Médias, Société

Explicite : le nouveau média libre, indépendant et fier de l'être

Les médias sont omniprésents. Ils nous donnent à voir ce que l’on ne peut pas savoir, nous informent et nous divertissent. Mais dans un contexte politique, humanitaire et économique qui voit se multiplier les fake news, la manipulation des émotions pour créer une post-vérité, des hommes et des femmes ont décidé de faire prôner l’indépendance et la liberté, de se défaire du carcan télévisuel et de créer Explicite.
Explicitons l’originalité de ce nouveau média
Le 20 janvier 2017, Explicite nait sous l’impulsion de 54 ex-journalistes d’iTélé . Ces journalistes, qui ont quitté la chaîne d’information dirigée depuis peu par Vincent Bolloré après avoir fait grève pendant trente jours suite à la décision du nouvel actionnaire de la chaîne d’engager Jean-Marc Morandini, impliqué dans une affaire de corruption de mineur et utilisant des méthodes qui entravent la liberté du journalisme (censure de documentaire, ligne éditoriale stricte et imposée…). Olivier Ravanello, président de l’association des Journalistes associés, a expliqué la motivation de cette équipe de journalistes qui ont fait le choix de rester fidèles à leurs convictions idéologiques et de quitter iTélé pour faire vivre un journalisme indépendant: « Nous voulons nous remettre au service des gens et retrouver le lien avec eux sur les réseaux sociaux ». Le principal objectif de ces journalistes est donc de faire vivre l’information, de manière libre et d’être au plus proche, non plus des téléspectateurs mais des internautes. Le principe est simple: répondre aux interrogations de tous et produire des contenus journalistiques qui seront diffusés sur les réseaux sociaux. Ce choix réalisé dans un objectif d’originalité peut s’opposer au choix de « Les Jours », média en ligne sur abonnement, de créer des contenus informatifs sous forme de série et sur des « obsessions », thèmes choisis par les journalistes pour être développés. Le choix d’Explicite est donc, lui, d’être plus interactif avec son public notamment via Twitter. La page (@expliciteJA) créée en décembre 2016 et dont le premier post remonte au 16 janvier 2017 est déjà suivie par plus de 38000 abonnés.

Hey, on est de retour…
On a décidé de s’associer pour vous informer & vous écouter.
En toute indépendance 🙂
Bienvenue sur #Explicite 🎈
— EXPLICITE (@expliciteJA) 16 janvier 2017

Quel business model ?
Explicite se décrit comme un collectif de journalistes associés. Ce statut leur est cher puisque le portrait de chaque journaliste a été diffusé sur les réseaux sociaux. Tel un acte militant, chacun exprime son désir de s’associer et de participer à l’aventure du nouveau média indépendant. Pour autant, créé de manière spontanée et rapide, le business model de ce média est aux prémices de son élaboration. Les associés sont bénévoles et fonctionnent avec les moyens du bord pour pouvoir délivrer des contenus de qualité tout en limitant les frais. Pour maintenir le projet à flot, il leur faut pourtant réfléchir à une stratégie d’entrée de financement afin de rendre le projet pérenne, voire de le développer. Mais les contenus sur les réseaux sociaux ne peuvent pas être vendus, aucun espace publicitaire n’est présent et pour l’heure aucune aide publique n’est perçue. Rappelons qu’Explicite entre dans la catégorie des médias en ligne, ils ne ne peuvent ainsi espérer que 50 000€ de subvention par an pendant 3 ans. Seulement, pour faire vivre 54 journalistes et amortir les frais de production, il est nécessaire de trouver d’autres ressources, et si elles ne sont pas publiques, la solution est peut-être privée. En publication épinglée de la page Facebook d’Explicite, nous pouvons trouver un lien vers une cagnotte de crowdfunding sur la plate-forme kisskissbankbank. L’objectif à atteindre est de 150 000 € et les dons vont de 1 à 5 000€.

Mais cette récolte de fonds sera-t-elle suffisante pour assurer un futur économiquement stable à Explicite ? D’autres médias en ligne exclusivement présents sur les réseaux sociaux ont été créés, citons Popular, The Shade Room, ou les producteurs de vidéos AJ +, NowThis et Insider, mais le recul n’est pas assez important pour savoir si le modèle est viable à long terme.
Un avenir prometteur mais incertain…
L’idée est belle, le projet est beau. Dans le contexte actuel où l’information est au cœur de toutes les affaires, avec l’augmentation des fake news et le manque de confiance des citoyens en ce qu’ils voient et entendent, la création d’un média indépendant, créé par des journalistes qui ont quitté un système qui pour eux ne correspondait pas aux valeurs du journalisme, semble prometteuse. Mais si notre regard se tourne vers le futur, l’horizon devient plus flou.
Au delà de la question économique qui n’est pas résolue, la mobilisation et la création d’une communauté fidèle et fiable se pose. L’objectif premier d’Explicite est de se créer une notoriété. Or, sa présence uniquement en ligne ne joue pas en sa faveur. En effet, les filter bubbles qui ne montrent à chacun que des contenus supposés leur plaire et cela en fonction des contenus recherchés, likes, partages, sont le risque de n’être connu que par un cercle restreint d’amateurs de journalisme et du monde de la communication, adepte des réseaux sociaux.
Qu’en est-il du grand public ? Un journalisme libre et indépendant, répondant aux interrogations de ses lecteurs ne serait-il pas accessible à tous ? Et à long terme, Explicite court le risque de voir une ligne éditoriale s’imposer à lui notamment s’il s’associe avec Yahoo ou d’autres sites d’agrégations de contenus qui ont eux-mêmes des lignes éditoriales. La ligne éditoriale peut également être influencée si les journalistes associés s’engagent dans d’autres médias, comme Antoine Genton, ex-journaliste d’i-télé, associé au projet Explicite, engagé par France 5 comme chroniqueur hebdomadaire de l’émission « C l’hebdo »;    son implication dans un nouveau projet ne va-t- elle pas avoir comme conséquence un relais d’Explicite au second plan ? Il y a deux options quant à l’avenir d’Explicite: engouement croissant du public, engagement des journalistes et pérennité économique ou instabilité financière, essoufflement du projet et de sa visibilité. Affaire à suivre.
Xuan NGUYEN MAZEL
LinkedIn
Sources :
• Alexandre Piquard, « Explicite », le nouveau média d’information sur les réseaux sociaux d’anciens d’i-Télé, Le Monde, mise à jour le 17/01/2017, consulté le 18/02/2017.
• Benjamin Pierret, Ces nouveaux médias qui se déploient uniquement sur les réseaux sociaux, RFI, mis en ligne le 19/01/2017, consulté le 18/02/2017.
• Legifrance, Décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009 pris pour application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, mis en ligne le 30/10/2009, consulté le 18/02/2017.
• Anais Moutot, Ces nouveaux médias présents uniquement sur les réseaux sociaux, Les Echos, mis en ligne le 01/05/16, consulté le 18/02/2017.
•Lionel Durel, Leader des grévistes d’iTELE, Antoine Genton arrive sur France 5, 24matins, mis en ligne le 17/02/2017, consulté le 18/02/2017.
Crédits :
• Page Twitter d’Explicite Plateforme kisskissbankbank d’Explicite

