Environnement

Burger King : Roi des Forêts

Ah Burger King ! Son fameux Whopper et ses coups de com géniaux ! Franchement, qui n’aime pas Burger King ? Qui ? Eh bien laissez-moi vous éclairer : les arbres ! En effet, Mighty Earth et plusieurs autres ONG ont accusé le géant du burger de participer fortement à la déforestation en Amérique du Sud, mettant en danger espèces et autochtones. Alors, pas si cool BK ?
Com c’est drôle

La firme au célèbre Whopper s’attire régulièrement la sympathie des consommateurs grâce à ses campagnes originales et bien pensées. Associée à l’agence Buzzman depuis 2014, elle ravie les amateurs de communication décalée et humoristique. Une com au poil à laquelle, jusqu’à alors, on ne reprochait rien. On pense notamment aux bâches lors de l’aménagement de leurs restaurants qui reprenaient les tweets d’internautes promettant de faire n’importe quoi si un restaurant ouvrait vers chez eux. Ou encore de leur petite gué-guerre avec McDonald’s au travers d’affiches et de spots. Dernier en date, le dentifrice au goût Whopper pour le premier avril : le buzz assuré. La chaîne de restaurants commettait alors un sans-faute. Mais…

Faites entrer l’accusé
Mais en mars dernier, dans la quasi indifférence générale, on apprenait qu’une ONG lançait une sérieuse alerte sur la politique de développement durable de Burger King. En effet, les filières de production de soja qui nourrissent le bétail à l’origine de leur fameux steak cuit à la flamme, participent à une déforestation systématique au Brésil et en Bolivie. Car la demande en soja, importée en Europe car fameuse pour l’élevage des bovins de nos contrées, ne cesse d’augmenter. Et pour satisfaire la demande, il faut de la place, ainsi les entreprises d’agro-alimentaire achètent d’immenses territoires de forêt vierge et les brûlent pour remplacer le tout par des champs de soja. L’ensemble avec l’aval des gouvernements. Ces entreprises vont d’ailleurs jusqu’à encourager les fermiers locaux à faire de même. Enfin, cela passe par des traders (opérateur de marché) et des marchés financiers. 50% de la végétation de Cerrado, la zone où opèrent les fournisseurs de Burger King, Bunge et Cargill (entreprises de négoces de matières premières), a disparu.

 

Mighty Earth souligne que grâce à ses recherches, les observations de terrain, la géolocalisation et les images satellites, les liens sont très clairs. Quid des pesticides répandus en avion sur de larges zones menaçant paresseux, jaguars et tapirs. Mais aussi les tribus habitants la forêt. Pratiques d’un autre siècle. En cause également, l’huile de palme utilisée dans leurs produits, responsable de déforestation massive en Indonésie.
Com des idiots
Burger King, détenu par le fonds d’investissement brésilien 3G Capital, a refusé d’arrêter d’acheter des matières premières produites sur des zones déforestées ou rasées. En clair : on ne change rien. Bunge, n’a pas jugé opportun de faire de déclaration. Qui en a quelque chose à faire après tout ? Seul Cargill a rappelé ses objectifs en termes de développement durable : fin de la déforestation pour 2030. Des dégâts peuvent encore être faits d’ici là ! Burger King fait donc l’autruche : son capital sympathie est énorme et sa communication tellement habile. En quoi quelques milliers d’hectares de forêt changeraient quelque chose ? Sur leur site internet, aucune mention de leur politique de développement durable, pas d’objectifs, rien. Burger King n’y prête donc pas la moindre attention, alors même que notre période est heureusement au développement durable et à la responsabilité sociétale. OSEF comme disent les jeunes.
McDonald’s, bien plus controversé que Burger King, possède pourtant une telle politique, des objectifs et tente de réduire son impact écologique. Je cite : « Nous nous engageons à sensibiliser le public à l’échelle mondiale, peut-être pouvez-vous participer à un effort significatif ? ». D’autres s’y sensibilisent également, à l’instar de KFC ou encore de Subway.

Subway par exemple n’utilise plus que de l’huile de palme certifiée et « souhaite se […] concentrer sur des initiatives durables concernant […] la traçabilité et la gestion de sa chaîne d’approvisionnement. ». À l’identique de Nutella qui, ancien gros déforestateur en Indonésie, a changé son fusil d’épaule en 2015 pour n’employer plus que de l’huile de palme certifiée. KFC, plus radical, l’a supprimé de sa chaîne de production afin de lutter contre la déforestation.
Oui, Burger King, c’est plutôt bon et c’est sympa, ça fait rire. Mais aujourd’hui chacun doit faire un effort et participer à créer un monde plus juste, plus sain. Une enseigne aussi importante que Burger King a donc un véritable devoir de transparence et de réponse : d’où proviennent vos matières premières ? Pourtant il semble que ce genre d’exactions soit tellement courant que personne n’en a plus rien à faire. Il est vrai que l’Amérique du Sud c’est très loin, mais tout de même. Cessons d’accorder notre confiance à des marques qui mettent en péril notre bien commun, ce sont des milliers d’hectares de forêt qui disparaissent, impactant forcément la vie de chacun, accélérant le réchauffement climatique. Voilà ce qui devrait faire le buzz.
Alexane DAVID
Sources :
• VALO Martine, « Burger King, « roi de la déforestation » », Le Monde. Posté le 07/03/17. Consulté le 03/04/17.
• McDonalds. Consulté le 03/04/17.
• Subway. Consulté le 05/4/17.
• Emmanuel Perrin, « Huile de palme : KFC s’engage à lutter contre la déforestation », Maxisciences Posté le 11/01/11. Consulté le 05/04/17.
• « Burger King achète des farines animales dans d’anciennes forêts tropicales », Pieuvre.ca. Posté le 02/03/17. Consulté le 03/04/17.
• Sabine Rabourdin, « Soja : de l’Amazonie à l’entrecôte », Zéro Déforestation Consulté le 05/04/17.
 
Crédit photos :
• Image 1 : Buzzman
• Image 2 : Buzzman
• Image 3 : Mighty Earth
• Image 4 : McDonald’s
• PHOTO DE COUVERTURE : Capture d’écran du compte Twitter de Sum of Us

Environnement, Société

L’environnement pris dans tous les sens

À en croire les réactions sur les réseaux sociaux, cette nouvelle a provoqué hilarité, enthousiasme, choc, interrogation… Quoi qu’il en soit, la récente mobilisation de Pornhub pour la préservation des pandas suscite une certaine curiosité. Ce moyen marginal extrêmement osé pour sensibiliser les citoyens à la préservation des animaux en voie d’extinction rompt totalement avec les dispositifs classiques d’appel au don ou des campagnes « choc » des ONG. Néanmoins, nous allons voir que l’émergence de formes alternatives de mobilisation pour la planète n’en est pas à ses balbutiements.

