Publicité et marketing

Du gaz dans la communication de la mairie de Paris

Début décembre, Paris et l’Île-de-France ont rencontré le plus grave pic de pollution survenu depuis une décennie. C’est un risque de crise sanitaire majeure auquel doit faire face la municipalité parisienne alors qu’Anne Hidalgo a fait de la fin de la voiture dans Paris une des priorités de son mandat. Pour y répondre, la maire de la capitale a pris la décision de déployer un dispositif de grande ampleur et lourd de conséquences : la circulation alternée durant quatre jours consécutifs.
Avec des tensions politiques en toile de fond et des difficultés à communiquer sur l’urgence de la situation à l’ensemble de la population parisienne, la politique d’Anne Hidalgo est confrontée à une incompréhension qui enfle.
Un problème de réception
Dès la première journée de circulation alternée, près de 1750 procès-verbaux ont été dressés par les 400 policiers déployés dans la capitale. Ces stratégies d’évitement mettent en lumière l’ignorance de certains automobilistes quant à la gravité de la situation, mais aussi la complexité du réseau de transports en commun parisien, et ce malgré la gratuité.
On peut observer différentes situations de « désobéissance » : pour certains habitants de la banlieue, les arrêts sont parfois très éloignés de leur domicile et emprunter les transports en commun est alors contraignant et chronophage. D’autres ferment les yeux sur celle-ci par habitude et par mépris, la jugeant liberticide, et prennent malgré tout leur véhicule particulier pour se rendre à leur travail. Ainsi, la consigne n’a pas été suffisamment respectée pour mettre fin à la pollution de l’air. En outre, les perturbations dans les transports en commun ont dissuadé les automobilistes d’abandonner leur véhicule et ne les ont pas incité, de fait, à prendre des moyens de transport plus écologiques. En effet,
deux lignes de transport ont présenté d’importants retards de trains (RER B et RER D) et tous les trains au départ et à l’arrivée de la gare du Nord étaient bloqués.
Les quatre jours de circulation alternée passent difficilement auprès de la population parisienne, d’autant plus que c’est la troisième fois en deux ans que la municipalité de Paris prend une telle décision, et cette fois-ci, la mesure s’étale dans le temps alors qu’auparavant elle ne dépassait jamais une journée.
De surcroît, cette décision fait suite à la journée sans voiture du 25 septembre dernier : un projet XXL qui s’étendait sur un périmètre de 38 km2 soit 45% du territoire parisien. L’initiative éco-friendly d’Anne Hidalgo avait été vivement critiquée par les internautes suite aux embouteillages et aux difficultés de stationner provoqués dans les 55 % de territoire restant. Cette mesure a également vu le jour après la décision prise par la mairie de Paris de piétonniser les berges de la Seine, alors que la région s’opposait à cette initiative et que l’association « 40 millions d’automobilistes » résistait à la municipalité.
La circulation alternée a du mal à être acceptée par les automobilistes surtout que des études menées par l’association de surveillance de la qualité de l’air, Airparif, lors du premier pic de pollution, montraient qu’elle n’avait en réalité qu’un faible impact sur la réduction de la pollution de l’air. Par ailleurs, cette mesure a tardé à se mettre en place alors que dès le 30 novembre, le premier seuil (50 microgrammes par mètre cube d’air) avait été dépassé.
En somme, la complexité structurelle et conjoncturelle des transports parisiens additionnée aux critiques émises par les experts sur les résultats peu convaincants de cette mesure, n’ont pas incité les automobilistes à suivre la consigne et ont donc interféré dans la communication de la mairie de Paris.
Des erreurs de communication politique
Depuis le 2 décembre, la municipalité parisienne a été la seule collectivité d’Ile de France à demander à la préfecture la mise en place de la circulation alternée, sans jamais obtenir satisfaction.
Anne Hidalgo a entamé une campagne de communication sur les réseaux sociaux afin d’avertir les habitants des effets néfastes de la pollution sur la santé.

Anne Hidalgo fait donc cavalier seul dans la lutte contre la pollution, ce qui donne lieu à une hyper-personnalisation de ce combat et des mesures qui suivent. Les médias et les réseaux sociaux ne s’adressent pas à tous les acteurs de la décision, ils parlent d’« Anne Hidalgo » et à « Anne Hidalgo ».
Cette hyper-personnalisation des mesures de lutte contre la pollution était déjà perceptible lors de la journée sans voiture dans Paris. À cette occasion, l’humoriste Fabrice Eboué avait mis en ligne une vidéo au sujet de la journée sans voiture XXL : « j’ai acheté une voiture, je pensais que c’était pour avoir une certaine liberté de mouvement. Mais bon on n’a plus le droit de rien faire en voiture (…). Donc un gros merci à Mme Hidalgo ».

Lors de l’épisode de la circulation alternée, les internautes se sont aussi adressés directement à Anne Hidalgo, et ont occulté les autres acteurs (Airparif ou encore les conseillers municipaux). Ce qui a rendu la décision davantage politique qu’écologique et sanitaire, et, de fait, moins altruiste.
Les erreurs de communication passent aussi par les désaccords ouverts entre la région et la municipalité parisienne exposés sur les réseaux sociaux. En effet, le mercredi 7 décembre, un communiqué de la région Ile de France circule sur la toile indiquant : « Face à cette situation sur le réseau ferroviaire francilien, Valérie Pécresse, présidente du conseil régional et présidente du syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif), demande au préfet de police de suspendre les mesures de circulation alternée, tant que la situation ne sera pas revenue à la normale ». Ce communiqué a dévoilé au grand jour et a exacerbé les tensions entre la ville de Paris et la région Ile de France. Ces tensions prennent ainsi l’allure d’une confrontation entre deux concurrentes politiques.
Judith Grandcoing
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Sources :
• La mairie de Paris lance une campagne en ligne contre la pollution automobile, Le Figaro, le 08/12/2016, consulté le 12.12.2016
• Vinogradoff Luc, Journée sans voitures à Paris : Anne Hidalgo et Fabrice Eboué continuent de se provoquer sur Facebook, Le Monde, le 27.09.2016, consulté le 10.12.2016
• Degeorges Marion, Circulation alternée : pourquoi ce délai de mise en place ?, Le Monde, le 06.12.2016, consulté le 12.12.2016
• Demarthon Jacques, « J’avais pas compris »: la circulation alternée peine à s’imposer, le 08/12/2016, consulté le 12.12.2016
• Pousson Juliette, Paris: la circulation alternée, une consigne peu suivie et contestée, le 07/12/2016, consulté le 12.12.2016
Crédits :
Challenges
@OhLeHibou_
@Anne_Hidalgo
@Marsupi_L_Ami
Ecologie, Communication politique, Paris, Hidalgo, Hyper-personnalisation

Société

Campagne de prévention du VIH : l'homofolie se déchaîne !

Si certains en doutaient encore, maintenant nous pouvons l’affirmer : l’homosexualité n’est pas encore acceptée dans notre société. La polémique qui accompagne la nouvelle campagne de prévention du VIH, destinée aux homosexuels, en est la preuve. Lancée mi-novembre par le ministère de la Santé sur les réseaux sociaux et diffusée sur les panneaux publicitaires, elle met en scène des couples homosexuels s’enlaçant et des messages invoquant la nécessité de se protéger pour des « coups d’un soir ». Vandalisme, censure, tweets scandalisés… Le message a décidément du mal à passer.

