Société

Les dédales de l’algorithme YouTube

L’écoute de la musique en ligne est devenue aujourd’hui l’un des premiers moyens d’accès et de visibilité pour les abonnés du monde entier. Lorsque le fonctionnement de son algorithme est remis en cause, c’est donc l’ensemble des youtubeurs qui pourrait se retourner contre la plateforme.
Il n’est pas nécessaire de rappeler que cette société s’impose aujourd’hui comme le premier relai de diffusion de vidéos sur Internet, avec près de 43 000 vidéos visionnées par seconde et une présence diffuse dans 73 pays, ce qui lui permet de couvrir 95% de la population Internet mondiale.
La plateforme de diffusion de vidéos en ligne créée en 2005 fait face cette année à un nouvel enjeu. En effet, de nombreuses critiques ont été émises envers son algorithme, dont le fonctionnement reste flou pour le grand public.
Ce débat a été relancé il y a quelques semaines : le morceau du groupe Boy Pablo – « Everytime » a gagné 50 000 vues par jour après avoir été mis en page d’accueil de YouTube. Cela a mis en lumière l’influence phénoménale que peut avoir ce programme informatique sur les artistes en chair et en os, leur permettant d’obtenir un succès planétaire.

Le débat reste ouvert : YouTube est-elle toujours une plateforme permettant de créer une véritable culture participative comme l’imaginaient ses créateurs, ou bien son fonctionnement binaire pourrait lui porter préjudice ?
Echec (et maths) pour l’algorithme YouTube ?
Depuis le 1er Février 2017, l’association américaine en charge d’attribuer les disques d’or prend en compte les écoutes générées par les plateformes de streaming telles que YouTube, Spotify, Apple Music, ceci afin d’être en phase avec les évolutions d’écoute de son public. Le SNEP (Syndicat National de l’Edition Phonographique) a confirmé qu’il comptait suivre cette tendance de modernisation.
Malgré tout, l’opacité du fonctionnement de l’algorithme YouTube pourrait mener la plateforme à sa perte. En effet, au début de l’année 2017, de nombreuses plaintes se sont faites entendre : de la part d’abord des créateurs, qui font face à de soudaines pertes d’abonnés (ce qui pourrait leur être fatidique), et également de la part des abonnés qui ne comprenaient pas qu’ils puissent être désabonnés de certaines chaines sans leur consentement ni notification.
La position quasi monopolistique de YouTube sur la diffusion de vidéos en ligne permet de comprendre les réactions plutôt vives et les inquiétudes exprimées suite à cette modification non explicitée. Par exemple, le youtubeur PewDiePie avait menacé de fermer sa chaîne qui comptabilise pourtant 50 millions d’abonnés.
Les plaintes concernaient également le système de qualification du contenu « inconvenant » particulièrement strict, qui ne permet pas aux youtubeurs de récolter de l’argent sur leur contenu, étant donné que ces vidéos ne peuvent pas accueillir de publicités.
La réponse tardive de YouTube a finalement permis d’éclaircir les raisons de ce changement. Les modifications d’algorithme sont, selon l’entreprise, effectuées afin de s’assurer que « les utilisateurs regardent plus de vidéos qu’ils aiment », et les chiffres d’abonnement sont lissés dans le temps, ce qui expliquerait les baisses d’abonnés. Ces contestations reflètent in fine une désillusion des youtubeurs dont le succès repose sur un codage qu’ils ne maitrisent pas.
Favoritisme ou simple binarité ?
Au-delà de cette confusion, la tendance de YouTube à recommander des vidéos qui « buzzent » pose le doute sur la capacité de la plateforme à partager du contenu créatif ou éducatif. On pourrait penser que comme Facebook, YouTube serait soumis à une « bulle de filtrage » (Eli Pariser), créant ainsi un isolement intellectuel et culturel des utilisateurs, en ne leur proposant que du contenu optimisé par leur personnalité.
On le réalise rien qu’en regardant l’onglet des Tendances, où des vidéos comptabilisant des millions de vues n’y figurent que quelques heures. Cet onglet est un véritable levier pour les youtubeurs, car il leur permet de se faire connaître par les internautes. L’utilisation de cet espace par des publicités ou des émissions télévisées pourrait ressembler à une préférence envers les annonceurs plutôt qu’envers les créateurs de contenu.
Cet algorithme peut parfois pousser les utilisateurs à une utilisation quasi-malsaine de la plateforme afin de gonfler leurs vues. C’est le cas de Post Malone qui reprend le refrain du titre « Rockstar », numéro 1 aux Etats Unis, 5 fois en boucle dans la même vidéo, leur apportant une visibilité plus importante.
Le cas de Boy Pablo permet néanmoins d’avoir un peu d’espoir dans cet algorithme qui cherche finalement à maximiser le watch time, c’est à dire le temps durant lequel l’utilisateur va regarder la vidéo. Ce système peut entraîner un effet de longue traine (Chris Anderson), car le succès de cette vidéo peu connue est dû au bon relai effectué par l’algorithme. En effet, si cette vidéo a été suggérée par hasard, l’algorithme est efficace car les 500 000 vues par jour sont bel et bien dues à la qualité du morceau « Everytime ».
YouTube aurait-t-il besoin d’une meilleure communication de crise ?
La seule question à résoudre serait donc la suivante : pourquoi l’équipe de YouTube persiste à rendre son fonctionnement si opaque ?
En effet, les réponses tardives aux accusations des utilisateurs ne les ont pas convaincus. La réponse du chef des produits YouTube affirmant que « toute vidéo mise en ligne par un créateur apparaît dans le flux abonnements de tous ses abonnés, par défaut. En général cela prend quelques minutes » et qu’aucun abonnement n’a été supprimé, reste pour le moins elliptique.
On pourrait penser qu’un effort de communication serait nécessaire dans ce genre de situation de crise, mais cette solution ne serait pas la plus stratégique au niveau commercial. Si la communication à propos de cet algorithme était claire et limpide, chaque utilisateur aurait la solution pour maximiser les vues de sa chaîne.
En fin de compte, on pourrait faire l’analogie entre les vidéos YouTube et les Nuggets McDonalds : on est ravis de les avoir devant nous, mais on ne sait pas comment elles sont arrivées là.
Elise Batifort
Sources : 

Découvrir les avantages de YouTube avec le marketing sensoriel, Idéalis Médias, publié le 20/01/2014.
 Mélanie Roosen, YouTube pris en compte pour les disques d’or, L’ADN, publié le 05/02/2016.
Elodie Abadi Garcia, YouTube, le nouvel algorithme qui affole la toile, DMB, publié le 20/12/2016.
Els Bellens, YouTube moins rigoureuse à propos des vidéos « inopportunes », Datanews, publié le 30/10/2017.
YouTube, Wikipédia.
Perrin Signoret, L’algorithme YouTube met-il en avant certains candidats à la présidentielle, Le Monde, publié le 14/04/2017.
Bulle de filtres, Wikipédia.
Erwan Cario, Comment YouTube en met plein les vues, Libération, publié le 19/12/2016.
Communication de crise, Wikipédia.
L’algorithme de YouTube, les points clés pour comprendre, Wizdeo.
Jean Morel, L’algorithme YouTube a transformé un morceau en tube, Radio Nova, le 23/10/2017.

Société

Zuckerberg, Trump… maladresses face à la crise humanitaire Portoricaine

Plus d’un mois après le passage de l’ouragan Maria qui a dévasté Porto Rico, une grande majorité de la population est toujours privée d’eau potable. Les habitants vivent, pour la plupart, sans électricité et parfois même sans toit après que plus de 90 000 maisons y ont été détruites. Alors que le pays peine à rassembler les milliards de dollars d’aide dont il a besoin pour sa reconstruction, il a accueilli ces dernières semaines des personnalités haut placées susceptibles de contribuer… ou pas !
Zuckerberg et la réalité virtuelle : campagne de sensibilisation ou promotion maladroite ?
Le 9 octobre dernier, Mark Zuckerberg a réalisé un livestream visant à faire découvrir la nouvelle interface de réalité virtuelle de Facebook : Spaces. Lors de cette démonstration, le patron de Facebook s’est virtuellement télé-porté dans différents endroits. Parmi eux, l’île de Porto Rico, complètement ravagée par les récentes catastrophes naturelles.

