Culture

Peut-on toujours « madonner » le monde à 53 ans ?

 
Ce n’est une surprise pour personne : le nouvel album de Madonna est sorti le lundi 26 mars dans les bacs. Minutieusement préparée, la communication élaborée autour de la parution de cet opus provoquait déjà une scission entre les fans impatients et les autres, partagés entre l’agacement et une curiosité réservée. Toutefois,  chacun à sa manière attendait de pied ferme le retour de la « Reine de la Pop ».
Le titre même se veut accrocheur : « MDNA », initiales qui font évidemment écho aux petits cristaux euphorisants, ainsi qu’au DNA, acronyme anglais d’ADN. On s’attend alors à un album qui serait du « pur Madonna », marqué à la fois par son ADN et ses vertus addictives. La promesse est élevée, et la communication autour du douzième album de la Reine n’est pas là pour le démentir.
L’élément paroxystique de sa promotion est bien sûr sa performance à la mi-temps du  Super Bowl 2012, diffusée sur NBC. La Madone commençait en effet son live en reprenant deux de ses titres phares : Vogue et Music, avant d’enchaîner de façon plus surprenante sur une reprise de Sexy and I Know It de LMFAO. Mais c’était surtout l’occasion de chanter son nouveau single Give Me All Your Luvin avec ses deux nouvelles collaboratrices Nicki Minaj et MIA. Devant environ 114 millions de téléspectateurs, il s’agissait d’un véritable enjeu pour créer l’engouement autour de son album.

Oui mais voilà, déjà, à ce moment, un article du Figaro soulignait : « La prestation était à couper le souffle du côté de la mise en scène. Mais la chanteuse, un peu molle et hésitante dans sa performance, a perdu de sa superbe. ». Un tel propos laisse bien entendre le principal obstacle pour Madonna : personne ne nie sa capacité à surprendre et à proposer des spectacles de qualité, mais là où le doute s’installe, c’est lorsqu’il s’agit de savoir si elle est toujours celle qui casse les paradigmes des tendances musicales, celle qui trône au royaume de la musique populaire.
En effet, celle qui a vendu le plus de disques de tous les temps se confronte à des monstres de la scène musicale, prêts à jouer sur les ressorts les plus efficaces de la communication et de la provocation pour faire parler d’eux. Citons sa principale concurrente Lady Gaga, à la fois artiste la plus suivie sur Twitter et personnalité la plus influente du monde selon le magazine Time . Celle-ci cherche l’innovation à un point tel qu’elle a opté pour un changement de look au jour le jour, la création d’un réseau social (LittleMonsters.com) ou encore des prises de position politiques (la dernière en date : création d’une association pour se battre contre les humiliations subies par les jeunes lors des bizutages). Par ailleurs, l’américaine délurée est tout aussi capable de faire des shows enflammés que des ballades au piano.
En clair : la jeune génération (oui oui, Katy Perry, Shakira, et toute la clique) a formé une nouvelle cour des Grands, dans laquelle on joue certes à provoquer aux niveaux politique et sexuel, mais également à triompher sur Twitter & Co. Voilà pourquoi le nouvel album de Madonna semble décevoir : il semble presque désuet dans les moyens qu’il exploite pour faire parler de lui.  Ainsi, le clip « Girls Gone Wild » paru tout récemment, tire les ficelles du « porno chic » dans un paysage sadomasochiste qui… non seulement ne surprend plus, mais encore fait penser aux premières vidéos de Madonna, illustrant des morceaux comme Erotica.

Madonna : Girl gone wild (2012) par tartenpion333
Enfin, on serait presque tenté de dire que quelque chose sonne « faux » dans cette exhibition de la part de cette femme de 53 ans. Elle serait allée jusqu’à s’écrier « Combien d’entre vous dans cette salle ont vu Molly ? » (pour ne pas dire MDMA) au festival Ultra Music à Miami, propos qui amènera le DJ canadien Deadmau5 à poster sur Facebook : « Très classe, Madonna. Quel super message pour les jeunes fans de musique. Mais au moins, t’es hype et branchée! J’en ai rien à faire de critiquer Madonna. Je peux admirer sa carrière et tout ce qu’elle a fait de bien, mais c’était quoi, cette connerie? C’est ça, ton message? Rechercher de la drogue? Va te faire foutre, putain d’imbécile! ».
On peut donc penser, au terme de cette argumentation, qu’il y a peut-être une erreur dans l’approche de Madonna pour continuer à régner sur le monde de la pop, qui est paradoxale : pour être « in », la diva n’aurait peut-être pas dû surfer sur la puissante vague électro-érotique qui fait la grande tendance du moment. Toutefois, il faut savoir que les plus critiqués sont en général les plus grands, et que l’album de Madonna reste de bonne qualité, beaucoup de journalistes se recoupant dans leur opinion, selon laquelle les singles ne sont pas les meilleurs morceaux, l’album proposant quelques bonnes pistes à l’instar de « Gang Bang » ou « I don’t give A ».
Il revient donc à chacun de faire le choix d’aimer ou ne pas aimer.

