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Mots brandis, branding de mots : éléments sur l’affiche contemporaine

 
Plus que jamais en ce début 2013 la publicité affichée dans le métro nous rappelle à quel point son fonctionnement communicationnel procède d’une écriture qui passe de manière privilégiée (d’aucuns diraient « médiagénique ») par une mise en spectacle des mots dont le but est de produire un effet de rupture cognitive (d’autres diraient « disruption ») dans les déambulations routinières des passants indifférents.

Que ce soit sous la forme testimoniale de la pensée « canaille » (Meetic), de la citation baudelairienne (Musée d’Orsay) ou de l’onomatopée brute (Gaîté lyrique), les affiches projettent sur les murs de la capitale des lettres et des mots à lire comme des totems.
Verticalité de l’affiche
Historiquement, l’art publicitaire de l’affichage accompagne l’essor de la presse et de la littérature modernes : c’est-à-dire massives et mobiles. Il est intimement lié au graphisme comme modalité expressive et esthétique. Il explose avec les formes papier, puis électriques (les enseignes lumineuses) et enfin numériques (les écrans que l’on trouve maintenant partout). Dans une période médiatique elle-même obsédée par les écrits courts (twit, commentaire, petites phrases, etc.), il ne doit pas nous étonner que le mot retrouve son autorité « fantasmagorique » et sa puissance « kaléidoscopique ». Ces métaphores visuelles (« fantasmagorie » ou « kaléidoscope ») sont aussi anciennes que l’essor des métropoles de la fin du 19ème siècle et sont très souvent utilisées par les écrivains (Baudelaire, Aragon, entre autres) ou les philosophes de la Modernité. Au premier rang desquels on retrouverait Walter Benjamin, qui énonce, avec génie, que la publicité de ville et de magazine consiste à « redresser » le langage. Avec l’essor de la communication médiatique, les mots retrouvent leur verticalité :
« Si, des siècles durant, l’écriture se mit progressivement à s’allonger, passant de l’inscription verticale à l’écriture manuscrite, qui repose inclinée sur des pupitres, pour finalement se coucher dans la typographie, elle commence, maintenant, tout aussi lentement, à se relever à nouveau. Le journal, déjà, est plus lu à la verticale qu’à l’horizontale, et le cinéma comme la publicité poussent entièrement l’écriture à la dictature de la verticale. »
De ce point de vue, le spectacle offert par nos plus récentes campagnes d’affichage nous rappelle que plus que tout autre média, l’affiche publicitaire a une puissance d’incarnation érectile du langage.
Le cas Sephora
Comme nous le montre Clara de Sorbay sur ce même blog, c’est ainsi Sephora qui, en jouant avec ses propres innovations linguistiques, se permet de rappeler combien l’attraction publicitaire relève d’une rhétorique érotisée et d’une érotisation de la rhétorique. En s’affichant, la provocation se dresse à la faveur de mots spectaculaires qui prennent corps :

La « bombassitude » s’offre à la rue comme une hyperbole assumée de la dimension « putassière » de l’affiche qui cherche à accrocher le passant par le langage.
Sephora ou l’« attractionisme» suffixal

 
 
 
 
 
 
 
 
Mis en relief, en abîme et en cadres successifs, les mots forgés par la marque tiennent toutes leurs promesses phaticonatives, autrement dit en termes sephoriens : leurs capacités d’« attractionisme ».

A travers eux, il s’agit de capter l’attention des voyageurs par la mise en avant d’un néologisme qui se détache sur un visage et un regard qui leur font face. Sephora ne s’embarrasse pas de subtilité et leur adresse ainsi des « mots-regards » sur-colorés et sur-soulignés, à l’image des masques (« maquillage ») et des effets (surfaces et volumes) que l’enseigne commercialise.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Comme s’il s’agissait d’une palette chromatique, Sephora déplie toute la gamme des suffixations possible du chic (« inance »), du conceptuel (« isme », « itude ») et de la conjonction des deux (« escence »). Dans un art de l’onomaturgie jouisseuse, la signifiance s’irise d’une multitude de nouveaux noms qu’elle s’approprie (au sens de « noms propres ») comme des valeurs de marque.
Et s’il fallait à notre tour définir par la néologie le style rhétorique de la marque, nous dirions qu’il s’agit là d’une sorte de tentation « pyrolexique » redéfinissant les contours de la « gloss-o-lalie ».
Poitiers et la surprise surprenante
Dans un genre moins tapageur, c’est également le chemin que prend la ville de Poitiers pour communiquer dans le métro parisien. Sa promotion se fait sur le fond d’un spectacle lexical qui repose sur un effet de surprise au carré : en utilisant des adjectifs dénotant la surprise tout en la connotant.

« Ebaubissant », « épatarouflant », « épastrouillant »… En tirant de vieux dictionnaires de synonymes des lexèmes endormis, l’agence de communication poitevine MBA cherche à surprendre le passant du métro en suspendant et en testant ses compétences linguistiques et « encyclopédiques ».
Dans un flou temporel qui veut signifier l’archaïsme, Poitiers tend à remotiver une « romanité » d’origine forcément ébouriffante.
Et le passant lui-même un peu âgé, ne peut s’empêcher de penser à la formule que Monsieur Cyclopède adressait au téléspectateur à la fin de chacune de ses brillantes démonstrations : « Étonnant, non ? ».
Mot-label
Au fond, l’affiche contemporaine est là pour nous rappeler que, depuis quelques années, notre environnement écranique a remis en vedette le mot pour lui-même : de l’économie des moteurs de recherche (AdWords) à la première métaphore ennuagée des « tag clouds », en passant par le règne éditorial du « mot-clé » et du hashtag, les mots ont repris de la valeur et de la couleur, également au sens pécuniaire du terme.
Rien ne le montrerait mieux que le cas des critiques de cinéma qui sont de plus en plus ramassées en un ou deux mots qui résument l’ensemble d’un article, au point que la séquence de Canal + dédiée aux sorties de films (qui s’appelle le « crash test » dans le Grand Journal) s’ingénie à faire ressortir visuellement des qualifications de la manière suivante :

A l’écran, le mot frappe l’image comme un tampon qui valorise ou stigmatise le film, tout en lui donnant un prix quasi monétaire. Plus que jamais la parole critique est d’argent et construit sous nos yeux la valeur de l’objet culturel qu’elle examine. Comme à la Nouvelle Star, le bleu, c’est bien, et le rouge, c’est pas bien :

Cela n’est pas sans effet alors sur la communication autour de la sortie des films et de leur affichage urbain, ainsi que nous le montre le cas de la sortie du dernier Bacri/Jaoui du début de ce mois de mars :

Réduit à l’averbalité, les phrases en ressortent comme de véritables mots-labels qui dressent au produit culturel, sous forme de bouquet, un monument éphémère de mots euphoriques.
 