Entre deux éclats de rires, Zuckerberg  accompagné de Rachel Franklin, responsable de la « réalité virtuelle sociale » chez Facebook, se balade sur un fond de maisons inondées.
Depuis leurs confortables bureaux en Californie, Zuckerberg et Franklin ont voulu montrer que la réalité virtuelle abolit les frontières et offre une mobilité illimitée.  Ainsi, grâce à Spaces, les deux collègues ont pu se télé-porter à Porto Rico, sur la Lune ou encore dans le salon de Mark avec son chien. Les déplacements des deux touristes amusés auraient pu faire sourire les internautes. Mais dans une ville qui souffre encore fortement des lourdes conséquences de l’ouragan Maria, ils ont immédiatement donné lieu à un véritable flop communicationnel.
En effet, si Zuckerberg a voulu profiter de ce voyage virtuel pour rappeler le partenariat de Facebook avec La Croix Rouge afin d’« aider les habitants à reconstruire Porto Rico », son action a plutôt été reçue comme une auto-promotion maladroite et de mauvais goût. Bien plus, elle a déclenché de nombreuses critiques sur le « tourisme noir ou de catastrophe[1] », une forme de tourisme qui s’est développée ces dernières années et qui consiste à visiter des lieux touchés par des catastrophes.
Le patron du géant du web n’a pas tardé à s’exprimer à ce sujet, tentant de justifier l’apport de Spaces aux efforts de secours après des catastrophes majeures : « L’une des forces de la réalité virtuelle est sa capacité à générer de l’empathie. Mon but était de montrer comment la réalité virtuelle peut accélérer les prises de conscience et nous aider à voir ce qui se passe à différents endroits du monde.».
Comme on peut le voir, ces explications n’ont pas été satisfaisantes et ont continué de générer un débat sur les réseaux sociaux. Accusé d’exploiter un désastre, Zuckerberg a par exemple été qualifié de « milliardaire sans cœur » ou encore de « dirigeant manquant d’humanité », ce qui a poussé l’équipe de relations presse à tenter de réparer les pots cassés.

Le tourisme de catastrophe est un sujet particulièrement sensible aux États-Unis, où Zuckerberg n’a pas été le seul à être fortement critiqué. En effet, Donald Trump a fait l’objet d’un véritable backlash dans la presse et sur les réseaux sociaux à la suite d’un soutien à Porto Rico considéré comme bien trop faible, et d’une visite particulièrement dérangeante à San Juan, capitale de l’île… pourtant américaine.
La visite catastrophique de Donald Trump à Porto Rico : entre prises de paroles déplacées et gestes irrespectueux
C’est seulement deux semaines après le passage dévastateur de l’ouragan Maria à Porto Rico que Donald Trump a décidé de se rendre sur place pour apporter son aide et prendre connaissance des dégâts. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette visite tardive a fait scandale. Et pour cause, le président des États-Unis a enchaîné les maladresses dès son arrivée sur l’île.
À priori venu pour apaiser les tensions, Trump n’a fait qu’empirer les critiques à son égard en déclenchant une indignation générale. Alors que la lenteur de l’aide fédérale lui avait été reprochée, Trump a quant à lui critiqué la contribution des citoyens de l’île en déclarant que « les  Portoricains devaient faire davantage pour aider ». De plus, face aux reproches exprimés en raison d’un soutien jugé minimal, Trump n’a pas pu s’empêcher de rétorquer par une blague pour le moins déplacée : « Je déteste avoir à le dire, mais ces derniers jours, vous nous avez un peu fait sortir du budget, Porto Rico. Mais ce n’est pas grave, on  va vous aider ! »
Comme si cela ne suffisait pas, Trump a continué sur sa lancée. Pendant une conférence de presse donnée sur place, le président américain a affirmé que les habitants de l’île devaient se considérer « chanceux ». En effet, il estime qu’il faut se féliciter du « faible nombre de victimes » comparé à Katrina en 2005, qu’il a qualifié de « vraie catastrophe ».
Mais le président américain ne s’est pas arrêté aux mots. Alors qu’il assistait à une distribution de produits de première nécessité, Donald Trump a jugé bon de lancer des rouleaux de papier dans la foule. Ce geste jugé irrespectueux et condescendant a déclenché l’indignation du peuple portoricain mais aussi du reste du monde, qui s’est manifesté sur les réseaux sociaux comme Twitter.

Ni la visite choquante du président américain, caractérisée par son manque de soutien général et la minimisation des conséquences de l’ouragan sur l’île, ni la légèreté mal placée du PDG de Facebook ont permis d’apaiser le sentiment des Portoricains d’être des citoyens de seconde zone… Mais la diffusion médiatique des événements a au moins suscité une indignation généralisée et a mené à s’interroger sur le statut des habitants de l’île.

Maria Qamari
Twitter : @MariaQamari
Sources :

[1] Olivia Solon, « Mark Zuckerberg ‘tours’ flooded Puerto Rico in bizarre virtual reality promo » – The Guardian. Publié le 10 octobre 2017.
Alexandra Milhat, « Mark Zuckerberg se « téléporte » à Porto Rico, ravagé par l’ouragan Maria, et c’est très gênant » – Huffington Post. Publié le 10 octobre 2017.
Le Monde. « Mark Zuckerberg s’excuse pour son étrange vidéo en réalité virtuelle à Porto Rico » Publié le 11 octobre 2017.
6 Médias. « Porto Rico : le comportement de Trump suscite l’indignation » – Le Point. Publié le 4 octobre 2017.
Le Monde avec Reuters. « Porto Rico : la visite pleine de maladresses de Donald Trump » -Le Monde. Publié le 4 octobre 2017.

Crédits :

Capture d’écran Live Facebook. « Live from virtual reality — teleporting to Puerto Rico to discuss our partnership with NetHope and American Red Cross to restore connectivity and rebuild communities. » 9 octobre 2017.

 

Captures d’écran Twitter :

Matthew Stoller @matthewstoller
Erica Holl @mulegirl
Stephen Colbert @stephenathome
Anthony Houser @tonyhouser
Jorge Ramos @jorgeramosnews

Société

Christine Angot : cadrer l’incadrable

Samedi 30 septembre sur le plateau d’ONPC les téléspectateurs assistent à une scène glaçante entre Sandrine Rousseau et Christine Angot, la nouvelle chroniqueuse de l’émission On n’est pas couché (ONPC). Alors que Sandrine Rousseau ouvre le débat sur la prise en charge des femmes victimes de harcèlement sexuel par des « personnes formées pour accueillir la parole », Christine Angot réagit violemment pour souligner le fait que face au harcèlement sexuel ou au viol, la femme est seule. La scène suscite plus de 1000 plaintes au CSA et les internautes critiquent fortement la réaction de la chroniqueuse. Grande gueule et sanguine, elle peine à entrer dans les cadres imposés par les dispositifs médiatiques : peut-être est-ce cela qui forge sa réputation ?

Extrait vidéo : Sandrine Rousseau – On n’est pas couché 30 septembre 2017 #ONPC. Youtube. 20/09/2017. [Extrait du clash : 6 :45 – 8 : 45]

Que s’est-il véritablement passé ?
La vidéo du clash entre les deux femmes reprise sur internet et décontextualisée révèle une Christine Angot dans son tort et furieuse, sans raisons apparentes. Or, ce « cadre » ne dit pas l’histoire de la chroniqueuse. En effet, cette dernière a elle-même été abusée par son père comme elle l’écrit dans son livre L’inceste, cela explique sa réaction violente. Les téléspectateurs ont pu voir les larmes de Sandrine Rousseau mais le départ du plateau de Christine Angot a été coupé au montage : « j’entends le public qui commence à huer parce que justement, je n’emploie pas la phrase « discours » (…) ça veut dire que je suis sur un plateau télé et que je ne peux pas parler donc je n’ai rien à faire là » explique-t-elle sur France Culture. Il y a un véritable échec de la parole de Christine Angot dans le cadre de l’émission. Les huées et la disposition même du plateau rendent la situation intenable pour la chroniqueuse qui doit se réfugier dans sa loge. C’est d’ailleurs, l’imposition d’un cadre qui a révolté Angot dans les propos de Sandrine Rousseau : « ce qui me révolte, ce n’est pas la parole collective, c’est face à des choses terribles, vraiment, qui sont l’abus de pouvoir, qui sont le déshonneur, qui sont le silence imposé, qui sont beaucoup de choses comme ça, on trouve des procédés, des procédures, des systèmes, des phrases toutes faites du genre les gens « formés pour recueillir la parole », des trucs fous ».
Angot : l’incomprise, l’incadrable
Angot, romancière controversée, n’en est pas à son premier scandale médiatique. On se souvient de son intervention face à Fillon dans l’Émission Politique sur France 2, en mars dernier. L’artiste n’a pas été épargnée non plus : on assiste à des scènes insupportables lors de son passage dans l’émission de Tout le monde en parle en 1999. Alors qu’elle présente son livre L’inceste, où elle décrit les viols qu’elle a vécus, une chroniqueuse lui demande « vous n’avez pas ri une seule fois, qu’est-ce qui vous fait rêver ? » (17 :00). Elle subit également les moqueries et les rires des invités sur ce sujet profondément douloureux. L’impertinence de la séquence mérite d’être soulignée et l’aurait certainement été si les réseaux sociaux existaient à l’époque. Cette scène montre aussi à quel point Christine Angot ne se conforme pas : « vous êtes assez rare » lui avoue Thierry Ardisson, reconnaissant sa difficulté à l’interviewer alors que les autres « sont assez faciles » (16:50). Un tempérament qui révèle une personnalité débordant des cadres et du politiquement correct.