Environnement, Société

État et EDF : la schizophrénie de la transition énergétique

En vue de l’échéance électorale, les médias et les candidats à l’élection présidentielle se sont emparés de grands thèmes de débat. Parmi ceux-ci, l’environnement et surtout la question du nucléaire sont aujourd’hui centraux. Le quinquennat Hollande avait pour mesure phare d’entamer sérieusement la transition énergétique vers le renouvelable. Il s’agissait d’une part de réduire la production d’électricité via le nucléaire en France, en passant de 75% à 50%, et d’autre part d’augmenter le pourcentage d’énergies renouvelables jusqu’à 32% (contre 14% actuellement). De quoi commencer à rattraper partiellement le retard de la France dans ce domaine par rapport à ses voisins européens.
La double implantation du lobby nucléaire
Dans le cadre de la loi de transition énergétique, on se souvient que l’un des engagements premiers de François Hollande était de fermer les deux réacteurs de Fessenheim, plus vieille centrale du pays. Aujourd’hui, elle est toujours en activité. La principale raison de cet échec provient, comme souvent, des pressions exercées par les grands groupes du secteur énergétique. Dans le domaine, Areva et EDF remportent la palme.
EDF, entreprise publique (c’est-à-dire dont le capital est détenu à 80% par l’Etat), étend sa présence à de multiples niveaux : depuis les think-tanks sur l’énergie jusqu’aux  sièges du Parlement, en passant par les syndicats (dans lesquels les employés d’EDF sont sur-représentés). Corinne Lepage, ancienne ministre de l’environnement (1995–1997), affirmait pour cette raison: « le lobby, c’est l’Etat lui-même ». La pression en faveur du nucléaire est double puisque ses défenseurs diffusent leurs idées tant dans les institutions étatiques que dans les agences spécialisées comme l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEM) ou l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN).
Le lien qui unit EDF et l’Etat est porteur d’une contradiction qui rend la politique énergétique schizophrène. Il permet au lobby du nucléaire de se fondre dans les hautes sphères de l’Etat pour influencer le débat depuis la racine. A noter que le rapporteur de la loi énergétique, François Brotte, aussi dépositaire de l’amendement en faveur du chauffage électrique, est nommé en 2015 Président du directoire de RTE, la filiale électrique d’EDF. Le principal communiquant d’une loi en faveur de l’écologie se retrouve ainsi en position d’infiltré au sein de l’Etat pour le compte d’EDF. Autre exemple de l’ambiguïté de statut dont profite l’entreprise: les représentants de l’Etat n’ont pas été en mesure de voter lors du conseil d’administration d’EDF sur la fermeture des réacteurs de Fessenheim, pour éviter tout conflit d’intérêt. Yves Marignac, consultant sur les questions énergétiques, déplore la création d’une « espèce de monstre hybride, à la fois entreprise nationale et firme privée ». EDF joue sur deux tableaux incompatibles: le premier censé être au service de l’intérêt général quand le second favorise le profit avant tout.
La filière nucléaire comme fleuron de l’industrie française
La France fait partie des champions mondiaux dans le domaine du nucléaire. Le poids économique de ce dernier est très important. En 2011, lors du dramatique accident de Fukushima, le Japon est un partenaire clef de l’industrie nucléaire française. Il représente 7% de l’activité d’Areva, leader mondial du secteur. Au lendemain de la catastrophe, l’empereur du pays annonce la nécessité imminente de sortir du nucléaire. Dans les jours qui suivent, Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, fait le déplacement au pays du Soleil Levant et affirme : « Le problème est un problème de norme de sûreté plus que de choix de l’énergie nucléaire, pour laquelle il n’y a pas d’alternative à l’heure actuelle ». Aujourd’hui le Japon a laissé en suspens l’idée de sortir du nucléaire. Libre à chacun de tirer les conclusions de cet épisode…
L’argument de l’incertitude sociale et économique
Pour défendre sa culture du nucléaire, « l’Etat-EDF » s’appuie sur les grandes incertitudes sociales, notamment celles qui touchent à l’emploi. Dans le cadre de sa communication pro-nucléaire, l’entreprise fait valoir que tous les postes nécessaires au fonctionnement d’une centrale nucléaire ne pourront être reclassés ou transférés en cas de fermeture de celle-ci. EDF fait consciemment planer la peur du chômage au-dessus des travailleurs concernés, une stratégie qui s’avère payante comme l’a montré le tollé provoqué par l’annonce de la fermeture anticipée de la centrale alsacienne Fessenheim en 2014, et l’hostilité que ce projet avait généré parmi les salariés.
Parallèlement, EDF souligne le coût exorbitant de la fermeture d’une centrale (plusieurs milliards). Pourtant, il a été prouvé qu’entretenir une centrale au-delà de sa durée de vie initiale (passée récemment de 40 à 60 ans) coûte plus cher à terme, que de cesser l’activité et d’investir dans des énergies propres. Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, a réaffirmé l’année dernière que l’entreprise ne comptait pas fermer davantage que les deux réacteurs de Fessenheim. Ce sont les piliers mêmes de la loi énergétique qui sont remis en cause par cette annonce. Anne Bringault, chargée du dossier « transition énergétique » pour plusieurs ONG, assure qu’il s’agit pour EDF d’une « grave erreur stratégique ». Une demande qui stagne associée à une surcapacité de production entraîne une diminution du coût de l’électricité et donc, des bénéfices d’EDF. Le maintien du parc nucléaire est non seulement dangereux d’un point de vue écologique, mais n’autorise pas non plus de vision économiquement viable.
Une première étape pourrait pourtant consister à former progressivement les salariés aux métiers des énergies renouvelables afin de développer un nouveau système économique et social dans le secteur de l’énergie.
Le greenwashing épinglé
Pour mieux dissimuler son puissant lobbying, EDF tente de se construire une image écologiquement responsable. Néanmoins, la stratégie ne prend pas toujours auprès des publics. Au printemps dernier, l’accident de Tchernobyl célébrait tristement son 30ème anniversaire. Voici la campagne promotionnelle d’EDF pour l’occasion :

La cascade, en forme de tour de refroidissement, accompagnée du jeu de mots mal venu « L’électricité bas carbone, c’est central » a attiré les foudres du Réseau Sortir du Nucléaire et de France Nature Environnement. Le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) avait alors été saisi. Il a sanctionné une communication mensongère qui laisse suggérer que l’énergie nucléaire est écologique. Le greenwashing semble être une spécialité du géant qui affirme générer une production électrique française à 98% sans CO2, prenant le soin de n’avancer aucune preuve et alors même que selon un rapport de l’Observatoire des Multinationales, EDF se positionne 19e dans le classement des plus gros pollueurs mondiaux. Il en va de même pour Engie qui se plaît à mettre en avant pléthore de panneaux solaires et d’éoliennes dans ses campagnes publicitaires quand les énergies renouvelables ne représentent que 4% de son mix énergétique.