Médias

Longue vie au podcast audio

Si les origines du mot podcast restent mystérieuses (contraction d’ « iPod » et de « broadcasting » ou initiales de « Program On Demand » ?) plus personne ne doute de son succès. Enfant de la radio et du web, le phénomène podcast – apparu pour la première fois courant des années 2000 – est assurément un petit protégé de la famille des transmédias. Alliant la fluidité de l’oral et la souplesse du digital, ce média s’érige en symbole gagnant de la remédiation. Auparavant utilisé comme moyen de rattrapage des émissions radios manquées, il se définit aujourd’hui comme un média en tant que tel.
L’audio x le digital = équation gagnante de l’infotainment 
McLuhan disait « The content of any medium is always another medium ». En d’autres termes, toute médiation est par essence une remédiation : un contexte de média existant qui vient être transformé. Par exemple un film tiré d’un livre est une remédiation de ce même livre.

Dans le cas présent, les podcasts peuvent être décrits comme une version 2.0 de la radio. On y retrouve ainsi la relation d’animateur/auditeur (podcasteur/ auditeur). L’influence de la culture d’internet, toujours plus riche et variée, bouscule les programmes pour y proposer un large panel de sujets à la demande. Avec 80 millions de téléchargements, le reportage fiction Serial diffusé à l’automne 2014 aux Etats-Unis est le reflet de cet engouement pour les nouveaux formats audio qu’offre le podcast. Du divertissement à l’information, de la fiction au reportage, il mélange information et divertissement et cela plaît. France Inter, par exemple, a vu son nombre de téléchargements progresser de 50% entre les saisons 2013-14 et 2014-15.
Toutefois, bien que le podcast provienne en grande majorité du format radio, il sait également prendre ses distances de celui-ci !
Avec leur format où la parole s’étale, se nourrit du point de vue de l’auteur et invités, le podcast prône un retour à la slow information. Ses sujets sont généralement abordés avec un certain recul qui s’oppose à la culture de l’instantanéité que l’on retrouve sur la toile. Même rupture du côté de la publicité : elle est quasi-absente ! Seule l’auto-promotion – moins intrusive qu’une publicité en tant que telle – est pratiquée, bien souvent en indiquant un programme susceptible d’intéresser l’auditeur.
« Parole, parole, parole » au service du storytelling

À l’heure du règne de l’image que Régis Debray décrit comme étant la période « vidéosphère », le retour de l’audio et rien que l’audio peut surprendre. Pour autant, la parole et plus précisément la conversation s’est amorcée comme une tendance porteuse quand on voit les émissions de télévisions comme, par exemple, « conversations secrètes » de Canal Plus (où Michel Denisot se promène et converse avec son invité). Le format vidéo en moins, reste un réel engouement pour la conversation, cet acte pourtant quotidien. Et cela tombe bien puisque le podcast offre une plus grand liberté de parole : aucun format imposé que ce soit dans le style, le temps, ou encore le contenu.

« The Beautiful thing about podcasting is it’s just talking…it is one of the best ways to explore an idea » @joerogan #quotes #podcasting pic.twitter.com/A3jZMERqoH
— The Gospel Friends (@mygospelfriends) 23 décembre 2016

Face à la méfiance que peuvent avoir les publics quant aux manipulations médiatiques, le podcast plaît pour sa liberté, son authenticité. Il est question d’une polysémie et d’une primauté du podcasteur. Tous uniques, traitant le sujet à leur manière : de façon institutionnelle pour les grands noms de la radio tels que France Inter ou France Culture, ou encore et surtout avec de la subjectivité pour les billets et podcasts d’amateurs.
Ainsi, dans tous les cas, le résultat se veut humain, avec sa part d’imperfections, de spontanéité. La pratique peut aller d’un podcast improvisé (les conversations de Garance Doré dans « Pardon my french » ou celles de « Getting To Know You » de Radio Kawa) à un récit construit autour du storytelling (« Transfert » de Slate.fr, « Arte Radio : flux principal » de Arte).
L’authenticité propre au podcasteur et sa production confère à la relation avec l’auditeur un sentiment plus intime. Les enregistrements amateurs, par exemple, se font souvent dans des lieux privés (lieux domestiques, hôtels entre autres) à destination de publics qui les écoutent dans leur quotidien. C’est une relation plus personnelle qui s’instaure puisque pour un grand nombre de podcasts il n’y pas de public lors de l’enregistrement. Il n’y a pas non plus d’interventions d’auditeurs comme c’est le cas avec la radio. Cela donne l’impression à l’auditeur d’être le seul destinataire.
Enfin, la logique d’abonnement via les flux RSS (« Rich Site Summary ») renforce cette relation quasi fidèle. Étant abonnés, on retrouve une logique de communauté qui suit la conception de Walter Ong, pour qui les nouveaux médias sont censés permettre de reconstituer un lien social.
Finalement le podcast plaît pour son efficacité et sa simplicité : la fluidité de la langue couplée à la créativité d’internet. Plus qu’un simple média d’infotaiment, la liberté de ton qu’il accorde tend à le placer en instrument politique. On assiste d’ailleurs à sa réutilisation par des mouvements féministes comme « Génération XX » racontant le portrait de « wonder woman » « Badass » consacrée aux figures de femmes dans la Pop Culture, ou encore « La poudre »  de Nouvelles Écoutes où Lauren Bastide converse avec des figures féminines. Il est certain que le podcast a pris ses marques dans la pop culture.
Ophélie Lepert
LinkedIn
Sources :
• Media meeting «  Le podcast ou la délinéarisation réussie de la radio », écrit par Frédéric Courtine, publié le 1er Avril 2014.
• Le blog documentaire «  Nouveaux territoires de création documentaire : podcast mon amour ! » Écrit par Fanny Belvisi et publié le 27 septembre 2016.
• Konbini «  Le podcast, nouveau terrain de jeu des féministes ». Écrit par Valentine Cinier et publié Février 2017 .
• Wikipédia, RSS
Crédits :
• The average penguin
• Mygospelfriend sur Twitter

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Médias

Comment médiatiser le féminisme ? Le cas Femen.