Extrait vidéo de l’émission de Thierry Ardisson : «  Christine Angot « Je ne peux pas parler de L’inceste » | Archive INA »
La tyrannie du spectacle
Ce rejet de la forme n’est pas nouveau chez la chroniqueuse. Il pourrait expliquer pourquoi elle est tant controversée mais si médiatisée : elle sort du cadre, crée la polémique et rend donc le média visible. Christine Angot répond, peut-être malgré elle, à une logique médiatique. Ce procédé est particulièrement efficace dans l’émission ONPC qui orchestre le clash. La disposition du plateau organise méticuleusement le désaccord : les deux éditorialistes jouant les avocats de l’accusation face à l’invité chargé de se défendre. Laurent Ruquier, lui, joue le rôle du médiateur, du président de séance. ONPC, émission d’infotainment, théâtralise ce rendez-vous chaque samedi soir (générique accrocheur, arrivée théâtrale des invités). On pourrait ici supposer en reprenant les termes de Guy Debord que le spectacle, sous-tendu par des logiques de production, « ne veut en venir rien d’autre qu’à lui même ». Un spectacle qui devient particulièrement tragique lorsqu’il est aussi violent que le clash Angot/Rousseau. Cela traduit surtout l’impossibilité d’exprimer des idées et un problème aussi délicats dans un cadre aussi restreint. La personnalité de Christine Angot fonctionne dans le dispositif médiatique d’ONPC puisqu’elle exacerbe l’affrontement, le conflit. Dans une logique d’« économie de l’attention », si bien décrite par Yves Citton, l’émission tend à organiser la polémique dans le but d’attirer le spectateur afin de générer toujours plus d’audience et donc toujours plus de profit.
Christine Angot est une personnalité particulièrement médiatisée, à fort potentiel « médiagénique », pour reprendre le néologisme proposé par Philippe Marion. En d’autres termes, la romancière Christine Angot a l’aptitude de bien « passer » dans les médias justement grâce à sa personnalité anticonformiste. Son rejet du cadre la rend paradoxalement tout à fait cadrable.
Claire Doisy
 
Sources :

Montellier Chantal. Les larmes amères de Christine Angot. L’Humanité. 13/10/2017. Consulté le 25/10/2017.
Alexis Lucie. Dispositifs télévisuels et mises en scène du désaccord : les cas d’On n’est pas couché et de Ce soir (ou jamais !). Cahier de praxématique. 06/06/2017. Consulté le 25/10/2017.
Erner Guillaume. Violences faites aux femmes : Christine Angot, mots à maux. France Culture. 17/10/2017. Consulté le 25/10/2017
Citton Yves. L’économie de l’attention, nouvel horizon du capitalisme ? La découverte. 2014.
Debord Guy. La société du spectacle. Gallimard. 1996.

Crédit photo :

Capture d’écran Sandrine Rousseau – On n’est pas couché 30 septembre 2017 #ONPC. Youtube. 20/09/2017.
Extrait vidéo 1 : Sandrine Rousseau – On n’est pas couché 30 septembre 2017 #ONPC. Youtube. 20/09/2017. Clash : 6 :45 – 8 : 45
Extrait vidéo 2 de l’émission de Thierry Ardisson : « Christine Angot « Je ne peux pas parler de L’inceste » | Archive INA »

Société

WeChat VS Facebook : duel au sommet

Difficile pour nous aujourd’hui d’imaginer notre vie sans nos applis. Facebook, Instagram, Snapchat, Twitter, Uber, Messenger et bien d’autres rythment notre quotidien. Pourtant, en Chine, vous ne trouverez aucune de ses applis. La censure du gouvernement oblige les Chinois à créer leurs propres apps.
Un certain nombre d’acteurs ont ainsi commencé à copier les réseaux occidentaux pour fournir aux Chinois leur éventail d’applications. Mais en quelques années, un réseau s’est imposé comme la « super app » et pourrait bien avoir des conséquences sur nos réseaux occidentaux.
WeChat, la « super app » chinoise
En 2011, le groupe Tencent crée WeChat, qui n’est à l’origine, rien de plus qu’une application de messagerie, au même titre que WhatsApp ou Messenger. En à peine plus d’un an, 150 millions d’internautes se ruent sur l’application. Très vite, WeChat évolue et offre de plus en plus de services. Aujourd’hui, l’application réunit plus de 950 millions d’abonnés et a complètement bouleversé le quotidien de ses utilisateurs. En une seule application, WeChat concentre un nombre incalculable de services. Vous pouvez envoyer un message à un ami pour lui proposer de sortir, lui envoyer la photo d’un restaurant que vous aimeriez tester, réserver une table dans ce restaurant, payer la note à la fin du repas, noter la qualité du restaurant… et votre ami pourra même vous rembourser par message le lendemain, pendant que vous travaillerez avec vos collègues, toujours depuis l’application. En bref, vous pouvez tout faire !
Plus besoin d’un Facebook, d’un Amazon, d’un Instagram, d’un Paypal, d’un Slack ou d’un TripAdvisor quand vous avez WeChat. Le réseau social est conçu pour rendre ses usagers captifs : ils n’ont plus besoin de quitter l’application, que ce soit pour leur loisir ou pour leur vie professionnelle.
Pour mieux comprendre WeChat, nous vous proposons cette vidéo du NY Times, récapitulant très bien l’impact de l’application sur la vie des chinois.

Vers une « WeChatisation » occidentale ?
Arrivé dernièrement sur le marché européen, WeChat promet de faire bouger les lignes. Dans un premier temps, WeChat en Europe sera surtout destiné aux touristes chinois ayant pris l’habitude de payer leurs achats depuis l’application, ce qui implique que les banques et les commerçants acceptent le partenariat avec WeChat Pay. WeChat n’est pas le premier à s’implanter sur le marché européen en proposant son système de paiement. Alipay, le service proposé par le géant chinois Alibaba, a fait son apparition en France, permettant à 450 millions de Chinois de faire leurs achats depuis l’application. Avec WeChat Pay, ce sont plus de 150 millions de Chinois supplémentaires qui bénéficieront de ces avantages.
Cette adaptation des commerçants aux usages chinois pourrait bien amener les européens à reprendre le même modèle. Plus besoin d’argent liquide ou de carte bleue si tous les commerçants proposent de payer via une application permettant de tout faire. WeChat compte déjà plus de 200 millions d’utilisateurs étrangers, principalement en Asie du sud-est, mais pas seulement. Les occidentaux travaillant avec des partenaires chinois se rendent vite compte qu’il est plus facile de communiquer par WeChat, très répandu dans le domaine professionnel, que par E-mail, peu utilisé en Chine. L’essor de l’application chinoise en Amérique et en Europe pourrait donc se faire par la sphère professionnelle et le développement commercial lié au tourisme.
Facebook fait de la résistance
Nous étions habitués à voir le marché chinois copier le marché occidental, mais aujourd’hui, l’inverse pourrait bien se produire. Difficile d’imaginer que Facebook laissera WeChat lui prendre des parts de marché sans réagir. En témoignent les nouvelles fonctionnalités développées notamment sur Messenger. Il est désormais possible d’envoyer de l’argent directement depuis la messagerie de Facebook, ce qui n’est pas sans rappeler le système des « enveloppes rouges » du géant chinois. De même, Facebook a ouvert sa marketplace permettant de mettre en relation des acheteurs et des vendeurs de différents produits, sans pour autant permettre la transaction depuis la plateforme.
Facebook tente de rendre son public de plus en plus captif en lui proposant toujours plus de services. D’autant plus que Facebook a annoncé que son système publicitaire était arrivé à saturation : intégré plus de liens sponsorisés nuirait à l’expérience utilisateur et risquerait de leur faire perdre des internautes. Pour continuer à se développer, le réseau de Mark Zuckerberg doit trouver de nouveaux relais (98% des revenus de Facebook viennent de la pub). L’exemple de WeChat, dont le modèle économique repose principalement sur les commissions lors de transactions et la monétisation de leurs jeux (seuls 18% des revenus viennent de la pub) pourrait fortement inspirer Facebook.
Ces « super apps » posent toutefois un problème majeur, celui de l’utilisation des données. Une application dont on est captif et qui subvient à tous nos besoins récolte un nombre incalculable de données sur chaque utilisateur. On sait déjà que le gouvernement chinois profite des datas de WeChat pour surveiller sa population. Ainsi, les thèses de Michel Foucault dans son ouvrage Surveiller et Punir semblent trouver un sens nouveau. D’un régime disciplinaire, on passe à une surveillance plus discrète. Pour autant, chacun se sait sous surveillance en permanence. De quoi s’interroger quant aux effets d’une sorte de panoptisme digital.
Nicolas Morteau
Twitter : @N_Morteau
LinkedIn : Nicolas Morteau

Sources :
Davan-Soulas Melinda, WeChat, le réseau social multifonctions qui gère la vie des Chinois débarque en France, LCI, publié le 09/07/2017, consulté le 23/10/2017.
Fabrion Maxence, Proche des 2 milliards d’utilisateurs, Facebook voit son chiffre d’affaires augmenter de 49% au 1er trimestre, Frenchweb, publié le 04/05/2017, consulté le 23/10/2017.
How WeChat Became China’s App For Everything, Fast Company, publié le 01/02/2017, consulté le 24/10/2017.
Noisette Thierry, WeChat : « Notre stratégie pour nous développer en Europe », L’Obs, publié le 07/04/2016, consulté le 24/10/2017.
Crédits :
Crédit vidéo : The New York Times, How China Is Changing Your Internet | The New York Times, publié le 09/08/2016
Crédit photo : www.thedrum.com
 

Société

Le règne du « partage » : analyse d’une tendance communicationnelle

La notion de « partage » est partout, elle semble être devenue l’une des valeurs cardinales de la génération des digital natives : elle est omniprésente dans la publicité, sur les réseaux sociaux, dans la communication institutionnelle… Alors que les inégalités économiques et sociales, ainsi que l’esprit de concurrence n’ont jamais été aussi exacerbés qu’aujourd’hui, cet appel au partage interpelle. Il est pour le moins paradoxal.
Le partage, une ouverture sur le monde ?

