Mélenchon, le modèle de communication à suivre pour les syndicats ?
L’opposition à la loi travail a mis en lumière les dissensions existantes entre les Insoumis et leur leader, Jean-Luc Mélenchon, et les principaux syndicats représentatifs français.
Les ordonnances réformant le Code du Travail ont connu une opposition populaire bien faible, en comparaison avec les manifestations anti-loi El Khomri. Si plusieurs manifestations se sont succédées partout en France, elles n’ont pas réuni suffisamment de protestataires pour obtenir une résonnance médiatique. Cet échec de la contestation sociale s’explique entre autres par les dissensions qui règnent entre les principaux leaders de l’opposition. Les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon et les principaux syndicats français n’ont fait preuve d’aucune unité, alors que leurs positions idéologiques restent proches pour ce sujet. Dans leur affrontement pour le leadership de cette protestation, leurs stratégies de communication jouent un rôle primordial.
Des syndicats dépassés…
Les syndicats français sont en crise, c’est un fait. Le taux de syndicalisation en France ne cesse de décroître, et frôle dangereusement la barre des 10% (11% en 2013, 8,7% dans le privé). Et la communication syndicale ne sort pas assez de l’ordinaire pour leur permettre de séduire à nouveau le salariat français. Leur présence médiatique est quasi inexistante, hors période de manifestations et de grève. En clair, ils n’existent que dans l’action de protestation classique : dans l’entreprise, ponctuellement dans la rue et les médias, mais leur présence n’est pas suffisamment variée tant en termes de forme et de fond. Sur la forme, leur absence quasi-totale des médias numériques leur empêche de toucher la nouvelle génération de travailleurs. Leurs sites internets respectifs, très classiques (voire imbuvables) tranchent avec la modernité et la clarté de la page d’accueil des Insoumis. Leur absence de résonnance sur les réseaux sociaux, pourtant un canal idéal pour toucher la jeunesse, prouve aussi que les syndicats peinent à se renouveler.
Les codes et symboles très utilisés ne varient que trop peu, depuis le poing levé jusqu’à la couleur rouge prédominante chez les trois principaux syndicats (CGT, CFDT, FO). Cette absence de renouvellement de la forme participe forcément au désamour des français pour les syndicats, pourtant des piliers essentiels de la démocratie sociale.
En contraste avec un Mélenchon moderne
A contrario, Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, a parfaitement su gérer sa communication, et ne pas s’essouffler après une campagne présidentielle réussie. Il incarne l’ultra-modernité qui manque aux syndicats. Pendant sa campagne déjà, il a rompu avec les codes usés par le temps, avec notamment, l’abandon de la couleur rouge prédominante (bien que subtilement présente) sur son affiche de campagne (contrairement à 2012). Surtout, il a su réinventer de manière très efficace les vieux codes de la campagne politique. Il a redonné un coup de projecteur sur les meetings politiques grâce à l’utilisation de son hologramme. Un simple coup de communication sans énorme plus-value ? Surtout une belle vitrine de modernité pour un candidat de 66 ans engagé politiquement depuis 41 ans.
Le vrai coup de génie de Mélenchon et de son équipe de communication aura été sa présence sur YouTube. Ce média aura été d’une rare efficacité pour toucher les jeunes durant la campagne, mais aussi après. La « Revue de la semaine » de Mélenchon rassemble ainsi près de 110 000 vues hebdomadaires. L’utilisation de YouTube par Mélenchon, une vraie première de cette campagne présidentielle, a été une franche réussite. Il totalise ainsi presque 370 00 abonnés aujourd’hui. À titre de comparaison, la chaîne CGT (oui, oui, elle existe) en totalise 1274, celle de la CFDT 423, et celle de la Force Ouvrière 386.
Certes, Mélenchon vise un public plus large que les syndicats cités de par la différence entre politique et syndicalisme. Cependant, leur base idéologique est proche. Mélenchon a su rendre de nouveau attractif pour la jeunesse un message que les syndicats peinent à faire entendre. Il est plus que temps qu’ils se penchent sur la question, car la France a besoin de partenaires sociaux modernes et rassembleurs. Elle en manque cruellement aujourd’hui.
Robin Labouérie
Linkedin : Robin Labouérie
Sources :
- Etude DARES pour le ministère du Travail n°025 Mai 2016 : La syndicalisation en France
- Jean-Christophe Chanut, Le taux de syndicalisation se maintient à 11% en France, La Tribune.fr, le 17 mai 2016.
- Jean-Luc Mélenchon, Les leçons d’une hyper communication digitale, French Web.fr, le 02 mai 2017.
Crédits Photos :
- Capture d’écran du site La France Insoumise (responsive design)
- Capture d’écran du site CGT (responsive design)
- Affiche électorale Jean-Luc Mélenchon Front de Gauche – Présidentielle 2012
- Affiche électorale Jean-Luc Mélenchon La France Insoumise – Présidentielle 2017