Médias

"Mariés au premier regard", le laboratoire de l'amour

Alors qu’en ce mardi 8 Novembre les électeurs américains se ruaient aux urnes pour élire leur futur chef d’état, les experts de l’émission « Mariés au premier regard », diffusée ce même jour sur M6, s’affairaient pour trouver la moitié de célibataires français.
Sur les écrans de télévision pour la première fois, l’émission regroupait déjà plus de 3 millions de téléspectateurs impatients de savoir si M6 après « L’Amour est dans le pré » réitérerait l’exploit d’unir deux âmes en mal d’amour.
Le principe, quoi qu’osé, est simple. Des scientifiques, à l’aide d’une batterie de tests « scientifiques » établissent la compatibilité de célibataires qui, sur les bases des résultats obtenus, se voient attribuer un candidat du sexe opposé avec lequel ils devront se marier sans jamais l’avoir rencontré. Pour établir un couple, les participants hommes et femmes vont devoir passer par les filets d’un processus de sélection rigoureux : test olfactif pour définir l’odeur de leur futur partenaire, test sonore pour la voix, questions sur le biorythme (car il est impossible d’unir deux personnes n’ayant pas la même horloge biologique…) et enfin un questionnaire à choix multiples afin de mieux cerner les personnalités et les désirs de chacun. Le futur couple né de cet algorithme sentimental se marie puis passe six semaines de probable idylle en lune de miel avant de décider de rompre ou de conserver cette union.
Pour crédibiliser cette expérimentation scientifique de la rencontre amoureuse, M6 a réuni ses petits chimistes de l’amour. L’équipe est constituée de Catherine Solano, sexologue et andrologue (andrologie : spécialité médicale s’occupant de la santé masculine, en particulier pour les problèmes de l’appareil reproducteur masculin et les problèmes urologiques particuliers aux individus mâles ), Pascal de Sutter, docteur en psychologie et enfin Stephane Edouard, sociologue de couple (néologisme désignant un « conseillé de séduction » diplômé de… l’école de la vie).
Ce n’est pas la première fois que la chaine joue aux entremetteurs. En effet, durant onze saisons, la présentatrice de l’émission, Karine Lemarchand avait prouvé ses talents de madame Irma permettant à des agriculteurs français de rencontrer l’amour avec un grand « A ». Mais le traitement de la rencontre dans « Mariés au premier regard » est une innovation majeure dans le domaine de l’audiovisuel.
Alors que Stendhal, des années plus tôt, nous rendait la vision d’une scène de première rencontre passionnée et onirique entre Madame de Rênal et Julien Saurel, M6 nous donne à voir une expérience audiovisuelle froide et sans saveur, tentative illusoire d’une alchimie amoureuse.
La chaine part d’une hypothèse simple : qui se ressemble s’assemble. De là, elle établit son système de sélection pseudo scientifique. M6 met au point un véritable traitement médical audiovisuel du « virus célibat ». Les candidats sont traités comme des patients venant consulter docteur M6 dans l’espoir d’être soignés de l’épidémie de solitude amoureuse qui semble s’abattre depuis quelques années sur la population française. En effet, l’effervescence des applications de rencontre en ligne comme Meetic ou eDarling va dans le sens d’une difficulté croissante des célibataires à trouver l’amour par les voies « conventionnelles » de la rencontre physique. Les conditions plus traditionnelles de formation du couple se redéfinissent et bouleversent l’économie et le traitement audiovisuel de la rencontre. Surfant sur la vague des applications de rencontres organisées comme Tinder ou Happen, l’émission est ironiquement le fruit de ce triste constat de l’échec des rencontres traditionnelles et de la brièveté des unions maritales.
Mais alors que Tinder repose encore plus ou moins sur le principe de l’aléatoire et du hasard, M6 les nie fondamentalement. La première rencontre est cadrée, organisée, orchestrée minutieusement. De l’intimité de la sphère privée elle devient publique et construite à travers le prisme de l’écran. Déjà exploité par la chaine dans « l’Amour est dans le pré », ce système de mise en spectacle de la formation du couple conduit à la création d’un monde des sentiments illusoires. Cette lumière dirigée vers les mécanismes de la construction du couple (découverte des affinités, des odeurs, des goûts) fait office d’un aveu : celui de l’absence assumée de spontanéité de la construction audiovisuelle. Cette révélation brise l’enchantement télévisuel et trahit les intentions piégeuses, déjà largement soupçonnées par les téléspectateurs, de ce média. Le spectateur ne cède plus à la « suspension consentie de l’incrédulité » (Coleridge), et ne s’abandonne pas dans l’illusion de l’émission. Cet échec de l’enchantement se confirme dans la réception désastreuse de l’émission par les autres médias qui se complaisent de ne pas être « dupes » face à cette supercherie outrageante.
Pour le résultat de cette magnifique expérimentation rendez vous ce soir sur M6 à 21h.
Céline Jarlaud
Source et crédit photo:
M6 replay
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Société