Un cercle vicieux : informer, censurer, résister
Peu après la diffusion de 8000 affiches dans 130 villes de France, les attaques fusent de toutes parts. Les mairies les plus conservatrices, comme celles d’Aulnay-Sous-Bois et d’Angers, exigent le retrait des affiches, aux abords des écoles en particulier, car elles sont jugées susceptibles de heurter la sensibilité des enfants. La censure commence, la guerre est lancée.
Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, riposte immédiatement ; elle sollicite non seulement la communauté des réseaux sociaux, en invitant à partager les visuels, mais aussi la justice, en portant plainte pour censure. Certes les principaux révoltés se comptent parmi les fervents militants de la Manif pour tous et les membres des associations de familles catholiques, mais le débat devient très vite, et avant tout, d’ordre politique. S’envoyant des tweets comme des balles de ping-pong, la droite et la gauche se positionnent en faveur, ou non, du retrait des affiches et élargissent la polémique à la question épineuse de la place de l’homosexualité dans notre société.
Le schéma est classique : les plus réactionnaires s’offusquent d’une atteinte à la sensibilité de l’enfant alors que les défenseurs des homosexuels se battent pour l’égalité des couples et l’acceptation de l’homosexualité aux yeux du grand public. Les arguments des élus contre la campagne se basent sur la protection de l’enfance et la défense des bonnes mœurs bafouées par ces affiches « volontairement provocantes ». Christophe Béchu, maire d’Angers, justifie alors le retrait des affiches en spécifiant que la même demande aurait été effectuée s’il s’agissait de couples hétérosexuels.
Hypocrisie tendancieuse ou argument recevable ? Quoiqu’il en soit, c’est la question de l’acceptation des homosexuels qui se pose : l’homosexualité, selon les défenseurs de cette campagne, n’est pas une anomalie que l’on doit cacher aux enfants.
Une polémique confuse : deux combats opposés, un ennemi commun
Le problème ne s’arrête pas là. Dans une logique de mise en abîme, la seconde couche du débat questionne la stigmatisation des homosexuels dans la société. Et si cette campagne n’était non pas une atteinte à la décence mais une énième condamnation de l’homosexualité ? En effet, trop souvent accusés d’être à l’origine du virus du Sida et d’entretenir majoritairement des relations instables, les homosexuels tentent d’échapper à ces stéréotypes dégradants. Pourtant cette campagne de prévention, en visant uniquement une population homosexuelle, renforce ces idées. « Coup de foudre, coup d’essai, coup d’un soir », « Avec un amant, avec un ami, avec un inconnu » : un message qui peut effectivement porter à confusion. Triste paradoxe en effet : une campagne grand public qui pour une fois met en avant l’homosexualité semble s’inspirer des plus grands clichés qui l’entourent.

Il est évident que l’objectif n’a jamais été de critiquer le mode de vie ou la pratique homosexuelle, mais d’inciter à visiter le site « sexosafe » où se trouvent les différents moyens de contraception pour homosexuels. Car, dans les faits, ceux-ci sont encore les plus touchés par le Sida (43% des nouveaux cas en 2015), et doivent donc être particulièrement ciblés par la prévention. C’est, du reste, ce qui est clairement précisé par le slogan présent sur chacune des affiches : « les situations varient, les modes de protection aussi ».
La question se pose néanmoins : à qui revient le droit d’être scandalisé ? Aux homosexuels qui se sentent stigmatisés par le message transmis ou bien à une droite réactionnaire effrayée par la portée idéologique de ces affiches ? Dès lors, cette campagne, aux conséquences de plus en plus notables et curieuses, fait ressortir deux combats aux directions radicalement opposées, ayant pourtant la même cible.
Finalement, puisque la démarche du ministère de la Santé fait face à de telles polémiques, doit-on parler d’une réussite ou d’un échec communicationnel ? Certes la campagne a fait parler d’elle, mais il semble trop tôt pour se prononcer sur sa portée effective. Ajouter des visuels avec des couples hétérosexuels aurait peut-être révélé si les attaques étaient dirigées contre l’homosexualité en elle-même, ou bien contre une représentation trop suggestive de la sexualité.
Quand la pub touche une corde sensible
Cette polémique révèle les contraintes et les responsabilités qui pèsent sur la publicité, et sur les contenus médiatiques en général. En effet, en nous alignant sur l’opinion favorable à cette censure, un contenu publicitaire ne doit jamais être trop provocant et ne doit pas heurter la sensibilité d’une population. Et lorsque la sexualité, sujet délicat voire tabou dans nos sociétés, est abusivement présente dans une publicité, cela peut être choquant. Cependant, le scandale est ici clairement axé sur la question de l’homosexualité, puisque le message ne peut pas, selon les opposants à la campagne, être compris par les jeunes.
Dès lors, ce débat n’est que le reflet d’une société confuse.
Au cœur de cette polémique sociétale, médiatique et politique, la question demeure : en quoi ces affiches sont-elles plus choquantes que de nombreuses publicités invoquant la sensualité voire la sexualité de la femme ou d’un couple hétérosexuel ?
Prenons pour exemple la marque de lingerie Aubade qui a lancé une campagne de publicité intitulée « Leçons de séduction ». Sur diverses affiches, sont mis en évidence des corps féminins presque nus, légèrement recouverts de dentelle, dans des positions aguicheuses. La dimension sexuelle est d’autant plus renforcée par les messages qui accompagnent ces photos : « le mettre au pas, au trot, au galop », « être légèrement culottée », « lui remonter le moral »… Promotion d’une sexualité libérée et d’une image quelque peu réductrice de la femme : un cocktail qui ne nous est pas inconnu ! Et pourtant, cette campagne n’a suscité aucune polémique, bien au contraire, il semble qu’elle soit plutôt appréciée aussi bien par les hommes que les femmes.

La responsabilité de ces campagnes de prévention est de délivrer un message à toute une société mais aussi de diffuser l’image de cette société, ce qui la dessine et la définit. L’homosexualité entre peu à peu dans les mœurs mais cette polémique montre qu’elle n’a pas encore une place stable et approuvée.
Sur Twitter, un internaute, se demandant ce qu’il va dire à sa fille de 8 ans face à ces affiches, touche involontairement du doigt le problème, et peut-être sa solution : les parents ne devraient pas craindre que leurs enfants soient choqués par la vision d’un couple homosexuel; au contraire, la jeunesse est une arme essentielle pour combattre les préjugés et soutenir l’évolution des mentalités. Atteindre une cible jeune serait le seul moyen de faire de l’homosexualité une norme légitime, médiatiquement, socialement et idéologiquement parlant. Les modes de prévention varient, les mentalités aussi ?
Madeline Dixneuf
Sources :
• 20 minutes, Sida: Pourquoi les affiches d’une campagne de sensibilisation dérangent, Damien Meyer, publié le 23/11/2016, consulté le 10/12/2016
• Le monde, Affiches de prévention du sida : Touraine saisit la justice à la suite d’une « censure », François Béguin, publié le 22/11/2016, consulté le 10/12/2016
• La croix, Une campagne contre le sida fait polémique, Christine Legrand, publié le 20/11/2016, consulté le 11/12/2016
• L’express, Une campagne de prévention anti-VIH visée par des anti-mariage gay, express.fr, publié le 18/11/2016, consulté le 13/12/2016
• France Tv info, Vidéo la campagne de prévention contre le VIH qui créé la discorde, Nicolas Freymond, publié le 22/11/2016, consulté le 20/12/2016
• Huffington Post, Non, ces affiches de prévention contre le sida ne sont pas un cliché sur les homosexuels, Marine Le Breton, publié le 01/12/2016, consulté le 20/12/2016
• Huffington Post, Plusieurs maires Les Républicains censurent une campagne de prévention contre le SIDA, le gouvernement les attaque en justice, Anthony Berthelier, publié le 22/11/2016, consulté le 20/12/2016
• Têtu, La campagne publique de prévention gay menacée de censure, Julie Baret, publié le 21/11/2016, consulté le 20/12/2016
Crédits :
• Affiches de la campagne de prévention contre le VIH par le Ministère de la Santé
• Capture d’écran Tweet de Louis Ronssin
• Capture d’écran Tweet de Marisol Touraine Affiches de la campagne de prévention contre le VIH
• Capture d’écran Tweet marst76
• Capture d’écran Tweet Nicolas Sévilla, Laurence Rossignol, Baptiste C_A
• Affiche campagne publicitaire Aubade
 

Non classé, Société

La mission Proxima : quand l'aventure spatiale retrouve son aura romantique

« Vers l’infini et au-delà »… petite pensée pour nos rêves d’enfant, nos envies d’évasion, et d’ailleurs. Et quoi de plus « ailleurs » que l’espace ? Le bleu profond de cette immense étendue n’en finit pas de fasciner : il y a dans cette contrée étrangère mille et une questions scientifiques irrésolues, et autant de mythes qui tentent d’y répondre. C’est pourquoi les photos postées chaque jour par les astronautes de la Station Spatiale Internationale (ISS) récoltent autant de « j’aime ». Le fait est que, depuis juin, leur connexion Internet s’est nettement améliorée, permettant un storytelling renouvelé des aventures spatiales.
Facebook, Twitter, Instagram et FlickR relaient des nouvelles destinées à un public de plus en plus large. La mission Proxima, qui envoie Thomas Pesquet (Fr), Peggy Whitson (USA) et Oleg Novitski (Ru) sur l’ISS, révèle l’importance des réseaux sociaux, qui sont devenus un terrain de communication privilégié pour les agences spatiales américaine et européenne (Nasa et ESA). Actuellement, ce succès médiatique est incarné par l’astronaute français, dernier arrivé à la Station et suivi par 500 000 personnes sur les réseaux sociaux.
Une star au milieu des étoiles
Thomas Pesquet a tout du héros moderne : ingénieur de formation, le jeune astronaute de 38 ans est aussi pilote de ligne, ceinture noire de judo, saxophoniste à ses heures perdues… il doit cependant en avoir peu, vu l’entraînement intensif qu’a connu le Français depuis son recrutement en 2009 par l’Agence Spatiale Européenne. Son parcours extraordinaire suscite identification et inspiration, et pas seulement à l’échelle nationale.