Olivier Aïm

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Sephora – Rayonescence

 
Rayonescence, fascinance, bombassitude et glamourisme, attractionnisme ou sublimitude.
Autant de néologismes que vous avez eu l’occasion de voir ces derniers temps avec la dernière campagne Sephora. Que ces barbarismes agacent, amusent ou étonnent, ils ne laissent pas indifférents et suscitent de vives réactions, aussi bien élogieuses que critiques.
Alors, « massacre de la langue française » ou créativité audacieuse ?
Néologismes barbares ?
Sephora invente un nouveau « langage de la beauté » avec six visuels pour le moins étonnants. « Glamourisme » remplace le trop édulcoré « glamourous », « bombassitude » peut évoquer le pendant féminin de la « bogossitude ». Tous les termes employés font référence à l’univers de la beauté et de la séduction. Regardons d’un peu plus près l’étymologie de ces néologismes pour tenter de comprendre le message que cherche à faire passer la marque. Les mots en « -isme » connotent la scientificité, ils font généralement référence à un dogme ou une idéologie (« Attractionisme », « glamourisme »). D’après le dictionnaire, le suffixe « -itude » est utilisé pour créer des mots impliquant l’idée d’une revendication ou d’une attitude (« bombassitude », « sublimitude »).

Le suffixe en « -ence » quant à lui se réfère au domaine de l’action (« fascinance », « rayonescence »). Il semblerait donc que Sephora donne ici une définition bien précise de la beauté, vue comme une manière d’être – voire comme une qualité morale. Il s’agit presque d’une revendication, qui a trait au domaine de l’action.
Cette provocation langagière a déclenché une vague de réactions critiques face à ces « atteintes à la langue française ». De fait, les français restent globalement attachés à leur langue et se montrent plutôt conservateurs lorsqu’il s’agit d’y toucher. Parmi les nombreuses critiques, on peut lire celle d’un certain NIKKO, qui écrit sur un blog : « Dommage, la méconnaissance de la langue par nos publicitaires conduit à la création de ces formes aussi barbares que ridicules ! » (17/02/2013). On peut aussi relever l’indignation de la rédactrice de « La plume à poil » qui s’insurge contre ces barbarismes et conclut avec perplexité : « Mais où vont-ils chercher tout ça ? »
Psychédélique !

Sephora innove, donc, et ses barbarismes inédits font parler d’eux. Mais au-delà de la critique facile, reconnaissons la créativité de la campagne, qui à mon sens a d’abord le mérite d’être surprenante. En effet, elle se situe en rupture avec l’univers très codé de la beauté, généralement lisse et figé. Ici, c’est une explosion de couleurs et de formes qui attirent le regard. D’après Florence Bellisson, directrice de création de BETC, l’ambition de la campagne est de retranscrire à travers les visuels l’expérience en magasin, celle-ci ayant construit le succès de la marque. Elle se différencie de ses concurrents dans la mesure où dans les magasins, la cliente a la liberté d’essayer les produits, qu’elle peut toucher, tester et sentir elle-même. C’est ce que la mise en abîme cherche à retranscrire : une expérience tactile, euphorisante, un sentiment d’excitation, ou du moins d’effervescence lorsqu’on pénètre dans ce temple de la beauté. D’après l’annonceur, l’expérience que vivent les femmes lorsqu’elles entrent dans un magasin Sephora est « si particulière, si difficile à décrire que BETC a choisi d’inventer un nouveau langage visuel et verbal ». Malgré tout, si Sephora regroupe un grand nombre de marques de beauté, elle n’est pas vraiment considérée elle-même comme une marque à part entière par les consommateurs. Le but à travers cette campagne est donc de créer une personnalité et un univers propres à l’univers Sephora.
La beauté à l’honneur
Les effets de mise en abîme mettent l’accent sur des regards scrutateurs et intenses. Ce procédé tend à créer un effet captivant et une perte de repères chez le spectateur. Ici, ce sont des plans serrés exhibant des visages de femmes de diverses origines, maquillés (peints) avec art et originalité. Hypnotiques, vertigineux, ces visages happent le regard et captent l’attention du promeneur distrait. Ils ne sont pas sans évoquer un univers mystérieux, celui d’une magie mêlant langage crypté et techniques artistiques. La beauté devient un jeu où chaque femme peut exprimer sa créativité propre, contre les diktats imposés.

Résolument festive, la campagne de Sephora propose donc une approche créative de la beauté. Qu’elle soit critiquée ou appréciée, elle attire les regards et fait parler d’elle. Face aux critiques des puristes linguistiques, apprécions l’originalité de visuels déroutants qui proposent une relation décomplexée à la beauté. La provocation des barbarismes pourrait même avoir un effet marketing positif et se transformer en un code fédérateur pour les clientes, une sorte de « dictionnaire » Sephora. La campagne surfe sur la tendance de l’hyperféminité, féministe et futuriste. Colorée et fantaisiste, elle propose une vision exubérante de la beauté qui apporte un souffle nouveau aux codes figés traditionnels.
 
