Politique

La course aux livres chez Les Républicains

Cela fait quelques temps que les médias français nous « alertent » sur la baisse générale du niveau intellectuel de notre classe politique. Elle a beau avoir fait ses classes à Sciences Po et à l’ENA, nombreux sont les journalistes qui se demandent où sont passés les De Gaulle, les Pompidou, les Mitterrand : nos grands hommes de lettres quoi ! La nostalgie du « c’était mieux avant » est caractéristique d’une bonne partie du système médiatique et de l’opinion ; ne comptez pas sur Eric Zemmour et Alain Finkielkraut pour redresser la barre, il est beaucoup plus aisé de briser la coque du bateau quand il est déjà en train de couler.
Soyons optimistes bon sang ! Assez des Anglo-Saxons pour nous descendre, l’ « auto french-bashing » n’a rien de bon, alors lâchons du lest et regardons un peu vers l’avenir. Tiens ! Par exemple, Jean-François Copé qui nous parle du Sursaut français dans son nouveau livre, ça ne vous donne pas envie d’y croire ? Non ? Vraiment ? Je ne sais pas ce qu’il vous faut alors. Notre Jean-François national travaille pourtant d’arrache-pied depuis plusieurs mois à la réalisation de son ouvrage. Experts, anthropologues, tous y sont passés pour l’aider à « révolutionner le logiciel politique » et enfin mettre sur la touche le vieux Juppé et l’autre excité de Sarkozy comme il aime si souvent le dire lorsque les caméras sont rangées.
« Je suis devenu la caricature de moi-même. J’étais omniprésent, avec un style qui forcément agace […] J’étais incapable d’être absent d’un clivage. »

Qui aurait bien pu dire que le style de Copé était agaçant ? Tout le monde se souvient de sa fameuse histoire hilarante du pain au chocolat. Je suis sûr que les Français de culture ou de confession musulmane ont dû apprécier et qu’ils en rigolent encore à table en famille. Une chose est sûr Jean-François, c’est qu’eux aussi, ils sont « profondément choqués » ! 
Mais Copé est loin d’être le premier à sortir un livre dans cette course à la présidentielle. François Fillon, lui aussi dans une perspective de retour sur le devant de la scène médiatique, est le premier d’entre eux avec Faire. Alors si on m’avait demandé de parier sur lui il y a quelques temps, jamais je n’aurais sorti ne serait-ce qu’un centime de ma poche : force est de constater que son ouvrage a connu un certain succès en librairie. A croire que l’ex-Premier ministre a gardé une image solide et un intérêt auprès d’une partie des Français malgré la guerre fratricide qu’a connu l’ancienne UMP. Rares sont les ouvrages d’hommes politiques qui atteignent de tels niveaux de vente ; environ 50 000 exemplaires vendus, – sans vouloir rentrer dans la guerre des chiffres qui a déjà fait polémique -, alors que les experts parlent de 3000 exemplaires en moyenne pour ce type d’ouvrage. A ce moment-là, on se demande qui peut bien faire baisser la moyenne des ventes ? Une rumeur veut qu’il y ait plus d’exemplaires du livre de Jean-Christophe Cambadélis sur les étagères du Publicis Drugstore que d’exemplaires vendus… Mais petit lot de consolation pour le président du Parti Socialiste, puisque la palme d’or revient à Christine Boutin et ses 58 exemplaires de Qu’est-ce qu’un parti chrétien démocrate ? Contrat de lecture explicite ne rime pas forcément avec foule de lecteurs. A bon entendeur.
« Je suis le seul à offrir une vraie rupture avec un projet complet de transformation de mon pays autour d’un concept puissant qui est la liberté. »
Il est vrai que Fillon est clairement dans la rupture avec Faire. Sans lui donner tort ou raison, le projet qu’il avance est radicalement libéral. Un projet que Nicolas Sarkozy n’hésite pas à qualifier de fou, mais de folle aussi la personne qui pense un jour être élue avec. Mais en fin de compte, peut être que ce discours de rupture plaît à bon nombre de Français à en croire les ventes de son livre. Affaire à suivre donc.
Autre personnalité qui a un discours qui plaît à droite, à savoir Bruno Le Maire. Fort de ses 95 000 ventes avec Jours de Pouvoir paru en 2013, l’outsider , comme les médias se plaisent à le nommer, a repris la plume récemment et est sur le point de nous proposer un nouvel ouvrage : Ne vous résignez pas !. L’homme qui a réussi à faire 30% face à Sarkozy lors de l’élection à la présidence du parti ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Le Maire espère réellement incarner le renouveau qu’il prône depuis déjà quelques temps. Vous l’aurez compris, il n’ira pas de main morte avec les camarades de son parti qui sont installés depuis longtemps. L’avenir nous dira si le phénomène Le Maire prendra plus de place dans le cœur des Français.
Vient le tour d’Alain Juppé dans un registre toutefois assez différent des autres. Le maire de Bordeaux en est déjà à son deuxième livre programmatique sur une série de quatre. Le « septuagénaire de gauche », pour faire du Sarkozy-dropping, vient tout juste de remettre le curseur à droite avec Pour un Etat fort, qui traite notamment des problématiques sécuritaires liées au terrorisme. L’ancien Premier ministre a d’ailleurs réservé une partie entière à ces dernières suite aux attentats de Paris de novembre dernier.
« Les Français ont parfois l’impression que l’Etat est absent lorsqu’il devrait être présent, et présent lorsqu’il devrait être absent. Revenons à l’essentiel. »
Le message est clair : un Etat plus fort avec le renforcement des pouvoirs régaliens mais un Etat plus petit dans une perspective de réduction de la sphère d’influence des pouvoirs publics. Un délicat mélange entre Etatisme et Libéralisme qu’il continue de maîtriser et qui le place encore aujourd’hui en tête de tous les sondages. A 10 mois des primaires de la droite et du centre, et avec encore deux livres à paraître et une stratégie de large rassemblement, Juppé pense qu’il a sa chance. En tous cas, il sait que c’est sa dernière pour accéder aux plus hautes fonctions, si tant est que la bulle Juppé n’explose pas en plein vol. Les favoris dans cette même position n’ont jamais vraiment eu de chance dans l’histoire politique française…
Enfin. Nous y voilà. Notre chouchou à tous, le trublion de la politique française, le Racine des Temps Modernes : Nicolas Sarkozy ! Tout comme ses compères, l’ancien Président de la République a publié un livre. Un livre qui restera à jamais gravé dans les mémoires. Tout comme Phèdre à sa sortie, La France pour la vie a essuyé de nombreuses critiques par l’ensemble de la presse avec ses petits couacs historiques. Même Le Figaro, qui pourrait de prime abord être un journal plutôt docile envers Sarkozy, s’amuse à décompter ses aveux de fautes commises pendant son passage à l’Elysée.
« Je ne suis décidément pas très doué pour l’écoute de moi-même ou des autres. »