Malgré une bonne volonté qui a pu exister, les engagements écologiques prônés par le gouvernement Hollande auront été une vitrine plus qu’une réalité. L’alternance probable qui approche risque fort de remettre en cause les faibles avancées opérées. Si cela se confirme, l’action obstructionniste du lobby nucléaire aura finalement payé.
Déborah MALKA
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Couverture: http://www.artistespourlapaix.org/
Campagne promotionnelle d’EDF
Campagne promotionnelle d’ENGIE
Sources:
DEDIEU Franck & MATHIEU Béatrice, « Les lobbies qui tiennent la France », L’Express, mis en ligne le 25/04/2012, consulté le 24/03/2017. http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/les-lobbies-qui-tiennent-la-france_1409758.html
JANICHE Mathieu, « Greenwashing en cascade pour EDF », Influencia.net, mis en ligne le 15/06/2016, consulté le 24/03/3017. http://www.influencia.net/fr/actualites/in,conversation,greenwashing-cascade-pour-edf,6438.html
LAURENT Samuel, « Le lobby nucléaire existe à gauche comme à droite », Le Monde, mis en ligne le 17/03/2011, consulté le 24/03/2017. http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/03/15/le-lobby-nucleaire-existe-a-gauche-comme-a-droite_1493284_823448.html
LUCET Elise, « Climat : le grand bluff des multinationales », Cash Investigation, diffusé le 25/05/2016, consulté le 21/03/2017. http://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/cash-investigation/cash-investigation-du-mardi-24-mai-2016_1454987.html
PETITJEAN Olivier, « Comment le lobby nucléaire entrave toute transition énergétique », Socialisme Libertaire, mis en ligne le 28/01/2017, consulté le 24/03/2017. http://www.socialisme-libertaire.fr/2017/01/comment-le-lobby-nucleaire-entrave-toute-transition-energetique.html
SCHAUB Coralie, « Le PDG d’EDF flingue la loi de transition énergétique », Libération, mis en ligne le 16/02/2016, consulté le 24/03/2017. http://www.liberation.fr/futurs/2016/02/16/le-pdg-d-edf-flingue-la-loi-de-transition-energetique_1433805
YONNEL, « EDF épinglé par le JDP : un signe fort », Le Blog de la Communication Responsable, publié le 19/10/ 2015, consulté le 24/03/2017. http://www.communicationresponsable.fr/edf-epingle-par-le-jdp-un-signe-fort/

Environnement, Flops

Ecotaxe : bonnets rouges et bonnets d’âne

Mercredi 8 mars, la Cour des Comptes publie son rapport annuel sur la régularité des comptes publics. Le conseil des magistrats honore ainsi annuellement son credo « S’assurer du bon emploi de l’argent public, en informer le citoyen », et comme chaque année blâme les gaspilleurs. Cette année c’est un épisode marquant du quinquennat de François Hollande qui se trouve dans son collimateur, celui d’un projet de taxe autoroutière impopulaire, d’une fronde bretonne coiffée de rouge, et d’une débandade gouvernementale.
Si l’épisode avait retenu l’attention à l’époque pour ses coups d’éclats et ses bévues médiatiques, c’est aujourd’hui l’essence économique du sujet qui revient sur la table. La cour estime les pertes à plus d’un milliard d’euros, et les pots cassés sont injustement redistribués. Un fiasco qui tient beaucoup à la gestion de crise désastreuse du gouvernement, et aux grossières lacunes de communication au sommet de l’État. Un feuilleton médiatique qui interroge aussi sur la valeur du débat démocratique en France.
Retour sur une taxe controversée et avortée