L'intime au service des ambitions

Dimanche 9 octobre, coup d’envoi de la nouvelle émission de M6 à l’orée d’une course à la présidentielle déjà bien engagée. Karine Le Marchand à sa tête, nous voilà plongés dans l’intimité des politiques ou du moins dans ce qui leur plait de nous narrer pour attendrir et susciter l’empathie auprès du téléspectateur. Il n’est plus question de clivage gauche/droite, mais seulement d’hommes et femmes politiques avec des blessures et des fêlures: en somme une histoire de vie ! Une histoire de vie, ou un format médiatique spécialement affrété pour servir le story-telling de ces hommes et femmes politiques?
 

« Bienvenue presque chez vous »
Les canapés changent à chaque homme politique, tout comme le décor de l’appartement immédiatement introduit en début de séquence par l’animatrice à l’aide d’un « bienvenue presque chez vous ». Aussi toute l’ambiguïté de l’émission repose sur ce paradoxe: on feint la proximité et on invite le politique à se sentir comme à la maison, mais le discours est rôdé, l’intimité factice et la gêne certaine pour le téléspectateur pris dans le carcan du voyeurisme.
Et pour cause, il s’agit ici de narrer un parcours de vie en commençant bien sûr par l’enfance et la famille, deux thématiques efficaces lorsqu’il s’agit de mobiliser les leviers de l’émotion en feignant la confidence. Les différentes anecdotes, les témoignages de l’entourage et la projection de photos de famille, participent de la réussite émotionnelle du format qui invite à la projection et à l’identification du téléspectateur pour ces hommes et ces femmes aux parcours parfois compliqués, mais toujours attendrissants.
Pas de doute possible donc, nous sommes bien sur M6, l’émission du coaching psychanalysant : « Belle toute nue » vous apprend à aimer votre corps, « Déco » vous apprend à aimer votre intérieur, « Nouveau look pour une nouvelle vie » vous apprend à aimer votre image, et « Ambition intime » vous apprend à aimer les politiques. Karine Le Marchand apparaît ici comme la coach de l’amour: si les agriculteurs cherchent l’amour d’un ou d’une conjointe, les politiques recherchent celui de leurs électeurs. L’exercice de séduction ne se cache plus et tous les ressorts narratifs de l’émotion sont ainsi mobilisés pour remplir le contrat.
Aussi, l’opération séduction est double: les politiques en usent pour faire face à la défiance croissante des français ; tandis que l’animatrice qui est « nulle en politique, [ne sachant] même pas qui est Jaurès » (dépêche AFP), minaude devant ces hommes et femmes à coup de sourire mielleux et de rires retentissants. Corps et sourires trahissant le flirt mis en place dans la relation qu’elle instaure. Une attitude désolante où la femme semble réduite à sa condition d’objet de désir pour tenter de créer une intimité aléatoire avec son interlocuteur.
 
Ambitions intimes, la nouvelle télé-réalité politique ?
La question mérite d’être posée puisque le format est calqué sur l’émission phare de la chaîne, L’amour est dans le pré: on y retrouve la même voix off de la présentatrice pour chapitrer le portrait ou la playlist romantique et larmoyante comme pour dicter l’émotion au téléspectateur. Mais la chaîne pousse encore plus loin la ressemblance en faisant intervenir un ancien candidat agriculteur, Thierry, pour interpeller directement Bruno Le Maire: la séquence sert alors doublement l’homme politique, qui donne la parole à un agriculteur – profil majeur de son électorat – tout en le poussant à parler de son intimité avec sa femme, au sens le plus singulier du terme.
On parle donc de vie, de mort, de sexe dans cette émission, soit des aspects bien éloignés d’un programme politique mais qui rassemblent et cristallisent l’intérêt du téléspectateur pour une émission, somme toute, parfaitement produite.
 