Est-ce un simple et curieux hasard si le terme partage vient étymologiquement du même mot que « partir » (du latin partire) ? Le désormais slogan officiel des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, « Venez partager », laisse presque entendre « Partez à Paris ».
« Depuis le lancement de la candidature, nous sommes particulièrement attachés à porter des valeurs d’ouverture sur le monde et de partage », a déclaré Etienne Thobois, le directeur général de Paris 2024. Cette volonté affichée de véhiculer ces deux notions étroitement liées, se concrétise encore davantage par le slogan écrit en anglais, dévoilé avant sa traduction française : « Made for sharing ». Ce slogan a fait couler beaucoup d’encre, mais il permettrait, selon les organisateurs, de diffuser plus largement un appel à venir à Paris lors des Jeux. Une traduction en espagnol est même envisagée, afin d’attirer le maximum de visiteurs possible. Dans cette campagne de communication, l’idée de partage est donc combinée à celle d’ouverture, jusqu’à rendre insécable les deux notions, autant sur le fond (valeurs portées par le slogan) que sur la forme (traduction en langues étrangères).
Mais ce rapprochement — voire cette association — entre partage et ouverture sur le monde est loin d’être une nouveauté en communication. Pour preuve, les réseaux sociaux ont d’une manière générale, adoptés la logique du share. Ici encore, par l’action de partager un contenu sur Internet donc d’en démultiplier l’audience potentielle, on l’ouvre sur le monde. A fortiori, et à l’ère des réseaux sociaux, il semblerait que le mécanisme de partage (sharing, retweet, etc.) ait définitivement supplanté l’URL comme constitutive principale du Web. Toutefois, si le partage n’est pas univoque et qu’il existerait, selon une étude, jusqu’à six profils de « partageurs » différents (des plus intimistes aux influenceurs), force est de constater que la tendance au partage semble aller de pair avec le processus de mondialisation. Comme l’exprimait le président de l’entreprise de services mobiles Cellfish à propos du Brexit : « Cela ne rime à rien de remettre des frontières dans un monde dominé par Facebook ».
Quand le partage devient un argument de vente

Plus qu’être synonyme d’ouverture sur le monde, la valeur partage peut s’avérer être un véritable recours commercial pour les marques. Le célèbre slogan publicitaire « On partage ? » de Kinder Bueno en est l’une des plus emblématiques illustrations. À travers cette invitation à déguster ses produits, l’entreprise du groupe Ferrero véhicule l’idée implicite qu’un biscuit Kinder se partage avant de s’acheter. On cherche, par là même, à rassurer le client : acheter un Kinder Bueno est un geste altruiste, ce qui expliquerait d’ailleurs pourquoi ces biscuits sont vendus par deux (ils ne demanderaient qu’à être partagés).
Autre usage de la valeur partage, celui de Coca-Cola. En 2014, la marque a lancé une gamme de sodas, où l’injonction au partage est non seulement inscrite sur la canette, mais se personnalise : « Partage un Coca-Cola avec Pierre, Paul, Anne ou Marie » nous intime la marque. Poussant encore plus loin l’étrange équivalence entre consommation et partage, déjà bien amorcée par Kinder, la marque Coca-Cola se positionne, avec cette gamme, en tant que créatrice de lien social : elle se donne pour mission de réinsérer de la convivialité dans l’individualisme de nos sociétés. Acheter, c’est partager, voilà l’homologie que ces deux campagnes publicitaires ont réussi à établir dans l’inconscient de millions de consommateurs.
La valeur du partage propre à la culture des millenials ?
Au vu des récentes campagnes de communication précédemment évoquées, le « partage » apparaît comme l’une des notions particulièrement mobilisées par les organisations (entreprises comme institutions), pour attirer l’attention des consommateurs, et en particulier des jeunes. Toutefois, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le partage n’est pas une caractéristique intrinsèque à la culture numérique et digitale. Selon une étude du New York Times Customer Insight Group, elle ne serait qu’une transposition du plurimillénaire art de la conversation, dont les enjeux sont en revanche bien plus grands, au regard des près de quatre milliards d’internautes, et tous potentiels partie prenante de cette discussion.
En tant que créateur de contenu, le partage n’est pas nécessairement plus altruiste ou bienveillant, car le partage sert parfois de faire-valoir. Autrement dit, intégrer un bouton « partager » ou « retweeter » sur l’article d’un site est plutôt une vitrine permettant de mettre en scène une popularité immédiatement visible, car chiffrable, d’un influenceur sur les réseaux sociaux, qu’une incitation au partage de contenu.
Qu’il se décline sous la forme d’ouverture sur le monde, d’altruisme ou d’acte de conversation comme un autre, le partage semble être devenu un mot passe-partout, sans cesse renouvelé par les différentes campagnes de communication l’ayant employé. Il s’est ainsi quelque peu vidé de son sens premier.
Sara Lachiheb
Linked In : Sara Lachiheb
Sources :

Nicolas Richer. « La vérité sur les boutons de partage (et la meilleure extension) », wpmarmite.com, mis en ligne le 15 mars 2016. Consulté le 29/10/2017.

Ricardo Da Silva. « 6 types de partageurs sur les réseaux sociaux. #infographie », ricardodasilva.fr, mis en ligne le 4 mai 2014. Consulté le 29/10/2017.

Elsa Bembaron. Marie-Cécile Renault. « Cela ne rime à rien de remettre des frontières dans un monde dominé par Facebook », Le Figaro, mis en ligne le 24 juin 2016. Consulté le 29/10/2017.

 
Sources images :
http://www.strategies.fr/sites/default/files/assets/images/strats-image-1064438.jpeg
https://essentiel-autonomie.humanis.com/sites/all/themes/custom/humanis_assets/images/partager-facebook.png
http://www.coca-cola.pf/wp-content/uploads/2015/04/actu_partagez.jpg
 

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Société

Twitter et les comptes parodiques malveillants : un moyen légal d'usurpation d'identité ?

Dans le monde virtuel des réseaux sociaux, les rapports de force reposent sur l’immédiateté et la dépendance au nombre de vues et de partages. Ce qui est mis en avant ne l’est qu’à cause de sa viralité et non de sa véracité. De plus, le fait que le réseau social Twitter soit mondialisé fragilise l’établissement de lois internationales, visant à contrôler l’apparition de comptes malveillants qui parviennent, à travers l’interprétation de la politique du site, à la contourner.
Les personnes engagées : une surveillance constante et nécessaire des comptes parodiques usurpateurs
Même nom, même avatar, mais contenus opposés, c’est le moyen choisi par des anonymes pour semer la confusion et parvenir à convaincre les « followers » (littéralement « suiveurs ») des militants à revenir sur leurs positions politiques. Ainsi, le militant Américain et anti-Trump Ryan Knight, connu sur les réseaux sociaux par le surnom « Proud Resister » (résistant fier), a été victime d’une usurpation d’identité parodique d’une personne pro-Trump. Avec plus de 86 000 abonnés, il publie régulièrement sur Twitter pour maintenir la résistance anti-Trump.

 
Ce tweet du militant anti-Trump dénonce le risque des faux-comptes qui se font passer pour lui de manière parodique : « Des comptes feignant la résistance apparaissent en ce moment dans le but de discréditer nos efforts. Le compte ci-dessous utilise ma photo, mon nom et tweet de la « désinformation » pour semer le doute et diviser. Cela recommence comme en 2016. @Twitter ne peut autoriser cela. S.V.P. partagez et encouragez Twitter à supprimer @the_ryan_knight ».
 