Si Thomas Pesquet est évidemment représentant de son propre pays — le drapeau tricolore flotte en apesanteur dans son étroite cabine — son appartenance à l’ESA est aussi une part essentielle de son identité, il est le seul représentant de l’Europe sur l’ISS. Son nationalisme n’est pourtant pas exacerbé par la distance, au contraire. Sa communication sur les réseaux se fait en français et en anglais, et est partagée par des milliers de fans à travers le monde.
Paradoxalement, à travers le regard des astronautes, ce n’est parfois plus l’espace qui représente l’étranger, mais la Terre elle-même, redécouverte. En un mois de vie astronautique, Thomas Pesquet et ses collègues ont déjà publié des photos des cinq continents. Celles-ci dévoilent des paysages étranges et magnifiques, lunaires aimerait-on écrire. Finalement, l’émerveillement de ces scientifiques extraordinaires, partagé par ceux qui les suivent, s’accompagne d’un sentiment d’appartenance et de fierté, celui un peu science-fictionnel de se sentir Terrien.
√(Science x Facebook) = pédagogie2
Ce n’est pas par hasard si l’ISS communique maintenant essentiellement via les réseaux sociaux. Jean-François Clervoy, membre du jury ayant sélectionné Thomas Pesquet, affirmait sur RTL : « c’est très difficile de communiquer sur l’espace […] il faut donc faire preuve d’une très grande pédagogie.    […] Pour cela il faut être un bon communicant, et Thomas Pesquet est très bon. ». Dans un secteur trop souvent jugé comme mystérieux, perméable au regard d’un public amateur, la nouvelle recrue était un atout majeur pour recouvrir un grand public perdu depuis le pic de fascination pour l’exploration spatiale après le 1er vol de 1961.

Premières expériences de dialogue entre Station Spatiale et Terrien lambda
Dans un registre plus interactif, Thomas Pesquet a posté une photo le 17 décembre dernier, dont la seule légende était : « quizz du soir : de quelle ville s’agit-il ? ». Cette interview avec des collégiens de Saint-Malo, en direct depuis l’espace, visait à créer un échange entre amateurs et professionnels. Une vingtaine d’autres écoles ont également été sélectionnées pour participer à ces entrevues très spéciales, un investissement qui assure une curiosité durable des élèves pour la cause spatiale.
En outre, de nombreux accords ont été passés avec différents médias nationaux et internationaux (RTL, Europe 1, Aujourd’hui en France…) afin d’assurer une transmission d’information régulière via des canaux plus traditionnels. L’ESA joue sur tous les fronts médiatiques pour assurer une relation fidélisée entre l’ISS et le grand public. Elle travaille ainsi pour une meilleure connaissance, voire une reconnaissance du travail astronautique. Thomas Pesquet confiait à ce sujet dans une interview : « Je veux montrer aux gens à quel point c’est intéressant, à quel point les recherches qu’on mène sont pour eux. ».
Comment le multimédia dévoile une science… humaine.
Le cas Thomas Pesquet n’est qu’une facette de la stratégie de communication globale mise en place par l’ESA ou la NASA pour mieux vendre l’aventure spatiale. Chaque événement majeur pour la station est un rendez-vous médiatique mondial, depuis le retour de l’astronaute Jeff Williams (#YearInSpace) jusqu’à la prochaine sortie des astronautes dans l’espace, le 16 janvier prochain.
La culture cinématographique – vecteur majeur de l’imaginaire spatial – est aussi mise à contribution. Seul sur Mars avait par exemple été diffusé en avant-première par la NASA, qui ne manque pas de donner son avis sur le degré de réalisme de chaque nouveau film de science-fiction concernant l’espace. Buzz l’Eclair de Toy Story, lui, est régulièrement utilise comme ambassadeur du monde scientifique chez les enfants. Il a, de ce fait, été envoyé dans l’espace en 2009 (sous forme de figurine), et son retour a été fêté en grandes pompes à Disneyland. L’institution scientifique se déride donc, même pour les plus grands : la NASA vient de lancer quatre centaines de GIFs sur giphy.com. Dramatique ou humoristique, l’information scientifique se teinte d’affects sur les réseaux sociaux, et pour le mieux !

via GIPHY
Pour en revenir à Thomas Pesquet, il est à noter que parmi les 200 missions qu’il a à remplir pendant son semestre dans l’espace, l’une d’entre elles consiste à filmer des images en qualité 4K en vue d’un documentaire sur grand écran. Son devoir de scientifique se décline aussi sur les terrains de la communication à court, moyen, et long-terme, histoire de « remettre la science en culture », comme le souhaitait J.M. Levy-Leblond, c’est-à-dire de « ré-attribuer à chacun à la fois la tache de produire du savoir et de le partager ».
Mélanie Brisard
LinkedIn
Sources :
• Thomas Pesquet sur Facebook
• Petit point historique par FranceTVInfo, De John Glenn à Thomas Pesquet, comment la vie en orbite a évolué , Camille Adaoust, publié le 10/12/2016 et consulté le 21/12/2016. http://
• Sur Thomas Pesquet Astronaute surdoué et as de la communication RTL, publié par Rémi Sulmont et Loïc Farge le 30/08/2016 et mis à jour le 17/11/2016, consulté le 21/12/16
• Sur la communication de la NASA par La Nouvelle République.fr, La Nasa crée sa banque de GIF de l’espace par Clément Hebral, le 14/12/2016, consulté le 21/12/2016
• Sur Thomas Pesquet, le blog de l’ESA qui lui est consacré
• Un petit essai sur la science aujourd’hui, et ses problèmes de communication par J.M. Levy Leblond, « Remettre la Science en culture » issu de Courrier de l’environnement de l’INRA n°56, décembre 2008
Crédit photo :
• Couverture : NASA
• Photos 1, 2 et 3 : capture d’écran du Facebook et du Twitter de Thomas Pesquet le 21/12/16
• Photo 4 : extrait de la couverture de La Vulgarisation Scientifique, Cécile Michaut, chez EDP Sciences, 2014. Dessin de René Pétillon.

Société

VR et digital detox : les témoins d'une boulimie 2.0

Le temps, ce nouvel eldorado du XXIe siècle, semble recherché par tous. Je ne vous parle pas du temps qu’il faut transformer en argent, mais plutôt de celui à accorder à soi et à la réflexion. Face à la déferlante des informations, à la sur-sollicitation des médias et des réseaux sociaux, nous disons « stop ».
Néanmoins, une question demeure : comment analyser l’engouement pour la réalité virtuelle* parallèlement à l’envie de déconnexion ?
Infobésité et hyper-connexion : le nouveau mal du siècle
L’infobésité ne date pas d’aujourd’hui mais l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication accroît le phénomène pour créer une véritable saturation. David Shenk, auteur de Data Smog, ajoute même qu’« au milieu du XXe siècle, on a commencé à produire de l’information plus rapidement qu’on ne peut la digérer. Jamais cela ne s’était produit auparavant. »
Ce terme d’infobésité sous-entend qu’à force d’être confronté à trop d’informations nous nous dirigeons vers l’ignorance. Face à une masse d’information toujours plus grande, il faut sans cesse choisir quel journal lire, quelle radio écouter ou quel JT regarder. Mais paradoxalement, il faut être au courant de tout, alors nous lisons sans vraiment lire jusqu’à nous désinformer. On est ici face à un cas typique de FOMO, l’acronyme de « Fear Of Missing Out » c’est-à-dire la peur de rater quelque chose, une information ou une soirée meilleure que la nôtre par exemple. Alors on se doit de mettre sa vie en scène sur les réseaux sociaux et d’être au courant des dernières news pour paraître « in* ». Ce trouble compulsif de l’époque 2.0 est donc une conséquence directe de l’addiction aux réseaux sociaux et à Internet.
« Le monde est devenu invivable ; on n’a même plus le droit de ne pas être informé ! » Joseph Bonenfant

