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Quelles données pour quels enjeux ?

Aujourd’hui, nous connaissons tous les sites Internet des grands médias. Par exemple, « my tf1 » ou encore « M6 replay » pour ne citer qu’eux. L’intérêt de ces sites est de nous permettre de revoir à volonté nos émissions préférées et surtout de les commenter.

Je ne vais pas ici m’intéresser au « leurre de conversation » que nous proposent les entreprises médiatiques mais plutôt aux moyens qui permettent d’y parvenir. En effet, pour se voir autoriser l’accès à la partie « interactive » de ces plates-formes, il faut remplir un questionnaire. D’ailleurs, pour contacter le groupe ce questionnaire est lui aussi obligatoire. Les questions sont classiques : âge, sexe, nom, prénom, adresse et code postal. Classiques oui mais certainement pas anodines.
Les données stockées par les marques sont diverses. Il peut s’agir de notre adresse IP, du type de système d’exploitation utilisé ou encore du type de navigateur privilégié… Inutile de préciser qu’au passage, nous recevons un bon nombre de ces chers fichiers « cookies », qui permettent de nous suivre à la trace. Jusqu’ici rien de nouveau, tout cela ressemble à un bon vieux profilage publicitaire, devenu banal sur la toile.

Mais, revenons à nos moutons… Toutes ces données, recueillies lors de l’inscription, permettent de dresser le parfait portrait sociologique de notre petite personnalité. Dans les méandres juridiques censés nous expliquer nos droits, on ne trouve pas la moindre annotation concernant les commentaires que nous nous apprêtons à laisser sur le site. Pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit : « commenter ».

Qu’advient-il alors de nos prises de positions ?

Les différents travaux sur la réception, notamment dans le cadre des cultural studies, ont montré qu’ en fonction de notre appartenance sociale, nous décodons les signes envoyés par les contenus médiatiques de différentes façons, mais qu’il existe cependant des similitudes de réception au sein des mêmes groupes sociaux. Autrement dit, selon le modèle de l’habitus (Bourdieu), une partie de la réception nous est propre en tant qu’individus, une autre dépend de notre éducation, de notre environnement et de facteurs liés à notre statut social…

La réception est un enjeu crucial pour les médias. Pourtant, aujourd’hui, il n’est pas si évident pour les chaînes de définir précisément le profil des récepteurs. Il est encore plus ardu d’analyser comment le sens produit va être décodé par les différents publics. L’intérêt des commentaires pourrait donc se trouver ici. En donnant notre avis sur telle ou telle émission, nous permettons aux chaînes d’analyser la réception. En regroupant ces informations avec nos données personnelles, elles sont en mesure de construire une typologie du public. Cela leur permet également de percevoir l’interprétation que nous faisons de leurs contenus et ainsi, de voir si les signes et significations émis sont acceptés, négociés ou refusés.

Quelles conséquences me direz-vous ?

Une fois ce travail accompli, les chaînes seront en mesure de s’adresser efficacement à tel ou tel public. On peut imaginer que les contenus seront alors construits en fonction d’une typologie précise du public. En effet, nos commentaires font transparaître les signes que nous percevons ainsi que notre interprétation.

Le danger principal serait alors que les signes envoyés soient unanimement acceptés. Il ne faut pas perdre de vue le fait que dans les entreprises médiatiques l’argent est roi. Si l’on accepte les contenus plus facilement, pourquoi la publicité qui les accompagne ne serait pas également acceptée ? La cohabitation – voire collaboration – entre médias et annonceurs pourrait les amener à construire leurs messages publicitaires sur le même modèle. La publicité – parfois dissimulée à l’intérieur même des contenus – n’aurait alors plus qu’à réutiliser les signes les plus performatifs adaptés à sa cible. Nous assisterions alors au primat du sens dominant sur l’interprétation. Comprenons, la fin du feedback et le retour à un modèle linéaire. Une bonne vieille injection à grands coups de seringue hypodermique !

Qui les en empêcherait ?

Aussi surprenante qu’elle puisse paraître, la réponse nous vient du site Mytf1.fr : « Nous recueillons les Données personnelles que Vous Nous fournissez ».

 
Jordan Thévenot

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