Issu du Grenelle de l’Environnement, le projet d’écotaxe est voté à l’unanimité par le Parlement en 2009. Le but est de transférer le financement de l’entretien des autoroutes du contribuable aux usagers, selon le principe du pollueur-payeur : ceux qui les usent le plus, à savoir les camions, paient le plus. Outre l’objectif de justice fiscale, les retombées doivent également être économiques pour réduire l’avantage concurrentiel des transporteurs étrangers par rapport aux routiers français, et écologiques, pour faire gagner en attrait l’alternative du fret ferroviaire.
La mise en place commence au printemps 2013, dans un contexte politique délétère. Le quinquennat de François Hollande a commencé un an plus tôt par une pression fiscale sur le contribuable qui exaspère les ménages français. L’annonce de la création de portiques de télépéages sur plus de 15 000 km d’autoroute, génère des premières protestations en Bretagne, une région particulièrement incandescente à cause de la fermeture d’usines (comme l’abattoir Gad) et la détresse des éleveurs. La mesure est perçue comme un énième matraquage envers les petites gens, en somme, la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Pendant ce temps, les syndicats de transporteurs routiers s’insurgent. Le gouvernement reporte la collecte de la taxe au 1er janvier 2014, et la fronde, loin de dissiper, s’organise en groupes d’action sur le terrain et face aux médias. Destruction de portiques, manifestation géante des « Bonnets Rouges » à Quimper le 2 novembre 2013, opérations « Escargot » des routiers sur les autoroutes… La pression finit par faire reculer le gouvernement, qui annonce le 29 octobre 2013, la suspension de l’écotaxe.
« Un gâchis patrimonial, économique, financier, industriel et social »
La formule n’est pas tendre, signe de l’ébahissement des magistrats de la Cour des Comptes devant le gaspillage. 958 millions d’euros d’abord, indemnité à verser au prestataire EcoMouv’ que l’État avait missionné pour installer le dispositif, assurer sa maintenance et collecter la taxe, et qui aurait dû être rétribué à hauteur de 2,5 milliards d’euros sur dix ans. S’y ajoutent 70 millions d’euros, déboursés pour mettre en œuvre cette taxe (investissement dans EcoMouv’, salaires de 309 douaniers) et la démanteler (démontage et destruction des portiques). Enfin, 270 millions d’euros, coût hypothétique en prévision des contentieux auxquels l’État s’expose, vis à vis des sociétés de contrats public-privé. Au final, l’ardoise s’élève potentiellement à 1,258 milliards d’euros, auxquels s’ajoute ce qu’aurait dû rapporter l’écotaxe sur dix ans (sa durée de vie initialement prévue), c’est à dire près de 10 milliards d’euros.
La faillite de l’État dans les négociations
L’État a de quoi apprendre de ses erreurs, tant les failles ont été nombreuses. D’abord comme négociateur avec les différentes parties du projet, il s’est rapidement mis en position de faiblesse. Quand il veut rassurer les transporteurs en leur annonçant qu’ils pourront répercuter le coût de cette taxe sur les commandes de leurs clients, il sait sa promesse inapplicable, en raison du principe de liberté des relations commerciales.
La colère sociale devenant trop forte malgré les concessions, le gouvernement doit alors suspendre l’écotaxe « dans la précipitation pour tenter de répondre à une situation d’urgence » selon la Cour des Comptes. Cette décision est tout aussi problématique : sans concertation avec Ecomouv’, l’État se met en difficulté dans les négociations qui l’opposeront à son prestataire, sur le montant des indemnités de résiliation à verser.
Au départ cramponné à son projet d’écotaxe, le gouvernement a refusé un véritable dialogue avec ses partenaires syndicaux et privés, en envoyant de fausses promesses aux uns pour calmer la fronde des transporteurs, et en imposant des décisions unilatérales aux autres sans porter attention à sa fiabilité commerciale.
Les atermoiements du gouvernement
Ce problème de communication avec les professionnels trouve ses origines dans les hésitations du gouvernement quant à la conduite à adopter. La dégradation du déficit budgétaire annoncée fin 2013 pousse en effet le Premier Ministre à s’emparer du dossier et défendre une posture court-termiste. Alors que le ministère de l’Ecologie souhaite aller au plus vite pour avoir des chances de collecter l’écotaxe, Manuel Valls préfère retarder le plus possible le paiement des loyers à EcoMouv’.
De cette division gouvernementale résulte une position extrêmement floue pour l’année 2014 : éviter tout paiement à EcoMouv’, et ne prendre aucune décision définitive. Ecartant une solution de secours recommandée pourtant expressément par l’Assemblée Nationale, le gouvernement s’embourbe dans l’indécision. Dans ce dossier complexe et multilatéral, le gouvernement a ainsi avancé en terrain miné, sans stratégie claire, et l’ardoise est celle que l’on connaît aujourd’hui.
Happy-ending
En réponse au rapport de la Cour, Manuel Valls souligne pourtant les bienfaits de la mesure de remplacement trouvée à l’époque : la majoration du prix du gazole, qui génère annuellement 1,139 milliard d’euros de recettes (contre 1,129 milliard estimé avec l’écotaxe).
Petit problème : cette mesure sape totalement l’ambition de justice sociale de l’écotaxe. Les grands gagnants de cet abandon sont en effet les camions étrangers, qui font le plus souvent le plein dans les pays voisins où le gazole est moins cher. Les perdants sont donc les automobilistes et ces mêmes routiers français qui protestaient contre l’écotaxe, et qui se retrouvent aujourd’hui lésés par rapport à leurs concurrents.
Autre gagnant, l’État lui-même : alors qu’il s’engageait à partager les recettes de l’écotaxe avec les collectivités territoriales, cette taxe sur le gazole lui reviendra entièrement, au détriment de collectivités qui souffrent pendant ce temps de la fonte drastique des subventions.

Les bonnets rouges sont rangés
57% des Français jugeaient en novembre 2013 que l’État devait abandonner définitivement l’écotaxe (sondage CSA/Les Echos/Institut Montaigne). Cette affaire est une démonstration parfaite de l’impact que peut jouer l’environnement politico-médiatique sur la protestation populaire, et en bout de chaîne sur les politiques publiques : contre une mesure comme l’écotaxe, qui avait pourtant le mérite d’alléger le contribuable et de faire payer ceux qui usent directement les autoroutes, le débat a été totalement dévié de ses vrais enjeux.
Relayant largement les déboires du début de mandat de François Hollande, les médias ont offert un terreau fertile à la contestation. Sur-médiatisés, les « Bonnets Rouges » ont ainsi emporté dans leur sillage l’opinion publique, polarisée par ce grand mouvement de ras-le bol envers le pouvoir.
Toutefois, quand l’État instaure en remplacement une mesure qui pénalise l’automobiliste lambda et les collectivités de proximité, l’information est peu partagée dans les grands médias et ne suscite aucune polémique. Une lassitude médiatique pour un feuilleton qui avait trop tourné. Et un grand silence démocratique.
Hubert Boët
Sources :
• Marc Vignaud, www.lepoint.fr, rubrique « Economie », « Cour des comptes : le fiasco de l’écotaxe poids lourds », publié le 08/02/2017
• Hervé Chambonnière, www.letelegramme.fr, rubrique « France », « Abandon de l’écotaxe. Un gâchis d’un milliard d’euros », publié le 08/02/2017
Crédits :
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Environnement, Flops