 
Lucas Vaquer
Crédits photos: billboard.com  

Street Art "What are you looking at" ?
Culture

Jacques ne l’a pas dit mais le street art est en vogue

 
Jacques ne l’a pas dit mais peut être qu’il devrait en parler davantage. Je parle de tous ces artistes de rue à l’image de Banksy, JR ou encore Mark Jenkins qui travaillent depuis des années à surprendre les individus que nous sommes par l’exposition d’œuvres d’arts inattendus destinées à faire réagir celui qui les voit à savoir le plus souvent, le piéton.
Si je prends le temps de m’arrêter sur leur travail aujourd’hui c’est parce qu’il me semble que le street art est un mode de communication au sens le plus brut du terme tout comme l’art est de manière générale un mode d’expression et donc un mode de communication. Le particularisme du street art, enfin selon moi, réside dans le fait qu’il confronte le spectateur à un spectacle inattendu et donc surprenant voire même parfois choquant. Il est possible d’ailleurs que ce type de réaction soit celle attendu par l’artiste dès le moment où il conçoit son œuvre : par exemple Mark Jenkins comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous expose consciemment certaines de ses œuvres, des personnages en scotch habillés pour ressembler à de véritables personnes, à la vue de tous et filme les réactions des passants à leur contact.

Ce type de travail permet alors l’établissement d’une communication implicite entre l’auteur de l’œuvre et le spectateur de cette même œuvre. En effet, le premier va révéler à l’autre l’existence d’un point de vue dont il n’avait pas connaissance par le seul fait de l’amener à réfléchir au sens de ce qu’il voit. Ce qu’il voit est alors souvent très ordinaire, quelque chose qu’il voit tous les jours à tel point que paradoxalement il n’y prête même plus attention. Ce peut être le visage des gens qu’ils croisent dans la rue (JR et ses expositions photos caricatures), ou les ordures qui inondent les poubelles (Tim Noble et Sue Webster) ou encore le détournement d’objet du quotidien (la cabine téléphonique de Banksy). Eclairés sous un nouveau jour, mis en valeur par un nouveau regard l’artiste pousse son public à se poser de nouvelles questions et met en lumière des phénomènes courants et pourtant important.
Ce type d’art connait à l’heure actuelle un certain succès puisque des agents économiques et sociaux ont pu dernièrement, reprendre à leur compte ce type de mécanisme. On peut citer ici les autorités néo-zélandaises qui jouent à réaliser du trompe l’œil sur les trottoirs pour alerter les piétons sur les dangers de la route mais aussi un organe de sensibilisation anglais qui utilise le tag comme vecteur de son message sur la nécessité d’utiliser des préservatifs[1] et enfin les trois fausses grand-mères d’un groupe nommé Neozoon qui cherchent à faire passer leur message quant à la lutte contre la maltraitance des animaux en affichant des fourrures dans les rues de Paris et Berlin[2].
Ainsi, le street art en vient à se démocratiser et à se mettre parfois au service d’idéaux qui communiquent alors de manière frappante sur leurs idées. Si l’idée est intéressante il convient cependant de ne jamais oublier que le street art trouve ses racines dans la sincérité, le partage d’idées fortes et une certaine abnégation des artistes qui le représentent puisqu’ils cherchent avant tout la confrontation avec le public. Des lors, il est nécessaire de s’inscrire dans cet esprit pour réussir à frapper avec succès et une certaine éthique, l’esprit des passants qui verront votre travail.
 
Justine Jadaud

[1] road4.com
[2] wecomin

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Affiche du film Chronicle sorti en février 2012
Culture

Hommes Volants Non Identifiés à New-York

Une attaque d’hommes venus d’une autre planète ? Non non, pas de panique il s’agit simplement de la promotion du film Chronicle qui sort le 22 Février prochain sur nos écrans.

L’illusion est saisissante et l’effet garanti, certains habitants de New-York ont d’ailleurs réellement cru à une attaque. L’affiche de cinéma classique ne suffisant plus à promouvoir un film, ces publicitaires ont voulu aller plus loin, beaucoup plus loin. Et ça marche : plus de 600.000 visionnages sur Youtube en une seule journée. Les méthodes pour diversifier la communication promotionnelle de tous types de produits n’ont pas fini de nous surprendre…
 