Une production rythmée et une émission parfaitement marketée
On peut être agacé par l’exercice de mise en scène de nos politiques, mais on est tenu par une production et un montage rythmés qui donnent envie de voir la suite ; on est gêné par un trop plein d’émotions suggérées mais on s’étonne de l’être passablement à notre tour. Bref on regarde l’émission en entier sans forcément oser le dire.
Le format ne fait pas dans la nuance mais crée l’ambiguïté car ce n’est ni une émission politique où l’on parle de l’intime, ni une émission intime où l’on parle de politique. Or, le programme s’inscrit explicitement dans le débat démocratique en vue des prochaines présidentielles, preuve en est la signature qui clôture l’émission « je rappelle que ceux qui ne voteront pas ne pourront pas râler pendant 5 ans. Ça serait dommage! »
En définitive, c’est un format nouveau, à cheval entre la télé-réalité et la confession marketée parfaitement produit à destination d’un public non intéressé par les émissions politiques par ailleurs. Aussi agaçant que prenant, l’émission est controversée mais réussit le pari de faire parler d’elle en convoquant une narration jusqu’alors inédite dans le domaine de la politique.
Charlotte Bavay
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@charlottebavay
Crédits photo :
Pierre Olivier / M6
 

Flops

Tous les coups sont-ils vraiment permis ?

M6 : « la petite chaîne qui monte ou la grande qui descend » ?
M6 va mal. Sans être catastrophiques, les audiences de la chaîne sont en berne et, le moins que l’on puisse dire, c’est que les stratégies de programmation manquent cruellement d’originalité pour sortir la 6 de ce marasme. Le nouveau directeur général des programmes, Frédéric de Vincelles, annonce d’emblée la couleur : « je ne viens pas faire une révolution » bien qu’il continue à développer et « chercher des idées nouvelles ». Dernière trouvaille en date : Tous les couples sont permis qui débarque en access-prime time et reprend la case qu’occupait le deuxième épisode des Reines du Shopping à 18h40. Le but est d’élire le couple le plus emblématique, le plus parfait, celui qui « est fait pour être ensemble ». Des candidates-juges aidées de leurs petits amis se donnent en spectacle et s’offrent aux notes de leurs concurrentes. Mais on ne peut parler de couple sans que des sujets comme la sexualité et les fantasmes ne soient abordés. Quid de la tonalité familiale de la chaîne et de l’horaire en question ? M6 s’engouffre dans le sillon de la TNT (de Vincelles est l’ancien directeur général de W9) et le premier casting de l’émission emprunte à la fois aux Ch’tis, à Tellement vrai ou encore à Confessions intimes. Tous les candidats viennent de Lille et de sa région et l’éventail des couples proposés se décline de l’exhib, à la majorette en passant par les kékés sportifs.

Un concept d’émission loin d’être novateur
Tous les couples sont permis se développe selon un format de candidat-juge connu de tous, recyclé à n’en plus pouvoir, à en dégouter le téléspectateur. Afin d’établir les vainqueurs, 5 critères, pour le moins surprenants, rentrent en compte pour le jugement final :

la première impression : quel couple est le mieux assorti physiquement
le secret du bonheur à deux
la déclaration d’amour (effectuée par l’homme)
le défi (rester complice face à une épreuve du quotidien)
le quizz (qui se connaît le mieux).