Ce tweet du compte parodique de Ryan Knight prétend avoir fait semblant d’être un militant anti-Trump : « Trump est quelqu’un de super. Cette affaire de #Résistance est une perte de temps. Il est temps pour moi de retourner à ma vie normale. ». Ce tweet étant une réponse à un compte qui défend lui aussi la résistance anti-Trump, on peut voir que l’usurpateur cherche à diviser la collectivité anti-Trump, et qu’il cherche ainsi à perturber la fluidité de sa communication. Le compte usurpateur a depuis été suspendu après une semaine de nombreux signalements.
L’ambiguïté de la politique et des règles d’utilisation de Twitter
L’équipe de Twitter est consciente des risques d’usurpation d’identité et écrit ceci :

La fragilité de cette politique d’utilisation est que la mention explicite de la dimension parodique du compte est légitime, dans le cadre de la liberté d’expression. Dans le cas de Ryan Knight, l’usurpateur a changé son nom de « proud resister » en « paid resister » (résistant payé), mais a aussi spécifié dans sa biographie « (parody) », que l’on ne peut voir que si on va sur le compte en question, et qu’on prend le temps de lire sa description. Ainsi, il ne peut pas être attaqué, car il n’a pas le même pseudonyme.
Ces parodies malveillantes sont dangeureuses, car les tweets circulent de manière autonome (nul besoin d’aller sur le compte du propriétaire), et qu’une lecture rapide et passive du contenu (associé à son avatar) influence le récepteur. Ce dernier ne voit pas nécessairement la différence de pseudonyme et la confusion s’opère. Le récepteur peut être surpris du changement radical des propos de la personne qu’elle pensait légitime de suivre, ou  peut être amené à analyser la situation du point de vue opposé à ses positions initiales et ainsi douter de  la pertinence de ses positions. Puisque Ryan Knight lui semble être revenu sur ses positions, peut-être devrait-il en faire de même ?
La compréhension de cette dimension parodique « par l’audience ciblée » n’est absolument pas certaine, et ne peut être vérifiée. D’autre part, l’utilisation de Twitter dans sa politique des termes « similaires » et « de manière ambiguë ou trompeuse », montre  un manque de précision qui permet justement de contourner cette règle, avec pour défense les possibilités d’interprétations.
Les dangers des réseaux sociaux naissent sans avoir été devinés par Twitter au préalable, ainsi les contours de sa politique d’utilisation ne sont pas assez clairs pour pouvoir les prévenir au mieux. En revanche, les comptes parodiques malveillants passent entre les mailles du filet, grâce au flou juridique existant.
Alors, quelles limites entre la liberté d’expression et la légitimation des comptes parodiques ?

 

 
Si la liberté d’expression est défendue dans la politique de Twitter, elle s’effectue pour les utilisateurs au prix d’une lutte virtuelle qui sonne comme la loi du plus fort. Cela s’exprime par le degré d’efficacité dans la communication des idées, l’influence (les partages post-publication), la fréquence des publications et des interactions avec de potentiels « followers » et les followers que l’on parvient à acquérir dans un laps de temps court. Le contenu est disgracié au profit de la viralité et de la notoriété. Le processus devient plus fort que le contenu,  cela repose sur la logique même des réseaux sociaux.
L’utilisation du terme « conflit » montre que cela est partie constituante du réseau social, que ce soit de manière visible lors de débats, ou que ce soit de manière cachée à travers les comptes parodiques malveillants. Ces derniers peuvent paradoxalement pousser les militants à s’engager plus encore dans la communication de leurs idées, car ils se retrouvent dans une situation de double opposition. A la fois dans la défense de leurs idéaux dans une situation donnée, mais aussi dans la lutte contre les moyens d’usurpation légitimes de leur identité à travers la surveillance constante.  Ils encouragent aussi leurs « followers » à signaler les comptes usurpateurs malveillants : la suspension d’un compte est aussi un combat du nombre.
Ce problème est délicat, car l’interdiction de comptes parodiques mènerait à un contrôle constant de Twitter, et donc porterait atteinte à la liberté d’expression, dans un contexte où une large partie des comptes parodiques ne sont pas malveillants. Le signalement reste l’issue de secours, mais la rapidité de la diffusion des tweets, par rapport à la réaction bien plus lente des autorités questionne les nouveaux moyens de prévention, plus efficaces dans la lutte contre l’usurpation malveillante.
 
Romane Pinard
Twitter @RomanePnd
 
Sources :

La politique d’utilisation de Twitter : Comptes parodiques et Usurpation d’identité
Le Twitter de Ryan Knight et tweet publié le 20 octobre 2017
Le Twitter du compte parodique (depuis suspendu), tweet publié le 19 octobre 2017

Société

Who run the Internet ? Girls !

En ce mois de novembre 2017, le harcèlement sexuel est encore plus que jamais présent dans nos sociétés. Qu’il se manifeste au travail, à la fac, dans les transports en commun ou encore dans la rue, les femmes y sont chaque jour confrontées.

 #BalanceTonPorc

Depuis quelques semaines, l’affaire du producteur Hollywoodien Harvey Weinstein enflamme les communautés d’internautes. Les répercussions sont telles qu’il est quasiment impossible aujourd’hui d’éviter cette abondance de tweets accompagnés du hashatg #BalanceTonPorc. Cet hashtag a été lancé le 13 octobre dernier par Sandra Muller, fondatrice et directrice de la rédaction de « La lettre de l’audiovisuel », un média à destination des professionnels des médias et des instances dirigeantes. Le but de l’initiative de la journaliste ? Inviter toutes les femmes à prendre la parole sur le sujet. En résultent alors des dénonciations en cascade, comme l’illustre le cas de la militante du PCF Julia Castanier, à l’origine de ce tweet : « J’avais 25 ans et j’étais attachée parlementaire. En allant vers l’hémicycle, @jeanlassalle m’a mis une main aux fesses. #balancetonporc ». Sa révélation a par la suite poussé d’autres femmes à dénoncer à leur tour le député.

Quand les réseaux sociaux deviennent une arme
Les réseaux sociaux jouent bel et bien un rôle important dans cet éveil de la parole des victimes. En août 2012, la communauté « Paye Ta Schnek » faisait son apparition sur Facebook. Son objectif, « lutter contre le harcèlement sexiste que subissent les femmes de tous genres, de la part d’hommes ». La page s’attèle à publier des remarques sexistes entendues ici et là ainsi que des témoignages de victimes, afin de dénoncer l’omniprésence du harcèlement au quotidien.

 

 
Sur Instagram également, le 29 août dernier Noa Jansma, une étudiante néerlandaise, donnait naissance au compte @dearcatcallers. Ce « projet d’art » comme elle-même l’a présenté, avait pour objectif de montrer à tous ceux qui n’en auraient pas encore conscience, la fréquence du harcèlement de rue dans la vie quotidienne d’une femme. Pendant un mois, elle a publié 22 selfies pris avec chaque homme l’interpellant dans la rue à coups de remarques obscènes et autres insultes déplacées. Il s’agissait pour elle, comme elle l’explique dans une interview pour Konbini, d’utiliser le selfie comme une arme lui permettant ainsi « d’entrer dans l’intimité » de ces hommes de la même manière qu’eux le font lorsqu’ils interpellent les femmes dans la rue.

Des plateformes de libération de la parole : vers une justice citoyenne des réseaux sociaux ?

Ainsi, sur Twitter, Facebook ou encore Instagram, les femmes profitent de la visibilité et de la liberté offerte par les réseaux pour enfin s’exprimer sur les violences subies quotidiennement. Ce phénomène de dénonciation par le biais des réseaux sociaux offre donc à ces derniers un nouveau statut : ils deviennent de véritables plateformes de libération de la parole. Mais le réseau social est-il le lieu adéquat pour dénoncer le harcèlement ? La question fait amplement débat. Éric Naullau, invité sur Europe 1 le 17 octobre dernier, affirme que la solution ne réside pas dans « un réseau social basé sur la délation, cela passe par la loi ».
Nous sommes donc face à une tentative de la part des femmes du monde entier de gérer le harcèlement en renversant le rapport de force à l’aide des réseaux sociaux. Cette nouvelle forme d’activisme pourrait être qualifiée de « médiactivisme », un terme initié par Dominique Cardon et Fabien Granjon dans leur ouvrage Médiactivistes paru en 2010. Nous entrons en effet dans une ère au sein de laquelle, grâce aux réseaux sociaux, chaque utilisateur peut désormais réagir librement et individuellement à une cause qui lui tient à cœur. Pour reprendre les dires des deux auteurs : « les collectifs d’internet se définissent moins par des valeurs partagées que par des engagements circonstanciés »
Dans l’article de Mediapart « Manifeste pour un journalisme citoyen » publié le 14 octobre dernier, François Serrano déclarait de la même façon à propos des réseaux sociaux : « Absolument tout citoyen ayant une conscience sociale et la volonté de s’exprimer a toute la légitimité pour assumer la responsabilité d’informer ses concitoyens, avec ses propres mots, sur des sujets qu’il connaît. » Le journaliste introduisait ici l’idée d’une nouvelle forme de journalisme permise par l’émergence des réseaux sociaux, qu’il qualifie de journalisme citoyen.