Héloïse Hamard

Alice au Pays des Merveilles - le fim en noir et blanc
Culture

"Il importe fort peu que la ruse et l'artifice soient connus de tous" Baudelaire

C’est toujours intéressant de combiner deux éléments. C’est commun, tout le monde fait ça. Tout le temps, pour tout. On expérimente, on essaie, on mélange. Et puis, on voit.
Alors quand on mélange deux choses qui, à priori, n’ont rien à voir l’une avec l’autre, pour peu qu’on soit un peu curieux, c’est d’autant plus intéressant. C’est ce qu’il m’est arrivé en allant voir l’exposition Trompe l’Oeil au musée des Arts Décoratifs quand dans le métro du retour je me suis trouvée nez à nez avec l’affiche de promotion du film « Tahrir, Place de la Libération » de Stefano Savona.
Sans ironie -jamais !- j’ai réalisé que je ne voyais pas de véritable coupure sémiotique avec cette exposition que je venais de quitter.
En effet, c’était seulement le deuxième film dont j’entendais parler qui traitait du Printemps Arabe alors qu’on pouvait considérer qu’il était toujours en cours.
Rien de choquant ? On médiatise, on informe. Ben voyons.
Assise sur un strapontin, une minute et les portes se referment, tout juste le temps pour moi de repenser à ceux qui nous conseillaient d’apprendre à changer d’optique. Il ne s’agit pas ici d’Alain Afflelou mais bien d’Alice et de Buñuel.
« You must close your eyes… otherwise you won’t see anything. » qu’elle disait, la petite. Buñuel semblait préférer utiliser la manière forte, rapide et efficace : couper l’œil directement. En vérité, c’est seulement qu’Alice n’avait pas le droit de jouer avec les couteaux.
Derrick a guidé mes pas jusqu’à Google : « Tahrir, Place de la Libération ». Play sur la bande annonce. Bien, c’est un documentaire. « C’est une chronique au jour le jour de la révolution, aux côtés de ses protagonistes. »

Si l’intention est louable et que je n’ai même pas encore vu le film, quid de l’objectivité d’un film tourné par un étranger dans un pays qui bouillonne ? Et surtout quid de la parole de tous ceux qui n’ont pas sur place les moyens de tourner un véritable documentaire ?
Premiers questionnements pleins d’à-priori… Ce n’est pas très Celsa, tout ça.
Je continue mes recherches ; un autre film est sorti sur un sujet proche « Fleurs du Mal » de David Dusa. Cette fois, on nous raconte une belle histoire.

C’est Père Castor en Iran ? J’ai peur. Je laisse la bande annonce se terminer. C’est peut-être un bon film, en vérité…
Ma nouvelle question n’est même pas là : ce film a utilisé de vraies séquences tournées avec des téléphones portables. Que cherche t-on à démontrer ? Dans quelle mesure ces vidéos « clandestines » sont-elles plus vraies que celles que l’on nous montre au 20h ? Et plus vraies que les films documentaires ? Qui sont ceux qui possèdent ce type de téléphones dans ces pays ? Comment vit-on la révolution chez les populations plus reculées que celles des villes, celles qui n’ont pas de téléphone ? S’en préoccupe-t-on ?
Et puisque tout devient confus : peut-on mettre en rapport les ombres et lumières utilisées dans les illusions d’optique et ceux que l’on choisit de mettre dans l’ombre ou dans la lumière en nous montrant ces révolutions ? La lentille de la caméra n’est-elle pas le premier prisme qui ne peut nous faire voir qu’une seule vérité à la fois ? Jouets optiques et jeux de miroirs ne manquaient pas aux Arts Déco…
Qu’est-ce qu’une illusion sinon un substitut pour convaincre ? Le montage est-ce la distorsion de l’image ? Devient-elle la « projection monstrueuse » dont parle l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ou « la capacité à émerveiller » ? Comment parler objectivement d’un événement qui n’est pas terminé ? Pense-t-on seulement aux conséquences que pourraient avoir ces pré-jugements ? Peut-on décemment mélanger marketing culturel et guerres civiles ? Si oui, où s’arrêtent la fiction et l’information ?
Après quel lapin blanc courent tous ceux qui cherchent à enregistrer et montrer les évènements actuels ? Et ceux qui cherchent à se les procurer?

 
Aurélia Guechi

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Black Mirror 1
Culture

Les écrans noirs du méchant Monsieur Brooker

Je sais que les temps sont durs pour nous autres sériephiles, mais je me permets quand même de vous conseiller la petite dernière de Charlie Brooker. Black Mirror, diffusée sur Channel 4 en décembre dernier a fait beaucoup de bruit  au Royaume-Uni. La mini-série en trois épisodes explore nos relations avec les nouvelles technologies, ce que nous en faisons et ce qu’elles font de nous. Avec ses allures de 1984, Black Mirror place le spectateur dans une situation dérangeante et l’invite à s’interroger sur ses propres pratiques. Tout un programme donc.
 
Trois petits tours et puis s’en va.
 
Black Mirror se décline en trois épisodes, chacun conçu autour d’une intrigue et d’un casting différents. Le premier épisode, « The National Anthem », donne tout de suite le ton. La princesse Susannah a été enlevée. Dans une vidéo, elle expose les revendications de son ravisseur: pour qu’elle soit libérée, le premier ministre doit s’engager à avoir un rapport sexuel avec un porc en direct à la télévision. Lorsque Downing Street prend connaissance de la vidéo, celle-ci est déjà sur Youtube, et est vite devenue un sujet « tendance » sur Twitter. A partir de ce moment-là, la machine médiatique s’emballe. Flash-infos, tables rondes d’experts, sondages, micro-trottoirs, le pays entier suit le déroulement des opérations. C’est une véritable structure panoptique que l’on voit s’installer devant nos yeux, s’appuyant sur des outils que nous utilisons tous les jours.
Les deux autres épisodes se situent davantage dans le registre de la science fiction.
Dans « Fifteen Million Merits », les personnages évoluent dans un univers plus futuriste, où ils sont sans cesse entourés d’écrans. Toute la journée, ils doivent pédaler sur des vélos afin de gagner les 15 000 000 points qui leur permettront de participer à Hot Shot, un concours de talent très nettement inspiré de X factor, dont il emprunte le décor et la mise en scène.  Le dernier épisode, « The Entire History of You », s’intéresse, lui, à la mémoire. Une petite puce logée derrière l’oreille des personnages enregistre chaque instant de leur vie. Tous leurs souvenirs sont stockés sur cette base de données, et ils peuvent à tout moment les visionner. Rien ne peut plus être oublié, tout est sauvegardé. Chaque instant peut être ralenti, agrandi afin d’analyser toutes les subtilités qui avaient d’abord échappé au personnage. La mémoire devient un poids dont il est impossible de se défaire.
 