Du gaz dans la communication de la mairie de Paris

Début décembre, Paris et l’Île-de-France ont rencontré le plus grave pic de pollution survenu depuis une décennie. C’est un risque de crise sanitaire majeure auquel doit faire face la municipalité parisienne alors qu’Anne Hidalgo a fait de la fin de la voiture dans Paris une des priorités de son mandat. Pour y répondre, la maire de la capitale a pris la décision de déployer un dispositif de grande ampleur et lourd de conséquences : la circulation alternée durant quatre jours consécutifs.
Avec des tensions politiques en toile de fond et des difficultés à communiquer sur l’urgence de la situation à l’ensemble de la population parisienne, la politique d’Anne Hidalgo est confrontée à une incompréhension qui enfle.
Un problème de réception
Dès la première journée de circulation alternée, près de 1750 procès-verbaux ont été dressés par les 400 policiers déployés dans la capitale. Ces stratégies d’évitement mettent en lumière l’ignorance de certains automobilistes quant à la gravité de la situation, mais aussi la complexité du réseau de transports en commun parisien, et ce malgré la gratuité.
On peut observer différentes situations de « désobéissance » : pour certains habitants de la banlieue, les arrêts sont parfois très éloignés de leur domicile et emprunter les transports en commun est alors contraignant et chronophage. D’autres ferment les yeux sur celle-ci par habitude et par mépris, la jugeant liberticide, et prennent malgré tout leur véhicule particulier pour se rendre à leur travail. Ainsi, la consigne n’a pas été suffisamment respectée pour mettre fin à la pollution de l’air. En outre, les perturbations dans les transports en commun ont dissuadé les automobilistes d’abandonner leur véhicule et ne les ont pas incité, de fait, à prendre des moyens de transport plus écologiques. En effet,
deux lignes de transport ont présenté d’importants retards de trains (RER B et RER D) et tous les trains au départ et à l’arrivée de la gare du Nord étaient bloqués.
Les quatre jours de circulation alternée passent difficilement auprès de la population parisienne, d’autant plus que c’est la troisième fois en deux ans que la municipalité de Paris prend une telle décision, et cette fois-ci, la mesure s’étale dans le temps alors qu’auparavant elle ne dépassait jamais une journée.
De surcroît, cette décision fait suite à la journée sans voiture du 25 septembre dernier : un projet XXL qui s’étendait sur un périmètre de 38 km2 soit 45% du territoire parisien. L’initiative éco-friendly d’Anne Hidalgo avait été vivement critiquée par les internautes suite aux embouteillages et aux difficultés de stationner provoqués dans les 55 % de territoire restant. Cette mesure a également vu le jour après la décision prise par la mairie de Paris de piétonniser les berges de la Seine, alors que la région s’opposait à cette initiative et que l’association « 40 millions d’automobilistes » résistait à la municipalité.
La circulation alternée a du mal à être acceptée par les automobilistes surtout que des études menées par l’association de surveillance de la qualité de l’air, Airparif, lors du premier pic de pollution, montraient qu’elle n’avait en réalité qu’un faible impact sur la réduction de la pollution de l’air. Par ailleurs, cette mesure a tardé à se mettre en place alors que dès le 30 novembre, le premier seuil (50 microgrammes par mètre cube d’air) avait été dépassé.
En somme, la complexité structurelle et conjoncturelle des transports parisiens additionnée aux critiques émises par les experts sur les résultats peu convaincants de cette mesure, n’ont pas incité les automobilistes à suivre la consigne et ont donc interféré dans la communication de la mairie de Paris.
Des erreurs de communication politique
Depuis le 2 décembre, la municipalité parisienne a été la seule collectivité d’Ile de France à demander à la préfecture la mise en place de la circulation alternée, sans jamais obtenir satisfaction.
Anne Hidalgo a entamé une campagne de communication sur les réseaux sociaux afin d’avertir les habitants des effets néfastes de la pollution sur la santé.

Anne Hidalgo fait donc cavalier seul dans la lutte contre la pollution, ce qui donne lieu à une hyper-personnalisation de ce combat et des mesures qui suivent. Les médias et les réseaux sociaux ne s’adressent pas à tous les acteurs de la décision, ils parlent d’« Anne Hidalgo » et à « Anne Hidalgo ».
Cette hyper-personnalisation des mesures de lutte contre la pollution était déjà perceptible lors de la journée sans voiture dans Paris. À cette occasion, l’humoriste Fabrice Eboué avait mis en ligne une vidéo au sujet de la journée sans voiture XXL : « j’ai acheté une voiture, je pensais que c’était pour avoir une certaine liberté de mouvement. Mais bon on n’a plus le droit de rien faire en voiture (…). Donc un gros merci à Mme Hidalgo ».

Lors de l’épisode de la circulation alternée, les internautes se sont aussi adressés directement à Anne Hidalgo, et ont occulté les autres acteurs (Airparif ou encore les conseillers municipaux). Ce qui a rendu la décision davantage politique qu’écologique et sanitaire, et, de fait, moins altruiste.
Les erreurs de communication passent aussi par les désaccords ouverts entre la région et la municipalité parisienne exposés sur les réseaux sociaux. En effet, le mercredi 7 décembre, un communiqué de la région Ile de France circule sur la toile indiquant : « Face à cette situation sur le réseau ferroviaire francilien, Valérie Pécresse, présidente du conseil régional et présidente du syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif), demande au préfet de police de suspendre les mesures de circulation alternée, tant que la situation ne sera pas revenue à la normale ». Ce communiqué a dévoilé au grand jour et a exacerbé les tensions entre la ville de Paris et la région Ile de France. Ces tensions prennent ainsi l’allure d’une confrontation entre deux concurrentes politiques.
Judith Grandcoing
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Sources :
• La mairie de Paris lance une campagne en ligne contre la pollution automobile, Le Figaro, le 08/12/2016, consulté le 12.12.2016
• Vinogradoff Luc, Journée sans voitures à Paris : Anne Hidalgo et Fabrice Eboué continuent de se provoquer sur Facebook, Le Monde, le 27.09.2016, consulté le 10.12.2016
• Degeorges Marion, Circulation alternée : pourquoi ce délai de mise en place ?, Le Monde, le 06.12.2016, consulté le 12.12.2016
• Demarthon Jacques, « J’avais pas compris »: la circulation alternée peine à s’imposer, le 08/12/2016, consulté le 12.12.2016
• Pousson Juliette, Paris: la circulation alternée, une consigne peu suivie et contestée, le 07/12/2016, consulté le 12.12.2016
Crédits :
Challenges
@OhLeHibou_
@Anne_Hidalgo
@Marsupi_L_Ami
Ecologie, Communication politique, Paris, Hidalgo, Hyper-personnalisation

Environnement, Société

Le véganisme: mode de vie du futur ou mode communautaire?

Le Veggie World, plus grand salon végan d’Europe, se définit lui-même comme « LA destination végan Européenne : cool, branchée, trendy – et sans souffrance animale ». Comme lui, de nombreux évènements surfent sur cette vague végane qui emporte avec elle de plus en plus d’adeptes. Véritable religion du manger respectueusement, le véganisme est partout, sur tous nos médias. Sur Instagram, le hashtag #vegan est un des hashtags les plus populaires et les plus utilisés, montrant bien à quel point le véganisme devient de plus en plus une des thématiques majeures de notre époque. Comme tout mouvement, celui-ci divise et suscite de nombreuses critiques et polémiques.

Com & Société, Environnement

Sensibiliser les Américains au gaspillage ? Un défi pour « monsieur poubelle ! »