Clara de Sorbay
Sources :
Laplumeapoil.com
E-marketing.fr
Darkplanneur.com
Archéologie du futur et du quotidien

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Fanta se boit … pardon, se mange !

 
De plus en plus, la nouvelle tendance qui s’affirme pour les grandes marques commerciales est de faire le buzz, quels que soient les moyens et supports déployés et les campagnes de communication censées servir ce but se font de fait de plus en plus ludiques, loufoques et/ou surprenantes. On se souvient de l’élection du fruit de l’année sur Facebook par Oasis, les vidéos d’Orangina sur Youtube. Cette année, la marque de soda au goût pétillant n’a pas voulu oublier la bonne vieille communication papier mais en y insérant une innovation qui change complètement la donne. Explications. En faisant appel à l’agence très design OgilvyOne Dubaï, Fanta a souhaité impressionner la presse et son lectorat avec une toute nouvelle campagne publicitaire visitant le marketing sensoriel et proposant la première publicité papier comestible au monde ! Tel le Willy Wonka de la Chocolaterie de Charlie rêvant de faire goûter son chocolat au travers des écrans de télévision, Fanta a voulu marquer les esprits en plus des papilles, en réalisant une page magazine composée de farine de riz et de colorant alimentaire (orange bien sûr!) au goût Fanta Orange, le tout hygiéniquement protégé par une pochette plastique. Ce message publicitaire qui se mange, en plus d’offrir une nouvelle expérience (gustative) aux lecteurs, propose surtout une nouvelle vision de la publicité : celle qui fait corps avec son produit. Entre l’emballage et son contenu, où se redessine la limite ?
Deux problématiques s’échappent de l’analyse de ce print saveur orangé, une positive, l’autre négative : la publicité fait vendre, certes, mais spécialement dans les cas alimentaires (ici Fanta), elle permet de vendre des produits qui n’ont jamais été réellement testés par le client. Elle a alors une valeur descriptive, donnant la fiche signalétique, la carte identitaire de l’aliment ou de la boisson en question. Le goût, la texture, les calories, la saveur, tout est passé en revue par la publicité. Pour autant, elle se dissocie fortement du produit en ce sens qu’un client peut être parfaitement séduit par la publicité et le packaging d’un produit et pourtant ne pas en aimer son goût. Fanta Orange avec sa nouvelle publicité comestible abolit cette limite en rendant testable son produit, soit en le rendant sujet aux critiques pré-achat du client. Ces critiques (bonnes ou mauvaises) justement parce qu’elles interviennent avant l’acte d’achat, l’influencent totalement car elles agissent comme une vérification ex-ante du produit. Pour autant, cette perspective nouvelle qu’offre Fanta s’avère positive pour le produit (la problématique négative se centrant elle sur le rôle de la publicité, comme on le verra dans le paragraphe suivant). Effectivement, si l’on avait pu craindre à cause de ce dispositif une diminution des ventes suite au manque à gagner par rapport aux gens qui achètent Fanta sans l’avoir goûté ; il n’en est rien, bien au contraire. En effet, l’échantillonnage ou comment faire tester sans donner le produit s’est révélé très efficace : Fanta a augmenté ses ventes suite au lancement de son print très créatif. En plus de découvrir le nouveau produit sous forme visuelle, la cible pourra le découvrir sous forme gustative et assimilera de manière mémorielle à la fois packaging et goût du produit pour une revalorisation identitaire double de Fanta. Un duo gagnant, donc.
Pourtant, si ce print revalorise Fanta, il dévalorise le rôle de la publicité en général. En effet, comme dit plus haut, le but d’une publicité est de favoriser l’acte d’achat sans consommation du produit. Il s’agit donc de donner envie, de propager, grâce à un emballage séducteur, un identitaire fantasmé de l’objet. On n’achète plus le produit pour son contenu, mais pour l’âme qu’il semble dégager. Or ici, l’adage « La publicité est mensongère » s’annule car le produit permet au potentiel acheteur de vérifier avant même l’acte d’achat si il correspond à la publicité qui lui en est faite. Autant se tirer une balle dans le pied : le suspense (né du temps en différé entre la visualisation de la publicité et l’acte d’achat) s’abolit, l’invulnérabilité du produit préservée par son packaging tentateur aussi. La pub tue la pub : en effet, en permettant à une tierce personne (le récepteur) de comprendre et vérifier ses rouages, elle se met en danger et n’est pas à l’abri de se contredire. Avec l’avènement du marketing sensoriel, assiste-t-on à la fin ou au contraire au renouveau de l’ère publicitaire ? Place aux débats.

 
Claire Lacombe
Sources :
http://food-innovation.overblog.com/une-page-de-publicite-comestible-avec-fanta