Ecouter les autres n’a jamais vraiment fait partie de ses qualités et c’est peut-être pour ça qu’il se retrouve de plus en plus esseulé au sein de son propre parti. Mais pour ne pas passer pour une mauvaise langue, rappelons que La France pour la vie est pour le moment le plus gros succès en termes de vente, ce qui nous montre bien qu’une partie non négligeable de l’électorat ne l’a pas encore lâché ; et que c’est cet électorat qui se déplacera massivement pour les primaires de novembre 2016.
Sarkozy est avant tout ici, dans un pur exercice de communication s’éloignant de l’exercice de style littéraire d’un Le Maire ou d’un Juppé. La France pour la vie ne propose d’ailleurs pas de véritable projet pour 2017 selon Jean-Pierre Raffarin, qui parle plutôt d’un immense mea culpa. Et l’auteur des maintenant fameuses raffarinades s’est adonné au plaisir de trouver un meilleur titre pour le livre de Sarkozy : « Désolé pour ce moment. » Du grand Mendès !
L’important quand un livre d’homme ou de femme politique sort en librairie, c’est d’analyser clairement le contrat de lecture qui est établi. Quels messages l’ouvrage veut-il nous faire passer ? A qui s’adresse-t-il ? Partant de là, il est déjà plus facile d’appréhender la stratégie qui sous-tend l’écriture.
Jean-François Copé tente de sortir de sa longue traversée du désert après avoir été contraint de quitter ses fonctions de président de l’UMP suite à l’affaire Bygmalion, en essayant de retrouver de la visibilité dans les médias grâce à la sortie de son livre. Mais cette volonté de retrouver le devant de la scène est accompagnée d’un désir de bousculer les habitudes de la classe politique en proposant une vision qui selon lui est complètement novatrice quitte à passer pour la condescendance en personne. François Fillon, qui est dans une meilleure position, cherche lui aussi à retrouver sa place dans les grands médias. Pour ce faire, il mise avant tout sur son projet politique pour 2017. En effet, son ouvrage est à mon sens le plus aboutit pour le moment en termes de propositions. Bruno Le Maire ne cherche pas vraiment une place médiatique puisqu’il est déjà dans une très bonne position, mais on pourrait dire qu’il tente de conserver ses avantages actuels tout en s’inscrivant dans la tradition politique littéraire. Alain Juppé quant à lui, développe une véritable stratégie de rassemblement. Il ratisse large en essayant de s’adresser à l’ensemble des Français mais sa dernière sortie littéraire nous montre qu’il a tout de même restreint sa cible « au peuple de droite », même si je n’aime pas cette expression, en envoyant un message sécuritaire fort afin de contrer la stratégie droitière de Sarkozy. L’ancien Président de la République pour finir, s’inscrit plutôt dans la même ligne que Copé dans le sens où tous deux essayent d’obtenir le pardon des Français pour leurs erreurs. Dans la vie, il y a deux types de personnes : ceux qui ont une vision et ceux qui s’excusent.
Quoi qu’il en soit, cet exercice d’écriture n’est pas réservé à Les Républicains puisque comme le rappelle Alain Duhamel, c’est un exercice quasi obligatoire dans l’optique d’une élection présidentielle dans un pays au lourd passé littéraire comme le nôtre. D’ailleurs, si l’on se penche sur les écrits politiques de ses vingt dernières années, la gauche (celle du Parti Socialiste) a été assez prolifique. Mais structurellement depuis quelques temps, cette même gauche est en panne d’idées, en panne de projets. En même temps, comment voulez-vous qu’elle véhicule des valeurs et des idées nouvelles avec un gouvernement qui s’est converti au social-libéralisme ? La gauche ne pense plus vraiment le monde de manière idéologique et la démission récente de Christiane Taubira est loin d’être une bonne nouvelle à mon sens pour la pensée socialiste peu importe ce que l’on en pense…
Antoine Gagnaire
@AntoineGagnaire
Sources :
http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2016/01/19/25001-20160119ARTFIG00061-j-etais-la-caricature-de-moi-meme-cope-sort-du-silence-sur-le-divan-de-fogiel.php
http://lelab.europe1.fr/jean-francois-cope-profondement-choque-davoir-ete-si-souvent-profondement-choque-2650189
http://www.liberation.fr/debats/2016/01/27/la-strategie-du-livre-politique_1429401
http://www.lesinrocks.com/2016/01/24/actualite/les-30-phrases-%C3%A0-retenir-dans-le-nouveau-livre-de-nicolas-sarkozy-11800358/
http://www.lejdd.fr/Politique/Exclusif-Alain-Juppe-detaille-son-programme-pour-un-Etat-fort-766657
 http://actu.orange.fr/france/fillon-lr-je-reste-le-seul-a-offrir-une-vraie-rupture-afp_CNT000000hPnfZ.html
http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/021668070274-70000-exemplaires-du-livre-de-sarkozy-ecoules-en-une-semaine-1197137.php
Crédits photos :
 AFP JEAN-SEBASTIEN EVRARD
AFP DOMINIQUE FAGET

OBAMA POLITIQUE PLEURER
Politique, Société

Pleure si t'es un homme (politique)

D’aucuns s’amuseraient à constater que nos hommes politiques aiment la transparence… Pas celle qui les oblige à répondre du nombre de zéro sur leurs factures, évidemment, mais désormais la mode est à l’émotion ; on laisse voir, on laisse transparaître. Beaucoup de choses se bousculent sur le visage de nos représentants : l’anxiété, la colère, le soulagement – on se souvient du long soupir de Xavier Bertrand après sa victoire aux Régionales, par exemple. Mais surtout, en politique, on pleure.
Aux larmes citoyens !
Lorsque l’on sait comment les utiliser, les larmes peuvent être un redoutable outil de communication, et Barack Obama est le maître incontesté du maniement lacrymal. Le 5 janvier 2016, alors qu’il présente son plan de contrôle des armes à feu et évoque les trop nombreuses victimes de fusillades, il essuie une larme, puis une autre … « Every time I think about those kids, it gets me mad / A chaque fois que je pense à ces enfants, ça me met en colère », avoue-t-il avant d’enchaîner finalement sur la nécessité de construire une société plus sûre. L’instant est bref, le symbole est fort, les médias s’emballent. Les heures suivantes, on s’évertue à analyser ce comportement. Après tout, Obama n’en est pas à son premier coup d’essai. Lors de sa réélection ou pendant un concert d’Aretha Franklin, on a souvent vu le président américain avec les yeux humides. Alors s’agit-il cette fois d’une manipulation ou d’un véritable élan de chagrin ? Sincere or not sincere, that’s the question. Mais qu’il s’agisse d’une manœuvre politique ou d’un sentiment authentique, les pleurs d’Obama sont efficaces, au point que Donald Trump lui-même déclare sur Fox News croire en la sincérité du président.
Une vieille tradition
En France aussi on pleure, et depuis longtemps. Sous la Révolution, les députés essuyaient des larmes de ferveur lorsqu’ils prêtaient serment à la Constitution. Pendant la Restauration, elles étaient dotées d’une valeur curative, voire expiatoire face aux crimes de la Terreur. Cependant, dans la seconde moitié du XIXème siècle, elles deviennent une caractéristique spécifiquement féminine et il est ordonné aux hommes de pouvoir de savoir se maîtriser en public. Pleurer devient une affaire privée et seul le deuil autorise un peu plus d’épanchement.
Aujourd’hui, bien que ces occasions restent très ponctuelles, il n’est pas si rare de voir une personnalité verser quelques larmes. Mais il est de bon ton de les verser comme il se doit, sans se laisser submerger. Ainsi, les sanglots de Ségolène Royal lors de la défaite de la gauche aux élections législatives de 1993, pudiquement filmés en contre-jour, ont-ils fortement marqué les esprits ?