Les réseaux sociaux offrent ainsi un nouveau visage à l’information et au militantisme, et la dénonciation du harcèlement qui sévit actuellement en est le parfait exemple. Dès lors, ne pourrions-nous pas pousser la réflexion en parlant à notre tour d’une nouvelle forme de justice permise elle aussi par les réseaux sociaux ? Ne pourrions-nous pas là employer le terme de justice citoyenne ? Le débat reste ouvert.
Pauline Gosalbez
Twitter @p_gosalbez
Crédit image :
Photo de couverture : Vasava Design & Branding agency
Photo 1 : Issue du compte Twitter de Julia Castanier
Photo 2: Page Facebook de la communauté Paye Ta Schnek
Photo 3:  Compte Instagram @dearcatcallers
Sources :
Lauren Morello, « Science and sexism : In the eye of the Twitterstorm ». Nature, international weekly journal of science. 11 Novembre 2015. Consulté le 18/10/2017. 
Interview de Noa Jansma (@dearcatcallers) par Konbini mise en ligne et consultée le 22 Octobre 2017.

Interview de Éric Naullau & Éric Zemmour sur Europe 1 diffusée le 17 Octobre, vidéo consultée le 18 Octobre 2017. 
Pierre Le Coz. Le Gouvernement des émotions… et l’art de déjouer les manipulations. Armand Colin. 2014. EAN13 : 9782226256997. 
Dominique Cardon et Fabien Granjou. Médiactivistes. PFNSP Collection ‘Contester’. 2010. ISBN : 9782724611687.
François Serrano. « Manifeste pour un journalisme citoyen ». Mediapart. 14 Octobre 2017. Consulté le 18/10/2017. 

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Société

Stéréotypes : sous-estime-t-on le rôle des médias dans la création d’idées préconçues ?

Une partie de l’équipe Fast’n’Curious a pu se rendre, le 8 juin dernier, au siège du Défenseur des Droits, à l’occasion de la cérémonie de remise de prix du concours Zéro Cliché pour l’égalité filles-garçons, organisé par le CLEMI (Centre pour L’Éducation aux Médias et à l’Information). En donnant l’opportunité aux élèves de primaire, collège et lycée de s’intéresser aux clichés qui façonnent les mentalités dès l’enfance, ce concours a été l’occasion pour nous de réfléchir sur le rôle des médias dans leur création et banalisation dans les esprits.

Médias et espace public : leur impact sur la création d’idées préconçues chez les jeunes

Nous sommes tous les jours confrontés aux messages médiatiques : dans l’espace publique via les panneaux publicitaires, affiches et kiosques à journaux; dans nos foyers, via Internet, la télévision, la radio, etc.; sur notre lieu de travail… Tous les canaux de diffusion d’informations nous atteignent, et sont susceptibles de véhiculer des idées qui n’ont, parfois, pour fondement, que leur notoriété, ou leur existence passée.
La publicité en est un exemple très concret. Les publicitaires raisonnent en termes de retombées potentielles, et surfent volontiers sur les stéréotypes pour arriver à leur fin : il faut attirer l’attention du consommateur, en l’approchant par l’évocation d’images, de faits ou de réalités quotidiennes susceptibles de résonner dans leur esprit. La technique publicitaire suivante, utilisée pour les produits de nettoyage, est récurrente, presque paradigmatique, mais surtout très évocatrice : il s’agit le plus souvent de mettre en scène une femme, chez elle, qui s’attache à nettoyer une partie de sa cuisine ou de sa salle de bain, en vain. C’est là que le produit en question intervient, enlevant tâches, saletés et autres ennemis de la bonne ménagère, lui redonnant sourire et énergie. Le publicitaire s’assure ainsi des retombées nombreuses, en s’appuyant sur un des piliers sociétaux les plus anciens : la femme est femme au foyer, récure, balaie et éponge. Naviguer sur les stéréotypes, c’est s’assurer que le contenu produit parle à tous, en faisant appel à une culture commune. Si du côté de la production, le mot d’ordre est « efficacité », le public instruit et averti pense « cliché », « archaïsme » et « misogynie ».
Le jeune public, lui, n’interprète pas ; il intègre juste l’image de la femme qui lui est donnée. C’est particulièrement flagrant en ce qui concerne les produits ménagers, associés à la femme, donc, mais aussi pour les produits de bricolage, dont l’utilisation est mise en scène par des hommes, ou encore pour les jouets.

Insidieusement, les petites filles apprennent qu’elles doivent jouer à la poupée, à la dinette, et se déguiser en princesse. Les garçons jouent aux super-héros, au docteur, ou bricolent. En somme, ils se familiarisent avec le rôle qu’ils seront amenés à jouer dans la société, une fois adultes. En surfant sur des idées préconçues et jugées pertinentes parce qu’historiques, les publicitaires agissent sur les mentalités des plus vulnérables et des plus influençables, les pérennisant.
Un des lauréats du concours Zéro Cliché, le Lycée Louis de Foix, à Bayonne, dénonce ces pratiques par une vidéo, déclarant sur fond d’images publicitaires : « à toi publicitaire, qui ne véhicules qu’une image sexy ou niaise de la femme. Toi qui la condamnes à nettoyer, balayer, cuisiner, à longueur de journée ». On redécouvre des publicités pour parfum ou pour produits ménagers bien connues, dont la misogynie a pu, pourtant, passer inaperçue : le consommateur, devant sa télévision, activité souvent associée à un temps de repos, se trouve en position de vulnérabilité.

Les médias, réellement fautifs dans la création des discriminations sexistes ?

La publicité n’est malheureusement qu’un canal de diffusion de ces clichés : la télévision ou Internet recèlent de multiples autres contenus (films, vidéo clips ou réseaux sociaux) eux aussi pétris de stéréotypes sexistes. Le Lycée Louis de Foix s’y intéresse également, en continuant : « à toi star de la pop qui prostitue ton image pour faire le buzz ». Shakira, Jennifer Lopez, ou Britney Spears, autant de stars mondialement connues, et références centrales dans la culture musicale des jeunes, déambulent dans leurs clips dans le plus simple appareil à coup de pauses lascives.

Emily Ratajkowski, que sa prestation dénudée dans le clip « Blurred Lines » de Robin Thicke a rendu célèbre, s’est paradoxalement attaquée à ces stéréotypes. Pour elle, qui a conscience des inégalités hommes-femmes et s’en estime être la victime, la discrimination ne se trouve pas tant dans l’usage que l’on fait du corps de la femme, mais plutôt dans la culpabilité qu’on l’incite à ressentir à la moindre mise en valeur de ses formes. Elle déplore que le terme « sexy » soit associé au terme « vulgaire » ; deux mots qu’elle positionne plutôt en antonymes. Une femme doit pouvoir s’afficher dans la tenue qu’elle veut, en bougeant son corps comme elle veut, sans se faire insulter ou juger. Partisane d’une désexualisation du corps de la femme, Emily estime que sa beauté doit pouvoir être exhibée sans être prise à parti. Etre sexy, c’est exprimer, d’une certaine façon, sa beauté, sa féminité. Au lieu de se dire « la prochaine fois, je mettrai un débardeur moins décolleté ! », elle pense que les femmes ne devraient tout simplement pas se sentir observées, épiées, objets de désir.
Ce discours féministe donne du fil à retordre aux conventionnelles ligne de combat adoptées contre les stéréotypes sexistes. Où placer la frontière entre liberté de la femme, et stéréotypes dégradants ? De plus, la vision d’Emily Ratajkowski, qui l’encourage à dévoiler sur ses réseaux sociaux des photos d’elles dévêtues, permet de relativiser la responsabilité des médias dans la création et la propagation des idées préconçues dans les mentalités. Internet par exemple devient alors une plateforme d’information, un moyen d’expression libre, permettant au contraire de dénoncer certaines injustices ou discriminations sexistes. En témoigne notamment le mouvement « free the nipple » (qui consiste à promouvoir l’exhibition des tétons sur les photos des femmes, dans l’idée de désexualiser la poitrine) qui s’est trouvé une place de choix sur Instagram. C’est également sur Internet que le nouveau blockbuster hollywoodien, Wonder Woman, réalisé par une femme, et mettant en scène une femme super-héroïne, a fait parler de lui et a été applaudi dans le monde entier en tant que succès mondial impliquant majoritairement des femmes.

L’éducation aux médias : la solution ?