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Deezer parle aux jeun’s

 
Site français de musique à la demande cherche campagne de pub : jeune, dynamique et branchée, pour prendre un nouvel élan.
Faire plus de bruit que les autres
Deezer ne peut pas s’endormir sur ses deux oreilles. En matière de streaming musical, le site est loin d’être le seul. En face, la concurrence est directe : Spotify en tête de ligne, et indirecte : Youtube, Dailymotion, téléchargement illégal… Sans compter la menace d’un site de radio en ligne par le géant Apple. L’industrie musicale cherche encore et toujours des modèles économiques rentables, afin de faire payer des utilisateurs habitués à la consommation gratuite de produits culturels. Comment les convaincre de passer à un modèle payant ? La réponse est dans le freenium : l’offre gratuite et Premium se côtoient, le but étant de convertir les utilisateurs du premier modèle au second. Voilà comment on se finance en musique !
Une nouvelle offre…
La nouveauté revendiquée par Deezer, c’est l’accès à l’ensemble de la bibliothèque du site sans connexion 3G, d’où ces slogans sur les affiches de métro : « Il n’y a pas que la musique underground à écouter sous terre », « Dans le métro, votre musique ne rame plus », ou encore « musique non-stop même entre chaque arrêt », et cette signature : « 20 millions de titres dans votre mobile, même sans réseau ». Cette offre est accessible en s’abonnant à l’offre Deezer premium + (à 9,99€ par mois), et elle était déjà présente dans le modèle de Spotify. En matière de musique aussi, il faut être à la page.
Mérite bien une nouvelle campagne !
Rien de tel pour accompagner cette nouvelle promesse qu’une campagne multicanal, aux couleurs de la marque. L’agence Being, associée au très branché collectif CRCR (également créateur de pub pour Adidas et Jean Paul Gaultier), a mis au point ces affiches, spots TV et publicités mobiles. Les illustrations sont signées MacBess, allias Matthieu Bessudo, illustrateur et directeur artistique. Et cet artiste est « expensive », lui-même le précise sur son blog. La crème de l’art moderne a un prix. Et c’est tout son univers, ses typographies, ses personnages qu’on retrouve dans ces pubs Deezer. Mais c’est aussi au street art, à l’univers underground, platines et graphs que ces illustrations renvoient.
Une campagne de cette envergure est une première pour un site de streaming : elle devrait augmenter la notoriété de Deezer et favoriser l’augmentation des abonnements Premium.
Sur les affiches, les détails sont nombreux, l’accumulation de personnages, d’instruments de musiques, d’objets en tout genre, crée du mouvement et du rythme.
Le spot, c’est la même chose en concentré. On fait un voyage rapide dans un monde imaginaire fait d’enceintes, de piano, batterie, guitare, pour arriver jusqu’à un micro face à une foule en délire, comparable à celle des concerts. Voyez plutôt :

A la manière de MTV, Deezer se veut anti-conformiste et souhaite séduire la jeunesse grâce à ce joyeux bordel !
 
Agathe Laurent
Sources :
Ozap
La vidéo Music Unleashed
La page Presse de Deezer
Journal du Net

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Playstation : cacher n'est pas jouer

 
La conférence était très attendue mercredi dernier à Los Angeles. Un parterre de journalistes est installé devant un homme, Andrew House, président de Sony entertainement, qui va leur présenter son dernier bijou : la Playstation 4. Le cadre reste celui auquel Sony et l’ensemble de l’industrie vidéoludique nous a habitué : une scène aux aspects technologiques et aux codes graphiques assumés. Des ronds, triangles, croix et carrés nous rappellent l’enjeu de cette conférence pour Sony, qui lance officiellement la bataille pour la prochaine génération de consoles avec son concurrent direct, Microsoft. Andrew House doit donc nous présenter un produit, dans un exercice qui s’inspire visiblement des keynotes, si populaires dans le monde des nouvelles technologies, popularité en grande partie due à Apple et sa façon particulière de présenter ses nouveaux produits.
Seulement ici, les journalistes repartiront sur leur faim. On a parlé de la Playstation 4. On connait ses fonctionnalités, ses jeux et même sa manette. Mais impossible de poser les yeux sur la console, qui n’a tout bonnement pas été présente lors de l’annonce. Un pari risqué pour Sony, mais nécessaire. Ne pas dévoiler ses cartes offre à sa console deux avantages.
Le premier est évidemment la possibilité de continuer à remanier la console, à la faire évoluer, à rajouter ou retirer des fonctionnalités sans avoir à se justifier, puisque la présentation n’était en aucun cas une présentation finale de la console. C’est un moyen de gagner du temps pour le développement, que l’on sait précieux quand on connaît la rapidité de l’évolution du marché – et de son obsolescence. Cette communication fantôme est donc un moyen de ne pas prendre d’engagement, tout en gardant un teasing : A quoi ressemblera cette nouvelle console ? Aura-elle bien les fonctionnalités annoncées ? Quel sera son prix ?
Le second avantage est lui aussi intéressant. Ce milieu est partagé entre trois acteurs principaux, qui sont donc en concurrence très rude et doivent chacun présenter leurs consoles et plans pour la génération à venir (la génération actuelle est présente depuis 2006-2007). En choisissant d’entourer sa console de mystère, Sony met la pression sur ses concurrents, qui ne peuvent se fier à des informations qui ne sauraient être définitives. C’est vrai pour Nintendo, dont la Wii U sorti il y a quelque mois risque d’être dépassée par la Playstation, mais c’est d’autant plus préoccupant pour Microsoft, qui n’a lui pas encore annoncé sa console. Le géant américain ne pourra pas décortiquer la présentation de Sony pour en évaluer les dangers, et présentera donc sa future console dans le noir pendant ce mois d’Avril.
Mais la console en elle même et ses fonctionnalités telles qu’elles ont été présentées à New York sont révélatrices d’une tendance, celle d’inclure les consoles dans une vision plus globale que celle du jeu. Et la Playstation 4 est d’autant plus intéressante qu’elle mise tout sur le « social gaming ». Il ne s’agit plus seulement de jouer dans son coin, ou à plusieurs sur Internet. La console va devenir un réel média social, dont la manette est l’illustration : en plus de l’aspect tactile rajouté, un petit bouton vient remplacer le traditionnel « Start ». Un bouton Share.

Via ce bouton, le joueur pourra publier ses scores, les comparer avec ses amis, et partager vidéos et photos tirées du jeu.
Mais le processus va plus loin. A tout moment, le joueur pourra « streamer » son jeu, et permettre à ses amis de le regarder jouer, un phénomène internet qui ne cesse de prendre de l’importance (on peut nommer le site www.twitch.tv, dédié uniquement à ce streaming de jeu vidéo). De plus, à n’importe quel instant, le joueur peut demander à un ami de prendre le contrôle de sa partie. Le jeu même se partage.
Enfin, pour  renforcer cette dynamique « social media », l’interface a tout d’un réseau social, avec possibilité de message, messagerie instantanée, conseil de jeux, achat de film, séries (en partenariat avec Netflix)…

Bref, la Playstation 4 s’annonce comme un objet multi-média qui s’éloigne du jeu, pour apporter à son utilisateur une expérience sociale. Elle communique intelligemment sur cette stratégie, tout en coupant l’herbe sous le pied de ses concurrents.
 