C’est à peine si nous survolons les grands titres des journaux, histoire « d’être au courant », mais sans connaitre le fond de l’article. Certains diront que faire illusion en société c’est déjà pas mal. D’après Edgar Morin, nous sommes dans « un nuage informationnel » qui nous rend aveugles. Face à la rapidité de la circulation des informations, nous n’avons plus le temps de prendre du recul sur les évènements et les informations délivrées par les médias.
Mais il y a une prise de conscience progressive de cette pression informationnelle dans la société. En effet, le droit à la déconnexion fait parler de lui dans les entreprises tandis que de plus en plus de services se créent autour de la notion de « digital detox » ou de désintoxication numérique, un concept né aux Etats-Unis où l’on se déconnecte de ses écrans pour mieux se reconnecter à soi-même.
Joël de Rosnay, « le grand luxe de demain ce sera d’être débranché… pour prendre simplement le temps de réfléchir. »
Une société de tous les paradoxes : digital detox VS réalité virtuelle
Le temps pour soi et pour la réflexion semble être devenu le véritable enjeu du XXIe siècle dans nos sociétés occidentales où il doit être rentabilisé. Paradoxalement, cette envie de déconnexion se confronte à la curiosité pour le progrès et les nouvelles technologies. Les annonceurs s’emparent du phénomène et quand certains proposent des digital detox, d’autres misent sur la réalité virtuelle (VR) pour satisfaire le consommateur, cet être de contradictions.
Côté déconnexion, les annonceurs rivalisent d’imagination pour réduire cette envie irrationnelle de consulter nos réseaux sociaux toutes les cinq minutes. Dans le secteur du tourisme, des gîtes proposent aux personnes « hyper-connectées » des « séjours digital detox » et même des cures thermales à Vichy. Tout cela bien sûr sans WIFI avec des séances de sophrologie et des coachings personnalisés. C’est un véritable coup marketing pour le secteur qui connaît des difficultés depuis quelques années.
D’autres encore développent des solutions plus radicales pour combattre cette addiction. Le dernier en date se nomme Deseat.me. Ce site internet créé en 2016 par deux suédois permet de disparaître d’Internet. Plus précisément, les utilisateurs peuvent se désinscrire de la plupart des sites et des services associés à leur compte Gmail. Un lien est proposé pour chaque service associé au compte pour permettre de se désabonner, voire de supprimer son compte.
Par ailleurs, les marques s’engagent aussi pour la déconnexion à travers leurs campagnes publicitaires et surfent sur un insight* fort qui parlent à une grande majorité d’individus. En ces périodes de fêtes, Nike rappelle qu’il ne faut pas gâcher son temps sur Internet car il est précieux. Prenez l’air, chaussez vos baskets et sortez courir, le bonheur commence par là.

Les annonceurs semblent avoir trouvé un véritable filon autour de l’envie de déconnexion sur lequel ils peuvent appuyer leurs discours et apparaitre crédibles : volonté sincère ou opportunisme ?
Mais parallèlement, l’engouement pour la VR ne cesse de croître et semble être la solution à l’ennui des consommateurs face à la publicité. Car on l’entend sans cesse, elle est scandée comme la voie à suivre : l’expérience utilisateur mais aussi cliente est posée comme le saint Graal. Quoi de mieux que la réalité virtuelle pour sortir les individus de leur quotidien et lever les freins à l’achat par le test ?
Samsung l’a bien compris en créant le Samsung Life Changer Park avec Magic Garden et Cheil France, un parc d’attraction en VR. Les millennials* sont invités à découvrir le Galaxy S7 et son écosystème du 16 décembre au 2 janvier 2017 sous la nef du Grand Palais. Samsung démontre encore une fois sa capacité à innover entre grand huit, descente en kayak et attaque de zombie à vivre en réalité virtuelle.

Rien ne change, l’individu demeure un être de paradoxes. Fasciné par cette nouvelle technologie tout droit sortie de Matrix, elle effraie aussi par son pouvoir de déconnexion à la réalité. Et si finalement les steaks virtuels étaient meilleurs que les vrais ?
Flore Voiry
Glossaire :
• Réalité virtuelle
La réalité virtuelle (en anglais, virtual reality ou VR) est une technologie qui permet de plonger une personne dans un monde artificiel créé numériquement. Elle ne doit pas être confondue avec la réalité augmentée
• Être « in »
Etre à la mode, vivre avec son temps.
• Millennials
Ils sont 16 millions en France et représentent un tiers de la population active. Nés entre 1980 et 1994, ils ont entre 15 à 34 ans et sont scrutés par les marques comme des consommateurs hétérogènes à toucher à tout prix.
• Insight
Opinion ou attente dominante présente et détectée chez les consommateurs d’un produit qui sert à orienter les discours publicitaires et la politique de commercialisation.
Sources :
• Caroline Sauvajol-Rialland, Infobésité, comprendre et maîtriser la déferlante d’informations, Vuibert, mai 2013
• Sylvie Le Roy « Quittez internet », ladn.eu ; 29/11/2016
• Agnès Rogelet « Suivre une cure de « digital detox » » Psychologies.com; avril 2014
• Cyrille Gandolfo « Vous perdez votre temps sur internet et Nike vous le rappelle », cdusport.com; 13/12/2016
• Marine Couturier « La digital detox, le nouvel attrape-touriste 2.0 ? » Rue89.nouvelobs.com; 30/07/2015
Crédits photo :
1 : digitaldetox.org
2 : VR headset shipments ‘to boom’ in 2016 , Reuters bbc.co.uk,  22 avril 2016
3 : FOMO: Fear of Missing Out, Ria Bakshi; Baysidejournal.com
4 : Gagnez votre Pass VIP pour le Samsung Life Changer Park au Grand Palais; Golem13.fr

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Marketing féministe, drôle de forme d’engagement contemporain

Si la définition du féminisme est souvent controversée, on peut s’accorder à le concevoir aujourd’hui, comme l’ensemble de mouvements et d’idées tant politiques que philosophiques et sociales visant à promouvoir le droit des femmes dans la société civile comme dans la sphère privée et d’abolir les inégalités hommes-femmes. But noble et ambitieux, poursuivi depuis des siècles à travers des figures variées, il est depuis quelques années utilisé comme argument marketing. S’agit-il d’un engagement idéologique des marques ? D’une stratégie purement commerciale s’adaptant aux évolutions de notre société ?

Politique

Taxe Youtube: ces rapports de force qui font changer la loi

« ACTA », « TAXE YOUTUBE », ces derniers temps, on parle beaucoup d’une harmonisation des règles nationales et européennes autour de la question de la monétisation des contenus sur Internet. En jeu : la détermination juridique du média Internet, carrefour des communications.  C’est un peu comme si on mettait un gardien et des clôtures autour du terrain vague ou l’on jouait tous, en toute liberté. Pas cool, mais c’est vrai qu’avant, après 18H, il ne fallait pas trop s’y aventurer, sur le terrain vague.
La « taxe YouTube » quant à elle, n’est qu’un premier piquet de la clôture.