Cette ambivalence du rôle des médias (instigateurs de stéréotypes et de préjugés, créateurs d’inégalités, ou moyen d’expression pour s’engager contre leur propagation ?) pose la question de l’attitude à adopter vis-à-vis de l’appréciation que l’on doit en faire.
« Le CLEMI s’efforce de donner aux médias un sens, un message, une portée, qui soient conformes à l’intérêt général, et surtout aux valeurs que nous portons, et aux principes juridiques que nous défendons tous. Le Défenseur s’est donc associé à cette première remise de prix Zéro clichés », a déclaré Jacques Toubon, alors qu’il s’exprimait devant l’audience réunie à l’occasion de la remise des prix.
Le Défenseur des Droits, qui désigne et l’institution dont la vocation est de « défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés » et de « permettre l’égalité de tous et toutes dans l’accès aux droits » (https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/institution/organisation/defenseur), et son fondateur, Jacques Toubon, compte parmi les acteurs principaux de l’éducation des plus jeunes au développement d’un sens critique vis-à-vis des médias.
« Quand un droit existe, il est proclamé », explique Jacques Toubon, que nous avons pu rencontrer lors de l’évènement organisé par le CLEMI. Mais il arrive que ce droit ne soit pas rendu effectif. Le rôle du Défenseur des Droits est donc d’essayer « de mettre la réalité de notre vie quotidienne en conformité avec le droit », ajoute-t-il. « Ceci est particulièrement vrai sur un sujet très important pour une société comme la nôtre : les discriminations. Il y a beaucoup de situations dans lesquelles des personnes sont traitées de manière inégale, sont victimes d’inégalités de traitement, parce qu’elles présentent certaines caractéristiques qui entraînent la discrimination dont elles sont victimes. L’une de ces discriminations les plus fréquentes et massives, c’est l’inégalité qui existe dans le traitement qui est fait au détriment des femmes par rapport aux hommes. »
Si le Défenseur des Droits œuvre pour la condamnation de ces discriminations, et leur sanction, il s’attache également à combattre le problème à sa racine : « Lutter contre les discriminations par la loi et par l’application du droit, ça n’est pas suffisant », explique Jacques Toubon. « Ces discriminations viennent (…) des représentations, des stéréotypes, des idées que nous avons sur les autres, ou sur la manière dont existent les rapports, par exemple entre les femmes et les hommes. » poursuit-il. « Par les moyens du droit, on ne réussira jamais à lutter contre les discriminations véritablement. C’est parce qu’on se mettra à penser autrement, parce qu’on aura des réflexes différents, qu’on pourra dire que les discriminations reculent. (…) Ce que fait le CLEMI sur Zéro Cliché participe à ça ».

« Il faut que l’éducation qui est donnée [aux jeunes] soit une éducation qui systématiquement s’efforce de détruire ou déconstruire les stéréotypes et les préjugés. », conclut-il.
Alors, faut-il inculper les médias pour leur rôle dans la diffusion de stéréotypes sexistes, ou louer la liberté d’expression dont ils sont garants ? Le débat n’est pas tranché ; mais il éclaire sur la nécessité d’aider les jeunes à s’armer d’un sens critique vis-à-vis des informations qu’ils diffusent.
Alice DOMINE
Sources :
http://www.lennyletter.com/life/a265/baby-woman-emily-ratajkowski/
http://www.clemi.fr/fr/evenements/concours/concours-zerocliche-egalitefillesgarcons/palmares-2017.html

Société

Blanc sinon rien

Votre peau de couleur vous dérange ? Pas de problème ! Grâce aux comprimés Snowz de Seoul Secret, votre peau sera blanche comme neige. Plus rapide encore, rendez-vous sur l’application FaceApp qui vous fait un ravalement de façade en quelques secondes. Quant à Nivea, il y avait de quoi affoler la Toile en mars dernier avec son slogan « White is purity ». Entre badbuzz, incompréhension culturelle et véritable tendance — le blanchiment de la peau inquiète.
 
« Être blanc, c’est être un gagnant »
Avoir une peau claire est un critère de beauté répandu depuis des siècles parmi les aristocraties japonaise et française qui se distinguaient ainsi des paysans travaillant en plein air. Aujourd’hui encore, les ombrelles se multiplient en Asie dès les premiers rayons de soleil. Le culte de la blancheur est aussi visible dans certains pays d’Afrique depuis le XVIIIème siècle, période où les colons ont diffusé les canons de beauté européens. Ce symbole de succès et de beauté pousse les femmes à éclaircir leur peau au plus grand plaisir des marques et de leur portefeuille.
La marque Snowz a fait beaucoup de bruit lors de la sortie de son spot publicitaire en janvier 2016 avec le slogan “Être blanc, c’est être un gagnant”. Cette publicité jugée raciste par les internautes et qui a fait scandale en France semble en revanche n’avoir pas fait de vague en Thaïlande, pays d’origine de l’égérie de Snowz. Certes, les critères de beauté sont différents d’une culture à l’autre, mais aller jusqu’à dire qu’avoir la peau noire relève d’un manque d’hygiène, cela ne relève plus seulement de spécificités culturelles mais de racisme. Il y a ici de véritables enjeux sociétaux et sociaux relatifs au respect de soi et d’autrui dans un monde globalisé où toutes les différences sont des richesses.

 
“White is purity”
Le 31 mars 2017, on a pu penser – peut-être à tort – que Nivea voulait s’emparer de la tendance du blanchiment de la peau avec sa dernière promotion sur Facebook. Néanmoins, on s’interroge sur la véritable intention de la marque au vu du slogan plus qu’explicite « White is purity ». En voulant promouvoir son déodorant « Invisible for Black & White » au Moyen-Orient, la marque Nivea a fâché nombreux consommateurs qui se sont indignés sur les réseaux sociaux jusqu’à accuser la marque de racisme.

Ce sont les suprématistes blancs qui ont salué la publicité en commentant la publication par des images d’Hitler ou de Pepe the frog.
 
Nivea has chosen our side and the most liked comments are glorious. »
Nivea a choisi notre bord et les commentaires les plus aimés sont glorieux. »
 
Cela dit, contrairement à Snowz, Nivea s’est empressée de retirer la publicité en présentant ses excuses pour cette publication « trompeuse ».
“Nous sommes profondément désolés que quiconque ait été choqué par ce post. Après avoir compris que ce post était trompeur, nous l’avons immédiatement retiré. La diversité et l’égalité sont des valeurs fondamentales de Nivea.” Porte-parole de Nivea, site de la BBC.
 
Plus beau, plus blanc
Dans un autre registre, l’application FaceApp tout juste lancée en janvier 2017, a aussi été accusée de racisme. Elle devait simplement rendre les utilisateurs “beaux” en les faisant sourire, vieillir ou rajeunir mais l’ajout d’un filtre “hot” (sexy) a fait le buzz puisque ce dernier blanchissait la peau. La blancheur de peau a effectivement été assimilée par l’application comme un signe naturel de beauté.

Le fondateur de FaceApp, Yaroslav Goncharov, s’est excusé face aux médias et a qualifié l’incident de « problème sérieux ». Pour apaiser les tensions en vue d’une rectification de l’application, le filtre a été renommé « spark » (étincelle).
 
Oups, je n’ai pas fait exprès, …
Ces exemples font état d’une tendance inquiétante qui continue de croître et où le type caucasien devient la norme de beauté dans le monde. Des femmes vont même jusqu’à enduire sur leur visage des préparations maison contenant de l’eau de javel.
Des marques comme Seoul Secret, Nivea, FaceApp et bien d’autres qui suivent cette tendance essaient de répondre à un besoin alimenté par la mondialisation et l’industrie audiovisuelle mais cautionnent par la même occasion ces pratiques contre nature et racistes.
Les marques sont de plus en plus proches de leurs consommateurs et ont donc, par leur pouvoir d’influence et de prescription, une véritable responsabilité notamment en matière de santé. Ainsi, les followers des blogueuses beauté n’hésitent pas à se couvrir le visage de produits conseillés par les youtubeuses. Néanmoins, en octobre 2015 les fans d’EnjoyPhoenix ont fait les frais d’un masque recommandé par la blogueuse, à base de cannelle qui causait des brûlures. Suite à ce scandale, beaucoup de youtubeuses ont pris conscience de cette responsabilité qui les incombe envers leurs fans, qui sont pour la plupart des adolescent(e)s.
Par ailleurs, au vu des valeurs de Nivea, qui promeut toutes les formes de beauté féminines, il était très étonnant de retrouver la marque au cœur d’un pareil scandale de racisme. Lapsus ou réelle erreur de communication? La question demeure car ce n’est pas la première fois que Nivea est accusée de la sorte. En 2011, la marque de cosmétiques incitait déjà les américains à se « reciviliser » en abandonnant barbe et coupe afro.

Buzz ou badbuzz, on parle des marques et elles s’en réjouissent. De plus, il semble que, dans ce contexte d’alerte permanente, la véritable catharsis a lieu à travers le scandale. Celui-ci devient le défouloir de toute une société avide de mouvement, d’intolérable et de diversion face au morne quotidien. Les foules peuvent prendre les marques comme boucs émissaires de leur violence et surtout de leur liberté d’expression quand elles ne les considèrent pas comme leurs plus proches amies.
Le badbuzz est généralement craint par toute entreprise, cependant on se demande parfois s’il n’est pas voulu. Dans certains cas, cette exposition médiatique semble même révéler les fantasmes cachés des marques. Chassez le naturel, il revient au galop.
 