Clément Francfort
 

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Les comédiens hors des planches : la promotion spectacle

 
Introduction
Sur les planches, ce sont les rois du rire et de l’improvisation. En dehors, les cartes sont redistribuées et le contrat de communication, instauré entre l’humoriste et son public, est ébranlé. Dans la tête du téléspectateur, de l’auditeur,  les humoristes sont toujours drôles. C’est d’ailleurs cette caractéristique qui pousse les producteurs à les inviter sur différents plateaux de télévision.
Pour assurer la promotion de leur spectacle à la télévision,  les comédiens français bénéficient de cadres d’énonciation  télévisuels – divertissement pur, émissions d’actualité et d’information, «infotainment». L’enjeu est de maîtriser le contrat de communication en fonction de l’environnement médiatique et du public visé par l’émission, généralement populaire. Plus facile à dire qu’à faire.
 
De « Vendredi tout est permis » à « Vivement Dimanche » : du rire et encore du rire !  
Les émissions de divertissement proposent aux comédiens une situation de communication rattachée à leur univers qui rappelle la salle de spectacle. Il n’y a pas de décalage sémiotique entre un plateau de télé orienté vers le divertissement et la mise en scène de plusieurs humoristes sur ce même plateau. Ainsi,  les comédiens peuvent montrer qu’ils sont toujours drôles, qu’ils savent improviser selon les situations et qu’ils s’insèrent parfaitement dans la programmation télévisuelle du téléspectateur.
Néanmoins,  le contrat de communication est parfois volontairement flouté. La promotion du divertissement est de moins en moins assumée et les formes de communication se dépublicitarisent en s’insérant dans le divertissement.  Le 17 janvier 2011, Michel Drucker reçoit Jamel Debbouze dans « Vivement Dimanche », l’occasion pour Malik Bentalha, poulain de Jamel Debbouze, de faire une de ses premières interventions à la télé pour la promotion de son spectacle « Malik se la raconte » :
Michel Drucker : « Qu’est-ce tu peux dire pour te présenter ? »
Malik Bentalha : « Je m’appelle Malik Bentalha. J’ai 21 ans. En général, les gens disent que j’fais plus gros. »
(Rire)
Ici, la réplique provient du spectacle mais entre dans une logique de fausse improvisation  qui prend le public en otage en ne lui laissant que deux choix : rire parce que c’est drôle ou rire parce que ça le met mal à l’aise.

« Vendredi tout est permis », la nouvelle émission d’Arthur constitue l’environnement parfait pour montrer le potentiel comique de l’artiste. Dans l’émission du vendredi 8 février 2013, Arthur appelle Rachid Badouri pour effectuer quelques pas de danse sur Michael Jackson avant de lancer : « Faut aller voir le spectacle de Rachid parce que non seulement tu danses mais tu as un sketch sur Michael Jackson ! », ce qui permet à Badouri de placer une réplique de son show : « Je voulais même devenir blanc, j’étais jaune et je voulais devenir blanc. » Lors des émissions de ce type en prime time,  la promotion des artistes tend à devenir son propre objet et à créer une émission multi-promotionnelle, parasitée par une publicité incessante qui participe du divertissement populaire.
 
 
Les humoristes prennent la parole dans le débat public : rien qu’une histoire de casquette !
Être humoriste reste un métier à temps partiel, on ne peut pas être drôle tout le temps. Les humoristes prennent de plus en plus de poids dans le débat public, surtout depuis la dernière campagne présidentielle de 2012. Selon un sondage Ipsos, publié en automne dernier, les humoristes gagnent en crédibilité car ils sont perçus comme « hors-système » et donc dignes de confiance. À travers leur prise de parole hors-scène, les humoristes deviennent de véritables leaders d’opinion et influencent de plus en plus leur public, à l’image de Guy Bedos, Stéphane Guillon ou  encore Jamel Debbouze. Le 21 novembre 2011, Guy Bedos, humoriste, est invité dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché » pour parler de son nouveau spectacle. Pourtant,  la conversation  tourne dès le début à l’affrontement  entre E. Zemmour et G. Bedos sur la question du logement. Parler du spectacle devient ensuite difficile car la casquette de Bedos n’est plus celle de l’humoriste mais celle du militant social.

Il en va de même pour les présentateurs ou sportifs qui se reconvertissent dans le one-man show.  Arthur n’était jadis qu’un présentateur ordinaire du PAF,  jusqu’en 2005 où il passe de l’autre côté de la barrière en montant son one-man show « Arthur en vrai ». Résultat: Arthur présente ses émissions de télévision avec plus d’humour pour inciter son public à le suivre en salle. L’actualité de l’artiste détermine son mode d’expression et son rapport avec le public, ce dernier subissant, malgré lui, la promotion d’une actualité brûlante.
 