Voilà donc des passages obligés pour décréter la solidité d’un couple ou la sincérité des sentiments… Nous pouvons dresser des parallèles avec une émission phare de la chaîne qui a récemment été supprimée de la grille : Un dîner presque parfait. Mais, non content de reprendre des concepts déjà éprouvés, M6 pille son concurrent direct : TF1. Ainsi, à la manière de 4 mariages pour une lune de miel ou encore de Bienvenue au camping : les candidats ne sont plus uniquement acteurs et juges du programme, ils deviennent spectateurs et sont confrontés à la violence des remarques de leurs concurrents, gage d’un cocktail explosif. Le téléspectateur, lové dans son canapé, se délecte des réactions des couples et des réponses formulées à chaud suite aux insultes proférées et attend avec impatience les retrouvailles de fin de semaine, signes de règlements de compte. Mais rien ne se passe. Le nouveau programme de M6 qui prend donc place à une heure hautement concurrentielle où les enjeux liés aux revenus publicitaires sont conséquents ne convainc pas, pire ne surprend pas. Les candidats sont trop lisses, sans aspérité, archétypiques : on observe se mouvoir des quadras autonomes, des jeunes beaux autoproclamés Barbie et Ken, des retraités lubriques hyperactifs et un jeune couple fusionnel. Rien de bien moderne dans tout cela. M6 la chaîne jeune se la joue conformiste. Il n’y a qu’à voir l’image dépeinte de la femme pour s’en convaincre : mesquine, médisante, adepte de la méchanceté gratuite. Triste tableau. Mesdames, vous n’en sortez pas grandies. Le concept de l’émission a pourtant tout pour être subversif et politique à l’heure où l’on débat, dans notre société, de la place accordée à la cellule familiale, de ce qu’est un couple, de ce qu’est le mariage. Malheureusement, toute réflexion, tout regard critique semblent absents de ce divertissement.
Aller toujours plus loin dans l’intimité : le mythe de la transparence
Le voyeurisme est à son paroxysme avec cette émission. Ce n’est plus seulement leur cuisine ou leur dressing que les candidats ouvrent bien volontiers, mais leur chambre et par conséquent leur intimité. Ce lieu, inaccessible à l’accoutumée, du secret et du désir voit son verrou sauter. La lumière est faite sur tout, absolument tout : les photos de vacances sur une plage naturiste, les lieux les plus insolites où s’est déroulé « un câlin »… Tout est déballé sur la place publique : sentiments, confessions, déclarations d’amour. D’ailleurs, certains candidats, honteux au moment de se visionner, prient pour que les images défilent plus vite. C’est qu’il y a un paradoxe majeur dans Tous les couples sont permis : pourquoi vouloir mettre en lumière ce qui prend sa pleine puissance dans l’obscurité ? Cette volonté omnisciente n’annihile-t-elle pas ce qui fait la beauté intrinsèque du sentiment amoureux ? Le désir ne naît-il pas plutôt de ce qui est caché laissant ainsi pleinement s’exprimer l’imagination et l’entraperçu n’a-t-il pas un pouvoir évocateur bien supérieur à ce qui est entièrement donné à voir ? Une autre contradiction importante réside dans la mise en scène de la relation amoureuse des candidats. Ils jouent un rôle et poussent le curseur à son maximum quitte à devenir caricaturaux. Ce spectacle télévisuel ne fait pas dans la demi-mesure : on rejoue les déclarations d’amour (on reproche même au couple de sexagénaires sa théâtralité : mais de qui se moque-t-on ?) et les candidats ne délaissent jamais le registre de l’ostentation. Seules les apparences et les faux-semblants comptent. Il convient de donner à voir, de laisser entendre qu’on est heureux pour gagner le suffrage. Le paraître signe sa victoire définitive sur l’être… Quel comble pour une émission qui se propose d’élire le plus beau couple, n’est-ce pas plutôt le moment où l’on est le plus soi qui prime ?

Francis Métivier dans l’Obs note la fusion des deux derniers échelons de la pyramide de Maslow : le besoin de reconnaissance et celui d’épanouissement afin de parvenir à une reconnaissance publique. La conviction que l’on est bien avec son conjoint ne nous appartient plus uniquement, le regard des autres et leur consentement deviennent primordiaux car la décision finale leur revient. La sphère du privé se dissout dans celle du public : cela s’opère face à la caméra, dans l’ouverture la plus totale de son espace personnel. « Vivons heureux, vivons cachés » … L’adage a du plomb dans l’aile. L’émission s’achève avec la même conclusion pour tous les couples : « nous c’est nous et on est unique », « nous on a notre histoire, les autres ne peuvent pas comprendre ». Alors à quoi bon ? C’est sans doute pour cela que les téléspectateurs ne sont, pour l’instant, pas au rendez-vous. L’émission réunit environ 500 000 personnes de moins que les reines du shopping et sa charismatique Cristina.
Jules Pouriel
Sources :

leplus.nouvelobs.com
television.telerama.fr
effeuillage-la-revue.fr
Crédits images :
 
ozap.com
programme-tv.net
 
 

bannière telecoaching fnc
Médias

Au Tele-catching, j’attribue la note de 10.

Adieu veau, vache, cochon, couvée…
« Quelles scènes si on annonçait demain la fin du monde » se lamentait Paul Léau-taud déjà plein d’inquiétudes au milieu du siècle dernier. Et que n’avait-il pas prévu. La fin d’un monde…D’un véritable phénomène de société… D’une brèche lucrative pour la chaine… D’une émission de téléréalité culinaire pour gourmets, heureux d’en reproduire le concept à la maison et de près de six ans de loyaux services…La fin d’un Diner presque parfait sur M6 inauguré un 11 février de l’an 2008, clôturée le 4 avril dernier.
L’émission qui mettait en compétition des cuisiniers passionnés du lundi au vendredi à 17h40, quelque fois rediffusée sous une version condensée en troisième partie de soirée et qui était parvenue à attabler le non moins raffiné Francis Lalanne, laisse derrière elle d’innombrables spectateurs affamés, une quantité considérable de produits dérivés et, surtout, une part de marché à prendre ou à laisser.