 
A larmes égales ?
Pour bien communiquer, il faut donc bien pleurer, mais pas seulement. Il faut savoir choisir sa cause. Les larmes sont à double tranchant et peuvent facilement susciter rires ou agacement plutôt qu’empathie. Les joues mouillées d’un Poutine ému après sa réélection a eu moins d’impact que la voix vacillante de Laurent Fabius pendant la COP21 lorsqu’il déclarait : « J’ai une pensée particulière, enfin, pour tous ceux, ministres, négociateurs, militants, qui auraient voulu être là, en cette circonstance probablement historique, mais qui ont agi et lutté sans pouvoir connaître ce jour ». L’émotion du ministre devient l’expression de son engagement pour une cause collective. De la même façon, le visage défait de François Hollande lors des attentats de janvier, ou sa voix cassée lors de ceux de novembre traduisaient d’une manière impressionnante les sentiments d’horreur et de stupeur qui s’étaient emparés des Français.
Girls don’t cry
Malgré tout, l’exercice n’est pas aisé pour tout le monde. Le fait de pleurer étant profondément féminisé, le journal Le Monde remarque que les femmes politiques « doivent constamment balayer les critiques sexistes qui font rapidement des larmes féminines un aveu de faiblesse ». Une femme essuyant ses larmes ne bousculera pas tant les esprits que s’il s’était agi de l’un de ses homologues masculins. Celle-ci étant moins soumise au diktat de la maîtrise de soi, ses pleurs seront perçus – visuellement autant que symboliquement – comme moins spectaculaires. Pourtant, comme le remarque Yann Barthes dans le Petit Journal, les femmes sont plus enclines à pleurer pour « des causes assez profondes et humaines ».
Pleurer donc, n’est pas si rare en politique. Mais il s’agit d’un acte de communication non-verbal strictement codifié. La transparence des émotions est finement élaborée et si les larmes peuvent être authentiques, la manière de les mettre en scène – sans effusion – nécessite sans doute quelque entraînement.
Marie Philippon 
Sources :
« Les larmes politiques », Le Petit Journal du 06/01/16 – http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-le-petit-journal/pid6515-le-petit-journal.html?vid=1348093
Fanny Arlandis, « Larmes politiques », Le Monde, 14/01/16 –  http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2016/01/14/larmes-politiques_4847620_823448.html
Emilie Laystary, « Duflot, Royal, Fillon : les larmes des hommes et femmes politiques », RTL, 17/07/2013 – http://www.rtl.fr/actu/politique/duflot-royal-fillon-les-larmes-des-hommes-et-femmes-politiques-7763204606
Crédit images :
Reuters
Nicolas Kamm / AFP

Invités, Politique

Daniel Bougnoux parle communication, politique et terrorisme avec FastNCurious

Daniel Bougnoux, chercheur en sciences de l’information et de la communication (SIC), est l’auteur d’ouvrages majeurs dans la discipline comme La crise de la représentation et son Introduction aux sciences de la communication.
Dans cette entretien divisé en trois parties, il nous parle des SIC, du terrorisme et de sa médiadépendance et enfin de communication politique.
 

D. Bougnoux qualifie les SIC de « randonnée critique » il explique qu’il y a dans les SIC une volonté de s’écarter de la méthodologie tracée par d’autres disciplines. « Il y a la volonté de se confronter au hasard des événements » et l’idée que tout est bon à prendre pour réfléchir.
« Nous sommes des sujets de mondes propres ». Chaque porteur est facteur de transmission, prélève sa dîme sur le message qu’il a reçu, c’est à dire, au passage, le transforme ». « Tout ça fait partie d’une médiologie ». La médiologie fédère de nombreuses études, elle analyse ce qu’un médium fait à un message.
 

Les médias agissent comme une « caisse de résonance » des actes terroristes. Ils propagent l’onde de choc des actes terroristes. « Il y a médiadépendance du terrorisme et les médias trouvent un effet d’audience pernicieux dans les actes terroristes ».
Le journaliste va t’il relayer simplement ces actes ou alors utiliser un langage de prise de distance ? « Le propre de la terreur c’est qu’on n’a plus aucun recul, on a la face contre terre. » « Les messages sont reçus et traités par des sujets d’information qui doivent rester critiques, » ils doivent les élaborer en les recevant.
 

 
En 1996, Daniel Bougnoux écrit une Lettre à Alain Juppé. Il revient ici sur son contenu et l’éclaire à la lumière de la situation politique actuelle.
« Il [Juppé] avait une vision descendante de la politique où le chef d’Etat ou de gouvernement était en position d’avoir à expliquer des mesures, et les autres à les appliquer ou à les enregistrer. » « C’est une conscience que la raison est distribuée et non pas incarnée dans le chef et que la raison étant distribuée, seule une forme minimale de participation et de communication horizontale peut faire émerger des solutions éminemment politiques ».
Un message a de moins en moins de chance d’arriver dans la tête des gens de la même façon pour tous à cause de la multiplication des mondes propres.
« Le costume de chef de guerre de Francois Hollande lui va bien et il va bien, en général, à un chef d’Etat. » Cela peut rassembler la nation et faire du bien au pouvoir en place. « il y a actuellement un moment d’émotion qui rend le corps social moins fracturé qu’auparavant ». « Mais on sait à quel point ces états sont métastables ».
FastNCurious remercie Oliver Aïm qui nous a permis de réaliser cet entretien.

Politique

Il était une fois Internet, les hommes et la démocratie

Une fameuse utopie, où, le légendaire Internet va révolutionner notre société afin d’y introduire un épanouissement total de la démocratie. Son avènement promettait un rêve fou : le pouvoir au peuple. Lol.
Bon, c’est vrai, Internet a changé la donne.
Il nous a permis de démocratiser notre société, l’exemple le plus pertinent étant la possibilité de répondre. En contradiction avec la théorie d’une parole – médiatique – sans réponse – de la part des masses que Baudrillard présente dans son ouvrage, Pour une critique de l’économie politique du signe, la société actuelle grâce à Internet et aux réseaux sociaux, est une société d’échanges d’informations.
A cet égard, le web est un outil démocratique, donnant à chacun un nouveau champ d’expression plus libre.