Steven Clerima

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Just don’t do it

 
Afrique du Sud, le mercredi 14 février dernier, Reeva Steenkamp, célèbre mannequin, est retrouvée morte dans sa salle de bains, avec quatre balles dans le corps. Et l’accusé numéro un sur la liste des suspects est son compagnon, Oscar Pistorius. Il tente de se défendre en racontant qu’il a pris Reeva Steenkamp pour un cambrioleur et l’a poursuivie. Nous ne mènerons pas une enquête à la Hercule Poirot, mais nous verrons comment, en une soirée, Pistorius devient à la fois la cible préférée de la police et surtout celle des médias.
Rappelons-le, Oscar Pistorius, le 1er athlète amputé à courir avec les valides aux JO de Londres, est né sans fibula (péronés). Amputé des deux tibias à l’âge de onze mois, il apprend à marcher avec des prothèses à deux ans et s’entraîne à courir avant de devenir le 1er médaillé handisport. Pistorius est à la fois une figure emblématique en Afrique du Sud, un modèle à suivre pour les sportifs handicapés et le symbole même du courage, de la ténacité. Ses exploits ont donné un nouvel élan à l’handisport et aux Jeux Paralympiques. Au début de l’année 2013, le magazine Times le classe parmi les 100 personnes les plus influentes du monde et le présente comme « la définition même de l’inspiration au niveau mondial. » De quoi parfaire son image de l’athlète que rien n’arrête.
Quatre balles plus tard et le mythe s’écroule : « Blade Runner » perd toute son envergure de héros national, en devenant aux yeux de tous le « Bad Runner ».
L’affaire n’éclabousse pas seulement le sportif mais aussi ses sponsors, éléments moteurs de la célébrité… Oakley, British Telecom, Össur, Thierry Mugler et Nike plus particulièrement.
Celui-ci vient de retirer de son site une campagne publicitaire produite par l’agence Wieden+Kennedy en 2011. Campagne qui comparait les exploits de Pistorius sur une piste à ceux d’une balle tirée d’une arme. Le slogan très justement trouvé à l’époque : « I am the bullet in the chamber », sonne désormais comme le glas. Certains y voient la préméditation de l’acte de Pistorius, ce qui ne fait qu’empirer l’image de l’athlète et de son sponsor. Leur étroite dépendance devient risquée et même si Nike n’est pas accusé de meurtre, il ne semble pas y avoir de différenciation entre l’homme et la marque qui le promeut.
Ironie du sort, Nike n’en est pas à son premier épisode douteux : Tiger Woods et ses aventures extraconjugales, Lance Armstrong et le scandale du dopage. Et le slogan « Just do it » ne fait qu’accentuer ces polémiques, comme si la marque encourageait les athlètes à commettre des actions répréhensibles. Or, toute la stratégie de communication de Nike repose sur l’athlète qui est mis en scène dans un combat personnel pour faire du sport à tout prix. Pour donner cette envie au consommateur, la stratégie adoptée par Nike est de lui montrer le parcours du sportif qui servira de modèle de réussite dans l’imaginaire du consommateur.


Le risque pris par la marque est énorme. D’une part, rien n’est fixé à l’avance, l’homme est faillible et d’autre part, une campagne de publicité représente un coût considérable. L’argument économique s’impose aussi aux autres sponsors, qui sont intervenus de manière implicite il y a quelques jours en déclarant qu’ils attendaient les résultats du procès pour décider de poursuivre ou de rompre leurs contrats avec l’athlète. La marque 

Nike espère gagner du temps en jouant la carte de la présomption d’innocence. Peut-être espère-t-elle que les avocats de Pistorius, connus pour être des ténors du barreau, réussiront à l’innocenter. Ou peut-être veut-elle partir sur la pointe des pieds et se détacher de l’image entachée d’Oscar Pistorius.
Pour l’heure, les marques qui sponsorisent l’accusé ne se précipitent pas et restent sur leur garde en attendant l’issue du procès : wait and see est leur mot d’ordre.
 
Félicia de Petiville
Sources :
Site officiel d’Oscar Pistorius
Stratégies
Le Monde

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Jacques a dit OUI au low cost

 
Une annonce « choc » :
« Voilà ! La première offre de train low cost grande vitesse est lancée. On n’aime pas le mot low cost, mais cela en est quand même. Sauf que nous l’avons fait à notre manière, avec nos convictions : transparence, respect, modernité, sécurité. »
La SNCF fait une entrée fracassante sur le marché du low cost. Son offre Ouigo rejoint ses camarades Ryanair, easyJet, Logan et Free. Le train retrouve ses amis de l’automobile, de l’aviation et de la téléphonie. Peu après le lancement du forfait à 2 euros de Free, la SNCF annonce la sortie d’un TGV éco : dès avril, il y aura un million de billets à moins de 25 euros et les enfants de moins de 12 ans accompagnés d’un adulte ne paieront, eux, que 5 euros.
 
On ne mélange pas les torchons et les serviettes.
Il semble que la SNCF ait écouté la sagesse populaire. Le train low cost est certes un TGV, mais pas un TGV comme les autres. La SNCF a tout fait pour lui créer une identité propre. Tout d’abord, le TGV éco sera d’un bleu vif très reconnaissable. À l’intérieur, on ne retrouvera pas les couleurs habituellement neutres des autres trains. Des sièges roses ou bleus se côtoieront pour la plus grande joie des yeux. L’effort de distinction touche même les plus petits détails : le système de numérotation sera différent !
Mais le décalage est surtout frappant en ce qui concerne la vente de billets. Celle-ci se fera exclusivement sur Internet. Cela n’a rien d’extraordinaire et se rapproche d’ailleurs du système de fonctionnement d’iDTGV. Mais à la différence de ce dernier, le site sur lequel s’effectuera la réservation est bien à part.
Cette stratégie de différenciation n’empêche pas une grande unité communicationnelle autour du lancement de l’offre. Les couleurs du TGV (blanc, bleu et rose) sont les seules couleurs représentées sur le site. Des angles arrondis, des couleurs vives, des écritures épaisses, des icônes parlantes : tout est fait pour rendre la recherche simple et efficace. Le site est à l’image du service proposé : il se réduit au strict nécessaire.
Ouigo.com est ainsi très facile à utiliser et incarne cette volonté exprimée par l’équipe de lancement : « Tout, on vous dit tout, pour que vous puissiez choisir et décider de votre façon de voyager ». Il ne s’agit donc pas seulement d’une offre de voyage à petits prix mais aussi et surtout de la promesse d’une grande transparence et d’un voyage qui se plie à nos volontés.
Ce dernier point peut être facilement remis en cause par un essai rapide de réservation : les prix sont certes minimes et fort attractifs, mais les horaires de départ restent rares et souvent peu pratiques.
 
Quand le nom devient slogan
We go ! oui, on y va ! Le TGV Ouigo, le TGV éco !
Ce nom permet de nombreux jeux de mots, de nombreuses rimes et annonce donc de nombreuses publicités à venir ! Que vous soyez convaincus ou pas par cette offre, préparez vous à une vague de campagnes publicitaires pour ce nouveau service !
 