Une tendance presque imparfaite
A la suite de M6, qui a lancé la tendance avec son Diner presque parfait, c’est TF1 qui a repris la chandelle pour proposer une déclinaison surprenante d’émissions de compétition, voulues bien plus acharnées, qui se positionne entre les jeux et les docu-réalité d’autant plus divertissants que le mauvais esprit des participants y est manifeste. Quelques choix stratégiques, des contradictions dans les jeux des participants, passées inaperçues et une mauvaise foi sagement dosée sont les savoureux ingrédients de ces nouvelles émissions qui occupent l’espace télévisuel, constitué en ring, pour nous distraire. En somme, des scènes de chicane amusantes entre candidats séduits par la promesse d’une formidable couverture médiatique et par des gains allant jusqu’à 3000 euros et qui prolongent à des reliefs bien plus cruels et alléchants l’art du télé-catching.
Du divertissement au théâtre de la cruauté

Voila un mythe tout naturel, la vertu purgative d’un spectacle de catch et qui exige une lecture immédiate de la part du spectateur. Des moments qui se lisent indépendamment, animés par une passion. Tels sont les mots de Barthes dans ses Mythologies. Une question demeure : Que demande le peuple ? L’authenticité de ces passions assurément. Il en réclame l’ostentatoire, la mécanique cruelle. En rejetant jusqu’à la pudeur des situations d’affront : Le télé-catching, un tele-coaching compétitif et hargneux.
Ces émissions dévoilent par des plans confession la fausseté des participants et leur rivalité ultime dans une compétition pour décrocher le titre du meilleur d’entre tous. Dans le sas d’un confessionnal, pareil à un ring de catch lors d’instants debriefs, l’hypocrisie est affichée impunément regard caméra pour justifier l’attribution des mauvaises notes qui détermineront le podium final. Le divertissement réside principalement dans la prise à témoin du spectateur qui s’amusent du combat de coqs malheureux d’un divertissement pris au sérieux par des candidats déterminés à gagner.
La tendance du tele-catching, bien marquée sur nos chaines nationales de télévision n’est pas sans rappeler d’autres programmes, pour la majorité anglo-saxons. Actuellement, la tendance est à la mise en compétition des méthodes éducatives de mères de famille tantôt désignées comme « maman maniaque » tantôt comme « maman laxiste » ou encore « maman sévère » sur D8. La démonstration d’une véritable comédie humaine où s’engendrent petites railleries, infamies, jugements et mauvais esprit semblent plus vrais que nature, et le caractère spectaculaire des émissions, au lieu de sevrer un public affamé, se changent en de véritables points de focalisation qui concentrent une attention toujours grandissante.

Après Quatre mariages pour une lune de miel, une émission qui mettait en compétition des mariages de couples modestes au même plan que des mariages de grands bourgeois et qui recevaient lors de l’attribution de la note, des commentaires méprisants tels « ça fait cheap » ou encore « je me suis cru à une kermesse », des candidats au sommet d’une médisance injustifiée et du conflit, oeuvrant librement sur le PAF, se prêtent à une indigne mascarade relayée par des restaurateurs dans L’addition s’il vous plait, des propriétaires de chambres d’hôte ou de camping, et plus récemment des propriétaires d’établissements hôteliers dans Bienvenue chez nous, orchestrent une partie conséquente de la programmation télévisuelle.
Une tendance qui s’inverse ?
La chaîne M6 a fait le deuil de son programme record Un diner presque parfait (dont on espère la reprise annoncée en Janvier 2015) en mettant l’accent sur un panel de magazines de tele-coaching bon enfant incarné par le chef étoilé Cyril Lignac, Bruno Cormerais et Gontran Cherrier pour La meilleure boulangerie de France. Cristina Cordula et ses Reines du shopping raffle l’audience avec plus récemment l’emission du chef Philippe Etchebest Objectif top chef. Une tendance qui s’inverse sur la chaîne dont les programmes tentent de s’inscrire dans la feel good tv.