Meet Brooker
 
Charlie Brooker est considéré comme un homme très drôle au Royaume-Uni, pour peu que l’on soit sensible à l’humour noir et grinçant qui est sa marque de fabrique. Cela fait plusieurs années qu’il prend un malin plaisir à tourner en dérision les médias et leurs pratiques. Sa chronique ponctuelle pour le quotidien anglais The Guardian, dans laquelle il offre son analyse satyrique de l’actualité, est l’un des meilleurs exemples du style Brooker. S’il n’est pas toujours tendre avec les médias, il est pourtant très présent dans le milieu, et surtout à la télévision. Ses émissions NewsWipe et Screenwipe, diffusées sur BBC4, et How TV ruined your life, une série en six épisodes, ont ainsi connu un certain succès et ont fini de lui tailler la réputation d’un gentil cynique.
Avec Black Mirror, Brooker change cependant de registre. Si on y reconnaît son goût pour l’irrationnel et le ridicule, le ton est nettement plus sombre qu’à l’accoutumée. Il s’attaque ici à un sujet qui semble le fasciner depuis toujours ; les nouvelles technologies et l’impact qu’elles ont sur nous. Son argument de départ, c’est que nous sommes tous accros aux gadgets, lui le premier. Nous vivons entourés d’écrans avec lesquels nous dialoguons en permanence et, comme le suggère le titre de la série (inspiré d’une chanson d’Arcade Fire), ces écrans nous renvoient une image confuse de la réalité. Dans une interview accordée au Guardian, il déclare avoir voulu explorer les effets secondaires de notre addiction à ces nouveaux outils et analyser la manière dont ils modifient notre humanité, la façon dont nous nous comprenons et rendons compte du monde qui nous entoure. Au fil des épisodes, les personnages ne sont pas libérés par le progrès, mais apparaissent au contraire comme pris au piège de tous les gadgets qu’ils ont intégrés dans leur vie. Les médias, les réseaux sociaux, tous ces écrans avec lesquels nous cohabitons, ont créé une structure de contrôle invisible qui influence nos comportements et nos réactions. Brooker place donc au centre de sa réflexion la question de l’intégrité et de l’éthique, en invitant le spectateur à se mettre à la place des personnages, en questionnant ses pratiques et en jouant avec ses peurs.
Si son penchant pour la caricature peut laisser perplexe, Black Mirror a en revanche le mérite de ne pas laisser indifférent. Lors de son lancement, la série a reçu des critiques dans l’ensemble assez positives, et beaucoup ont salué l’audace du projet. Peut-être Brooker en fait-il trop, mais c’est généralement aussi pour cela qu’on l’apprécie; pour son cynisme, et le plaisir malsain qu’il prend à bousculer nos certitudes.
 
Pauline Legrand
Crédits photo:
©Channel4
©Metro.co.uk

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Lana Del Rey
Culture

Lana Del Rey, ou la disgrâce de la nouvelle reine du net

 
Lana Del Rey, c’est le dernier phénomène musical américain tout droit venu du net qui s’apprête à prendre ses quartiers d’été dans votre radio, en admettant que vous en ayez encore une. L’héritière des Adèle, Amy, Gaga et autres popstars qu’on monte en épingle, avec toujours la même certitude d’avoir trouvé LA perle, l’Artiste qui révolutionnera le genre, c’est elle, et beaucoup promettent monts et merveilles à cette starlette aux allures hollywoodiennes. Du moins, c’était encore le cas ces dernières semaines…
Dans son dernier clip, « Born to die », la chanteuse à mi-chemin entre la madone remasterisée version 2012 et une Brigitte Bardot des 60’s piquée au botox affirme sa facture, style que l’on a pu découvrir cet automne grâce au clip de son single « Video Games » (visionné plus de 15 millions de fois sur Youtube). L’ensemble se veut conceptuel, esthétique et iconographique mais n’échappe pas aux critiques. Depuis quelques jours, Internet est le théâtre d’une cabale contre celle que les internautes s’étaient pourtant choisis comme Madone.
 