Au delà de ce droit de réponse, un des exemples phare qui affirme cette démocratisation que véhicule Internet est Wikipédia. Cette encyclopédie ouverte à tous, aussi bien dans la rédaction du contenu que dans la lecture de celui-ci, est symbolique de cette révolution : le savoir pour tous.
Il est indéniable qu’Internet engendre un changement de paradigme : d’un one to many à ce que l’on pourrait qualifier d’un « many to many. » Pourtant, cette révolution culmine davantage vers un glissement des forces en présence et une redistribution des pouvoirs allant à l’encontre du sens traditionnel de la démocratie : le pouvoir au peuple. « Le pouvoir relatif des internautes »  est exposé ici.
L’émergence d’une nouvelle classe. 
On parle bien souvent de la dimension participative d’Internet, permettant aux internautes d’intégrer une communauté, de donner son avis, de s’exprimer. A cet égard, La société met en exergue une soi-disant démocratisation du pouvoir, alors qu’en réalité, il n’y a qu’un transfert de ce pouvoir entre des groupes qui étaient déjà plus ou moins dominants.
Cyrille Frank, journaliste, formateur et consultant, explique dans son blog médiaculture.fr, qu’Internet engendre non pas un partage démocratique du pouvoir, mais plutôt l’avènement d’une « nouvelle classe de dominants ». Adieu, donc, l’utopie d’un pouvoir également distribué entre tous.
Historiquement, l’apparition de nouveaux déséquilibres sociaux est une conséquence inhérente à un changement de paradigme. Par exemple, la bourgeoisie supplanta l’aristocratie après la Révolution Française. L’apparition d’une nouvelle classe après une grande rupture est commun dans l’Histoire.
Dès lors, même si Internet comporte une vertu émancipatrice pour les internautes, il est important de souligner le fait que cela ne concerne pas tout le monde.

Cette nouvelle classe établit son pouvoir grâce à sa maîtrise des nouvelles technologies. Ces acteurs parviennent à s’adapter au temps technologique, afin d’en vivre. Plus concrètement, Cyrille Frank désigne cette nouvelle classe par : « les jeunes journalistes 2.0, communicants et marketeux technophiles, experts et consultants en réseaux sociaux, entrepreneurs du secteur technologique… ».
L’information est un levier de domination majeur dans la société actuelle : il est assez évident que ceux qui savent la manier seront puissants. 
Une illusion de pouvoir ? 
Par le biais de ce droit de réponse et de participer, les internautes ont également un pouvoir, une influence sur Internet. Cependant, sommes-nous influencés ou sommes-nous totalement libres de cette parole ?
On pourrait croire qu’il n’y a pas d’obstacle à notre liberté d’expression, et pourtant, il s’avère que nous sommes toujours influencés.
Prenons par exemple le système de réponse aux médias web, tel que le commentaire sur les articles ou bien sur les réseaux sociaux. On s’aperçoit que cette influence, ce pouvoir qui nous a été donné est en réalité réutilisé par les médias web dans leur propre intérêt. « Voici le pouvoir essentiel de la forme – en ce qu’elle est l’essence même de l’information. » explique Emmanuel Souchier, dans La mémoire de l’oubli. C’est en partie cette forme codifiée qui limite notre pouvoir, et qui permet aux médias web cette réappropriation. Prenons l’exemple de Twitter et ses fameux 140 caractères, qui influent malgré nous sur le contenu de l’information que nous transmettons. En effet, qu’est-ce que donner son avis en 140 caractères ? Notre influence est donc limitée à une forme qui est déterminée par les médias eux-mêmes.

Le Community Manager, acteur de cette « nouvelle classe dominante » dont parle Cyrille Frank, peut définir sa mission par trois verbes : fédérer autour d’un intérêt commun, animer en fournissant des informations aux internautes qui sont susceptibles de les intéresser, et modérer en régulant les conversations pour que les débats restent de qualité. Autrement dit, c’est lui qui va être face à nos réactions, à notre réponse. Les trois verbes qui définissent sa mission, prouvent que notre parole est influencée par l’action du Community manager. On nous amène subtilement d’un point A à un point B, de manière inconsciente. Il y a un mécanisme derrière le système du commentaire qui n’est pas synonyme de totale liberté et donc de vrai pouvoir.
D’autre part, d’un point de vue sociologique, notre choix est déterminé par plusieurs facteurs. Cette liberté d’expression pour tous, engendre un réel problème de visibilité. Certes, nous avons davantage la possibilité de nous exprimer, mais paradoxalement notre avis est dilué dans cet océan – nouveau – d’informations. Par conséquent partager son opinion via un commentaire relève également d’un relatif narcissisme. Il y a une volonté de sortir de la masse, d’être LE commentaire, et d’avoir raison. Cette problématique est d’autant plus réelle avec la possibilité de liker les commentaires. L’acte de réponse n’est donc pas totalement désintéressé, au contraire. Il se place comme fait social, c’est à dire comme une action qui n’est pas entièrement libre puisque partiellement déterminée. Par conséquent, la possibilité de réponse qui est donnée par les médias web est à double tranchant. Elle révèle à la fois la possibilité de participer, ce qui relève de la dimension démocratique du web, mais aussi une volonté d’attirer les internautes sur leur plateforme grâce au besoin des individus d’exister parmi les autres.
On peut parler de ré-appropriation d’un pouvoir des internautes par les médias web, et c’est cette récupération qui démontre dans le même temps la limite de ce pouvoir, que l’on a tendance à surestimer. 
Clémence Midière
LinkedIn
@clemmidw
 
Sources :
La démocratie électronique est-elle une illusion ? Par Hubert Guillaud sur Homo Numericus
Nouveaux médias : une nouvelle classe de dominants par Cyrille Franck sur Mediaculture
Qui a le pouvoir sur Internet ? Par Clément Mellouet sur FastNCurious
Crédits images:
images.google.fr
Pinterest.com
Lefigaro.fr
Computer Ethics
Emarketing.fr

Politique

Hollande, geek malgré lui

Hollande et les réseaux sociaux : je t’aime … Moi non plus
En janvier, l’Elysée inaugurera le compte Snapchat du président de la République. Peu friand des réseaux sociaux, préférant selon ses dires de 2013 la « conversation directe » avec les Français, François Hollande y a pourtant progressivement accru sa visibilité au fil de son quinquennat. Très utilisé pendant la campagne présidentielle, son compte Twitter @fhollande a été laissé à l’abandon plusieurs mois avant que le président en personne ne le réactive le 1er janvier 2014. Des critiques dénonçant un président au silence anachronique ont commencé à se faire entendre, le contraignant à retisser sa Toile. Sans surprise, il jouit d’un nombre spectaculaire de followers qui relayent en masse chacun de ses courts messages. Son équipe a annoncé début octobre son arrivée sur un réseau social plus ludique, facile d’accès, intuitif et surtout plus jeune : Instagram. Il est alimenté très régulièrement et constitue une sorte de carnet de bord. Un roman photo qui offre à n’importe quel utilisateur l’opportunité de consulter l’agenda du Président. Mais il contribue aussi à donner l’image d’un François Hollande proche de ses concitoyens, quasiment accessible. On le voit ainsi profondément affecté alors qu’il réconforte une personne touchée par le tragique accident d’autocar de Puisseguin : cette publication et la légende qui l’accompagne témoignent que le président est dans l’affect, qu’il partage la douleur de ses concitoyens, et qu’il est un homme avant tout. Au même titre que biens des utilisateurs d’Instagram, il se met en scène et donne à voir ses moins faits et gestes, ce qui tend à l’humaniser.