Certes la compétition est toujours à l’honneur dans ces émissions, Cependant, on remarque bien l’existence d’un jury choisi pour transiger, et dont certaines tranchent avec les émissions de tele-catching de la chaine concurrente. Et l’objectif est précisément de mettre les savoir-faire en compétition et non pas les individus, et d’offrir à la fois un divertissement sympathique et des conseils de professionnels.
L’émission Objectif Top Chef, dans laquelle le chef doublement étoilé Philippe Etchebest sillonne les routes de France à la rencontre de soixante apprentis cuisiniers, les mettant à l’épreuve dans l’objectif de sélectionner les plus talentueux pour le concours professionnel Top Chef, fête ses premières semaines de diffusion et devient le nouveau leader des émissions culinaires. Témoins d’une compétition journalière d’apprentis passionnés, telle une série TV où l’on suivrait le quotidien de plusieurs personnages, la conception de la compétition sur la chaine découle d’une volonté particulière de valoriser des participants et peut-être aussi, d’attendrir et de mettre en concurrence non pas des individus mais des savoir-faire sinon réels du moins télégéniques.
Johana Bolender
@johbolen
 
Sources:
m6.fr
huffingtonpost.fr
wikipedia.org 1 & 2
Crédits images:
cdn.im6.fr
videoteque.cnrs.fr
canalvie.com
huffpost.com
Nouveautes-medias.com
nouveautes-tele.com

Société

RIsing star : la social tv sur le devant de la scène

 
M6 avance ses pions sur le grand échiquier des programmes TV. Dans quelques mois, la chaîne lancera « Rising Star », un télé-crochet nouvelle génération. Pour espérer rivaliser avec The Voice et TF1 – dont la saison 3 cartonne actuellement – M6 mise sur un programme totalement interactif, qui marquera peut-être une vraie révolution dans l’ère de la social TV.
 « Le premier concours de chant 100% interactif »
Star Academy, X Factor ou la Nouvelle Star… on ne compte désormais plus les émissions musicales du genre passées à la trappe ou reléguées au second plan. Pourtant, avec Rising Star, l’adaptation directe d’un concept israélien à gros succès, M6 veut marquer les esprits. Plus qu’un simple talent show aux codes vus et revus, l’émission se présente comme un spectacle musical où le téléspectateur est roi.
Bien loin des fauteuils rouges qu’il faut retourner, les candidats – en solo ou en groupe – se présenteront devant un immense mur digital, symbole des téléspectateurs. Ce sont ces derniers, devant leur poste et via une application dédiée, qui décideront si oui ou non le chanteur mérite que le mur se lève et laisse apparaître un vrai public et le jury, dont le rôle sera a priori moins décisif qu’à l’accoutumée. Les rumeurs vont d’ailleurs bon train sur la composition de celui-ci : M.Pokora, Linda Lemay, Cathy Guetta ou encore – et c’est plus surprenant – Lenny Kravitz, seraient pressentis.
Un vote gratuit et immédiat
Ce concept d’interactivité totale avec les téléspectateurs va de pair avec l’idée d’un vote gratuit et immédiat. Dans la continuité d’une retransmission en direct des tweets, le téléspectateur pourra donner son avis en temps réel et aura, par là même, la chance de voir apparaître son visage – du moins sa photo de profil Facebook – sur le fameux mur digital.
Les appels et SMS surtaxés ainsi que les longues minutes de remplissage des animateurs dans l’attente des résultats ne seront plus qu’un lointain souvenir. M6 veut réussir un tour de force conséquent : faire que chacun devienne acteur de l’émission et, de fait, cultive un sentiment de quasi appartenance au spectacle. Grâce au lourd dispositif technique mis en place par la chaîne, tout un chacun pourra, depuis son canapé, laisser aller sa spontanéité et se sentir influent sur le cours du télé-crochet en question. Le second écran qu’est le smartphone ou la tablette tactile, fondateur de la notion de social TV, n’apparaît plus ici comme un simple accessoire éventuel, mais bel et bien comme un facteur nécessaire au déroulement de l’émission. « Sans le second écran, pas de show », commentait d’ailleurs le PDG de la maison de production du programme israélien.