De la chanteuse lambda au produit marketing…
 
Derrière Lana Del Rey se dessine le spectre d’Elizabeth Grant, une new-yorkaise de 25 ans, qui n’était encore qu’une anonyme à la rentrée. Auteure des opus « Kill Kill » (2009), « Lana Del Ray » (2010), passés plutôt inaperçus, Lana Del Rey n’était encore qu’une artiste banale qui galérait pour se faire connaître. Pourtant la starlette détonne à l’automne avec le désormais célèbre « Video Games ». La clé de ce succès ? Un univers. En effet un triptyque relativement basique peut résumer ce nouveau concept : des lèvres, du vintage, un nom.
Parmi la multitude de prétendantes, la clé de la réussite réside dans une identité forte. Une offre abondante, des jolies filles qui rivalisent de sex-appeal et accessoirement de talent ; dans l’industrie musicale, qui ressemble de plus en plus à un hypermarché, c’est à celui qui offrira les meilleurs attributs. L’enjeu ? Le droit à la tête de gondole. De ce petit jeu, Lana a su tirer son épingle, et illustre cette nouvelle tendance des artistes « marketés ».
Stefani Germanotta alias Lady Gaga est un autre exemple de cette réification en marche des artistes.  Après des débuts difficiles, elle connaît le succès dès lors qu’elle endosse le costume de Gaga et embrasse un univers pour le moins atypique.
Dans un registre moins choc, Lana Del Rey opte pour le chic hollywoodien, s’inscrivant en icône glam’ et sensuelle. Son nom n’est en rien laissé au hasard : double référence à l’actrice Lana Turner et à une Chevrolet des années 50, elle devient héroïne d’un autre temps, vintage comme on aime. Son look travaillé -ses lèvres refaites affolent la toile- finit de nous séduire.
Jusqu’ici, c’était donc un sans-faute.
 
Un concept qui fait « pchiiitt » ?
 
Mais voilà, depuis quelques jours, fin de l’état de grâce. La blonde vénitienne essuie critiques et railleries, et si l’engouement atteint aujourd’hui les médias papier et radio ; Internet qui avait pourtant permis et accéléré l’avènement de la star réclame aujourd’hui la tête de sa reine.
Lana Del Rey ne serait-elle ni plus ni moins qu’un vulgaire produit marketing ?
La cosmétique de son travail est indéniable, mais peut-on pour autant dire que l’esthétique est son seul atout ? La belle chercherait-elle à masquer ses insuffisances avec fards et vernis ?
Pourtant les louanges pleuvaient : un album salué par la critique, des clips faits par l’artiste elle‑même grâce au logiciel iMovie qui font beaucoup parler, tout semblait rouler pour la belle.
Ajoutons à cela un ultime atout, son statut d’auteur-compositeur, qui donne, comme à Lady Gaga d’ailleurs, crédibilité et légitimité à celle qui semble en manquer au milieu de cette profonde crise de confiance. La cause ? Des prestations live jugées plus que limites par les internautes et particulièrement sa performance au Saturday Night Live considérée comme la pire prestation jamais vue sur le plateau de l’émission. Dur. Pour se défendre, Del Rey avoue à la chaîne musicale Fuse qu’« [elle] pense que les gens qui écoutent [s]a musique depuis quelques temps savent qu'[elle est] plus une auteure, une chanteuse de studio. ». Tout allait bien donc, tant que la chanteuse restait dans l’ombre et se contentait de distiller, entourée d’une aura de mystère, vidéos et compositions. Mystère éclairci par les lumières de la scène, au grand dam de la principale intéressée.
De là, il n’y a qu’un pas pour taxer la jeune femme d’imposture et de n’être qu’un produit marketing façonné par des professionnels de l’industrie musicale sachant quoi vendre, et à qui. Pourtant il n’est pas dit que cette mauvaise presse, encore cantonnée au net, ne plombe vraiment l’envol de la star. La critique contribue à faire parler de Lana Del Rey, et de fait, lui assure une visibilité sur la toile. D’autres avant elle en auront essuyé de plus virulentes, et font néanmoins toujours partie du star system. Lana Del Rey, écran de fumée ou réel phénomène musical ? Le temps nous le dira…
 
Marie Latirre
Crédits photo : ©Polydor/Universal Music

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Orgasme de Jim dans American Pie
Culture