Clothilde Varenne
Sources :
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/auto-transport/actu/0202582512063-ouigo-la-sncf-en-mode-low-cost-541293.php

http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/service-distribution/actu/0202574322624-secteur-apres-secteur-la-france-en-crise-se-convertit-au-low-cost-539681.php

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Panem et circenses pour le Superbowl

 
Il est presque impossible d’être passé à côté d’un article, d’une publicité, d’un tweet sur le Superbowl ce mois de février, même en France. Le Superbowl est le rendez-vous national le plus populaire de l’année aux Etats-Unis mais n’en reste pas moins un événement mondial. Pour la 47e édition, il a rassemblé 108,41 millions de téléspectateurs (si les chiffres ne vous parlent pas, celui-ci équivaut à un peu moins du double de la population française). Créé en 1967 et officiellement appelé NFL-AFL World Championship Game, le championnat commence en fait dès septembre avec une saison régulière qui dure 16 matchs. Pourtant, les fans et les médias n’en retiennent principalement que la finale et lui préfèrent le nom de Superbowl. Et les médias deviennent finalement les organisateurs de ces jeux, où l’on entend plus parler d’audience que du sport le plus apprécié dans le pays.
La métaphore du football comme religion prend tout son sens dans un événement comme celui-ci. « Le football est devenu une religion, une obsession collective qui fait vibrer la nation », dit Rick Telander, chroniqueur sportif du Chicago Sun Times. On parle de ce rendez-vous comme de la « grand-messe », où fans et téléspectateurs « communient » autour du petit écran. Allen St. John, auteur de « One Billion Dollar event » dit à ce propos que « Le Superbowl est presque plus populaire que Noël, ce n’est pas formel, les familles et les amis se réunissent, boivent de la bière, bouffent de la « junk food » et regardent le spectacle ! » Cet événement rejoint le scénario de « Télévision cérémonielle » que D. Dayan et E. Katz appellent « la confrontation », événement qui est organisée autour de la question « Qui va gagner ?» On y retrouve bien des caractéristiques telles qu’un public préparé par de multiples annonces qui précèdent le « grand moment », une forte mobilisation de symboles, une quasi-obligation d’être témoin, un rendez-vous en rupture avec le quotidien, et une participation à des chiffres d’audience qui dépassent l’imagination. Le Superbowl est donc plus une expérience nationale et collective qu’une simple diffusion médiatique.
Cependant, il est à noter que les organisateurs de cette finale ont tout de même quelques tours dans leur sac pour en faire un bon filon économique et financier…
Suivant le modèle de l’élargissement des contenus pour multiplier les publics, le Superbowl se transforme en véritable show national. Le peuple veut du pain et des jeux, quand Rick Telander dit encore : « Les footballeurs américains sont nos gladiateurs, et nous sommes comme les Romains, ivres de ce jeu magnifié par la télévision, qui avec ses ralentis, devient un ballet brutal et splendide. » Mais ce n’est plus tant à propos du sport, que du « fun » ; on parle alors de « sportainment ». Et c’est Michelle Obama qui nous le prouve, quand son billet a été retwitté plus de 4 500 fois durant la finale, non pas à propos du jeu, mais de la performance de Beyoncé : «  Watching the #superbowl with family & friends. @Beyonce was phenomenal! I am so proud of her!”