Le 25 janvier dernier éclatait le « PenelopeGate », l’affaire de l’emploi fictif dont aurait bénéficié Pénélope Fillon auprès de son mari, le candidat Les Républicains à la présidentielle, lorsqu’il était alors parlementaire. Le lendemain de la sortie du Canard Enchainé, qui a révélé le scandale, « Femen » publie sur Facebook une lettre à l’humour corrosif « en soutien » à la principale intéressée, lançant les hashtags #supportPénélope et #bringbackmyjob (référence au #bringbackourgirls, soutien aux lycéennes nigériennes enlevées par Boko Haram en 2014).

Un moyen humoristique de rappeler les combats du féminisme au 21ème siècle, dans un monde où Donald Trump occupe le bureau ovale, où la Russie dépénalise les violences faites aux femmes et où une des rares candidates à l’élection présidentielle en France n’est autre que la représentante d’un parti patriarcale souhaitant revenir sur les droits fondamentaux des femmes. Face aux périls, et si « la femme est l’avenir de l’homme », quel est l’avenir de la communication militante et féministe ?
Petite histoire du féminisme.
Le féminisme naît véritablement à la fin du 19ème siècle avec le mouvement des suffragettes – qu’on nomme également a posteriori « première vague du féminisme » – revendiquant le droit de vote pour les femmes. La « seconde vague » sera celle de la revendication de la liberté du corps de la femme. L’IVG représente l’une de ses plus grandes victoires. Au cours des années 80, on arrive à la « troisième vague ». Le féminisme élargi ses combats en défendant les minorités ethniques et sexuelles autour du concept d’ « intersectionalité », développé par Kimberlé Crenshaw. Par cette ouverture, l’idée est de se débarrasser du concept de « femme » beaucoup trop essentialisant pour aller vers une compréhension ouverte des individualité. Les différentes vagues du féminisme sont marqué par un activisme s’illustrant par des manifestations pacifique mais aussi l’usage de la violence tant physique que symbolique pour mettre en lumière leurs revendications. Actuellement, nous serions dans un quatrième moment, inscrivant les combats des anciennes vagues dans la logique « accélérationniste » pour moderniser et développer la médiatisation à l’heure des nouvelles technologies de l’information et de la communication de la cause féministe. Maintenant qu’on est au clair sur l’histoire, penchons nous sur la communication des Femen.
Les Femen, une communication a double tranchant.
Les Femen, une communication a double tranchant. « Les manifestations qui réussissent ne sont pas nécessairement celles qui mobilisent le plus de gens, mais celles qui intéressent le plus les journalistes. […] cinquante personnes astucieuses, capables de faire un happening réussi qui passe 5 minutes à la télévision, peuvent avoir autant d’effet politique que 500 000 manifestants ». Les Femen répondent parfaitement à cette « loi des médias » proposée par Bourdieu avec leurs actions où elles apparaissent seins nus, le corps recouvert de slogans, dans l’Église de la Madeleine à Paris en 2013, ou encore lors du meeting du Front National le 1er mai 2015. Un féminisme « pop », s’inscrivant dans le « sextrémisme », néologisme mélant « sexe » et « extrémisme » pour décrire ce nouveau féminisme qui n’hésite pas à employer des méthodes particulières comme l’utilisation du corps féminin, qu’on nomme également « Riot Grrrl ». Elles utilisent la provocation, la moquerie ainsi que l’auto-dérision dans des moments et des lieux stratégiques pour relayer leur revendication principale : dé-sexualiser le corps féminin pour en faire un corps politique à l’égal de l’homme. C’est là qu’il y a un hic. Car en manifestant seins nus, elles utilisent la même logique que la publicité, se servant du corps féminin comme support d’un message. D’où le bashing dont elles sont victimes. Elles sont ainsi critiquées et perçues comme des filles sans message qui ne font qu’exhiber un corps dont elles sont fières. Les féministes « anti-femen » s’indignent donc, dénonçant l’utilisation de la beauté et du corps sexualisé pour critiquer les actions des Femen, argument qu’elles entendent justement démonter. Au fond, les anti-femen sexualisent la provocation de Femen. Paradoxe quand tu nous tiens ! Alors dénonciation d’un système ou asservissement ? FastNCurious vous laisse vous faire votre avis. Reste que le message derrière le médium ne semble plus audible. Ce qui pose problème pour le militantisme quand on considère que « le message, c’est le médium ». McLuhan viens nous en aide ! On rappelle ici que Femen ne fait pas que des happenings. Conférences, débats, livres, campagnes sur les réseaux sociaux, le mouvement utilise tous les moyens de communication disponibles pour sensibiliser sur la question féministe.
#SUPPORTPENELOPE

La nouvelle campagne de Femen remet au coeur de la campagne la question féministe, invisible dans les programmes des candidats. Au point où Libération a publié le 7 février dernier une tribune d’un collectif de citoyen et d’élus pour appeler les candidats Mélenchon, Jadot et Hamon à entendre la voix des femmes. Et #SupportPénélope de rappeler le rôle émancipateur du travail pour tout individu. On notera cette phrase de Femen : « si jamais, un jour, une de tes filles veut avorter, auras tu seulement les moyens de lui acheter un cintre ». L’humour noir pour dénoncer le recul du progrès face aux politiques misogynes et conservatrices. Petit rappel que nos droits fondamentaux sont toujours à défendre. Choquer ou ne pas choquer, reste qu’il faut communiquer pour prolonger la cause féministe.
Charles Fery
Crédits photos :
– photo de Femen sur Facebook
– lettre de Femen #supportpénélope sur Facebook
– dessin Luz publié dans Charlie Hebdo le 6 mars 2013
Sources :
– page Facebook Femen https://www.facebook.com/femenmovement/?fref=ts
– Julie Mazuet, #Supportpénélope: Les Femen « soutiennent » Penelope Fillon, lefigaro.fr, publié le 30/01/2017, consulté le 06/02/2017. http://madame.lefigaro.fr/societe/supportpenelopepenelopegate-les-femen-soutiennent-penelope-fillon-300117-129452
– RTBF, publié le 06/03/2013, consulté le 06/02/2017 https://www.rtbf.be/info/societe/detail_femenla-troisieme-vague-du-feminisme-aux-seins-nus-est-partie-d-ukraine?id=7942852
– Mona Cholet, Femen partout, féminisme nul part. Le Monde Diplomatique, publié le 12/03/2013, consulté le 06/02/2017 https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-03-12-Femen