Voiry Flore
 
Crédits :
http://nofi.fr/2015/09/le-blanchissement-de-la-peau-un-complexe-dinferiorite/23216
Capture d’écran compte Twitter Nivea
Capture d’écran compte Twitter FaceApp
Publicité Nivea
 
SOURCES :
• LEFRANÇOIS Carole
Publié le 02/03/2016
“Sur les docks” : la mode du blanchiment de la peau auscultée par France Culture »
 
• DUVAL Jean-Baptiste
Publié le 20/04/2017
Comment les grands groupes se transforment en machines à bad buzz malgré eux »
 
• BAPAUME Virginie
Publié le 16/03/2017
« Beauté noire : les dangers du blanchiment de la peau »
 
• La rédaction de France TV
Publié le 06/04/2017
« »Le blanc, c’est la pureté » : accusé de racisme, Nivea retire une publicité »
 
• La rédaction Il était une pub
Publié le 12/01/2016
« Scandale : la pub thaïlandaise raciste pour Snowz »
 
• La rédaction Le Monde
Publié le 25/04/2017
« L’application à succès FaceApp, qui rend les gens « sexys », accusée de racisme »
 
• LORRIAUX Aude
Publié le 19/08/2011
« Nivea retire une publicité accusée de racisme »

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Société

Touché… Coulé !

Si les bad buzz de Touche Pas à Mon Poste font bien souvent le buzz, celui du 18 mai s’abat tel une épée de Damoclès sur l’émission phare de C8 et en particulier sur le présentateur Cyril Hanouna. L’affaire secoue les médias, les annonceurs, les associations LGBT, les téléspectateurs, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA)… posant ainsi la question de la survie de l’émission ou du moins de la légitimité du présentateur à garder sa place. Il n’est pas ici question d’entrer dans le débat de savoir si oui ou non le canular de Cyril Hanouna était homophobe mais bien d’adopter une vision communicationnelle des faits.
« J’aime charrier, c’est même devenu ma marque de fabrique » Cyril Hanouna
Comme le confie le présentateur, la provocation est emblématique de TPMP. Malgré son succès que l’on évalue à 1,5 million de téléspectateurs chaque soir, les limites sont trop souvent franchies, ce qui confère à l’émission une réputation de plus en plus controversée. Un des faits les plus marquants fut le baiser (forcé) du chroniqueur Jean-Michel Maire sur les seins de Soraya Riffi. Mais pourquoi l’émission continue-t-elle à jouer avec le feu vous demandez-vous ? C’est en partie parce que cette « prise de risque » demeure un moyen efficace de maintenir l’audience pour une émission dans laquelle le contenu n’a pas de réel fondement.

Quel mécanisme se cache derrière tout ça ? Ce modèle s’inscrit dans une stratégie bien construite, qui rappelle notamment celle de la télé-réalité et qui consiste en la mise en scène du clash. En effet, le scandale, le voyeurisme ou encore le croustillant sont autant d’éléments qui attirent les téléspectateurs et qui incitent par la même à la critique. TPMP ne cherche pas l’adhésion de tous mais bien au contraire la confrontation, les élans médiatiques ou encore le bouche-à-oreille ; et c’est en cela que l’émission est alimentée jour après jour comme si de rien n’était. Ce mécanisme participe d’une forme d’économie du remplissage incarnée par l’omniprésence du commentaire que l’on retrouve également dans les émissions de télé-réalité.
 
L’heure est grave !

Lu, Chanel, EasyJet, DisneyLand, Petit Navire, Bosch, Décathlon, Pringles, Guerlain, Orange, SFR, et bien d’autres encore ont ancré sur Twitter dès le lundi 22 mai leur volonté de retirer leurs publicités du créneau horaire de l’émission. Une des questions que l’on se pose est : l’émission phare de C8 va t-elle survivre ? Le monde médiatique est orchestré de telle sorte que sans l’apport financier des annonceurs, il est compliqué de survivre.
Pour avoir un ordre d’idée, TPMP coûte à la chaîne 80 000 euros par jour et les rentrées quotidiennes des investissements publicitaires s’élèvent d’ordinaire à 150 000 euros (selon les chiffres du journal Le Monde). Suite à l’annonce mercredi 24 mai de la régie publicitaire de Canal +, Touche Pas à Mon Poste a été diffusée sans aucune publicité. Cyril Hanouna prend la situation avec le sourire. Néanmoins, comme le soulève Pierre-Jean Bozo, directeur général de l’Union des annonceurs, « les marques vont demander des engagements du producteur et de la chaîne pour qu’il n’y ait plus ce genre de dérapages » avant de revenir.

 
Un déferlement médiatique

 

Si lors des précédents scandales le malaise était déjà présent, la donne n’est pas de la même ampleur pour celle du 18 mai. Les articles fusent dans la presse généraliste, les internautes se déchaînent sur les réseaux sociaux, le CSA intervient sur Twitter, les youtubers n’hésitent pas à manifester leur avis cinglant sur les faits, les associations LGBT suivent l’affaire de près, les chroniqueurs radio rebondissent sur le scandale… Vous l’aurez compris, le monde médiatique (au sens large) a les yeux rivés sur cette affaire.
Il suffit simplement de se rendre sur l’outil Google Trends pour se rendre compte statistiquement que le l’intérêt pour le sujet a subi une montée faramineuse.
Si à première vue l’émission semble être au plus bas, il est possible que la médiatisation massive de ce bad buzz serve finalement la promotion de l’émission et permette une rétention des plus fidèles téléspectateurs.

 

Un rythme d’accusation contrasté
Le contraste entre les délais d’instruction du CSA et les réactions sur les réseaux sociaux, ainsi que le retrait massif des publicités des annonceurs est frappant. Dans un monde où l’information passe par une oreille et ressort immédiatement par l’autre, une mise en cause tardive de TPMP aura nécessairement un impact moindre que si elle était effectuée à « chaud ». Le CSA n’a pas attendu d’utiliser Twitter pour diffuser un message de redirection vers sa page destinée aux plaintes mais désormais les 25 000 individus veulent des résultats.

 

Nous observons alors une contradiction temporelle entre la viralité que permet le réseau social et les moyens d’actions du CSA. En effet, comme nous pouvons le constater sur le communiqué de presse du 23 mai, il ne peut agir sans l’intervention d’un rapporteur indépendant.
 
Une tentative d’apaisement ?
La lettre ouverte de Cyril Hanouna publiée dans Libération le 23 mai a été tardive mais entendue, de même que les excuses de la patronne de la régie, Francine Mayer, auprès des annonceurs. La nouvelle secrétaire d’État, Marlène Schiappa, a de son côté annoncé vouloir rencontrer Cyril Hanouna : « au lieu d’appeler à sa démission, je souhaite être dans un dialogue avec lui » affirme t- elle. Marlène Schiappa considère que devant une audience composée en grande majorité de jeunes, l’homme a une grande responsabilité à tenir.
À suivre…
 
Pauline Baron
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Sources
Joël Morio, « C8 à la merci de Cyril Hanouna », Le Monde, 26/05/17, http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2017/05/26/c8-a-la-merci-de-cyril-hanouna_5134483_1655027.html

Cyril Hanouna : «Ce sketch n’avait pas lieu d’être», Libération, 23/05/17, http://www.liberation.fr/futurs/2017/05/23/cyril-hanouna-ce-sketch-n-avait-pas-lieu-d-etre_1571758
Marin Chassagnon & Anthony Berthelier, « La liste des annonceurs qui lâchent Hanouna et TPMP s’allonge, C8 essaye de sauver les meubles », Huffington Post, 23/05/17, http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/23/la-liste-des-annonceurs-qui-lachent-hanouna-et-tpmp-sallonge-c_a_22105066/
« Affaire Hanouna, que fait le Conseil supérieur de l’audiovisuel ? », Le Monde, 27/05/17, http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/05/27/affaire-hanouna-que-fait-le-csa_5134727_3232.html
Jamal Henni, « La publicité dans les émissions de Cyril Hanouna suspendue « pour un temps » », BFM Business, 25/05/17 http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/la-publicite-dans-les-emissions-de-cyril-hanouna-suspendue-pour-un-temps-1171788.html
« Homophobie dans TPMP : la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa veut rencontrer Hanouna », Le Parisien, 27/05/17, http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/homophobie-dans-tpmp-la-secretaire-d-etat-marlene-schiappa-veut-rencontrer-hanouna-27-05-2017-6988647.php
 
Crédits photo
http://www.lexpress.fr/actualite/medias/hanouna-et-l-homophobie-l-animateur-multiplie-les-sequences-jugees-humiliantes_1909903.html
http://images.midilibre.fr/images/2017/05/23/1511371_772_une-hanouna_667x333.png?v=1 Capture d’écran Twitter Orange France https://twitter.com/Orange_France/with_replies Capture d’écran Twitter Guerlain, https://twitter.com/Guerlain/with_replies

Capture d’écran Google Trends, https://trends.google.fr/trends/explore?date=today%203-m&q=%2Fm%2F0h96rwf
Captures d’écran Twitter CSAudiovisuel, https://twitter.com/csaudiovisuel