#Hyperprésident ?
De là à dire que cette présence sur les réseaux sociaux contribue à désacraliser sa fonction, il n’y a qu’un pas – qu’on ne franchira pas. Car justement, cette surabondance des publications peut avoir un effet de réassurance. Au lendemain des attentats de Paris, les équipes du président ont publié une image du conseil de défense qui se tenait à l’Elysée. Les visages sont fermés, les traits sont tirés, et chacun a le nez plongé dans ses feuilles ou le regard tourné vers le président. L’instant est solennel, et le sérieux, le studieux et le sobre qui émanent de cette photo renvoient l’image d’un président bien entouré et conseillé, qui s’active vraiment en coulisses – mais peut-on encore parler de coulisses ? – à l’heure où ses concitoyens sont plongés dans l’angoisse et le deuil. Il y a une dimension paternaliste à tout cela,probablement savamment orchestrée par les conseillers en communication du Président. Ce compte permet de montrer un Francois Hollande dynamique qui multiplie les déplacements et les rendez-vous diplomatiques en France comme à l’étranger, en conseil des ministres comme auprès des dirigeants allemands, russes ou italiens. Le pouvoir des images s’exerce là à l’extrême : chaque prise de vue représente un enjeu différent du quinquennat. L’omniprésence du Président sur ces photographies est une manière comme une autre de faire comprendre qu’il est sur tous les fronts.

Séduire la jeunesse
Voici venue l’heure de Snapchat. Dans l’équipe du Président, on insiste sur le côté novateur de la chose : il s’agit d’informer autrement, de donner un regard plus singulier, se devine surtout en filigrane une opération de séduction à l’adresse des jeunes. Les 18-34 ans constituent 71% des utilisateurs du réseau social. A cet âge où les opinions politiques se forgent, la construction d’une figure politique accessible et en phase avec son époque peut avoir un impact considérable sur les jeunes électeurs. Le vote des jeunes étant crucial pour l’échéance de 2017, on comprend que le Président et ses conseillers cherchent à diversifier les supports – quitte à surprendre. En effet, le recours par les politiques à ce réseau était jusqu’alors circonscrit aux États Unis. Il s’opère donc une certaine américanisation de la vie politique française, avec des hommes d’Etat érigés au statut de vedette, mettant leur personne et leurs proches en scène en permanence. D’autant que le principe de Snapchat étant d’auto détruire les photographies diffusées. Cela laisserait penser qu’il en est ainsi car les photos sont légères, humoristiques voir compromettantes – en témoigne les filtres que Snapchat a récemment incorporé à ses fonctionnalités. Quel est donc le sens de cette démarche quand on est le Président de la République ? C’est surtout la fonction « Story » qui intéresse ses conseillers en communication. Les photos sont rendues universelles et donc visibles par tous pendant 24 heures. Elles permettent donc une immersion des utilisateurs dans l’antichambre du pouvoir. En dévoilant les coulisses des campagnes, les candidats veulent sans doute montrer qu’ils mènent des campagnes participatives, dont le militant est une partie intégrante et non un simple adjuvant à l’élection. Toujours est-il que l’ex-président fantôme des réseaux sociaux est en passe de devenir un aficionado du petit fantôme sautillant de Snapchat.

Erwana Le Guen
Sources :
– Huffington Post, « Twitter / Facebook, Hollande renoue avec les réseaux sociaux »
– Quora, « How can Snapchat influence the 2016 US election? »
– L’Obs, « François Hollande débarque sur Snapchat en janvier, on vous explique pourquoi »
Crédits photo :
Le Lab d’Europe1
Instagram @fhollande
Instagram @fhollande
Slate.fr

ELECTIONS REGIONALES FN
Politique

"Quoi, tu t’appelles Gégé tu votes pas FN" : pour en finir avec le cliché du bolos agriculteur et raciste

Le 13 décembre dernier, une brise de soulagement soufflait sur la France. « Zéro », comme zéro région remportée par le Front National malgré une victoire dans un climat anxiogène lors du premier tour. Sur les réseaux sociaux, dans les médias, l’entre-deux tours était submergé d’articles et de farces sur ces « idiots » qui avaient osé voter FN. De l’étude démontrant que moins on est instruit, plus on a tendance à voter FN à la cartographie des tournages de Confessions Intimes comparée à celle du vote frontiste, tout était bon pour faire comprendre que seuls des paysans ignares vivant reclus avaient pu faire un choix aussi irrationnel.
Pourtant, se laisser aller à ce genre de raccourcis peut être dangereux : d’une part, cette association tend à devenir de moins en moins vraie et d’autre part, elle constitue du pain béni pour le FN, qui en joue dans sa communication.