Vous êtes-vous déjà demandés combien pèseraient vos déchets ménagers mis bout à bout ? Eh bien Rob Greenfield, un militant écologiste en a fait l’expérience pour vous ! Pour sensibiliser les Américains au problème du gaspillage alimentaire aux États-Unis, cet environnementaliste décide de porter sur lui les ordures mensuelles d’un Américain moyen.
Son expérience étonnante s’ancre dans un contexte de prévention internationale, car le 16 octobre dernier avait lieu la Journée mondiale de l’alimentation : un timing parfait pour montrer à tous que le gaspillage est un problème majeur dans la société.
« Trash me » ou comment lutter contre le problème de surconsommation américain
En effet, la quantité d’ordures jetées aux États-Unis est incroyable : deux kilos par jour et par personne en moyenne, c’est-à-dire deux fois plus que les Français. Le calcul est vite fait : ce n’est pas moins de soixante kilos de détritus produits en un mois pour une seule personne ! Ce constat affolant ne semble pourtant pas être au centre des préoccupations des Américains, peut-être davantage obnubilés par la course à la présidentielle 2016. Aujourd’hui, les États-Unis sont « le premier producteur mondial de déchets, que ce soit les déchets ménagers, industriels ou toxiques » explique Dominique Lorrain, Directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), dans son livre Le Secteur des déchets aux États-Unis, I.
C’est pour cette raison que l’écologiste engagé a lancé son projet « Trash me ». Son objectif est clair : déclencher une prise de conscience. Affublé d’un costume contenant chacun de ses déchets, Rob Greenfield se promène dans les rues de New-York et joue sur une communication visuelle et insolite. Il remplit sa tenue d’emballages divers et variés (excepté les déchets organiques, on vous laisse deviner pourquoi), ce qui le fait gonfler de semaine en semaine altérant ainsi sa capacité à se déplacer. Au terme de son expérience, il aura tout de même accumulé environ quarante-cinq kilos de détritus
Pour Rob Greenfield, la meilleure façon de comprendre le mode de vie d’une majorité, c’est de l’adopter et d’en exposer les conséquences néfastes au grand jour.
Une action originale et décalée
Rob Greenfield utilise les lieux publics pour une visibilité optimale et cherche à renvoyer une image d’un Américain « comme les autres ». Pour cela, son opération s’appuie sur les réseaux sociaux et fait appel à une logique d’identification : il est le miroir qui reflète le fléau de la société moderne, à savoir la surconsommation.
Et si le décalé pouvait être recalé ?
Exhiber ce qu’on refuse de voir c’est aussi prendre le risque d’être perçu comme marginal et incompris par la société dans laquelle l’incitation à la consommation est omniprésente. En vérité, nous n’avons que très peu conscience de l’impact qu’ont tous les emballages accumulés au quotidien, sur notre environnement. C’est donc à la fois une cause difficile à défendre, ainsi qu’une réalité difficile à assumer.
Cependant, Rob Greenfield n’est pas le seul à tenter d’alerter l’opinion publique en jouant sur un visuel percutant. Le « Pétrole Mob » de Greenpeace où les militants français s’engluaient de pétrole pour dénoncer le phénomène de marée noire peu de temps après celle du golfe du Mexique en 2010, avait lui aussi marqué les esprits.

L’homme aux six millions de vues
A trente ans seulement, le défenseur de la planète convainc et suscite l’engouement des médias à chaque opération décalée. En 2015, on l’appelle le « Forest Gump de l’écologie » pour avoir parcouru des centaines de kilomètres à vélo le long de la côte californienne dans le but de prendre soin des paysages locaux ; et l’année suivante, il anime TEDxTeen intitulé « How to end the food waste fiasco. ». Toutes ses expériences et ses astuces pour tendre vers une consommation meilleure sont sur son blog : robgreenfield.tv.
A quelques jours de la Semaine Européenne de la Réduction des Déchets (SERD) qui aura lieu du 19 au 27 novembre 2016, l’expérience de Rob Greenfield s’est achevée à point nommé et soulève la question de l’accumulation des déchets ménagers dans le monde entier.
Vous l’aurez compris, Rob Greenfield ne passe pas inaperçu dans toutes ses entreprises plus folles les unes que les autres : à la fois proche de son public-cible mais aussi présent dans les médias, il semble se placer comme le défenseur moderne et avant-gardiste de la cause environnementale.
 
Steffi Noël
@Steffi Noël sur Twitter
 
Sources :
LORRAIN Dominique, « Le secteur des déchets aux Etats-Unis (1) », Flux, 43, (Rubrique « Entreprises de Réseaux »), janvier-mars 2001, p. 73-84.
« Rob Greenfield, l’homme-ordures de New York », Paris Match. Publié le 05/10/2016. Consulté le 15/10/2016.
« Rob Greenfield, le « forest gump » de l’écologie », Monsieur Mondialisation. Publié le 27 octobre 2015. Consulté le 14/10/2016.
– GENTILLE Denis « Trash me : la folle idée de Rob Greenfield pour lutter contre le gaspillage », Positivr.fr. Publié le 12 septembre 2016. Consulté le 14/10/2016.
RUIZ-GROSSMAN Sarah « This Guy Is Wearing Every Piece Of Garbage He Generates For A Month », The Huffington Post. Publié le 26/09/2016. Consulté le 16/10/2016.
Le site de Rob Greenfield
 
Crédits photos :
Bryan R. Smith, photographe pour ParisMatch

Environnement, Société

"90 jours" pour tout changer ?

« Écologie » : c’est presque de manière violente que ce terme clivant retentit dans les esprits, victime d’une quantité de clichés indénombrables. L’ « écolo », dans l’imaginaire collectif, est tantôt associé à une sorte de babacool nostalgique aveuglé par les promesses utopiques que lui font ses tongs en bois, tantôt à un genre de « bobo biocool », faisant peser sur tout ceux qu’il fréquente une véritable culture de la culpabilité. L’écologie effraie car elle nous confronte à des réalités parfois choquantes et dramatiques, qui nous renvoient à notre statut de « poussière d’étoile » et bousculent notre rapport au temps. L’écologie effraie, aussi, parce qu’elle nous responsabilise et nous demande de jouer pleinement notre rôle de citoyen.
Les nouvelles technologies au service de l’écologie participative
Pourtant, certains n’hésitent pas à faire preuve de créativité et à utiliser les supports communicationnels modernes pour réconcilier écologie et citoyenneté. La technologie semble en effet s’imposer peu à peu en tant que medium innovant, encourageant la sensibilisation de la société civile aux problématiques écologiques.
C’est dans cette lignée communicationnelle ludique que s’inscrit l’application pour smartphone « 90 jours ». Imaginée par Elliot Lepers, designer de formation, elle offre à tout un chacun la possibilité de se familiariser à l’écologie et d’agir de manière non-chronophage à partir d’outils qui sont entrés dans notre quotidien. Son créateur envisage l’application en tant qu’ « assistant personnel permettant de mettre en œuvre sa propre transition écologique ».