Un piquet voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFR), mardi 6 Décembre, après un premier rejet en séance publique le 27 octobre dernier. Cette « taxe YouTube » tend à apporter une réponse au problème de la monétisation des contenus sur internet. Car lorsqu’une vidéo est mise en ligne sur Youtube, c’est Youtube qui en tire les bénéfices publicitaires. Ce n’est qu’après que l’hébergeur reverse, selon son bon vouloir, une rétribution au vidéaste/artiste/ayant droit.
La solution proposée par les députés : une taxe de 2% sur les revenus publicitaires des plateformes, avec un abattement prévu pour prendre en compte le caractère amateur de certains contenus publiés. Cette taxe s’élèvera à 10% pour les sites mettant à disposition du contenu pornographique ou ayant trait à « l’incitation à la violence ». De quoi retrouver le sourire lorsque qu’une vidéo d’origine inconnue viendra troubler le visionnage de votre websérie préférée EN PLEIN MILIEU. Une petite part des bénéfices générés par votre attention sollicitée ira à l’Etat.
Mais au-delà de cette seule taxe, la question est de savoir comment le territoire Internet va être réaménagé. Et en quoi cela va-t-il changer la donne pour ses acteurs, du simple utilisateur au professionnel de la communication par Internet ? Un bref survol des forces qui pèsent sur ce dossier s’impose.
L’Etat : à la recherche des ressources qui lui échappent
Le premier acteur est l’Etat, ou plutôt la dette qui enjoint les pouvoir publics à une fiscalité plus efficace. Mais à peine récoltée, déjà allouée : C’est le Centre National du cinéma et de l’image animée (CNC) qui sera bénéficiaire de la taxe, afin, pour l’établissement public, de remplir ses fonctions de promotion de la culture et d’aide à la création.
Surprenant, quand on sait qu’en 2012, un rapport du Sénat pointait la nécessaire « mise sous tension » du CNC. Il était requis dans ce rapport « un ajustement du niveau de dépenses [publiques] – et donc de recettes du CNC – compatible avec la situation actuelle des finances publiques ». Comprendre par là une réduction de budget sans réduire les missions du CNC, tout simplement.
Mais en fait on peut bel et bien voir dans la « taxe YouTube » l’effet de cette mise sous tension : on substitue l’aide directe d’Etat par une taxe directement allouée au CNC.  Ainsi, le CNC n’obtient pas un budget de la part de l’Etat pour une certaine mission, mais il tire ses revenus directement du marché dans lequel il réinvestit. Avec à la clef tout de même, une modification de taille : la publicité sur Internet va devenir plus chère. Soit pour les hébergeurs qui vont voir leur marge amputée de 2 à 10%, soit pour les annonceurs si la taxe leur est répercutée.
 
 Les hébergeurs : le cercle vertueux du développement
Le deuxième acteur, c’est l’ensemble des hébergeurs qui sont sous le régime du safe harbor : un principe juridique qui vise les plateformes qui n’interviennent pas activement dans la publication des contenus. Elles ne sont pas considérées comme responsables de ce que les utilisateurs mettent en ligne. Seule obligation, retirer les contenus si on le lui demande (ayants droit ou texte d’appel à la haine, etc…). Ainsi, absolument tout peut être uploadé sur YouTube et rester en ligne quelques jours, quelques semaines avant d’être retiré s’il y a une quelconque relation au droit d’auteur ou trop de réclamations.
Ces hébergeurs fonctionnent. Leur business est florissant. Ils sont, peut-on lire dans Les Echos, « devenus un véritable écosystème en ligne, au sein duquel la diversité, l’inventivité, l’innovation se développent, se nourrissent, s’auto entretiennent d’une manière inédite et singulière ». La crainte de leur côté est de voir l’interventionnisme de l’Etat casser leur modèle économique, avec à terme, des effets négatifs sur les utilisateurs : tant au niveau de l’accessibilité des contenus que dans la rétribution des vidéastes.
 
 
Les ayants droits : préserver la création à l’époque du dématérialisé
Le troisième acteur, ce sont les ayants droits : producteurs, artistes, lobbies du cinéma et de la musique. Le système du safe harbor est un vrai problème pour eux, puisque la publication et la monétisation de ces œuvres (ou de leurs fragments comme pour les vidéos avec bande-son) leur échappe. Les hébergeurs leur reversent une rétribution par divers moyens. Pour l’industrie musicale par exemple, la somme reversée par Youtube s’élève à 634 millions de dollars en 2015 selon les chiffres de la Fédération Internationale de l’Industrie Musicale. Un montant dérisoire par rapport aux 5,6 milliards de revenus publicitaires estimés en 2013 pour Youtube. Les ayants droits réclament plus, un argument en leur faveur: dans les 50 vidéos les plus visionnées sur Youtube, seules trois ne sont pas des vidéos musicales postées par les artistes.
Avec la disparition des supports physiques, les ayants droits ont vu leurs revenus s’écrouler et ont été les grands perdants de la révolution numérique.
Les défenseurs des libertés sur Internet : pour qu’Internet reste un espace de liberté profitable au citoyen avant tout 
Enfin, poussés à l’extérieur du ring, on trouve les défenseurs des libertés sur Internet qui, eux aussi, ont leurs lobbies politiques et leurs organisations (citons la quadrature du net par exemple). Ils voient dans le durcissement des positions de chacun une menace. Il est par exemple de plus en plus difficile aux utilisateurs de passer outre l’agressivité du robot de YouTube lorsqu’ils publient des vidéos avec de la musique. Au-delà de YouTube se pose aussi la question de la propriété et de l’utilisation faites des données personnelles des internautes.

Parmi les défenseurs des libertés sur Internet, il y a aussi des forces politiques. Le parti pirate, d’origine Suédoise et présent dans plus de 30 pays, se place clairement du côté de l’extension des libertés sur le net. En 2015, l’eurodéputée du parti pirate allemand Julia Reda avait adressé un rapport de projet sur le droit d’auteur: un projet d’assouplissement du droit d’auteur en accord avec la ligne du Parti Pirate, jugé irrecevable par les ayants droits et sabordé, entre autres, par la France.
Communicant, ton média va changer
La bataille est lancée, en France comme en Europe. Du côté de quels intérêts va pencher la législation? L’ACTA (accord commercial anti-contrefaçon), en 2012, avait été jugé liberticide par un bon nombre d’acteurs du net. Après cette « taxe Youtube », une nouvelle proposition d’harmonisation du « droit d’auteur dans le marché unique numérique » sera discutée au Parlement Européen en 2017. Une proposition, qui, selon Sophian Fanen, en charge du dossier pour Les Jours, a été introduite « au pied de biche » par les lobbyistes de l’industrie musicale. Ça promet. 
Gaël Flaugère
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Sources : 
• Begeek.fr, youtube et revenus publicitaires, Décembre 2013
• Numerama, La France flingue le rapport de l’eurodéputée pirate Julia Reda, février 2015
• Les Jours, La fête du Stream S2E1, Décembre 2016
• Les Echos, Idées & Débats, Pourquoi une « taxe YouTube » est inepte, mercredi 14 décembre 2016  
• Le Monde, Économie et Entreprise, La « taxe YouTube » retente sa chance à l’Assemblée nationale, mercredi 7 décembre 2016
• Rapport du Senat, 3 octobre 2012, Le CNC : une « exception » budgétaire ? Disponible au format PDF
Crédits photos : 
Gaël Flaugère

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Politique

Matteo Renzi, la com à l'italienne

Dès son arrivée à la tête du Conseil des ministres, en février 2014, Matteo Renzi s’est imposé comme un virtuose de la communication. Avec plus de 2 millions d’abonnés sur Twitter, plus d’1 million de fans sur Facebook et même un compte Instagram, le jeune chef du gouvernement est aujourd’hui le dirigeant européen le plus suivi sur les réseaux sociaux. Il a ainsi transformé la communication politique italienne, passant d’une communication pyramidale à une communication en réseaux.
Sa stratégie de communication de proximité lui a permis de construire une forte communauté et ainsi de diffuser ses idées. En adoptant un style décontracté, que ce soit par son look ou sa façon de parler, Renzi a réussi à créer sa propre image de marque. Jusqu’ici admiré pour ses talents de communicant, l’ex-publicitaire a pourtant échoué lors de sa dernière campagne. Retour sur un flop à l’italienne…
Le Président du Conseil en campagne médiatique
Dans la continuité de ses hashtags #Italiariparte (faire repartir l’Italie) et #lavoltabuona (le bon moment), Renzi a amorcé une campagne massive placée sous le signe du changement pour promouvoir sa réforme, soumise au referendum le 4 décembre. Celle-ci propose une transformation assez importante de la Constitution. En effet, une volonté de renforcer le pouvoir exécutif et de mettre fin à l’instabilité politique propre à l’Italie depuis plus de soixante ans est clairement affichée. Pour cela, le projet de loi avait pour objectif de redéfinir intégralement le rôle du Sénat.
Afin de récolter un maximum de « Oui », le résidant du Palais Chigi s’est lancé dans une campagne qui a duré près de cinq mois afin de s’adresser à l’ensemble de la population. Il a ainsi déclaré vouloir employer un « langage simple pour parler de contenus compliqués ».
Et quoi de plus simple qu’une série de spots diffusée sur les réseaux sociaux ? Après avoir divulgué de courtes vidéos mettant en scène des Italiens disant « Sì » à la réforme, c’est à Firenze que Renzi a dévoilé les spots phares de sa campagne, à savoir celui de l’enfant et celui de la grand-mère. Tandis que l’enfant pense à un avenir impossible en Italie si les choses n’évoluent pas, la grand mère justifie tous les éléments du projet par « Si tu votes non, rien ne changera. ».