Médias, Politique

Télécratie et discours politique

Télécratie et discours politique : la standardisation de la parole gouvernante
Le tournant des années 1980 en France marque l’avènement du régime médiatique contemporain. Sous l’effet de facteurs conjoncturels tels que l’apparition d’un public de masse, l’augmentation du parc télévisuels français (on atteint 28 millions d’appareils en 1988), ou la privatisation des chaînes de télévision, les moyens audiovisuels de diffusion collective deviennent un carcan pour la politique.
Ce nouvel outil de contrôle et de surveillance du pouvoir des mandés enthousiasme la masse des téléspectateurs. Ils attendent désormais une démonstration de force ritualisée à chacune des apparitions télévisuelle des responsables politiques. Ceux-ci se doivent donc de se plier aux règles d’un exercice codifié et sans contours – la réaction.
Aujourd’hui, il est ardu pour les protagonistes de la politique de dérouler sur les plateaux de télévision de grandes idées, motivées par la défense d’un positionnement idéologique. Ce qu’on attend d’eux sont des commentaires à l’égard de l’actualité, de la dernière pique lancée par leurs adversaires ou des sondages les plus récents. En somme, il s’agit de s’adonner à des propos aussi convenus que ceux des footballers interviewés avant un match quant à leurs ambitions sur le terrain.
Au regard de cet affaissement intellectuel de la parole politique, comment qualifier et analyser les nouvelles modalités du discours des gouvernants à la télévision ?
Un évasement du discours
Selon Damon Mayaffre, spécialiste du discours politique et auteur d’un essai intitulé La Parole Présidentielle, les nouvelles modalités de l’expression politique médiatisée conduisent à une « crise du discours politique ». Celle-ci se caractérise par une  ascendance de la fonction phatique du discours sur l’utilisation de concepts. En d’autres termes, le discours est dominé par l’action et la performance (dominance de l’adverbe et du pronom personnel) au détriment du contenu (très de peu de substantifs) et de la construction de syntaxique (peu de subordonnées).
Les facteurs de cette nouvelle parole politique qui semble amoindrie et affadie à la télévision sont multiples. Néanmoins, il convient d’observer que le nouveau rapport de force entre politiciens et journalistes sur les plateaux y joue pour beaucoup. La majorité des émissions se fait actuellement sur un mode dialogique, avec un journaliste, questionneur et inquisiteur, face  un responsable politique sur la défensive. Celui-ci est donc constamment dans une dynamique statique de justification ou d’indignation.
À cet égard, il suffit d’observer le contraste marqué entre le respect attentif affiché par les journalistes vis-à-vis de la parole de leurs invités dans le cadre de l’émission Heure de Vérité (ancêtre des 4 Vérités) diffusée dans à partir de 1982 sur France 2 (lien ci-dessous), et les interruptions intempestives que se permettent les journalistes contraint aujourd’hui de s’improviser animateur.
Ceux-là, entravés de la même façon par un impératif de divertissement télévisuel, sont astreints à un positionnement qui tend à empêcher le déploiement d’une pensée construite chez les politiques. Il suffit de se rappeler la question (indiscrète et voyeuriste) posée par Thierry Ardisson à Michel Rocard en 2001 dans Tout le monde en parle – « sucer, c’est tromper ? » – pour évaluer le nivelage par le bas lié à la spectacularisation de la vie politique et à la transformation des journalistes en animateurs de « shows ».

François Mitterrand répond aux questions du journaliste Roger Louis, sur ORTF le 22 novembre 1965 (source : capture d’écran INA)
Une standardisation de la parole
En découle une impression d’indifférenciation de la parole des responsables politiques. Les emprunts réciproques conduisent à une inintelligibilité d’un discours creux qui neutralise le débat. On observe un appauvrissement des propos tenus, qui sont sans cesses abrégés, ramassés, compactés pour supporter l’intervention des journalistes et pouvoir être rediffusés via les chaînes d’infos en continu.
Ainsi, sur les plateaux de télévision, la tendance lourde reste la recherche du « coup de com’ » et de la petite phrase qui prime sur un discours didactique et transparent. Les « coups de gueule » de l’été 2016 poussés par les différents responsables politiques à l’égard du burkini sont significatifs en ce qu’ils attestent d’un désir de remédiatisation de la parole. Cécile Duflot faisant preuve d’un relâchement volontaire de son niveau de langage sur le plateau de BMTV, afin de renforcer l’emphase médiatique quant à des propos pourtant très banals autour de la polémique (lien ci-dessous), n’est qu’un exemple parmi d’autres.

 
Quelles conséquences démocratiques pour ce « mal de mots » ?
Cette crise des mots semble aujourd’hui se cumuler à une crise des actes qui mine la vie politique. Notons que, bien souvent, cette incapacité à nommer le réel sans arrière pensées au sein des médias, est interprétée par les téléspectateurs comme une fuite en avant des leviers de l’action publique, entérinant le désaveu à l’égard des responsables politiques.
Plus encore, cette incapacité à manier les mots avec brio et se servir de la langue comme le moyen symbolique d’un « écart distinctif » vis-à-vis de ses concurrents, participe d’une désacralisation de la figure du politicien. La disparition d’une poétique discursive au sein de l’espace audiovisuel où l’homme politique atteint le maximum de sa visibilité, normalise, voire même banalise, la parole gouvernante et euphémise ainsi sa force de conviction et sa valeur performative.
Au regard de cela, il se pourrait donc bien que cette « crise du discours »,  que l’on ne peut, par ailleurs, imputer aux seuls médias, puisse receler l’un des clés de la revitalisation de la confiance et de la volonté d’investissement des téléspectateurs (amalgamés avec des électeurs potentiels) dans la vie politique. À cet égard, les insurrections d’un Jean-Luc Mélanchon, bien souvent extrêmes, témoignent d’un désir de résistance salutaire vis-à-vis des prérogatives d’une spectacularisation de la vie politique à la télévision, que bien des mandés, avec plus de nuances, pourraient imiter.
Etienne Brunot 
LinkedIn
 
Sources : 
Jacques Gerstlé et Christophe Piar, La communication politique (3ème édition), 2016, Armand Colin
Frédéric Vallois, Le langage politique malade de ses mots, 20/11/2014, Le Huffington Post
Bernard Steglier, La télécratie contre la démocratie, 2006, Flammarion
Éric Darras, Permanences et mutation des émissions politiques en France, 2005, Recherches en communication (n°24)
Joseph Daniel, La parole présidentielle, 2004, Champion
Illustrations : 
Image 1 : compte Twitter de Sylvain Chazot, journaliste à Europe 1, capture d’écran de France 2 (On est pas couché) du 16/01/2017
Images 2 : INA, capture d’écran de l’ORTF de 22 novembre 1965 (libre de droits)

Médias

Le syndrome Malaise TV : fascination et répulsion de la gênance 2.0

Le respect est mort, vive MalaiseTV ! De l’hymne improbable d’une prépa scientifique au fameux « tout le monde debout » lors du Téléthon, MalaiseTV recense les plus grands « bides » du PAF et des réseaux sociaux. Du contenu vidéo sélectionné, volé, coupé, compilé et diffusé sans commentaire voix off : MalaiseTV, c’est avant tout un format qui séduit, sorte d’héritage hybride des « Best Of » et du défunt « Zapping Canal ». Illustration même de la métaphore quasi « digestive » proposée par McLuhan, le nouveau média dominant (Internet) a une nouvelle fois « absorbé » le média précédent (la télévision et même la radio) pour en faire son contenu. Originellement lancé l’année dernière par un trolleur du forum jeuxvideo.com, le compte Twitter a depuis donné lieu à de nombreux rejetons. MalaiseTV, malaisetele ou encore malaisant.fr: bienvenue au Pays du Malaise 2.0.

