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Marketing féministe, drôle de forme d’engagement contemporain

Si la définition du féminisme est souvent controversée, on peut s’accorder à le concevoir aujourd’hui, comme l’ensemble de mouvements et d’idées tant politiques que philosophiques et sociales visant à promouvoir le droit des femmes dans la société civile comme dans la sphère privée et d’abolir les inégalités hommes-femmes. But noble et ambitieux, poursuivi depuis des siècles à travers des figures variées, il est depuis quelques années utilisé comme argument marketing. S’agit-il d’un engagement idéologique des marques ? D’une stratégie purement commerciale s’adaptant aux évolutions de notre société ?

L’imaginaire de la féminité par la publicité

La publicité a pour habitude de renforcer clichés et stéréotypes. Sans doute de par sa nature et ses formats, elle se préoccupe de capter l’attention du consommateur en fournissant un message facile et rapide à comprendre, en conformité avec l’idéologie de la marque et ses idées préconçues.

Concernant l’image de la femme, pendant longtemps si ce n’est toujours, la tendance y a été plutôt sexiste. Nous avons tous en tête une de ces affiches Moulinex réclamant qu’un robot ménager rendrait la femme libre. Libération qui se ferait donc au cœur de sa maisonnée, reflet d’un charmant idéal : l’homme travaille dur pour offrir une machine à sa femme, au foyer, qui allègerait les tâches ménagères, sa seule (pré)occupation.

Depuis les années 1950, cette représentation de la féminité a évolué, mais elle reste largement abordée comme celle désirée par les hommes. Depuis quelques années, elle est mise en avant par certains comme une féminité voulue par la femme. Cependant, les images dressées semblent encore être le plus souvent construites par des désirs masculins, représentant souvent la nudité et des artifices considérés comme nécessaires attributs féminins.

Prenons par exemple la campagne Dove Real Beauty datant de 2006, qui expose des femmes de tous types, certes se détachant d’un idéal classique, mais toujours à poil. C’est ainsi avec ironie que le culte de l’apparence n’est que renforcé dans l’identité féminine.

Cette proposition d’#empowerment, littéralement « donner le pouvoir aux femmes » à priori bienveillante et positive, est-elle vraiment une initiative féministe lorsqu’elle est placée dans le cadre d’une invitation à la consommation ?

Transformation de l’imaginaire et branding de l’engagement

On ne peut être que tenté de faire le parallèle avec ces stars comme Beyoncé, Miley Cyrus ou encore Nicki Minaj qui ont soudainement adopté un discours féministe engagé, notamment à coup de hashtags viraux.

Comme d’autres mouvements politiquement ou socialement engagés tels que le veganisme, lorsque le féminisme est utilisé à des fins marketing, il semble perdre de sa substance, se confondre à une tendance et se tourner en ridicule. Le spot publicitaire de la marque de cosmétique Cover Girl de février 2014 peut illustrer le décalage quelque peu perturbant de l’utilisation d’un message féministe pour vendre du mascara et de la poudre.

https://www.youtube.com/watch?v=KmmGClZb8Mg

Si cette approche semble être la plus commune dans le marketing « féministe », d’autres semblent constituer des formes plus abouties. Par exemple, la plus clairement féministe campagne Always #CommeUneFille, voulant redonner confiance aux adolescentes.

Il est tout de même bon de voir la femme présentée comme un sexe capable et (plus) fort qu’auparavant, et de constater que le sexisme n’est plus si vendeur. Cette évolution de l’imaginaire collectif est d’ailleurs confirmée par des initiatives telles que celle de SheKnows Media, qui a lancé les « #Femvertising Awards » en 2015 pour récompenser et reconnaître les marques questionnant la représentation des sexes et soutenant des messages féministes dans des publicités ciblant les femmes.

Plus par ici, femvertisingawards.

D’autres renversent la tendance et participent à ce qui ressemble à l’apparition progressive de l’homme-objet comme stratégie marketing. On pense notamment au site adopteunmec.com qui présente humoristiquement l’homme comme un produit en lui-même. Plus récemment encore, la campagne publicitaire de la marque de vêtement Jules, qui se propose de questionner avec légèreté des stéréotypes masculins.

Gardons cependant en tête que les enjeux sociétaux ne sont pas les mêmes. Est-ce gage d’égalité que d’assumer avec légèreté une sexualisation commerciale de l’individu, indifféremment de son sexe ?

Si le système publicitaire n’a pas pour ambition de porter des mouvements politiques et sociaux, il reflète dans une certaine mesure la société dans laquelle nous vivons et les idéologies qu’elle sous tend. Les enjeux éthiques, qu’il s’agisse de représentations véhiculées, du traitement des employés concevant les produits, ou du respect de l’environnement, restent tout de même importants. Ils nous reflètent et nous influencent.

Carole Ferrandez

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Sources :
• Nosheen Iqbal, Femvertising : how brands are selling #empowerment to women, The Guardian, 12 octobre 2015
• Alice Pfeiffer, Comment le féminisme est-il devenu un argument marketing ?, Magazine Antidote, 12 décembre 2016
• Elodie Jauneau, Hommes et femmes égaux devant le diktat du marketing,Blog Affichage libre, 5 novembre 2014
• http://femvertisingawards.com
Crédits :
• Photographes Dave Metcalf et Chris Turner, campagne Dove Real
Beauty, 2006
• Nicki Minaj dans son clip Anaconda, 2014
Photo bannière Crédit
• Campagne Always #comme une fille

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