Vers une révolution des pratiques télévisuelles ?
L’avènement des réseaux sociaux, et notamment de Twitter, a doublement impacté les programmes de divertissement à la télévision. D’un premier côté, les téléspectateurs ne se contentent plus de regarder, ils commentent et réagissent en direct. De l’autre, et dans un système de cause à effet, les producteurs se lancent dans une course aux tweets effrénée où générer du discours devient un objectif à part entière. De plus en plus, certains tweets, soigneusement sélectionnés, apparaissent à l’écran pour amplifier cette idée d’interactivité, si chère aux téléspectateurs actuels.
C’est en cela que Rising Star s’avère être incroyablement dans l’air du temps. Mais plus encore, le prochain programme d’M6  pourrait marquer un réel tournant, voire une révolution, dans les pratiques télévisuelles. Pour la première fois, et grâce à Internet, le téléspectateur est placé au centre d’une émission. Cette valorisation du plus grand nombre pourrait bien devenir, à terme, une constante des divertissements et s’imposer comme un facteur de réussite. En Israël, le programme rassemblait chaque semaine près de 50% de parts de marché.
Il semblerait que M6 veuille s’imposer comme le précurseur français de cette social TV dernière génération puisque la chaîne lancera début mars en prime time « Qu’est-ce que je sais vraiment ? », un quizz télévisé présenté par Stéphane Plaza et Karine Lemarchand, dont la singularité est de faire participer les téléspectateurs depuis leur second écran.
 
Céline MALE
Sources
Metronews
L’express
M6
Télérama
Sourcephoto

M6
Les Fast

M6 à la recherche d’un nouveau talent cousu main

« On aura tout vu », comme dirait l’autre. Ces dernières années on observe un véritable essor des émissions du type « Le meilleur… » cherchant le talent culinaire, musicale, acrobatique… On connaît bien ces émissions à la croisée du télé-coaching et de la télé-réalité telles que « Top Chef » ou « The Voice ».
 Et dire qu’en voyant « Le meilleur pâtissier », petite dernière dans cette lignée interminable d’émissions « talents », on se disait que « maintenant, ils n’ont vraiment plus d’idées ». Et cependant, l’Italie nous a déjà détrompé en lançant un programme cherchant le meilleur écrivain. 
De même, M6 nous surprendra de nouveau à la rentrée 2014 avec  « Cousu Main », une émission – le titre le laisse facilement deviner – dédiée à la couture, l’autre pilier du savoir-faire français. Dans une adaptation du programme britannique « The Great British Sewing Bee » présentée par l’emblématique Cristina Cordula, il s’agira de « prouver qu’il est possible de confectionner à moindre coût les vêtements tendances que tout le monde aime porter ».
On remarque ici clairement la tendance actuelle du « récup’ » mais on distingue également la continuation d’une télévision « low-cost » rendue possible par la mise en scène d’anonymes et d’un programme déclinable en épisodes sur plusieurs semaines. Ainsi dans « Cousu Main » la dramaturgie sera fondée sur l’élimination, de fil en aguille, des participants par un jury d’experts.
L’avenir nous dira si la France s’intéresse à la couture, néanmoins, un but sera sûrement atteint : enchanter la consommation de produits liés à la mode.

Teresa Spurr
Sources :
Cbnews.fr
Lefigaro.fr
Crédit photo :
Marianne ROSENSTIEHL/M6 dans le NouvelObs