Le cinéma français fait sa crise

En décembre dernier, plusieurs journaux annonçaient que le groupe Quinta Industries, entreprise de post-production audiovisuelle de nombreux films français tels que Astérix et Obélix au service de Sa Majesté, ou La Vérité si Je mens 3, était en faillite. La sortie dans les salles de ces films s’en voyait donc très compromise, bien que certains films avaient déjà commencé leur campagne de communication, comme La Vérité si je mens 3, dont les affiches sont visibles partout dans la capitale.
En réalité, plus de 61 films étaient concernés par cette crise.
Le 2 janvier dernier, Le Figaro publiait un article sur son site web pour annoncer que plus de la moitié de ces films avaient déjà « résolu leur situation positivement ».
L’article annonçait également la mise en place d’une réunion le 9 janvier afin de discuter de la situation avec les organisations professionnelles du secteur, toutefois aucune information n’est sortie sur les résultats de cette réunion.
Mais cette situation soulève un problème de fond qui a été identifié dès la seconde moitié de 2011, et pas uniquement en France. En effet le cinéma américain se trouve dans une crise similaire.  L’année dernière, la fréquentation des cinémas avait chuté de 10% au premier trimestre en France. Elle a certes fini par atteindre un record fin 2011, tirée par les films français Intouchables et Rien à déclarer par exemple, ainsi que la sortie d’autres franchises très attendues (Harry Potter et Tintin pour ne nommer qu’eux). Mais d’autres films se sont révélé être décevants en termes de résultats. Des superproductions comme Reel Steel n’ont pas crée l’engouement attendu, et cela est révélateur d’une tendance : les « Blockbusters » (les films à très gros budget) marchent moins. La fièvre de la 3D amorcée par Avatar n’a pas séduit les publics à la hauteur des espérances des producteurs. Au final, ce sont les films à budget plus timide qui ont su gagner le cœur des spectateurs.
Ce constat peut être fait également pour Hollywood. Durant les années 2000, les producteurs américains ont décidé de ne plus juger que par les franchises et les suites à répétitions. Les succès du Seigneurs des Anneaux et des premiers Harry Potter ont très probablement donné envie à toutes les maisons de production américaines d’avoir leur part du gâteau. Mais si l’on regarde les films qui ont le plus marqué la fin des années 2000, ce ne sont pas les plus gros budgets. En ce qui concerne les récompenses, on observe que des films comme Le Discours d’un Roi, ou même Slumdog Millionaire ont été largement préférés par les critiques et les professionnels du cinéma. En France les exemples ne manquent pas non plus. En 2008 sortait Astérix et Obélix aux Jeux Olympiques, qui est passé presque inaperçu, et s’est vu voler la vedette par des films comme La Môme ou Le Scaphandre et le Papillon.
Plus récemment, le cinéma américain s’est pris d’affection pour The Artist, tout juste récompensé de 3 Golden Globes.
Alors, est-ce la fin des superproductions débordantes d’effets spéciaux et aux castings regroupant plus de superstars qu’un magazine people ?
L’enjeu est de taille, surtout quand on sait que beaucoup de films prévus pour 2012 sont des suites, comme le nouveau American Pie (prévu pour mai 2012) ou le troisième volet de Men in Black (prévu en mai également), pour ne citer qu’eux. Dans le cinéma, le flop n’est jamais là où on l’attend.
 
ER
 
Crédits photo : ©Universal Pictures

Shame
Culture

SHAME, ou comment raconter l’indicible ?

Parler de la honte est un pari difficile à relever. Par définition la honte semble être ce qui ne se raconte pas, ce que l’on tait, ce qui ronge de l’intérieur et qui malheureusement sans que l’on puisse l’éviter, finit toujours par s’extérioriser, se manifester physiquement : on rougit de honte, on sue, on tremble, on évite les regards. C’est bien parce qu’il est difficile de parler de la honte que la première parole prononcée dans Shame n’intervient qu’après un bon quart d’heure, que la plupart de la communication est corporelle, violente, bestiale. En effet, si on analyse brièvement la manière dont les deux protagonistes (Brandon et Sissy) dialoguent, une bonne partie se fait dans les cris, les hurlements, les coups portés à l’autre et à soi-même.
C’est ainsi que pour son deuxième film, Steve McQueen a décidé de mettre en scène un sujet qu’on qualifie aisément de tabou : l’addiction sexuelle (ou peut-être simplement la sexualité). L’affiche donne à voir un drap bleu recouvrant le corps nu du héros dont la main tend à se glisser au-dessous. Le drap cache ce que l’on ne saurait afficher et qui pourtant ici est à l’affiche, et la couleur bleue vient jouer le rôle de vernis de civilité. C’est la bienséance affichée, c’est la vie cliniquement approuvée : l’appartement de Brandon est bleu, gris, sobre, impeccablement rangé, presque inhabité ; Brandon s’habille dans les mêmes tons, avec une apparence soignée, insoupçonnable. Le drap, le bleu agissent donc bien comme une carapace opaque. A l’inverse, la couleur ocre, jaune, lumineuse intervient dans toutes les séquences où le héros perd sa maîtrise et entame sa ronde de coïts infernaux.
L’affiche met également l’accent sur le titre, court, sans appel. Certes il reste dans la tonalité de Hunger (premier film du réalisateur) mais est problématique puisqu’il convoque immédiatement la morale dans le traitement de la sexualité. Car le problème est bien là : pas de honte sans morale, pas de fou, de malade, de taré, de sexopathe sans jugement normatif, c’est-à-dire socialement établi. En somme pas de honte sans sentiment de faute, et pas de faute sans instance morale pour distinguer le bien du mal. Or s’il y a un domaine qui est normé, c’est bien celui de la sexualité. Dans le film, on distingue très clairement la sexualité saine de la sexualité maladive, perverse, animale. Il y a l’adultère bourgeois du patron de Brandon, propret, qui se fait à porte fermée. Et à l’opposé, la sexualité monstrueuse, pathologique, sans âme ni sentiment, qui annihile toute part d’humanité, qui confère à Brandon un regard lubrique, des gestes primaires et une bestialité mécanique. Mais là où Steve McQueen est fort, c’est qu’il montre déjà que le premier type de sexualité est tordu, Sissy (la sœur de Brandon) et le patron copulent allègrement dans le lit du frérot qui, dans la pièce à côté, entend tout et en est excité. L’adultère bourgeois nourrit la bête et semble, par procuration, ouvrir la porte à l’inceste de tragédie grecque.
Parler de la monstruosité au cinéma, de la perversité, de l’anormalité n’est pas nouveau. On peut penser aux Freaks de Tod Browning, à l’assassin pédophile de M Le Maudit, à l’adolescent perverti d’Orange mécanique. Mettre en scène la monstruosité est un exercice de style pour les cinéastes, mais qui s’est toujours accompagné d’un discours sur le jugement moral. Le pire des freaks, c’était bien la belle Cleopatra qui épousa un nain pour son argent ; le héros de Fritz Lang hurle que personne ne peut comprendre ce qui se passe dans la tête d’un monstre, que personne n’est habilité à condamner sans comprendre ; les soins administrés au jeune Alex de Stanley Kubrick semblent aussi barbares que ses virées nocturnes entre droogs. Si on retrouve dans ces films un double discours, c’est parce que, quand la morale traditionnelle n’est pas contestée, quand on ne sent pas le besoin de la renouveler, la réflexion languit. Et c’est le problème de Shame. A aucun moment on ne doute que la libido encombrante de Brandon soit une maladie et que, pour cela, il doive être puni. Ce qui pourrait être simplement considéré comme un handicap, au même titre que n’importe quel handicap, est ici moralement condamné. Soit que Steve McQueen semble mettre justement le doigt sur la tendance du public à condamner, juger la sexualité ; soit que Steve McQueen lui-même soit incapable de sortir d’une approche du sexe teintée d’une religiosité irritante. Un corps nu recouvert d’un drap rappellera toujours la représentation du Christ. Tout au long du film, ce corps se vit dans la souffrance, les coups, les blessures, les scarifications. Sissy, au physique de madone angélique, incarne le martyr qui expie les tares de son frère en se tranchant les veines : on la retrouve baignée dans son sang, les bras en croix, rappelant les stigmates. Enfin, à la fin du film, Brandon regarde le ciel qui vient apporter sa miséricorde et laver par la pluie les péchés du héros. Pour finir, la seule explication fournie pour expliquer la perversité de Brandon est donnée par sa sœur : « Nous ne sommes pas mauvais, nous venons d’un endroit mauvais », ce qui n’est pas sans rappeler les origines de l’Homme perverties par Adam et Eve.
Steve McQueen décide donc de parler de ce que l’on tait généralement : la honte liée à une sexualité vécue dans une société moralisatrice. Mais, s’il brise ainsi un silence encombrant et dépassé, il n’ouvre pas le dialogue et ne fait pas avancer la réflexion morale. Il ne ferme pas la bouche aux prétendus « améliorateurs de l’humanité » qui départagent les sains d’esprit des tarés pervers. Steve McQueen finit donc par transformer un sujet que les médias se plaisent à qualifier de brûlot, de subversif en une fable consensuelle et convenue. La nudité affichée des protagonistes n’est qu’une vulgarité artificielle utilisée afin que le film semble provocant, c’est-à-dire d’un genre que seuls les génies décomplexés peuvent se permettre. Et, le fait que Shame soit qualifié de « provocant » atteste que l’idée selon laquelle le cinéma, comme toute forme d’art, doit déboussoler l’ordre du bien pensé est, à notre époque, sclérosée.
 