Des paroles et des actes, Marine Lepen
Flops, Politique

De DPDA à Face à France: vers un renouveau du débat politique à la télévision

Marine Le Pen, la star. Marine Le Pen, la diva, « à qui on n’impose rien ». C’est en ces termes que la présidente du Front National a annulé à la dernière minute sa venue dans l’émission politique phare de France 2, Des Paroles et Des actes, obligeant la chaîne à supprimer l’émission de sa grille du soir. Cet épisode fait suite à une lettre envoyée par les présidents du PS et des Républicains au CSA, pour qui la visibilité accordée à la candidate dans la région Nord Pas de Calais-Picardie aux régionales est contraire à l’égalité politique Ces évènements remettent en question la légitimité du format de l’émission de France 2 face à de nouvelles formes mises en avant, jugées plus authentiques.
Une occasion manquée pour le FN
L’invitation de Marine Le Pen – une cinquième fois, un record pour l’émission – souligne l’incapacité du parti à mettre en avant médiatiquement des figures autres que celles de son leader. Cela ne peut que souligner, dans un parti où les mandats nationaux se font rares, l’échec de surexposition d’un Florian Philippot qui truste la part du lion médiatique de son parti et qui se voit critiqué par des ténors comme Louis Alliot, pour qui « c’est Marine qui décide »
La vraie question qui se pose pour le Front National, qui veut s’inscrire dans la logique des partis dits “de gouvernement” et s’institutionnaliser, c’est de se construire des personnalités plus visibles médiatiquement, qui peuvent être vues comme une alternative au leader, au risque de passer pour une entreprise familiale où, pour diriger, le bon patronyme est nécessaire.
La réalité du « système » ?
L’erreur la plus notoire vient sans doute de Jean Christophe Cambadélis et de Nicolas Sarkozy qui, soucieux de ne pas laisser une « tribune » de deux heures à Marine Le Pen, ont alerté le CSA , permettant ainsi à Marine Le Pen de dénoncer une fois de plus le fameux UMPS et de s’embourber dans sa stratégie du « seul contre tous » Elle met en avant une supposée collusion d’un système médiatico-politique – dont elle serait la victime. Les Républicains et le PS sont les meilleurs alliés de Marine Le Pen, qui se niche volontiers dans les draps de la démocratie et s’offusque dans un communiqué de presse de la volonté de l’émission d’organiser un débat « excluant d’ailleurs sans raison les autres candidats à cette élection ». Par leur erreur stratégique, les Républicains et le PS ne font que donner plus de force à l’argumentaire traditionnel du FN.
En annulant l’émission, France 2 ajoute de l’huile à la communication d’un FN qui s’affirme comme étant au centre de la vie politique française, en plaçant sa présidente dans une situation où elle peut se permettre de refuser une émission en prime time.
Une perte de crédibilité pour l’émission
Alors que France 2 avait réussi à s’imposer comme la chaîne des rendez-vous phares de la politique, avec ses émissions de débat comme Mots croisés et Des paroles et des actes (qui permettent d’interroger sur une volonté quasi-exhaustive des personnalités politiques), France 2 écorche son image de chaîne du service public en mettant clairement en avant une volonté d’audimat et un besoin de rentabilité, et donc une volonté de susciter de fortes audiences en invitant des personnalités médiatiques susceptibles de créer l’événement.
Comment la télévision – considérée comme le quatrième pouvoir – peut-elle répondre aux injonctions de présidents de partis politiques qui, conscients de la visibilité procurée par l’émission, se sont précipités pour fixer les modalités de son organisation ? Comment l’émission peut-elle continuer à prétendre être indépendante de la mêlée politique ?
Le face aux Français pour plus d’authenticité

Il semble que la formule en place depuis 2011 doit être repensée et actualisée, surtout dans le contexte d’élections régionales, que France 2 peine à couvrir. Est-ce pertinent d’inclure un débat avec seulement une partie des candidats à la présidence d’une région, dans une émission à portée nationale ?
L’imbroglio de Des paroles et des Actes souligne l’incapacité actuelle du service public français à assurer une bonne couverture médiatique des élections locales.
Bien que France télévisions déclare ne pas vouloir remettre en cause le format de l’émission de France 2, « seule émission du PAF sur une grande chaîne généraliste à une heure de grande écoute », jouissant d’un quasi-monopole sur le paysage audiovisuel français ; le retour de Face à France , sur NRJ 12 (une émission crée en 1987) remet au goût du jour une tendance qui s’inscrit dans les émissions politiques : celle d’un désir d’authenticité de la parole qu’une simple confrontation entre personnalités politiques ne pourrait remplir. L’objectif est clair : arracher le masque du pouvoir à ces hommes et à ces femmes pour les mettre face au quotidien. L’utilisation actuelle des réseaux sociaux dans ce type d’émissions à la manière de C dans l’air, avec sa séquence questions-réponses, s’inscrit dans cette lignée. Il faudrait ainsi voir la confrontation portée par les vrais français, ces gens lambdas qui sans détours sauront apporter un peu de spontanéité dans un débat, alors qu’ils en sont traditionnellement exclus, comme le souligne la visite récente de François Hollande chez Lucette.
Un rapport au parlement sur les orientations de la chaine paru en octobre prévoit la création d’une nouvelle chaine d’information, animée d’une volonté explicative qui se voudrait plus pédagogique. On pourrait penser à un nouveau format court en cohérence avec la ligne éditoriale de la chaîne, qui s’adapte au phénomène du buzz politique amplifié par les réseaux sociaux : le paysage audiovisuel français est peut-être en quête d’une émission politique de type débat accessible à l’ensemble des citoyens.
Jérémy Figlia 
Sources :

http://lelab.europe1.fr/louis-aliot-critique-lomnipresence-mediatique-de-florian-philippot-2540967
http://www.frontnational.com/2015/10/monsieur-pujadas-on-ne-mimpose-rien/
 
Crédits photos : 
http://www.rtl.fr/actu/politique/marine-le-pen-sur-france-2-exigences-contradictoires-colere-et-grande-confusion-avant-l-emission-des-paroles-et-des-actes-7780210304 
http://www.non-stop-people.com/actu/tv/face-france-christophe-beaugrand-cloue-le-bec-christine-boutin-89922

nicki minaj twerk fastncurious
Agora, Com & Société, Politique

Pour une sociopolitique du twerk

Nicki Minaj, Taylor Swift, Miley Cyrus. Le twerk n’appartient ni au rap, ni à la pop, ni à un quelconque genre artistique : il appartient aux twerkeur(se)s. Loin du spectre misogyne qui tourmente les références pop, et notamment l’industrie de la musique, le twerk peut également être considéré comme un outil de revendication identitaire pour les femmes et certains groupes sociaux comme les noir(e)s et les queers (les minorités de genre ou de sexe), ou simplement pour ceux qui se réapproprient leur corps. Le bootyshake peut ainsi être potentiellement considéré comme permettant à l’individu bootyshakant de rompre symboliquement avec toute appartenance, voire toute acceptation, du carcan hétéronormatif.
Geste féministe
Le twerk, l’expression vulgaire et indécente d’une sexualité débridée, d’une dépravation générale du siècle ? L’éclat d’une œuvre (ou sa médiocrité) ne réside que dans l’œil des spectateurs. Le twerk représente alors un symbole d’hypersexualisation seulement si on le considère à travers le prisme patriarcal, celui qui sexualise et culpabilise systématiquement le corps féminin.
A l’inverse, twerker pourrait être aussi une façon pour l’individu social de devenir l’agent actif de son propre corps en utilisant son postérieur selon ses envies propres et individuelles. Fannie Sosa, twerkeuse et étudiante en socio, affirme ainsi que : « le twerk est le kiff de (se) bouger le cul consciemment ». L’éthique du twerk a donc pour visée de considérer le twerk de l’agent actif dans le cadre de sa propre satisfaction. De par son revival récent dans les milieux queers, plus qu’un vecteur féministe, il deviendrait un outil de revendication identitaire de genre plus étendu, qui a pour absolu l’affranchissement du rapport hommes/femmes.