Les annonceurs se mettent au diapason et concourent pour créer la publicité la plus fun : « Chaque pub est en soi un spectacle, les compagnies font surenchère d’inventivité pour le Superbowl, et il y a un concours de la meilleure réclame » dit St John. Le caractère éphémère de ces créations place pour quelques jours la publicité en dehors de son champ originel et l’élève sur un piédestal, puisqu’une fois diffusées, les publicités rentreront ensuite au placard. Mais pour parfaire le plaisir pris durant ce spectacle, encore faut-il avoir le ventre plein, comme les Romains l’avaient si bien compris. Et les chiffres records continuent pour cette journée, avec une grande délicatesse de la part des organisateurs qui avaient prévu cette année près d’1,23 milliard d’ailes de poulet, une consommation de 3,4 millions de pizzas durant le jeu, et environ 325,5 millions de gallons de bière (1 gallon = 4,5litres environ) Et enfin, comme la soirée doit être inoubliable, les chaînes qui diffusent cette finale (alternativement CBS, Fox et NBC depuis 2007) ne s’arrêtent pas après la victoire. Le traditionnel Superbowl lead-out program, comprendre l’épisode post Superbowl, est diffusé juste après le match. Il s’agit d’un épisode unique et spécial, décalé de sa case horaire habituelle (le Superbowl a toujours lieu le dimanche) d’une série télévisée, souvent tourné spécialement pour l’occasion. Cette année, CBS a choisi la série Elementary qui a pu bénéficier de l’exposition exceptionnelle offerte par le Superbowl, avec 20.8 millions de téléspectateurs. Il ne bat cependant pas l’épisode le plus regardé de l’histoire des post-Superbowls, record détenu par Friends en 1996 avec plus de 53 millions d’audience.
Et puisqu’on parle de chiffres et de records, rentrons dans le vif du sujet, qui alimente tant de discours chaque année à cette période. CBS, Fox, et NBC se partagent d’une année à l’autre la diffusion de l’événement. Commence alors la chasse à l’espace publicitaire par les annonceurs. Le prix de 30 secondes de temps d’antenne est passé de 2,7 millions en 2008 à près de 4 millions de dollars aujourd’hui (et CBS attendait près de 225 millions de dollars de revenus publicitaires cette année). Les subtilités s’ajoutent au fil du temps dans ce commerce, puisque l’année dernière, NBC Sports Group avait décidé de rendre obligatoire l’acquisition d’espaces publicitaires supplémentaires sur la chaîne, en plus de celui du Superbowl. Petit bénéfice personnel quand on sait que les espaces de la finale se vendent sans difficulté aucune. Pour la première fois de son histoire aussi, NBC avait retransmis en direct, l’année dernière, l’événement sur son site Internet et via l’application mobile officielle de la NFL. Enfin, autre nouveauté, cette année les marques ont décidé de ne plus jouer tant sur la surprise lors du grand soir, que sur l’alimentation des conversations sur les réseaux sociaux, en diffusant leur spot publicitaire unique pour certains quinze jours avant le jour J. Et cela fonctionne. Selon certaines études, 57% des Américains affirment porter attention aux publicités du Superbowl avant le match et un Américain sur 5 les cherche avant même la rencontre. Les publicités font donc bien partie du plaisir et du décor attendu de cette expérience unique.
Les chiffres du côté des réseaux sociaux sont montés eux aussi en flèche cette année, et ont permis une collecte de data très estimable pour les annonceurs. On se rend compte que l’enjeu ici pour la publicité est d’être mémorable, que ce soit en bons termes ou non. Ainsi c’est la publicité PerfectMatch de GoDaddy qui a été la plus mentionnée (255 121 tweets), mais particulièrement négativement, contrairement à la publicité Taco Bell (213 125 tweets) qui a d’ailleurs gagné le fameux concours. 26 des 52 marques ont profité cette année de leur spot pour proposer leur Hashtags, augmentation de 300% par rapport à l’année dernière, et ont également profité de cet évènement pour encourager les téléspectateurs à devenir fans de leur page Facebook. Quelques exemples en nombre brut : en une soirée Blackberry a gagné 431 094 fans suivi par Coca-Cola (+379 133) et Oreo (+114 049). Tous ces chiffres sont assez parlants, et d’autres tout autant étonnants sont disponibles dans cette étude.
Concerts, épisodes inédits, concours de réclame, défilés de star dans les spots, tout est fait pour satisfaire un public élargi, et même à la maison, puisque (encore un record) 24,1 millions de tweets ont été publiés durant le jeu. Les villes entrent en campagne pour accueillir l’évènement, l’objet sportif devient tour à tour un objet culturel, médiatique et financier qui définit aussi l’identité de ce pays.
Et le jeu, les équipes, les joueurs, adulés dans tout le pays, sont absents des analyses médiatiques, du moins à l’étranger. Pour trouver quelques infos sur les matchs, mieux vaut fouiller sur les sites spécialisés. On y trouve d’ailleurs quelques informations peu relayées. Les ex-gladiateurs se livrent en ce moment à un procès, étouffé par la NFL, contre les injonctions à la violence qu’ils ont subi par le coaching et notamment pendant ces fameuses finales, et les conséquences de cette violence sur leur santé. Ils se retrouvent presque tous aujourd’hui retraités et infirmes… Les parallèles entre les Jeux romains et le Superbowl se multiplient, esclaves au service du spectacle servi par la violence et l’opulence, est-ce le peuple qui veut du pain et des jeux, ou César ?

 
Marie-Hortense Vincent
Sources :
Les images proviennent de l’infographie de WhisprGroup, sur  SportsMarketing.fr
Alter Journalisme – Courrier International
La Voix du Nord
Le Figaro
Socialsport

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Benetton ou la nouvelle ère du politiquement correct

 
Terminées les campagnes scandaleuses de Benetton, bonjour le politiquement correct. En 2013, le fils Benetton calme la créativité du père et impose un retour aux fondamentaux. La marque ne communiquera plus sur le décalage mais sur l’exemplarité. Elle ne mettra plus en scène le Pape et des nones, l’Imam ou les Présidents et Chanceliers, des condamnés à mort ou des chômeurs mais des personnalités dont l’engagement social est loué. Terminée l’époque du célèbre photographe Oliviero Toscani. Place au discours responsable, comme un ado qui après s’être bien amusé, deviendrait adulte.
Elettra Wiedemann (créatrice de One Frickin Day, association installant des panneaux solaires pour les cliniques du Burundi, de Haïti et du Rawnda), Hanaa Ben Abdesslem (mannequin tunisienne idole des femmes arabes),  Alek Wek (mannequin d’origine sud soudanaise qui œuvre pour attirer l’attention sur la situation de ce pays) et bien d’autres ont ainsi été invités à parler de leur projet autour de la fondation de la marque UNHATE et par la même occasion, de leur couleur préférée.
C’est beau, c’est bien. Mais ce n’est pas très original. Il ne suffit pas de mettre en avant des personnalités engagées dans des domaines caritatifs pour prouver que Benetton est, elle aussi, une marque à responsabilité sociale. Le politiquement incorrect, lui au moins est viral. Il fait parler, fait le buzz et assure un positionnement de marque efficace, assumé et radical. Avec Benetton père, l’univers autour de la marque était incontestable. Benetton était « la marque qui avait osé. » Ici on dira tout au plus « c’est bien, c’est mignon. »
Pour leur défense, aujourd’hui le politiquement incorrect est difficilement affichable, surtout en France. On peut penser à la campagne d’Ashley Madison mi 2012 (site de rencontre pour infidèles) mettant en avant les présidents de la République Française le visage couvert de rouge à lèvre. Seuls deux exemplaires à Opéra avaient été affichés, personne n’ayant osé les sortir. Le problème avec le politiquement incorrect n’est pas les retours ou les réactions scandalisées, mais le fait de trouver un canal acceptant de le diffuser. C’est la peur des représailles de la part des diffuseurs. A quoi cela sert de dépenser pour une campagne qui ne se limitera qu’à quelques articles sur Internet.
Mais finalement, habitués aux campagnes chocs de Benetton, c’est peut-être le caractère sage de la dernière qui nous interpelle et nous fait parler d’elle. Ce retournement de situation a ses avantages et fait parler de la marque autant qu’avant. Il semble qu’elle maîtrise mieux qu’on ne le pense la portée virale de son image.
Dans tous les cas, cette semaine, nous reparlerons du politiquement correct mais dans un tout autre cadre (à propos de la polémique du « N-word » autour de Django Unchained) avec Laura Garnier pour Irrévérences. Be there !
 
Camille Sohier