Lola Kah

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Photo de Kevin Costner dans Waterworld sorti en 1995
Culture

La Box-office Bomb

S’il est un fait avéré, c’est que les événements les plus marquants sont souvent les plus réussis, mais aussi les plus ratés. Les fiascos, les flops.
Le terme de « flop » définit un produit, un événement, un concept dans lequel il a été investi une somme plus ou moins gigantesque (selon son époque) en production et en marketing, mais dont les retombées ont été, financièrement et spectaculairement, désastreuses.
Parmi les nombreux types de flop, il existe les « Box-Office Bombs ». Une Box-Office Bomb est un film de type « blockbuster », c’est-à-dire créé uniquement pour divertir et vendre, dont les profits bruts à sa sortie dans les salles obscures n’ont absolument pas suffit à couvrir les coûts de production et de promotion. Le titre de Box-Office Bomb s’acquiert suite à un calcul précis des pertes, toutefois un film peut, sur le long terme, devenir profitable suite à sa sortie en DVD, ou à ses produits dérivés par exemple. Néanmoins cela reste sur du très long terme.
En règle générale, ces films flops finissent par obtenir un certain statut de film culte, non pas par leur mauvaise qualité, mais par la mauvaise performance qu’ils font à leur sortie. Car les films les plus mauvais ne sont pas les plus grands flops. En effet beaucoup de flops sont devenus légendaires de part leur monumental échec commercial, le premier nom venant à la bouche de chacun étant Waterworld, sorti en 1995, dont la star n’était autre que Kevin Costner, tout juste oscarisé pour Danse avec les Loups.
Fait intéressant à noter : les flops les plus retentissants sont aussi les plus récents. La majeure partie des fiascos cinématographiques datent d’il y a moins de 10 ans. Si l’on regarde la liste des plus grandes Box-Office Bombs, dans le top 3 on trouve en troisième position : Pluto Nash sorti en 2002 avec Eddie Murphy, qui a couté 120 millions de dollars, pour n’en rapporter … que 7 ! Une perte nette de près de 113 millions de dollars.
En seconde position, on trouve Alamo sorti en 2004, qui a couté la coquette somme de 145 millions de dollars pour n’en rapporter que 25, ramenant les pertes à environ 120 millions de dollars.
Mais le titre de numéro 1 revient à L’île aux Pirates sorti en 1995, le plus grand désastre du cinéma qui représente une perte de 147 millions de dollars (chiffres ajustés avec l’inflation).  Ce flop retentissant a même sa place dans le Guinness Book of World Records.
Les bides du cinéma ne représentent que la partie visible de l’iceberg que sont les flops du monde. Bientôt vous pourrez apprécier les fabuleux et rocambolesques échecs et ratés qui peuplent notre belle petite planète, et qui, bien que cachés, ne demandent qu’a être révélés au grand jour.
 