Depuis ses origines diasporiques africaines des populations émigrées dans les banlieues ghettoïsées, le jeu entre dominants et dominés est omniprésent. A partir de ce fait, les fesses deviennent alors un véritable medium pour les revendications.
Appropriation culturelle ?
Plus spécifiquement née au sein des groupes sociaux en marge de la société comme dans la culture hip hop et queer, l’appropriation culturelle par les pop stars blanches des années 2010 constitue une problématique culturelle actuellement débattue. Ces pop stars reprendraient des éléments de revendications identitaires de la culture afro-américaine à des fins d’entertainment. S’approprier l’esthétique d’un mouvement sans en considérer tout le poids idéologique et culturel, c’est l’histoire du glissement des subcultures vers le mainstream, à savoir le « courant dominant », la diversité standardisée.
Ainsi, les tweetclash fusent dans l’industrie de la musique, blancs contre noirs. Earl Sweatshirt, membre noir du collectif subversif Odd Future, accuse Taylor Swift de stigmatiser les noirs : elle cacherait ses préjugés en proclamant son amour de la culture afro-américaine. A côté, la rappeuse Azealia Banks critique Iggy Azalea pour son appropriation des codes culturels noirs (dont le bootyshake) et de son absence de prise de position suite aux événements de Ferguson : « La culture noire est cool, mais les problèmes des noirs le sont moins, hein ? […] »
Outre les tweetclash, le média américain féministe Jezebel a aussi déclaré que Miley pillait la culture afro-américaine sans revendiquer son combat pour l’égalité sociale : « Twerking, popping the ass, bending at the waist and shaking her rump in the air. Fun. But basically, she, as a rich white woman, is « playing » at being a minority specifically from a lower socio-economic level. » (Twerker […]. Amusant. Mais fondamentalement, elle, en tant que femme blanche et  riche, « joue » à être une minorité, spécialement issue de la classe socio-économique inférieure)

Faire du soi avec de l’autre
Cette entrée rampante dans le mainstream poserait donc problème. L’appropriation du twerk par les pop stars blanches est critiquée puisqu’elles utilisent des codes culturels comme sources artistiques et financières, mais n’en diffuseraient pas les racines, c’est-à-dire les discriminations sociales et économiques de ces communautés (raciales ou sexuelles) dominées.
De plus, paradoxalement, elles ne l’utiliseraient non plus comme geste féministe, mais comme outil d’érotisation de leurs corps (personne ne veut être Hannah Montana toute sa vie), créant ainsi dans l’inconscient collectif un lien entre la culture afro-américaine et l’hypersexualisation.
« Plus que jamais à l’époque contemporaine, marquée par une forte valorisation de l’hybridité, du métissage et du sampling, faire du soi avec de l’autre tient d’un principe créatif. Une culture n’est pas un isolat étanche et mobile mais un ensemble ouvert qui ne cesse de se construire par l’importation d’influences et d’éléments étrangers », affirme Monique Jeudy-Ballini, spécialiste des questions d’appropriation culturelle au CNRS. Le twerk connait alors un basculement : initialement objet de revendication identitaire de genre et de race, il s’ancre dans la culture mainstream et se trouverait ôté de son sens premier.
Thanh-Nhan Ly Cam
@ThanhLcm
Sources :
retard-magazine.com
slate.fr
www.lesinrocks.com
Crédits photos :
Terry Richardson
Matthew Kirby
Disney Channel

Bannière Obama lol fastncurious
Com & Société, Politique

LOL et politique : un cocktail gagnant ?

Obama monsieur tout le monde ?
Si vous espérez secrètement atteindre votre record de « likes » à chaque photo postée sur Facebook, Barack Obama est quant à lui plutôt fort à ce jeu. Le président américain a en effet enflammé les Internet le 12 février dernier avec sa vidéo Things everybody does but doesn’t talk about, soit Les choses que tout le monde fait mais dont personne ne parle. Comme le titre l’indique, nous plongeons alors dans le quotidien d’un Barack Obama perfectionnant son charisme devant un miroir, dessinant sa femme ou encore prenant un selfie. Accompagné d’un membre de son cabinet, le président joue la carte de l’humour et n’hésite pas à rire de lui-même, notamment lorsqu’il échoue à cette tache si difficile que nous avons tous expérimentée qui consiste à tremper un cookie dans un verre de lait. Le président ne s’arrête pas là et après avoir demandé s’il pouvait vivre sa vie lorsqu’il se fait surprendre en plein match de basket imaginaire, il conclut par un « YOLO man ! », autrement dit, on ne vit qu’une fois.

//

Post by BuzzFeed Video.

Si ces images humanisent sans aucun doute le président, leur finalité est évidemment toute autre : attirer l’intention de l’internaute américain sur l’assurance santé dont Barack Obama est à l’initiative. Aussi connue sous le nom « Obamacare », cette réforme vise à permettre aux citoyens les plus pauvres de bénéficier d’une couverture santé. Au cours de la vidéo, il rappelle ainsi l’échéance du 15 février pour s’y inscrire en même temps qu’il s’entraîne devant son miroir. A la fin, les visiteurs sont invités à cliquer sur le lien renvoyant sur le site healthcare.gov. Face à cette vidéo inédite, les réactions des internautes ne se sont pas faites attendre et la majorité d’entre eux saluent cette initiative du président :
« Cette vidéo est un moyen amusant de faire savoir au grand public que la date limite pour choisir une assurance maladie est le 15 février ! »
« Il n’y aura jamais aucun président aussi cool que lui ! »
«  Je ne suis pas fan d’Obama ou de sa politique mais j’ai apprécié cette vidéo. C’est agréable de voir un côté différent de lui. »
Plutôt doué ce Barack.
La mise en scène de la quotidienneté présidentielle
Si cette vidéo nous permet d’apprécier les talents artistiques et sportifs de Barack Obama, cette humanisation n’est pas innocente mais au service d’une stratégie bien bâtie. L’humanisation de la figure présidentielle n’est en effet pas quelque chose d’habituel, la finalité d’un président n’étant pas d’ordinaire de paraître cool ou sympa auprès de ses citoyens. La mise en scène du quotidien joue donc un rôle important qui consiste à rapprocher le président de sa nation, la quotidienneté étant inhérente à chacun de nous. Notons que le selfie est ancré depuis quelques temps maintenant comme une vraie pratique de la quotidienneté. Véritable acte de monstration de soi, le selfie vient ici servir l’extimité de la figure présidentielle dans l’espace public sous une forme totalement différente de celle à laquelle nous sommes habitués : un président cool avec qui on ferait bien une partie de basket. Rappelons que notre cher Barack n’en est pas à son premier coup d’essai puisqu’il avait participé à un entretien totalement décalé l’année dernière avec le comédien Zach Galifianakis dans Between Two Ferns pour Funny or Die. Des photos d’enfance avaient également été dévoilées lors du « Throwback Thursday » il y a quelques semaines.