Première étape : remplir un questionnaire afin de définir son profil personnalisé. Deuxième étape : relever vaillamment les défis reçus. De « faire pipi sous la douche » à « modérer sa consommation de viande » ou encore « s’inscrire à une AMAP », les impacts environnementaux des défis sont expliqués et assortis de conseils qui favorisent le passage d’une écologie de la privation à une écologie plaisante qui crée une nouvelle pratique.
Lors d’une conférence donnée pour TedX Paris, Elliot Lepers explique penser qu’il est « important de sortir l’écologie de ses incarnations ». Dans l’espace public et médiatique, l’écologie est le plus souvent dépeinte à coup de drame et de fin du monde, alors que c’est uniquement l’inaction face aux questions environnementales qui nous sont posées qui présage des conséquences dramatiques. De quoi encourager le plus grand nombre à fermer les yeux et à mépriser les couleurs des bacs de tri sélectif.
Il semble légitime de questionner l’efficacité concrète de ce genre d’application qui ne relève, pour certains, que du gadget. Les résultats sont bien là, pourtant : les utilisateurs de « 90 jours » ont déjà réussi à économiser 900 000 kg de cO2 et un million de litres d’eau. Plus de 60 000 personnes l’utilisent aujourd’hui. Cependant, d’autres outils communicationnels de plus vaste ampleur permettent, à une autre échelle, la mobilisation d’acteurs écologiques qui tentent de porter les revendications devant les pouvoirs publics. C’est le cas de la pétition en ligne, par exemple, qui est à l’origine d’une nouvelle communauté partagée.
S’informer, se former… et agir ?
Ce qui semble important, avant de pouvoir agir en tant qu’acteur écologique citoyen, est de savoir comment et pourquoi. Cette nécessité informationnelle est exploitée sous des formes de plus en plus innovantes, comme le webdocumentaire. Ces œuvres multimédia et interactives proposent une immersion documentée au sein d’un thème donné et invitent le spectateur à participer voire, parfois, à mener la visite guidée. Elles sont données à l’usagé comme des jeux, des panoplies à explorer et à manier. Arte en a produit de nombreux, mis en ligne sur sa plate-forme créative. « Polarsea360 », par exemple, est un voyage virtuel à la découverte de la fonte des glaçes.

Ces plate-formes technologiques nous proposent à la fois du contenu informatif et un nouveau mode de participation au débat : le citoyen a des clés en mains. Lors de la COP 21, par exemple, les internautes étaient invités à réagir via les réseaux sociaux. Pour la journée du dimanche 29 novembre (jour de l’arrivée de 130 chefs d’Etat à Paris) plus de 750.000 tweets en lien avec la conférence des Nations unies ont été postés sur Twitter.
Toutes ces initiatives tendent à dé-diaboliser l’écologie considérée comme science obscure pour en faire une pratique qui nous soit familière. Demain, film documentaire réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, récompensé par le césar du meilleur documentaire, nous propose d’aller à la rencontre de ces acteurs innovants qui repensent l’écologie via l’utilisation de nouveaux outils. Comme le dit Elliot Lepers : « nous sommes tous les designers de notre quotidien ». Alors, prêts à relever le défi ?

Emilie Beraud
Sources :
http://90jours.org/
http://www.tedxparis.com/?s=90+jours
http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/05/05/linky-le-compteur-intelligent-suscite-deja-la-polemique_1517385_3234.html

Cyril Dion nous raconte le succès de « Demain », le docu écolo-feel good devenu phénomène de société


http://www.franceculture.fr/emissions/la-revolution-ecologique/ecologie-et-democratie
La résistance au changement, produit d’un système et d’un individu par Daniel Dicquemare
Crédits images :
Aline Nippert
http://90jours.org/

NICOLAS HULOT
Environnement, Société

Nicolas Yolo Break the Internet

 
Il y a quelques semaines, Nicolas Hulot, épaulé par Golden Moustache, a publié une vidéo visant à sensibiliser les jeunes aux enjeux du climat et à l’événement que constitue la COP 21. L’objectif : que sa pétition soit au maximum agréée pour interpeler les chefs d’états. Pour faire passer son message, il convoque les codes de l’humour 2.0 et prouve par le même biais son engagement pour la planète.

La vidéo s’intitulant « Nicolas Yolo, Break the internet » n’a pas fait que nous casser de rire, puisque dès les premiers jours, le serveur de sa fondation n’a pas résisté au nombre faramineux de visiteurs. C’est ce qu’on peut appeler un coup de com’ réussi, puisqu’on recense aujourd’hui 500 000 signataires et plus de 7 millions de vues sur la page Facebook de la fondation Nicolas Hulot.
Mise en abyme
« Faire passer le message de la manière la plus efficace possible » est l’enjeu même de ce clip ; sorte de mise en abyme du brainstorming qui a du vraiment avoir lieu, lorsque  Nicolas Hulot a frappé à la porte des studios Golden Moustache. L’équipe, désireuse de soutenir cette cause s’est portée bénévole durant les trois jours de tournage (Le making-off)
Ce qui est intéressant dans cette vidéo, c’est qu’elle est construite autour de la vraie problématique rencontrée par le personnage principal Hulot/Yolo : faire passer son appel à la pétition. D’un point de vue communicationnel, même si ce procédé est assez courant, mettre en scène de faux essais, qui prennent en compte les enjeux de départ, permet de montrer l’ampleur des débats et mises en gardes à l’égard de toutes les cibles.

Transparence et références
Admettons aussi que ce genre de procédé médiatique est efficace par sa transparence apparente (comme lorsque nous sommes amenés à voir les fonds verts du tournage). Comme nous le rabâchent nos médias, notre époque est plus que jamais celle de la transparence, du « décryptage », et c’est pourquoi montrer les processus de création, l’envers du décor (même s’ils sont biaisés par la mise en récit) reste très efficace.
Aussi, ce qui provoque le rire (et le buzz) , c’est évidement le contenu en lui même. Ces cinq minutes sont saturées de références à la génération Y. Les intonations et blagues plus ou moins douteuses de Bapt et Gaël, la présence de Kyan Khojandi, le « rainbow-cat » qui surgit avec vigueur et son « nyanyanya », ou encore l’ouverture du clip avec un clin d’œil à « Norman fait des Vidéos » … autant de références qui s’adressent aux jeunes que d’arguments d’autorité. Ou d’arguments utilisant l’autodérision… Car une grande part du comique réside dans le contraste entre l’équipe de com ultra branchée, incarnant un stéréotype poussé à l’extrême, et l’authenticité de Nicolas Hulot.