Sa stratégie est digne de celle d’une grande marque. Il utilise en effet la répétition d’un même discours par le biais de la grand-mère afin d’ancrer sa volonté de réforme dans l’esprit des électeurs. Mais vendre son programme politique, est-ce la meilleure façon de faire adhérer la population ?
Rien ne changera, sauf le Chef du gouvernement…
Le « non » l’a finalement emporté, et la campagne n’a donc pas porté ses fruits. Cet échec est-il dû aux propositions en elles-mêmes ou à une communication un peu trop personnalisée ? Si les Italiens, très attachés à la Constitution, n’étaient certes pas tous d’accord avec la réforme, Renzi a aussi sa part de responsabilité. En effet, de par ses résultats mitigés et sa façon de communiquer, il n’a pas toujours fait l’unanimité.
Il est parfois perçu comme un personnage arrogant à cause de son style et de son comportement, parfois un peu trop décontracté et sûr de lui. Cette attitude assez particulière pour un homme politique a même attirée les caméras du Petit Journal de Canal + qui, en 2015, lors d’une journée avec Martin Schulz, avait remarqué l’impolitesse du Chef du gouvernement italien. Celui-ci, après être arrivé en retard, a fait attendre le Président du Parlement Européen pour répondre à un appel et prendre un selfie avec de belles Italiennes.
Bref, une arrogance qui commence à agacer, d’autant plus pour cette campagne durant laquelle Matteo Renzi a mis en jeu sa démission, faisant passer la réforme pour un enjeu personnel beaucoup plus que pour un enjeu national. Cette personnalisation du projet a servi d’argument pour les opposants qui ont lancé leur propre spot, ironisant sur celui de Renzi, en allant même jusqu’à ré-utiliser le petit garçon pour réfuter tous les arguments en faveur du « Oui ». La publicité de Renzi n’a pas obtenu un grand succès, la contradiction entre l’enfant et la grand-mère ayant plus divisé que rassemblé.
Cette communication, peut-être trop simple pour un programme politique, s’est attirée les foudres de quelques Italiens qui ont créé une parodie de celle-ci, partagée avec le hashtag #Sevotino (si tu votes non).
La communication politique doit être unificatrice plus que personnelle. Être un bon communiquant ne suffit pas, d’autant plus que l’on reproche au « pro de la com » de n’être innovant que dans ses discours.
En effet, Renzi négligerait sa politique numérique et utiliserait peu l’innovation puissante que représente le web. La médiatisation avant le concret — Renzi en a payé les frais. Il est en effet parfois comparé à Silvio Berlusconi dans son rapport aux médias. Face à son échec, Matteo Renzi a finalement démissionné. Ce départ est encore une fois très médiatisé. Dans un énième spot, les bénéfices de mille jours d’un Renzi au pouvoir sont exaltés.

Alors quel avenir pour le Président du Conseil après ce flop politique ? Lors d’une interview pour le magazine Vanity Fair, il avait évoqué l’idée de se recycler en présentateur télé. Renzi présentateur de Grande Fratello, on adorerait voir ça… Ou pas !
Charlotte Delfeld
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Sources :
• DE LA ROCQUE Jean-Pierre. « Pourquoi Matteo Renzi a perdu son referendum en Italie ». challenges.fr. 5/12/2016. Consulté le 10/12/2016.
• GRASSO Aldo. « Renzi, la nonna, il bambino e gli spot (bruttini, ma concreti) per il sì al referendum: « Se voti no non cambierà nulla » ». corriere.it. 30/09/2016. Consulté le 10/12/2016.
• LA REPUBLICCA. « Renzi:  » Pronto a cambiare Italicum, referendum più importante Pronto » ». 29/09/2016. Consulté le 10/12/2016.
• Redazione News. « Dopo tutto questo ? Mi darò alla TV. ». vanityfair.it. 20/02/2014. Consulté le 11/12/2016.
• MARTEL Frédéric, « Matteo Renzi, l’as de la com’ numérique au grand flou politique. ». slate.fr. 18/10/2015. Consulté le 8/12/2016.
• TOSSERI Olivier. « Pour Matteo Renzi, révolutionner l’Italie, c’est d’abord communiquer ». lopinion.fr. 27/03/2014. Consulté le 8/12/2016
Crédits :
• Marc Hom pour Vanity Fair
• Twitter @matteorenzi

Société

Sausage party: tant qu'il y a du scandale, c'est pas fini

Sausage Party, le nouveau film d’animation de Seth Rogen et Evan Goldberg, est sorti en France le 30 novembre 2016. C’est l’histoire d’une petite saucisse qui s’embarque dans une quête dangereuse pour découvrir ses origines. D’autres thèmes d’actualité et de société — et même de géopolitique, notamment à travers le conflit israélo-palestinien — sont abordés. Les réalisateurs Seth Rogen et Evan Goldberg étant avant tout les grands maîtres de la stoner comedy (genre cinématographique dont l’intrigue montre l’utilisation du cannabis) et de l’humour subversif, il en résulte par conséquent un dessin animé qui se rapproche plutôt d’American Pie que d’une production Disney.
La stratégie de communication du film d’animation présentait un double enjeu. D’une part, il était important de mobiliser le public autour de la sortie du film, qui à l’origine n’était pas prévue en France mais pour direct to video, la décision du lancement fut encouragée par la mobilisation des fans de Seth Rogen. D’autre part, après sa sortie, La Manif Pour Tous, s’est mobilisée et a bruyamment dénoncé l’hyper-sexualisation du dessin animé. Revirement stratégique : il a fallu faire profil bas pour normaliser Sausage Party par rapport au reste des sorties. Cet événement témoigne surtout de la difficulté de communiquer autour des films d’animation en France, ceux-ci étant éternellement perçus comme des films pour enfants.
Une communication officielle potache mais tardive et ambiguë…
En France comme aux USA, les producteurs avaient misé sur une communication bon enfant, presque familiale, en revenant aux fondamentaux du film : montrer la vie d’aliments qui, comme les jouets dans Toy Story, se réveillent dès que les humains ont le dos tourné. La société française chargée de la distribution s’est donc appuyée sur le synopsis du film pour en assurer la communication, notamment en utilisant la marque « Morteau Saucisse ». Étant donné que le héros du film est une saucisse, le lien était tout trouvé et permettait à la marque alimentaire de s’offrir une image plus jeune et une visibilité nouvelle en magasin.

Par ailleurs, pour le distributeur, il s’agissait aussi de s’offrir les services d’un groupe qui avait su marquer les esprits lors de sa campagne de pub dans le métro parisien. Celle-ci assurait en effet « 20 cm de bonheur » aux acheteurs d’une saucisse chez Morteau. La stratégie communicationnelle mise en place, tout en s’approchant du type d’humour développé dans le film, a donc contribué à rendre celui-ci plus accessible aux consommateurs.
Paradoxalement, le fait que Cyril Hanouna ait été choisi pour doubler un des personnages, brouille un peu ce message : il est un des animateurs préférés des adolescents et pré-adolescents, or cela donne l’impression que ce public pourra se retrouver dans le film. Mais ce n’est cependant pas le cas. De plus, en France, la communication autour de la célébrité des doubleurs a plutôt lieu lors de la sortie de films d’animations pour enfants, ce qui contribue donc au renforcement de l’ambiguïté autour du public réellement visé.
…pour un film sorti dans un contexte social peu propice
Refusant de tomber dans l’oubli à l’approche des présidentielles, La Manif Pour Tous a vu dans la sortie de ce film l’occasion de revenir sous les feux des projecteurs et de faire réentendre son message. Ce n’est pas la première fois que le mouvement ou une de ses dérivées, cherche à préserver les « chères têtes blondes » (selon leurs propres termes) des affres du cinéma, qu’il s’agisse des affiches ou du contenu d’un film. La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche et ses scènes jugées trop explicites par certains spectateurs, ou encore L’inconnu du Lac d’Alain Guiraudie et son affiche un peu trop suggestive, ont eux aussi connu les foudres des associations familiales. Il s’agit en quelque sorte d’une spécificité française puisque ces trois œuvres cinématographiques sont sorties à l’étranger, également avec des restrictions de diffusion selon l’âge des spectateurs, mais sans jamais susciter de telles polémiques.
Cette mobilisation est en fait basée sur les revendications plus politiques de La Manif Pour Tous. Leur communication sur Twitter mentionne en effet la récente campagne anti- VIH du gouvernement français mettant en scène des couples homosexuels, qui serait choquante pour les enfants. En interpellant tout d’abord le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (qui ne gère pas les affaires liées au cinéma) puis le Conseil National du Cinéma et de l’Image animée, il semble que ce soit plus largement le gouvernement qu’ils ont souhaité pointer du doigt, et plus particulièrement, sa politique concernant la famille. Plus que le film en lui-même, c’est donc une certaine image de la sexualité dans la société que le mouvement dénonce.