Com & Société, Médias

Golden Globes : La guerre médiatique est déclarée

Le 8 janvier dernier ont eu lieu les Golden Globes, cérémonie qui récompense les meilleures prestations d’acteurs, d’actrices ainsi que les meilleurs films et séries de l’année. Un parterre de célébrités, des discours de remerciement par dizaines… au premier regard, rien qui ne sorte des sentiers battus dans le monde de l’entertainment américain. Pourtant, les enjeux allaient bien au-delà de savoir qui avait la plus belle robe entre Kerry Washington et Amy Adams. L’enjeu était, contre toute attente, politique.
Avatar du politainment

Le discours de Meryl Streep n’a échappé à personne. Il était présent sur tous les réseaux sociaux, dès la seconde où il a été prononcé. Dans ce qui devait être sa séquence de remerciements après avoir gagné le prix du meilleur premier rôle dans un film musical (Florence Foster Jenkins de Stephen Frears), Meryl Streep a décidé de ne pas se restreindre à de simples formalités. L’actrice qui a, tout au long de sa carrière, accumulé de nombreuses récompenses, a ouvertement critiqué Donald Trump, en faisant bien attention à ne jamais le nommer. En effet, à quelques jours de l’investiture, les Golden Globes se présentaient comme le dernier cri d’alerte de l’Amérique progressiste, et alarmée.
Meryl Streep n’a évidemment pas été la seule à faire allusion à l’élection de Donald Trump, et à exprimer ses inquiétudes. En effet, dès les premières minutes de la cérémonie, Jimmy Fallon, présentateur vedette du Tonight Show et présentateur de l’édition 2017 des Golden Globes, a ouvert le feu en faisant référence à l’élection qu’il, comme beaucoup d’autres, pense faussée par le système du collège électoral. Le présentateur-comédien débute son monologue avec cette phrase : « This is the Golden Globes, one of the few places left where America still honors the popular vote. » (Bienvenue aux Golden Globes, l’un des derniers endroits en Amérique où le vote populaire est encore pris en compte). La couleur est alors annoncée. La soirée a donc été ponctuée d’interventions du genre qui mettaient en avant le rejet général du 45ème président des États-Unis par la caste hollywoodienne.
Le paradoxe réside en cela. Voilà la couche de la société américaine la plus éloignée de la réalité, qui n’est que divertissement pur, qui ramène les téléspectateurs au monde concret qui les attend, à la fin de ces deux heures de « show ». Assistons-nous à l’expression paroxystique de ce que l’on appelle le politainment ? Depuis l’avènement de la « screen era » (l’ère de l’écran) dans les années 1960, porté par la figure du jeune et beau John F. Kennedy, la politique dans les médias a glissé vers le monde de l’entertainment. Barack Obama est l’exemple parfait de cette mise en scène spectaculaire de la politique. On se rappelle de son apparition dans le Tonight Show en juin 2016 et de cette séquence mythique durant laquelle le président du monde libre s’adonne à un jeu musical dont le principe est de slammer l’actualité.

Les stars en politique, les politiques stars
Il semblerait que la revendication politique des stars hollywoodiennes soit le résultat de cette transformation de l’image de la politique dans les médias. Au beau milieu d’une émission dont l’unique vocation est de divertir et de glorifier des célébrités dont le quotidien est très éloigné de celui des Américains moyens, Meryl Streep s’est sentie légitime de livrer un discours politique.
Au pays où un milliardaire, magnat de l’immobilier peut devenir président, pourquoi pas imaginer une actrice hollywoodienne en meneuse d’un mouvement de révolte politique ? Au fond, qu’est-ce qui oppose une star hollywoodienne à Donald Trump ? Ils sont tous les deux riches, vivent dans un tout autre univers. Avec l’élection présidentielle de 2016, c’est la notion de légitimité en politique qui a été bouleversée. En effet, même Reagan, qui avait été acteur avant de devenir président, a effectué un mandat de gouverneur de Californie avant de prétendre au plus haut poste du pays. L’homme ou la femme politique est désormais un ou une « entertainer » avant tout. Il s’agit plus de divertir que de produire une réflexion sensée. Les meetings de Donald Trump en sont l’exemple. Il harangue la foule à coup de slogans vides de sens, comme « Build a wall ! », en référence à l’érection d’un mur plus grand et plus long que celui qui a déjà été construit par George W. Bush à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, ou encore « Lock her up ! », en référence aux accusations de corruption dont Hillary Clinton a fait l’objet durant la campagne.

https://www.youtube.com/watch?v=NaDE-YqT09E

La figure de l’homme politique a perdu ses repères et ses normes. Meryl Streep devient alors aussi légitime que Donald Trump et peut se permettre de livrer un discours ouvertement partisan et de s’afficher en tant que leader d’un mouvement anti-Trump aux yeux du monde entier.
Une nouvelle tribune pour la lutte politique
La plateforme utilisée est d’autant plus intéressante qu’il s’agit d’un show retransmis à la télévision à une heure de grande audience. En livrant son discours aux Golden Globes, Meryl Streep savait qu’elle toucherait un public large, international, pas forcément politisé, à travers un média traditionnel. En effet, la cérémonie a attiré environ 20 millions d’Américains devant leur poste — ce même média qui a été l’outil privilégié de Donald Trump pendant sa campagne. L’actrice décide donc de l’attaquer sur son propre terrain. La réponse du futur président a été envoyée via Twitter, devenu maintenant son réseau de prédilection. Le septuagénaire a compris que Twitter lui permettait de contrôler son image et de s’exprimer de manière univoque et unilatérale.

En 140 caractères, le businessman reconverti en président a exprimé son mécontentement. Le fait qu’il ait utilisé Twitter pour répondre à une attaque à son encontre à la télévision illustre également la dimension de cette nouvelle guerre qui s’engage sur tous les terrains médiatiques : les médias traditionnels VS les nouveaux médias.
Les cérémonies de récompenses sont tout ce qu’il y a de plus traditionnel à la télévision américaine. Les Oscars ou les Grammy’s, qui existent depuis respectivement 1929 et 1958, sont de véritables institutions de l’entertainment américain. Il est intéressant de voir à quel point la politique s’immisce dans ces créneaux télévisés, normalement réservés exclusivement au divertissement. On peut citer par exemple la controverse #OscarsSoWhite, lancée sur Twitter en janvier 2016, qui accuse l’Académie des Oscars d’ignorer les performances des acteurs et actrices noir(e)s. Là aussi, la polémique opposait l’opium du peuple contre le tout jeune réseau social Twitter. De la même manière, en juin 2016, à l’occasion des BET Awards (BET, Black Entertainment Television), l’acteur Jesse Williams a livré un discours poignant traitant de la condition des Noirs aux Etats-Unis, et invitant tous les Afro-Américains à la résistance et à la résilience, en référence au hashtag #BlackLivesMatter, devenu un véritable mouvement civique pour l’égalité.

