mal à y échapper. On peut penser qu’en 2013, le phénomène s’étendra aux entreprises de plus petites tailles.
Arthur Guillôme (pour Fantôme et vie privée)
Camille Sohier (pour marketing sportif et responsabilité sociale)