Léger décalage
Ce dernier est une personnalité médiatique habituée aux caméras, puisqu’il a été candidat aux présidentielles de 2012 et présentateur d’Ushuaïa pendant 25 ans. Il incarne donc un visage familier, que nous avions l’habitude (ou pas…) de voir dans des contenus orientés planète et écologie, donc peu humoristiques, c’est le cas de le dire. Le changement de style de son discours et de cadre d’élocution sont donc aussi des clefs de voûte du succès viral de ce clip.
Ainsi, l’autre tension que nous pouvons soulever suite à un tel buzz, c’est l’écart qui sépare l’importance des questions écologiques et la difficulté à trouver un bon moyen de les communiquer, de les faire résonner avec impact. Pourquoi la cause écologique, aussi importante soit-elle, continue à être un sujet rébarbatif, qui rebute et ennuie nombre de nos concitoyens ? Comment est-il possible que l’écologie souffre encore de son image austère, « terre à terre » et peu sexy, alors qu’elle constitue un enjeu clef pour les générations à venir ? Les « sympathisants » n’auraient donc pas besoin de se faire draguer par une com’ édulcorée ? Il faut envisager que si, à en croire les chiffres énoncés précédemment. Et il faut espérer que certains continueront à être drôles et inventifs, si c’est pour la bonne com, euh… cause.
Julia Lasry
Sources : 
www.osons-agir-pour-le-climat.org
http://www.franceinter.fr/emission-linvite-nicolas-hulot-0
http://www.ladn.eu/actualites/nicolas-hulot-golden-moustache-interpellent-jeunes,article,28081.html#ixzz3phbZHasY
Crédits images : 
Libération, « quand Nicolas Yolo joue la carte virale »
Golden Moustache

Break the Internet : le making of !

Nicolas Hulot "Break the Internet: le making of de la vidéo" Merci encore une fois à Golden Moustache McFly Studio Bagel madmoiZelle.com Mcfly – David Coscas Kyan Khojandi Natoo La Ferme Jerome ! Bapt&Gael Kayane Raphaël Descraques François Descraques – Page officielle – Marjorie Le Noan Le Fat Show Justine Le Pottier FloBer Aude Gogny-Goubert Kemar Lucien Maine Adrien Ménielle Nad Rich' Hard Akim Omiri Julien Pestel Juliette Tresanini Comédienne Marion Seclin – Mady Nicolas Berno sans oublier Havas Worldwide ParisSi vous ne l'avez pas déjà fait, n'hésitez plus : signez l'appel !! C'est par ici: https://goo.gl/vPygyS#osons

Publiée par Fondation pour la Nature et l'Homme sur Mardi 13 octobre 2015

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Environnement, Société

Biocoop : quand la communication devient écoresponsable

Alors que la COP 21 (conférence sur le climat) qui se tiendra à Paris à la fin de l’année 2015 fait de plus en plus parler d’elle, et qu’il devient toujours plus tentant pour les entreprises de communiquer autour de leur respect de l’environnement pour se donner une image « verte », Biocoop nous prouve qu’il faut aller plus loin. En effet, la marque a sorti une toute nouvelle campagne de communication le 1er avril dernier, la campagne responsable. Comme son nom l’indique, il s’agit d’étendre les engagements de la marque en matière d’impacts sur l’environnement à sa communication elle-même, et ainsi d’éviter le paradoxe auquel beaucoup d’entreprises sont confrontées : de grands et sincères engagements écologiques (en ce qui concerne leurs produits), mais des campagnes de communication aux bilans carbone et énergétique élevés. C’est pourquoi Biocoop a décidé de relever le challenge d’une communication écoresponsable. Verdict final : une campagne innovante dont le bilan carbone est 3 fois plus faible que celui d’une campagne équivalente menée avec des moyens classiques.
Aller à l’essentiel et éviter le superflu
L’agence chargée de porter le projet de Biocoop, Fred & Farid, a pris le problème à bras le corps pour pouvoir mettre au point un processus de production aussi respectueux de l’environnement que possible. Toute la campagne, composée de 3 affiches, d’un spot vidéo de 30 secondes, d’un making-of de 3 minutes, d’un site internet, et finalement déclinée sur Twitter, a été organisée autour de cette préoccupation.
Les films ont été réalisés à l’aide de caméras manuelles des années 70 construites à la main, équipées seulement d’une manivelle, sans batterie ni composant électronique. Ils ont été ensuite montés à la main directement sur la pellicule pour éviter toute numérisation inutile. Voix off et musique ont été enregistrées sur l’image en une seule prise, de manière à ne pas dépenser des ressources inutilement.
De plus, les photos ont été prises à l’aide d’un sténopé, ancêtre de l’appareil photo qui n’est composé de rien de plus qu’une boîte percée d’un trou et de papier photographique où s’imprime directement l’image. Les logos et les accroches ont été peints à la main directement sur les photos à la peinture écologique par un typographe, et les photos n’ont jamais été retouchées. Enfin, tous les produits utilisés pour développer les images ont été intégralement et systématiquement recyclés.
Des économies ont aussi été faites sur les équipes et leurs déplacements : train, voiture hybride et vélo ont été de la partie. L’équipe de production a même fait construire un vélo générateur d’électricité par un artisan de la région qui a utilisé pour cela des matériaux récupérés. Les équipes, le matériel et la déco ont été restreints, et il n’y a pas eu de casting puisque Biocoop a directement fait appel à des producteurs bretons de produits de saison associés au réseau.

Et le résultat est au rendez-vous 

Une campagne également développée sur internet
La campagne est également digitale : un site qui lui entièrement dédié () décrit la totalité de la démarche de la marque. Mais il est également le reflet des engagements de Biocoop, puisque tous les efforts ont été faits pour qu’il soit aussi léger que possible. Au bout du compte, il ne pèse que 3Mo. Cela impliquait notamment de bannir l’usage des photos, c’est pourquoi les illustrations ont été entièrement réalisées en code ASCII (les lecteurs nostalgiques de l’époque des skyblog s’en souviendront : il s’agit d’utiliser uniquement des caractères typographiques pour créer une image).

Ci-dessus, des vaches, des arbres, un nuage et un vélo en ASCII tirés du site Biocoop
Le compte Twitter de Biocoop s’en est aussi mêlé, et s’est lancé le 1er avril dernier dans un concept innovant : le recyclage de tweets. En retweetant des posts qui semblaient à première vue totalement aléatoires et dignes d’un poisson d’avril, Biocoop a en réalité composé une histoire :

Faire du neuf avec du vieux, c’est donc toute la philosophie de Biocoop. Avec sa toute dernière campagne, le premier réseau de magasins bios et équitables en France nous démontre qu’il est possible pour une entreprise de tenir ses engagements jusqu’au bout, y compris dans sa communication… Alors pourquoi on aime ? Parce que c’est une campagne efficace, innovante, et sans hypocrisie, d’autant plus que Biocoop s’est engagé à prolonger sur le long terme cette initiative et à continuer à produire à l’avenir des campagnes écoresponsables…
L’écoresponsabilité : un bel avenir pour la communication.
Léa Lecocq
Sources :
biocoop.fr
lacampagneresponsable.fr
cbnews.fr
greenetvert.fr

zegreenweb.com
lareclame.fr
webdeveloppementdurable.com
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