Dans un monde où une star de la téléréalité milliardaire peut diriger le pays le plus puissant de la planète, on peut certainement imaginer que les cérémonies d’awards, le lieu du « show américain » le plus typique, pourraient bientôt devenir le lieu de la revendication politique la plus convaincante.
Mina Ramos
@Mina_Celsa
Sources :
– DEGBE Esther, « Donald Trump omniprésent dans les discours aux Golden Globes », Huffington Post, publié le 9/01/2017, consulté le 14/01/2017 http://www.huffingtonpost.fr/ 2017/01/09/donald-trump-omnipresent-dans-les-discours-aux-golden-globes/
– BARNES Brooks, « At the Golden Globes, a New Culture War Erupts Onstage, The New York Times, publié le 9/01/2017, consulté le 10/01/2017 https://www.nytimes.com/2017/01/09/movies/ golden-globes-donald-trump-meryl-streep.html?smid=fb-nytimes&smtyp=cur&_r=0
– DE MONTALIVET Hortense, « Le discours indigné de Jesse Williams aux BET Awards », Huffington Post, publié le 27/06/2016, consulté le 14/01/2017 http://www.huffingtonpost.fr/ 2016/06/27/le-discours-indigne-de-jesse-williams-aux-bet-awards/
– O’CONNELL Michael, « TV Ratings : 2017 Golden Globes Climb to 20 Million Viewers », The Hollywood Reporter, publié le 9/01/2017, consulté le 14/01/2017 http:// www.hollywoodreporter.com/live-feed/tv-ratings-golden-globes-up-2016-early-numbers-962326
Crédits photos :
Twitter / Golden Globes Awards
Twitter / @realDonaldTrump

Médias, Publicité

Pourquoi les spots radios sont-ils toujours stupides ?

,Tout le monde connaît les voix légèrement horripilantes de Philippe, père de famille et consommateur frénétique de produits Leclerc, de sa femme Mathilde, de leurs enfants, et plusrécemment de la belle-mère ou du collègue Régis. Depuis 1999, le géant de la distribution met en scène ses produits au sein d’une famille et de leurs pérégrinations mercantiles. Depuis 18 ans, ces spots publicitaires inondent les ondes sonores des radios, plaçant Leclerc comme premier annonceur français de ce média. Son potentiel d’action sur le consommateur est a priori très élevé puisqu’on peut l’écouter partout, en s’adonnant à plusieurs tâches, et qu’elle touche un grand nombre de personnes. Comment comprendre alors qu’en 2017, les publicités à la radio soient toujours aussi stupides ? A l’heure d’une évolution radicale des médias, quelles transformations en perspective pour la publicité radiophonique ?

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Médias

Les célébrités misent sur une com bourrée d'authenticité

Pour embellir toujours plus leur image les célébrités misent sur une communication originale fondée sur l’authenticité. Le succès de l’émission « Les Recettes Pompettes » qui met en scène des personnalités s’alcoolisant à l’écran est le signe d’une stratégie de communication nouvelle dans laquelle les stars ne montrent plus l’exemple.
Alcool, célébrités et plateaux TV
Alcool, célébrités et plateaux TV font depuis toujours bon ménage. Ce n’est pas un secret: la production met à disposition de l’alcool aux invités en coulisse. Marc-Olivier Fogiel explique « qu’il y a un peu de champagne en coulisses car on sait recevoir convenablement les gens » mais Thierry Hardisson, avec beaucoup moins de tact ou beaucoup plus d’honnêteté affirme que « torcher les invités c’est LE secret des talk-shows. » Il avoue même avoir être ivre au bout d’un quart d’heure sur le plateau des « Enfants de la télé ».
Le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) qui veille à ce que les contenus diffusés à la radio ainsi qu’à la télévision n’incitent pas à la consommation d’alcool ou de drogue a voté en 2008 une délibération relative à l’exposition des drogues illicites à la télévision et à la radio. Cependant elle ne mentionne pas les personnalités qui pourraient être sous l’emprise de l’alcool en plateau.
L’alcool en scène
Si l’alcool avait pour habitude d’être présent mais caché, avec les « Recettes pompettes », les personnalités s’alcoolisent devant la caméra. Adaptée de l’émission québécoise « Les Recettes Pompettes d’Eric Salvail » le concept est simple : l’invité tente de réaliser une recette de cuisine en buvant des shots d’alcool proposés par Monsieur Poulpe.

La promesse de ce divertissement est d’obtenir des réactions inattendues, des maladresses, des dérapages linguistiques. Approchant le demi-million d’abonnés sur YouTube, le format plait. Une des clés du succès: l’invité. Bien sur celui-ci doit se prêter au jeu et plus sa notoriété est élevée, plus cela attire l’attention. On pourrait se demander quel est l’intérêt de la personnalité à s’adonner à un tel spectacle, au risque de perdre le contrôle. La réponse est simple, la décontraction est à la mode.
Outre-atlantique nous le constatons avec « The Ellen DeGeneres Show », talk-show américain dans
lequel des célébrités se prennent au jeu et montrent leur visage le plus fou, Adam Devine et sa mère se sont par exemple prêtés au jeu de la pie face.

Avec les « Recettes Pompettes » l’alcool est là pour désinhiber les célébrités. Ainsi en ne contrôlant plus trop leur langue et leur cerveau, des vérités sont avouées et des personnalités sont découvertes. Les dérapages seraient donc le prix à payer pour une communication plus efficace, plus percutante et adressée à un public plus jeune, très actifs sur les réseaux sociaux; cette émission choc assure un relais des extraits sur les réseaux sociaux et une visibilité plus grande pour ces célébrités à la recherche de toujours plus d’influence.

Prenons l’exemple de Stéphane Bern, institution de la télévision française à l’image lisse, l’humour
contrôlé et la communication bien huilée. Sa présence dans cette émission surprend, lui qui est plus familier des maisons royales. D’autant plus qu’il est le premier à se lancer. Aux côtés de Monsieur Poulpe, son image est « écornée » mais c’est un homme plus proche de son public que l’on découvre, drôle et détendu. Le spectateur ressent une forme d’honnêteté de la part de l’invité, ce qui apporte une nouvelle dimension aux interviews traditionnelles.