BuzzFeed : un choix de média évident ?
Derrière cette stratégie de communication bien rodée adoptée par le président, le choix du média  n’est lui non plus pas innocent et relève d’une vraie réflexion préalable à l’impact de la vidéo. En effet, le pureplayer d’origine américaine Buzzfeed naît à New York en 2006 et rencontre un franc succès dans son pays natal. Avec un total de 150 millions de lecteurs mensuels, la recette de sa viralité repose sur un mélange d’informations légères, de chats, de contenus sérieux et encore de chats. Face à l’engouement et à l’utilisation massive des internautes américains de ce site, le choix de ce support médiatique comme vecteur de la vidéo paraît alors justifié.

Notons que si ce modèle fonctionne très bien aux États-Unis, son adaptation française rencontre quant à elle plus de difficultés à s’implanter dans les pratiques médiatiques des internautes. Si les Américains sont en effet très friands d’articles sur les animaux mignons, l’état d’esprit des Français ne s’inscrit pas du tout dans cette même dynamique. Les Français partagent en effet davantage de contenus d’actualités plutôt sérieux avec une dimension politique. Ce clivage est assez éclairant sur l’importance du culturel et le rapport différent qu’entretiennent France et États-Unis face à ce type de site. On peut ainsi raisonnablement émettre l’idée que le modèle de la vidéo Things everybody does but doesn’t talk about serait difficilement transposable en France : on n’imagine pas vraiment François Hollande dans une telle vidéo pour communiquer sur ses réformes.

Si aucune donnée n’est disponible pour apprécier l’impact de cette vidéo sur le nombre d’inscrits à l’assurance santé, retenons que cette dernière est toutefois rapidement devenue virale et a dépassé en seulement deux semaines les 50 millions de vues et les 500.000 partages sur le compte Facebook de BuzzFeed. Une chose est sûre : les talents en dessin du président ne sont plus à démontrer.
Pauline Flamant
@_Magnetique
Sources :
leplus.nouvelobs.com
lefigaro.fr
Crédits photos :
BuzzFeed

jeu video
Flops, Politique

Le jeu vidéo, un média politique ?

 
A la sortie du dernier opus de la saga Assassin’s Creed, Unity, la voix bien connue de Jean-­Luc Mélenchon s’est élevée pour dénoncer le scandaleux avilissement que le dernier ­né d’Ubisoft infligeait à l’Histoire, et, plus précisément, à « la grande et splendide Révolution de 1789 ».
Le jeu vidéo, un média comme les autres
Pour peu qu’on s’intéresse à la désinformation et au détournement d l’histoire, il y a de quoi hausser le sourcil. Que révèle ce haro sur un jeu vidéo qui n’a jamais eu de prétentions pédagogiques, alors que les romans historiques se multiplient, eux et leur cortège d’anachronismes et de pures inventions, depuis des années ? Le jeu vidéo est un média qui semble affronter les mêmes reproches que ses précurseurs à mesure qu’il se développe. Mais l’inquiétude qu’il suscite lorsqu’il s’empare d’un contexte historique indique peut­-être qu’on a sous ­estimé son potentiel impact idéologique – sauf à considérer qu’Ubisoft, seul leader français du jeu vidéo, ait un devoir d’alignement patriotique. Le jeu vidéo peut-­il être un vecteur d’influence ? Peut-­il véhiculer un message politique sous le divertissement? Peut-­il manipuler, engager, défendre ? Pourquoi la communication de Unity semble-t-elle battre en retraite devant les problématiques historiques ? Il convient de garder à l’esprit qu’aucun langage n’est neutre, le jeu vidéo pas plus qu’un autre : de la même façon qu’un film recèle des partis pris, le jeu a une personnalité signifiante. Néanmoins, beaucoup de jeux dépassent effectivement le simple divertissement pour transmettre des idéologies, des messages, ou tout simplement des valeurs.
Un peu de politique, mais surtout des idéaux flous
Dans Final Fantasy VII, le message écologique est transparent : un groupe de rebelles éco-terroristes affrontent une impitoyable corporation, la Shinra, qui exploite l’énergie terrestre sans considération pour l’impact environnemental que produisent ses agissements. Rien qui ne tende la joue à un réel débat d’idée, contrairement aux manigances polémiques de Robespierre. De même,le joli jeu Proteus propose une balade contemplative dans une nature­ cartoon, où le joueur est invité à explorer sans se presser. Peut­-on qualifier cette visée de politique ? Si aucune idéologie n’échappe à la politique, probablement. Bioshock met en scène une guerre civile faisant rage au sein d’une ville détenue par le camp conservateur, qui refuse d’ouvrir ses portes aux étrangers, et qui s’oppose aux révolutionnaires plus libertaires. Fallout présente un monde post-­apocalyptique dévasté par la radio­activité et la négligeance des autorités sanitaires et politiques. Skyrim développe les idéologies antagonistes d’un peuple nationaliste occupé par un Empire, partisan du droit du sang et réfractaire à la présence d’étrangers, fussent­-ils pacifiques, sur son territoire; l’Empire étant de son côté un envahisseur pacificateur mais régnant sans aucun droit sur sa colonie. On imagine difficilement des sujets plus politiques, mais la réponse n’est jamais clairement définie. Le jeu vidéo se contente souvent d’un paysage politique diffus parsemé de fragments idéologiques : la liberté versus l’administration glacée; l’intransigeance contre la corruption…
Le jeu vidéo a­-t­-il vocation à se politiser?

Comme n’importe quel microcosme social, le jeu vidéo est un formidable observatoire des opinions et des façons d’être. Et comme n’importe quel média, il peut façonner une expérience sociale, qui diffère d’un jeu à l’autre, du communautarisme à l’individualisme, de l’extrême violence à la contemplation, en passant par la réflexion économique. N’oublions pas que nous réfléchissons, comme le métaphorisait Nietzsche, juchés sur notre propre montagne : l’immense majorité des systèmes économiques présents dans les jeux vidéos suivent le modèle libéral, ignorant les autres systèmes. Ce parti pris de ne représenter qu’un modèle unique est éminemment politique, et cette position n’a reçu que peu de critiques. Le jeu vidéo est déjà politique parce qu’il s’empare de problématiques sensibles – mais il échoue à apporter des réponses claires. Mais il ne semble pas exclu de le voir se développer comme un média instrumentalisé : après tout, certains jeux sont interdits dans certains états, en fonction de leur sensibilité (Dead Island en Allemagne, Pokémon en Arabie Saoudite) et de leur…politique.
Pour conclure, une citation de Martin Lefevre, à propos des expériences psychosociologiques qui ont été réalisées à partir d’expériences de jeu, semble s’adapter à cette problématique de l’intérêt politique des jeux vidéo : « (…) C’est aussi et surtout une preuve du potentiel d’évocation de ces merveilleux et terrifiants bacs à sables, où s’inscrivent les grandes questions contemporaines. »
Marguerite Imbert

Sources:

Jeuxvideo.com
News.bbc.co.uk
Gamekult.com
Merlantfrit.net
Franceinfo.fr
Crédits images:
Technobuffalo.com
Merlantfrit.net