Mais pour quel effet ?
La méthode utilisée est paradoxale et rappelle le phénomène du Streisand effect, du nom de Barbara Streisand : plus l’on cherche à cacher quelque chose, plus il y a un risque que cela gagne en popularité. En effet, pour mettre en garde les spectateurs potentiels du film sur sa dangerosité pour les enfants, ceux qui s’opposaient à sa sortie ont diffusé les deux minutes les plus polémiques du film, augmentant ainsi le risque pour les plus jeunes d’y être exposés.
Finalement, le peu de signatures recueillies sur les pétitions (moins de 3 000 pour le premier résultat Google au 11 décembre 2016) semble signaler que cette présence importante sur les réseaux sociaux n’est pas forcément représentative d’un réel engagement. Une petite minorité convaincue parvient à se rendre visible, sans pour autant réellement mobiliser les masses autour de cette cause.
Malgré la tentative de succès en voulant surprendre le public afin de susciter la polémique, le film n’aura fait que 40 000 entrées la première semaine, se plaçant à la 11e place du box-office. Finalement, les fans du films mobilisés pour sa sortie ont été satisfaits et aucun des spectateurs n’a été traumatisé, comme le pensent les opposants : plus de bruit que de mal !
Justine FERRY
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Sources :
• http://www.mesopinions.com/petition/enfants/censurer-sausage-party-dessin-anime- pornographique/26528 (pétition créée le 28/22/2016, consultée le 10/12/2016) –
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Sausage_Party (consulté le 11/12/2016) -Assaoui, Sofian (publié le 22/11/2016) http://france3-regions.francetvinfo.fr/franche-comte/ saucisse-morteau-ambassadrice-du-film-sausage-party-1136847.html (consulté le 10/12/2016)
• Couston, Jérémie (publié le 01/12/2016, mis à jour le 02/12/2016) : http://www.telerama.fr/ cinema/sausage-party-comment-la-manif-pour-tous-fait-tout-un-plat-avec-une-saucisse, 150892.php (consulté le 09/12/2016)

Politique

Ladies First !

Ça y est, le mandat de Barack Obama prend fin et apporte avec lui son lot d’incertitudes en vue de la future présidence de Donald Trump. En plus de tourner la page Barack Obama, les Américains vont également devoir dire au revoir à sa femme Michelle. Car pour nos amis transatlantiques, on ne peut omettre Michelle Obama quand on évoque le double mandat de son mari. Femme populaire, femme engagée, cette First Lady restera une figure mémorable de la Maison Blanche, peut-être grâce à une communication efficace. Dans une Amérique qui n’a toujours pas eu sa femme présidente, la figure de la First Lady intrigue, fascine, interroge. Si certaines femmes se sont faites discrètes lors de la présidence de leur mari, d’autres se sont saisies de cette fonction avec brio. Mais que se cache-t-il vraiment derrière ce titre si insolite ?
To be or not to be First Lady, that is the question
La First Lady occupe avant tout une fonction non officielle, entendons qu’elle ne touche aucun salaire. Elle peut donc n’être qu’une présence, sans aucun rôle à proprement parler, hormis celui d’hôtesse de la Maison Blanche. Étant dans une position de visibilité, la First Lady peut alors s’emparer de cette fonction pour soigner son image, et par là jouer un rôle essentiel dans la communication du président, jusqu’à être son meilleur atout.
À partir du moment où son mari est élu président des États-Unis, la première dame a cependant le devoir implicite de s’impliquer dans la vie politique de son pays, en défendant notamment des causes qui lui tiennent à cœur. On observe bien cet engagement forcé dans le gros titre des Inrocks « Quelle première dame sera Melania Trump ? », supposant par là que cette femme s’engagera du fait de la fonction qu’elle s’apprête à occuper. D’ailleurs, le mystère entourant Mrs Trump et sa discrétion dans la campagne présidentielle de son époux, lui ont presqu’ôté son titre de première dame au profit d’Ivanka Trump, fille de Donald, considérée plus légitime au titre de First Lady car beaucoup plus présente médiatiquement.
L’alter ego féminin du président ?
Directement liée au président des États-Unis – étant sinon sa femme, du moins une proche parente ou amie – la First Lady    a une fonction de représentation. Plus qu’une figurante dans le générique de l’histoire des États-Unis, la première dame porte des valeurs pour les Américains, représentant une certaine idée de la femme américaine. C’est pour cela que l’équipe de campagne de Donald Trump aurait insidieusement modifié le parcours académique de Melania Trump sur son site internet, afin qu’elle apparaisse plus instruite aux yeux de l’Amérique.
Sa communication est donc intrinsèquement liée à celle de l’homme d’État. Par effet de miroir, au président cool qu’a représenté Barack Obama, Michelle s’est illustrée comme étant une première dame aussi cool que son mari, enchaînant danses, rap et plateaux télévisés. Cette communication à l’unisson est donc doublement efficace, en témoigne l’imaginaire autour du couple Obama qui s’est soldé en août 2016 par le film First Date autour de leur première rencontre.

La First Lady peut avoir un rôle d’équilibre, pour combler les lacunes d’une communication imparfaite. On peut se souvenir du discours de Melania Trump sur les propos sexistes de son mari, essayant ainsi de rectifier le tir, de le transformer en honnête homme aux yeux du monde. Peine perdue, car ses propos interfèrent avec le discours clairement assumé du colosse Trump, décrédibilisant les propos de la fébrile Melania.
La First Lady est donc assimilée à son mari, pour le meilleur et pour le pire. Face aux futures réjouissances que promet Donald Trump, sa femme Melania déchaine les critiques et est régulièrement moquée sur son passé, sur son physique et sur ses propos, enregistrant un chiffre record d’impopularité pour une première dame. Elle est d’autant plus mal aimée qu’elle a été prise en flagrant délit de plagiat d’un discours de Michelle Obama lors de la convention républicaine de Cleveland.

Mais la First Lady peut aussi se détacher de l’image de son mari et voler de ses propres ailes politiques.
Lorsque l’engagement politique est fort, la First Lady est individualisée comme une femme politique à part entière. C’est le cas de Michelle Obama qui a allié ses forces à celles d’Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle de 2016. La rumeur a ainsi couru que l’actuelle First Lady se présenterait à l’élection présidentielle de 2020 – rumeur vite démentie par Barack Obama. Cette femme laisse derrière elle un héritage propre, indépendamment de celui de l’actuel président. Elle a par exemple milité en faveur de l’accès à l’éducation pour toutes les jeunes filles dans le monde et est à l’origine de la campagne Let’s move pour lutter contre l’obésité.
De la même manière, Hillary Clinton a failli passer de la fonction d’ancienne First Lady à celle de First Woman President. La proximité avec la politique dans le passé de First Lady permet dans certains cas d’acquérir des compétences politiques et donc une légitimation pour se présenter à l’élection présidentielle.
Chic & politique : un cocktail gagnant ?
A l’ère de l’hypermédiatisation, la communication par l’image est essentielle pour une fonction caractérisée par sa visibilité médiatique. Déployer ses plus beaux sourires, arborer ses plus belles tenues; être First Lady c’est aussi un ton, un style original pour une communication à la hauteur.