« Recettes Pompettes »: alcool dans le verre, CSA sur le dos

La mise en scène de l’alcool par les « Recettes Pompettes » n’est pas vue d’un très bon œil ni par le CSA ni par de nombreuses associations notamment l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) qui dénoncent une apologie de la consommation excessive d’alcool. Dans l’émission « C à vous », diffusé sur France 5, les invités ainsi que les animateurs et chroniqueurs sont autorisés à boire du vin autour d’un repas. On voit donc que le problème en soit ce n’est pas la consommation d’alcool mais sa consommation excessive et surtout la mise en scène sous forme de jeu. Il y a dans les « Recettes pompettes » une déresponsabilisation des producteurs et des intervenants vis à vis des dangers de la consommation d’alcool.

Phénomène à la mode, la décontraction et le lâcher prise poussent les personnalités à se conformer à cette nouvelle mode et pour cela ils s’adonnent à des activités qui peuvent les pousser au dérapage. Le public veut de l’authenticité; avec les « Recettes Pompettes » les spectateurs se sentant plus proches de l’invité arrivent mieux à s’identifier à eux; « TPMP » sur C8 en est la preuve puisque malgré les procès et mises en garde du CSA, l’audience n’a jamais été aussi élevée. On peut donc dire que les « Recettes Pompettes » sont le symptôme d’une communication décontractée, à la recherche de buzz et d’authenticité qui alertent cependant sur les dérives d’une communication sensationnelle.
Xuan NGUYEN MAZEL
LinkedIn

Sources :

• CW, Stéphane Bern réagit à la polémique sur les «Recettes pompettes». 20minutes.fr. Mis en ligne le 07/04/2016. Consulté le 03/01/2017.

• Le rôle et les missions du CSA. CSA République Française. Consulté le 03/01/2017.
 
• Franceinfo avec AFP, Une nouvelle émission diffusée sur YouTube provoque la colère d’une
association anti-alcool. francetvinfo.fr. Mis en ligne le 04/04/2016. Consulté le 03/01/2017.
 
• 20minutes, L’alcool coule-t-il à flots sur les plateaux de télévision ?.
jeanmarcmorandini.com. Misen ligne le 20/03/2008. Consulté le 03/01/2017.
 
• Henri Poulain, STUDIO BAGEL PRODUCTIONS. Séphane Bern – Les Recettes Pompettes.
youtube.com. Mis en ligne le 13 avril 2016. Consulté le 02/01/2017.
 
Crédits :

© Salvail & Co 2014
© STUDIO BAGEL PRODUCTIONS 2016
© theellenshow 2016

 

Médias

Syria Charity: une stratégie de communication de choc pour sortir l'horreur de l'ombre

Les discours sur les vices et les vertus des outils de communication numériques occupent une place importante dans les discussions de la société. Aussi, il est compliqué de souligner les manifestations de leur pouvoir sans risquer de tenir des propos déjà désuets. Cependant, leur influence considérable sur notre rapport au monde nous pousse quotidiennement à en interroger notre utilisation ordinaire, pour tenter de saisir les nouveaux enjeux qu’ils esquissent (avec leurs promesses et leurs limites).
En ce sens, la couverture des évènements actuels à Alep en Syrie par les médias traditionnels et les réseaux sociaux démontre un nouveau rapport de force dans l’accès de l’information à l’espace public.
L’adage selon lequel la vérité serait la première victime de la guerre est elle toujours pertinente à l’aune de la société 2.0 ?
Alep : le silence des médias français.
Depuis plus de cinq ans, Alep est au centre d’un conflit qui a fait au moins 300.000 morts et engendré la pire crise humanitaire depuis la seconde guerre mondiale.
 Ces dernières semaines, de nombreux bombardements menés par l’armée du président syrien Bachar al Assad se sont multipliés à Alep, tuant quotidiennement des dizaines de civils ( sans compter les nombreux blessés qui ne disposent plus d’hôpitaux pour se faire soigner). Assiégée, la population ne peut s’échapper ni recevoir de l’aide. Ceci, dans le silence le plus total des médias français, focalisés sur Daesh et la lutte anti-terroriste.
« Les morts syriens ne sont qu’un chiffre, il n’auront jamais de visage ni de nom dans nos médias », regrette Ammar Abd Rabbo, journaliste indépendant d’origine syrienne et photographe reconnu.
Comment expliquer une telle omission ? Faut-il tout rejeter sur la fameuse « loi-du-mort- kilomètre » selon laquelle plus il y a de distance, plus notre indifférence face à un drame s’accroit? Dans le cas présent, ce serait oublier les barrières auxquelles se heurte le journaliste en temps de guerre. En effet, il est quasiment impossible de franchir la frontière syrienne, et seules quelques personnes ou marchandises arrivent à réaliser le trajet par des routes illégales et dangereuses.
De plus, les rédactions n’envoient plus de journalistes sur place depuis 2013, à cause du haut taux d’enlèvement ainsi que du danger de mort. Cette année, six journalistes ont été tués en Syrie et neuf sont emprisonnés, selon le recensement de l’organisation Reporters sans frontières.
Ces contraintes compliquent la couverture journalistique des dégâts sur la population civile, et posent les limites des médias dans leur rôle que résume Daniel Bougnoux par cette formule : être une « fenêtre ouverte sur le monde ».
Dès lors, qu’advient il des réalités qui peinent à sortir de l’ombre ? Parviennent elles jamais à atteindre la place publique et par extension, les consciences ?

« Partager pour dénoncer »
C’est la phrase qui accompagne chaque post Facebook de Syria Charity, une ONG d’aide humanitaire et médicale en Syrie dans les zones sinistrées. Sa particularité est d’avoir réussi, à travers les réseaux sociaux, à imposer au monde le quotidien d’Alep jusque là exclu de l’espace public. Longtemps restée confidentielle, sa page Facebook qui compte près de 735 000 abonnés est son principal outil de communication.
Pour créer du retentissement, Syria Charity mise sur une communication de choc. Chaque jour, les membres postent des vidéos insoutenables des bombardements et de leurs victimes, filmés pour la plupart via des Go-Pro fixées sur les casques des ambulanciers.
 Ces vidéos rencontrent un franc succès chez les internautes. La vidéo la plus célèbre datant de Juillet 2016, « plonger trois minutes au cœur de l’urgence et des bombardements à Alep » a été regardée 4.500.000 fois et partagée par plus de 73.000 personnes. À titre de comparaison, l’article du Monde consacré au même sujet a été partagé 29.000 fois dans le même laps de temps.
Cet engouement de la part des internautes a permis à Syria Charity de faire pression sur les médias traditionnels. Mis K-O sur le ring de l’espace public, ils ont commencé à couvrir l’évènement depuis un peu plus d’un mois, comme le rappelle la page Facebook de Syria Charity qui salue chacune de ces initiatives.