Emilien Roche
Crédits photo : ©Universal Pictures

Culture

C’est qu’une question de temps…

Le 23 novembre, pendant que certains buvaient les paroles d’un penseur de l’homme, d’autres ont fait la queue au cinéma du coin pour voir « Time Out », le nouveau film d’Andrew Niccol, à qui l’on doit notamment Simone et Lord of War. Cet édito n’a pas pour but de faire une critique cinématographique, mais bien d’analyser ce synopsis de fiction pas si fictionnel. Alors, ce film est-il une triste métaphore ou le fruit de l’imagination d’un homme ? Car ne l’oublions pas : le cinéma, de par son statut de média, sert de reflet de la société, tant par le message qu’il émet que par la façon dont il est perçu et reçu.
Le synopsis
 
Tout commence par une injustice. N’est-ce pas toujours le cas ?
Nous voilà plongés dans un monde régi par le temps. Le temps comme monnaie. Le temps comme but à l’existence. Chaque être humain naît avec 25 ans de vie, mais dès sa vingt-cinquième bougie soufflée, voit un compteur se mettre en marche sur son avant-bras avec 365 jours de « crédit ». A partir de là, il faut gagner son pain ou son temps pour subvenir à ses besoins et ainsi, survivre. Car, comme si cela ne suffisait pas, chaque achat se fait par une déduction de ce temps. Ainsi, un café coûte 4 minutes, un trajet en bus coûte 2 heures, et une chambre d’hôtel pour une nuit coûte 2 mois. La suite logique des choses : les riches sont éternels alors que les pauvres vivent au jour le jour, s’entretuant pour quelques minutes.

La problématique du temps
 
Les rapports aux dialogues actuels sont assez apparents. Tout d’abord dans la quête d’une vie rallongée, voire éternelle. La médecine met aujourd’hui en place des techniques qui ont pour but de repousser l’inévitable et si possible en ne prenant pas une ride. Andrew Niccol apporte une solution avec l’impossibilité génétique de vieillir qui nous donne à voir des visages jeunes à jamais. L’âge véritable, de qui que ce soit, devient donc imperceptible : un père et sa fille, par exemple, sont facilement pris pour un couple. Pourquoi a-t-on si peur de vieillir ? Aujourd’hui, ne plus vieillir ne suffit pas, il s’agit de rajeunir. Comme le montrent plusieurs articles sur le sujet, des femmes toujours plus jeunes soumettent leurs visages au botox et placent la vieillesse en pire ennemi de la beauté.
Par ailleurs, le serment d’Hippocrate et l’innovation pharmaceutique ont perturbé l’ordre naturel des choses. On peut les tenir pour responsables, en partie, des difficiles discussions actuelles sur les retraites. En effet, qui va payer pour les personnes âgées alors qu’elles sont en supériorité numérique et gérer une possible surpopulation future ? Là aussi, le concept du film propose une alternative en instaurant le règne du plus fort. C’est la loi de la jungle : un concept qui pousse à l’individualisme induit par le capitalisme, un autre thème fort de l’analyse. Si les riches sont immortels, les pauvres doivent leur laisser la place sur terre donc pour diminuer leurs chances de survie, les taxes dans « les ghettos » sont augmentées chaque jour.
« Remember that time is money »
 
On en revient à l’idée du « temps c’est de l’argent », que l’on doit à Benjamin Franklin, un des pères fondateurs des États-Unis. Cette expression, symbole du capitalisme, n’a jamais été aussi vraie qu’ici. Car ce concept reflète particulièrement le régime américain qui, contrairement au régime français, prévoit peu d’aides sociales. En effet, un citoyen américain qui ne travaille pas jour et nuit, ou qui ne prend pas de grands risques, a très peu de chances  de faire carrière et ainsi faire fortune.
La critique du capitalisme est aussi très présente dans la mise en scène de la société de consommation. Chaque achat correspond à une « perte » de temps. Comment être plus clair ? Perdre du temps, c’est se tuer à petit feu. Donc par déduction pure : consommer, c’est faire le choix d’écourter sa vie. Cette idée est d’autant plus vraie lorsque les héros prennent un verre dans un bar ou achètent un paquet de cigarettes.
 
Enfin, pour conclure, on peut voir dans le film un message d’espoir avec le thème récurrent du don, institué entre deux poignées de mains, par des héros à la Bonnie and Clyde, perdus dans un Robin des Bois futuriste. Quand on sait que le film sort à la période de Noël, connue pour être la période des dons depuis les réductions d’impôts qui y sont associées, on peut se demander si c’est un simple hasard…
 
Marion Mons