Société

Fanta se boit … pardon, se mange !

 

De plus en plus, la nouvelle tendance qui s’affirme pour les grandes marques commerciales est de faire le buzz, quels que soient les moyens et supports déployés et les campagnes de communication censées servir ce but se font de fait de plus en plus ludiques, loufoques et/ou surprenantes. On se souvient de l’élection du fruit de l’année sur Facebook par Oasis, les vidéos d’Orangina sur Youtube. Cette année, la marque de soda au goût pétillant n’a pas voulu oublier la bonne vieille communication papier mais en y insérant une innovation qui change complètement la donne. Explications. En faisant appel à l’agence très design OgilvyOne Dubaï, Fanta a souhaité impressionner la presse et son lectorat avec une toute nouvelle campagne publicitaire visitant le marketing sensoriel et proposant la première publicité papier comestible au monde ! Tel le Willy Wonka de la Chocolaterie de Charlie rêvant de faire goûter son chocolat au travers des écrans de télévision, Fanta a voulu marquer les esprits en plus des papilles, en réalisant une page magazine composée de farine de riz et de colorant alimentaire (orange bien sûr!) au goût Fanta Orange, le tout hygiéniquement protégé par une pochette plastique. Ce message publicitaire qui se mange, en plus d’offrir une nouvelle expérience (gustative) aux lecteurs, propose surtout une nouvelle vision de la publicité : celle qui fait corps avec son produit. Entre l’emballage et son contenu, où se redessine la limite ?

Deux problématiques s’échappent de l’analyse de ce print saveur orangé, une positive, l’autre négative : la publicité fait vendre, certes, mais spécialement dans les cas alimentaires (ici Fanta), elle permet de vendre des produits qui n’ont jamais été réellement testés par le client. Elle a alors une valeur descriptive, donnant la fiche signalétique, la carte identitaire de l’aliment ou de la boisson en question. Le goût, la texture, les calories, la saveur, tout est passé en revue par la publicité. Pour autant, elle se dissocie fortement du produit en ce sens qu’un client peut être parfaitement séduit par la publicité et le packaging d’un produit et pourtant ne pas en aimer son goût. Fanta Orange avec sa nouvelle publicité comestible abolit cette limite en rendant testable son produit, soit en le rendant sujet aux critiques pré-achat du client. Ces critiques (bonnes ou mauvaises) justement parce qu’elles interviennent avant l’acte d’achat, l’influencent totalement car elles agissent comme une vérification ex-ante du produit. Pour autant, cette perspective nouvelle qu’offre Fanta s’avère positive pour le produit (la problématique négative se centrant elle sur le rôle de la publicité, comme on le verra dans le paragraphe suivant). Effectivement, si l’on avait pu craindre à cause de ce dispositif une diminution des ventes suite au manque à gagner par rapport aux gens qui achètent Fanta sans l’avoir goûté ; il n’en est rien, bien au contraire. En effet, l’échantillonnage ou comment faire tester sans donner le produit s’est révélé très efficace : Fanta a augmenté ses ventes suite au lancement de son print très créatif. En plus de découvrir le nouveau produit sous forme visuelle, la cible pourra le découvrir sous forme gustative et assimilera de manière mémorielle à la fois packaging et goût du produit pour une revalorisation identitaire double de Fanta. Un duo gagnant, donc.

Pourtant, si ce print revalorise Fanta, il dévalorise le rôle de la publicité en général. En effet, comme dit plus haut, le but d’une publicité est de favoriser l’acte d’achat sans consommation du produit. Il s’agit donc de donner envie, de propager, grâce à un emballage séducteur, un identitaire fantasmé de l’objet. On n’achète plus le produit pour son contenu, mais pour l’âme qu’il semble dégager. Or ici, l’adage « La publicité est mensongère » s’annule car le produit permet au potentiel acheteur de vérifier avant même l’acte d’achat si il correspond à la publicité qui lui en est faite. Autant se tirer une balle dans le pied : le suspense (né du temps en différé entre la visualisation de la publicité et l’acte d’achat) s’abolit, l’invulnérabilité du produit préservée par son packaging tentateur aussi. La pub tue la pub : en effet, en permettant à une tierce personne (le récepteur) de comprendre et vérifier ses rouages, elle se met en danger et n’est pas à l’abri de se contredire. Avec l’avènement du marketing sensoriel, assiste-t-on à la fin ou au contraire au renouveau de l’ère publicitaire ? Place aux débats.

 
Claire Lacombe
Sources :
http://food-innovation.overblog.com/une-page-de-publicite-comestible-avec-fanta

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