Ainsi, ce conflit qui n’avait aucune répercussion médiatique dans les journaux traditionnels a trouvé un espace de compensation sur les réseaux sociaux. Et ce, jusqu’à devenir le conflit le plus documenté de l’Histoire, du moins en terme d’images et de vidéos.
« Je pense que les réseaux sociaux sont là pour compenser, voire corriger un traitement médiatique dans lequel on ne voit pas assez la réalité du terrain. », a dit Mohammad Alolaiwy, président de Syria Charity.
Décidément, les réseaux sociaux ont encore un bel avenir devant eux, bien que leur impact soit à relativiser. Outre les nombreux dons qu’a reçu Syria Charity pour aider la population d’Alep, la sur- visibilité de ce massacre n’a entrainé aucune action concrète de la part de la communauté internationale pour faire cesser les bombardements.
Nous adressons donc une profonde pensée pour toutes ces victimes, prématurément arrachées à la vie par la cruauté de ce monde.
Liana Babluani
LinkedIn
Sources :
• France Culture , « Alep , trop d’empathie tue l’action ? » ( 30.11.2016)
• Regards, « Comment remettre la Syrie sous nos yeux » , ( 28 . 07. 2016 )
• Le Figaro , « Alep Est : la situation dégénère alors que plus aucun hôpital ne fonctionne » (21.11.2016)
Crédits :
• Photo 1 – Capture d’écran de la page Facebook Syria Charity ( 18 Juillet 2016)
• Photo 2 : Capture d’écran du site internet d’Arrêt sur Image ( 20.07.2016)
• Photo 3 : Capture d’écran de la page facebook de Syria Charity ( 2 Décembre 2016 )
• Vidéo 1 : Page Facebook Syria Charity (02.12.2016)
• Vidéo 2 :    Page Facebook AJ+ ( 13.12.2016 )

Médias

"Mariés au premier regard", le laboratoire de l'amour

Alors qu’en ce mardi 8 Novembre les électeurs américains se ruaient aux urnes pour élire leur futur chef d’état, les experts de l’émission « Mariés au premier regard », diffusée ce même jour sur M6, s’affairaient pour trouver la moitié de célibataires français.
Sur les écrans de télévision pour la première fois, l’émission regroupait déjà plus de 3 millions de téléspectateurs impatients de savoir si M6 après « L’Amour est dans le pré » réitérerait l’exploit d’unir deux âmes en mal d’amour.
Le principe, quoi qu’osé, est simple. Des scientifiques, à l’aide d’une batterie de tests « scientifiques » établissent la compatibilité de célibataires qui, sur les bases des résultats obtenus, se voient attribuer un candidat du sexe opposé avec lequel ils devront se marier sans jamais l’avoir rencontré. Pour établir un couple, les participants hommes et femmes vont devoir passer par les filets d’un processus de sélection rigoureux : test olfactif pour définir l’odeur de leur futur partenaire, test sonore pour la voix, questions sur le biorythme (car il est impossible d’unir deux personnes n’ayant pas la même horloge biologique…) et enfin un questionnaire à choix multiples afin de mieux cerner les personnalités et les désirs de chacun. Le futur couple né de cet algorithme sentimental se marie puis passe six semaines de probable idylle en lune de miel avant de décider de rompre ou de conserver cette union.
Pour crédibiliser cette expérimentation scientifique de la rencontre amoureuse, M6 a réuni ses petits chimistes de l’amour. L’équipe est constituée de Catherine Solano, sexologue et andrologue (andrologie : spécialité médicale s’occupant de la santé masculine, en particulier pour les problèmes de l’appareil reproducteur masculin et les problèmes urologiques particuliers aux individus mâles ), Pascal de Sutter, docteur en psychologie et enfin Stephane Edouard, sociologue de couple (néologisme désignant un « conseillé de séduction » diplômé de… l’école de la vie).
Ce n’est pas la première fois que la chaine joue aux entremetteurs. En effet, durant onze saisons, la présentatrice de l’émission, Karine Lemarchand avait prouvé ses talents de madame Irma permettant à des agriculteurs français de rencontrer l’amour avec un grand « A ». Mais le traitement de la rencontre dans « Mariés au premier regard » est une innovation majeure dans le domaine de l’audiovisuel.
Alors que Stendhal, des années plus tôt, nous rendait la vision d’une scène de première rencontre passionnée et onirique entre Madame de Rênal et Julien Saurel, M6 nous donne à voir une expérience audiovisuelle froide et sans saveur, tentative illusoire d’une alchimie amoureuse.
La chaine part d’une hypothèse simple : qui se ressemble s’assemble. De là, elle établit son système de sélection pseudo scientifique. M6 met au point un véritable traitement médical audiovisuel du « virus célibat ». Les candidats sont traités comme des patients venant consulter docteur M6 dans l’espoir d’être soignés de l’épidémie de solitude amoureuse qui semble s’abattre depuis quelques années sur la population française. En effet, l’effervescence des applications de rencontre en ligne comme Meetic ou eDarling va dans le sens d’une difficulté croissante des célibataires à trouver l’amour par les voies « conventionnelles » de la rencontre physique. Les conditions plus traditionnelles de formation du couple se redéfinissent et bouleversent l’économie et le traitement audiovisuel de la rencontre. Surfant sur la vague des applications de rencontres organisées comme Tinder ou Happen, l’émission est ironiquement le fruit de ce triste constat de l’échec des rencontres traditionnelles et de la brièveté des unions maritales.
Mais alors que Tinder repose encore plus ou moins sur le principe de l’aléatoire et du hasard, M6 les nie fondamentalement. La première rencontre est cadrée, organisée, orchestrée minutieusement. De l’intimité de la sphère privée elle devient publique et construite à travers le prisme de l’écran. Déjà exploité par la chaine dans « l’Amour est dans le pré », ce système de mise en spectacle de la formation du couple conduit à la création d’un monde des sentiments illusoires. Cette lumière dirigée vers les mécanismes de la construction du couple (découverte des affinités, des odeurs, des goûts) fait office d’un aveu : celui de l’absence assumée de spontanéité de la construction audiovisuelle. Cette révélation brise l’enchantement télévisuel et trahit les intentions piégeuses, déjà largement soupçonnées par les téléspectateurs, de ce média. Le spectateur ne cède plus à la « suspension consentie de l’incrédulité » (Coleridge), et ne s’abandonne pas dans l’illusion de l’émission. Cet échec de l’enchantement se confirme dans la réception désastreuse de l’émission par les autres médias qui se complaisent de ne pas être « dupes » face à cette supercherie outrageante.
Pour le résultat de cette magnifique expérimentation rendez vous ce soir sur M6 à 21h.
Céline Jarlaud
Source et crédit photo:
M6 replay
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