Le mélange détonnant « cool et sérieux » de Michelle Obama a su porter ses fruits, et le capital sympathie qu’elle a su rassembler est probant. La mode a également son mot à dire dans le style de la First Lady. Mais il ne s’agit pas seulement de « faire beau », la First Lady n’étant certainement pas réduite à un physique ! La déclaration de Donald Trump « Ma femme ferait joli sur les portraits officiels ! » a fait parler d’elle, cristallisant son image de candidat sexiste. Caractérisée comme une « icône de la mode », Michelle Obama a fait le bonheur de grands couturiers, heureux que leurs vêtements portent les valeurs de la première dame. Et c’est à ce titre que de grands stylistes tels que Sophie Theallet et Tom Ford ont refusé d’habiller la nouvelle First Lady Trump, ne voulant pas associer leur marque à un président au discours raciste, sexiste et xénophobe.
Ce titre, aux limites bien floues, a donné lieu à des First Ladies différentes les unes des autres. Bavarde ou discrète, présente ou effacée, politicienne aguerrie ou aversion pour la politique, il y en a pour tous les goûts – et pour toutes les époques. Et comme dirait Beyoncé : « Who runs the world ? » Girls !
Diane Nivoley
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Sources :
• DANCOURT Anne-Charlotte, « Quelle première dame sera Melania Trump ? », Les Inrocks, mis en ligne le 13/11/2016, consulté le 04/12/2016.
• LAURENT SIMON Caroline, « Qui est vraiment Melania Trump ? », Elle, mis en ligne le 01/12/2016, consulté le 04/12/2016.
• KUCINSKAS Audrey, « Michelle Obama, les adieux d’une première dame exemplaire », L’Express, mis en ligne le 20/10/2016, consulté le 04/12/2016.
• PARIS Gilles, « Melania Trump, une First Lady qui tranchera avec Michelle Obama », Le Monde, mis en ligne le 11/11/2016, consulté le 04/12/2016.
• GBADAMASSI Falila, « Michelle Obama : une First Lady devenue très influente », FranceInfo, mis en ligne le 08/11/2016.
Crédits :
• Lawrence Jackson Abidjian911.com

Société

Le journalisme immersif et l'effet de réel: jusqu'à quel point ?

 
Cela fait maintenant quelques années que la réalité virtuelle* a fait son apparition dans le domaine des nouvelles technologies (les casques sont commercialisés depuis juillet 2016). Elle fascine, interroge et s’approprie l’univers des médias, le reconfigurant et lui offrant un potentiel encore inexploré.
Mais outre le domaine du loisir, quelles sont les autres potentialités d’une telle technologie ? Le journalisme peut-il vraiment s’adapter à la réalité virtuelle tout en restant fidèle à ses propres règles d’éthique ?
Un champ de possibles quasi infini
Aujourd’hui, le monde des jeux-vidéos est probablement celui qui parvient le mieux à tirer parti de ces potentialités. Bien plus que de faire évoluer des personnages dans un univers fictif qui se déployait devant nous, il nous est désormais possible de vivre le jeu, d’être le héros d’une histoire qui se déploie autour de nous.
Lorsque l’on réfléchit aux multiples possibilités médiatiques que nous offre la VR (virtual reality), on omet souvent d’inclure le milieu de l’information, et plus précisément celui du journalisme. Certes, le journalisme immersif n’est pas en soi quelque chose de nouveau (le journaliste allemand Günter Wallraf se posait déjà en pionnier en 1986 avec son livre Tête de Turc*) ce qui a changé au fond, ce sont les outils propres à cette immersion.
Une extension progressive au domaine journalistique
La plateforme Youtube héberge déjà les vidéos à 360° de l’office du tourisme australien, National Geographic ou les promoteurs d’un film d’horreur…

Mais ils ne sont pas les seuls à s’approprier cette technologie. Le New York Times ou la chaîne américaine ABC ont également lancé leur propre application pour diffuser des reportages en réalité virtuelle. Par exemple, le quotidien New-Yorkais a investi dans des « google cardboards »* qu’il a envoyé à ses abonnés : avec une simple boîte en carton, un smartphone et l’application NYT VR, vous pouvez avoir un aperçu de ce qu’est la réalité virtuelle.
Désormais au cœur de l’action, le spectateur voit non seulement ses sens mis à contribution, mais la narration elle-même évolue : elle n’est plus linéaire mais environnée, et s’adapte aux réactions du spectateur. Comme le souligne celle que l’on appelle aussi la « marraine de la VR », Nonny de la Peña, l’impact de la réalité virtuelle peut être conséquent. Dès 2012, cette journaliste a commencé à s’approprier pleinement le potentiel de la VR en proposant, avec la société Emblematic Group (spécialiste dans les formes innovantes de journalisme), des documentaires en 3D.
Certes, les premiers reportages en sont encore à leurs balbutiements, réalisés en image de synthèse d’une bien médiocre qualité… Pourtant, le succès est au rendez-vous. De la Peña filme des spectateurs en train de visionner (ou plutôt de participer) à son documentaire immersif Hunger in L.A. On y voit des gens s’agenouiller pour tenter d’aider un homme qui, souffrant de diabète, fait un malaise et tombe au sol ; on les voit même éviter un corps qui n’est pourtant pas physiquement là.

La VR incarne la promesse d’une immersion totale et sensorielle, permettant une plus grande compréhension du sujet par le biais d’une empathie accentuée. Pour citer Raphaël Beaugrand (directeur de réalité virtuelle chez Okio Studio) : « Pour un journaliste, il n’y a rien de mieux que la réalité virtuelle pour communiquer, permettre aux gens de ressentir, d’écouter, de voir ce que le journaliste vit in situ ».
L’immersion, au détriment d’une pratique objective ? Dans un reportage faisant appel à la technologie de la réalité virtuelle, l’implication émotionnelle du sujet est bien plus forte qu’avec tout autre type de reportage. Tom Kent, professeur de journalisme, nous prévient : « Dans les médias traditionnels aussi, le désir de peindre une cause ou une personne dans des tons sympathiques peut entrer en conflit avec l’impartialité. Mais le potentiel est encore plus grand dans le monde VR […] ». Or, nous le savons, l’émotion n’est pas la source d’une meilleure compréhension du monde, et il n’est pas certain que l’empathie aille de pair avec la définition du journalisme.
Dans de telles conditions, comment les journalistes vont-ils s’adapter à ce nouveau mode de transmission de l’information ? Comment respecter l’éthique journalistique impartiale sans pour autant sombrer dans la subjectivité du journalisme gonzo*? Et surtout, comment ne pas faire de cette expérience journalistique une expérience qui se rapprocherait de ce que l’on peut expérimenter dans un jeu vidéo ?
Car cette méthode est tout juste émergente. La technologie de l’Occulus Rift, un des modèles de casque immersif, n’a été démocratisée qu’en juillet 2016, et aucun code de déontologie n’a été mis en place pour cadrer les pratiques journalistiques qui découleraient de cette technologie.
Le risque de voir l’information devenir du divertissement (infotaimnent), d’appréhender l’information comme un film ou un jeu de guerre où la réalité deviendrait fiction, est bien réel. Et l’intitulé de certains articles laisse songeur. « La Syrie comme si vous y étiez », c’est ainsi que Le Nouvel Obs a nommé un de ses articles de septembre 2014 au sujet du documentaire Project Syria de Nonny de la Peña. La promesse ? Vous faire vivre la guerre en immersion totale. Le danger ? Oublier que ces vidéos de prise réelle mêlées à la réalité virtuelle relatent des événements bien réels, et que ceux qui s’occupent de réaliser ces documentaires sont bien des journalistes.

Un bilan ?
Certes, aucun code de déontologie n’a encore été rédigé pour cadrer ces nouvelles pratiques mais, en attendant, on peut supposer que les codes de l’éthique journalistique sont encore applicables afin d’éviter toute dérive. Ce terrain est encore en friche et tout est à inventer. Toutefois, le prix de l’équipement restant relativement cher, le produit n’est pas encore commercialisé à grande échelle, ce qui laisse du temps pour instaurer des règles bien précises.
Enfin, pour laisser le dernier mot à Gaël Seydoux, responsable de la Recherche et de l’Innovation chez Technicolor, c’est bien « L’éducation à ce média [qui] sera primordiale ».
Lina Demathieux
@Lina_Dem