Invités

Commente et je te dirai qui tu es…

 
Quelles données pour quels enjeux ?
Aujourd’hui, nous connaissons tous les sites Internet des grands médias. Par exemple, « my tf1 » ou encore « M6 replay » pour ne citer qu’eux. L’intérêt de ces sites est de nous permettre de revoir à volonté nos émissions préférées et surtout de les commenter.
Je ne vais pas ici m’intéresser au « leurre de conversation » que nous proposent les entreprises médiatiques mais plutôt aux moyens qui permettent d’y parvenir. En effet, pour se voir autoriser l’accès à la partie « interactive » de ces plates-formes, il faut remplir un questionnaire. D’ailleurs, pour contacter le groupe ce questionnaire est lui aussi obligatoire. Les questions sont classiques : âge, sexe, nom, prénom, adresse et code postal. Classiques oui mais certainement pas anodines.
Les données stockées par les marques sont diverses. Il peut s’agir de notre adresse IP, du type de système d’exploitation utilisé ou encore du type de navigateur privilégié… Inutile de préciser qu’au passage, nous recevons un bon nombre de ces chers fichiers « cookies », qui permettent de nous suivre à la trace. Jusqu’ici rien de nouveau, tout cela ressemble à un bon vieux profilage publicitaire, devenu banal sur la toile.
Mais, revenons à nos moutons… Toutes ces données, recueillies lors de l’inscription, permettent de dresser le parfait portrait sociologique de notre petite personnalité. Dans les méandres juridiques censés nous expliquer nos droits, on ne trouve pas la moindre annotation concernant les commentaires que nous nous apprêtons à laisser sur le site. Pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit : « commenter ».
Qu’advient-il alors de nos prises de positions ?
Les différents travaux sur la réception, notamment dans le cadre des cultural studies, ont montré qu’ en fonction de notre appartenance sociale, nous décodons les signes envoyés par les contenus médiatiques de différentes façons, mais qu’il existe cependant des similitudes de réception au sein des mêmes groupes sociaux. Autrement dit, selon le modèle de l’habitus (Bourdieu), une partie de la réception nous est propre en tant qu’individus, une autre dépend de notre éducation, de notre environnement et de facteurs liés à notre statut social…
La réception est un enjeu crucial pour les médias. Pourtant, aujourd’hui, il n’est pas si évident pour les chaînes de définir précisément le profil des récepteurs. Il est encore plus ardu d’analyser comment le sens produit va être décodé par les différents publics. L’intérêt des commentaires pourrait donc se trouver ici. En donnant notre avis sur telle ou telle émission, nous permettons aux chaînes d’analyser la réception. En regroupant ces informations avec nos données personnelles, elles sont en mesure de construire une typologie du public. Cela leur permet également de percevoir l’interprétation que nous faisons de leurs contenus et ainsi, de voir si les signes et significations émis sont acceptés, négociés ou refusés.
Quelles conséquences me direz-vous ?
Une fois ce travail accompli, les chaînes seront en mesure de s’adresser efficacement à tel ou tel public. On peut imaginer que les contenus seront alors construits en fonction d’une typologie précise du public. En effet, nos commentaires font transparaître les signes que nous percevons ainsi que notre interprétation.
Le danger principal serait alors que les signes envoyés soient unanimement acceptés. Il ne faut pas perdre de vue le fait que dans les entreprises médiatiques l’argent est roi. Si l’on accepte les contenus plus facilement, pourquoi la publicité qui les accompagne ne serait pas également acceptée ? La cohabitation – voire collaboration – entre médias et annonceurs pourrait les amener à construire leurs messages publicitaires sur le même modèle. La publicité – parfois dissimulée à l’intérieur même des contenus – n’aurait alors plus qu’à réutiliser les signes les plus performatifs adaptés à sa cible. Nous assisterions alors au primat du sens dominant sur l’interprétation. Comprenons, la fin du feedback et le retour à un modèle linéaire. Une bonne vieille injection à grands coups de seringue hypodermique !
Qui les en empêcherait ?
Aussi surprenante qu’elle puisse paraître, la réponse nous vient du site Mytf1.fr : « Nous recueillons les Données personnelles que Vous Nous fournissez ».
 
Jordan Thévenot

Bernard de la Villardière
Les Fast

L’avis privé des personnes publiques

 
Dans la vie de tous les jours, sur votre compte facebook ou twitter, vous racontez votre vie, vous partagez des liens, des idées, et souvent vous émettez des avis et des opinions. Surtout en cette période politique cruciale : on voit fleurir les statuts ou les tweets de soutien à tel ou tel candidat(e) à la présidentielle.

Si vous pouvez faire tout  cela sans scrupule, c’est que vous n’êtes pas une personnalité publique ! En effet, suite à un tweet de Bernard de la Villardière qui, semble-t-il, montrait ses positions en matière politique, M6 a rappelé à l’ordre ses salariés, et en particulier ses animateurs et journalistes les plus connus. Dans un courriel, la direction d’M6 leur demande de « ne pas exprimer d’opinion politique personnelle » sur leurs comptes sociaux. Elle leur rappelle aussi que leurs tweets et statuts doivent « loyauté » à leur chaîne : il n’est pas question de critiquer un programme d’M6 par exemple !
Sur twitter, Bernard de la Villardière fait face à de nombreuses critiques et se défend d’avoir exprimé son opinion politique. « Un commentaire vaut-il prise de position ? Non ! », écrit-il.
La question est tout de même délicate : le compte twitter ou facebook d’un individu est le sien : pourquoi n’aurait-il pas le droit d’émettre sa propre opinion ? On voit d’ailleurs souvent dans les profils twitter la phrase suivante : « mes tweets n’engagent que moi ».
Alors, un tweet n’engage-t-il que soi ? Où est donc la limite entre vie privée et vie publique, entre vie professionnelle et vie personnelle ?
En attendant d’avoir la réponse à cette question, profitons de pouvoir écrire librement sur nos réseaux sociaux, nous, pauvres mortels inconnus !
 
Claire Sarfati
Crédits photo : ©B. de la Villardière