Société

Un nouveau combat pour Coca-Cola

Garder une bonne image auprès de ses consommateurs et de ses employés, plus facile à dire qu’à faire. Coca-Cola est un exemple de marque qui connaît un énorme succès depuis plusieurs dizaines d’années. Le groupe a toujours misé sur des communications fédératrices, rassemblant les membres d’une même communauté tout en personnalisant ses produits pour chacun de ses consommateurs depuis 2014 (car vous avez tous cherché la bouteille avec votre prénom dans les rayons). Mais quand la marque n’est pas en guérilla avec son fidèle concurrent Pepsi, les ONG s’y mettent en dénonçant des boissons trop sucrées. Ce rapport de force entre ces deux entités nous amène à réfléchir à de nouvelles législations sur les communications des marques alimentaires.
Coca-Cola, la route vers l’obésité
La plupart le savent, boire une boisson Coca-Cola n’est pas conseillé pour entretenir un corps sain. Tout d’abord car la plupart des sodas appartenant à Coca-Cola Company contiennent du sucre, mais également car la recette mystère du Coca contient certains ingrédients dont il ne faut pas abuser, comme la caféine. Rappelons tout de même que le Coca-Cola était un médicament avant d’être commercialisé en tant que boisson. Mais selon The Praxis Project et le CSPI (Center for Science in the Public Interest), le message sur les méfaits du Coca sur la santé n’est pas assez clair. En effet, le 4 janvier 2017 en Californie, ces deux ONG ont attaqué en justice la marque Coca-Cola et L’American Beverage Association (ABA) pour publicité mensongère. Les communications du géant américain ne mettraient pas en relief les effets néfastes produits le sucre de la boisson sur l’organisme. Retour sur le communiqué de presse commun aux deux organismes :
“Les boissons sucrées sont la première source de sucre ajouté dans le régime alimentaire américain (…). Les cas de diabète en Californie on fait un bond de 50% entre 2001 et 2012. Les tendances actuelles prédisent que la moitié des enfants américains développera un diabète de type 2 dans leur vie. En outre, les taux d’obésité continuent de monter en flèche dans nos communautés, avec 9% des individus sont considérés comme obèses en 1984 et plus de 25% aujourd’hui. Ce taux devrait passer à 47% d’ici 2030.”
Selon les deux ONG, Coca-Cola ciblerait de plus en plus les jeunes consommateurs dans ses récentes communications, sans prévenir de l’éventuelle prise de poids provoquée par ses produits. En effet, les boissons sucrées comme les sodas créés par la marque participent à l’accroissement de l’obésité ainsi que du diabète de type 2 (représentant 90% des cas de diabète et arrivant en vieillissant) ainsi que les maladies cardiovasculaires.
Communiquer sans trop se mouiller

Si nous observons les récentes publicités de Coca-Cola, le message est orienté vers le partage et le rassemblement autour de la boisson. C’est le cas de la campagne créée pour la coupe d’Europe de Football, où tout le monde se retrouvait dans les rues pour cet événement, évidemment autour des produits de la marque. Un autre exemple est la publicité française diffusée février dernier : https://www.youtube.com/watch?v=sssHkwp5C5E. Dans ce spot télévisé, nous voyons de jeunes individus profiter de la vie, se rassembler pour partager un coca, amoureux, heureux, vivants. Chaque figurant est beau, élancé, sans aucun problème de diabète. Même si certaines de leurs anciennes publicités montrent des personnes danser ou faire un bowling, Coca-Cola préfère à l’activité sportive une démonstration de l’amour et l’amitié (après tout l’amour est considéré comme une activité sportive).
Alors le spectateur peut se dire qu’en consommant ce soda, il sera heureux et beau, peut être même qu’il rencontrera l’amour, sans savoir qu’il risque de grossir et d’avoir des problèmes cardiovasculaires s’il en boit trop… Pas si vivant que ça finalement le consommateur Coca ! Le dynamisme est là mais le message n’est pas très clair sur les méfaits de ce soda.
Alors, comment la marque a-t-elle répondu à l’accusation de The Praxis Project et le CSPI ?
“Depuis 2012, notre stratégie commerciale a mis l’accent sur la croissance de nos produits sans sucre. Nous savons que des millions de gens aiment le goût de Coca-Cola et nous travaillons à affiner la recette du Coca-Cola Zero pour qu’il corresponde au mieux au goût de l’original – mais sans sucre.”
– Jon Woods, directeur général de Coca-Cola Grande Bretagne

Joli rebondissement pour la marque, qui investit beaucoup dans la recherche et le développement, se plaçant donc au service de ses consommateurs. Il est vrai que les derniers produits créés suivent l’idée de réduire le taux de sucre, permettant de convaincre de potentiels consommateurs distants vis-à-vis aux sodas sucrés. Mais ces produits contiennent de l’aspartame, substance nocive pour la santé à forte dose. Coca-Cola va donc devoir innover pour trouver de nouvelles solutions pour ses boissons.
Les ONG sont de plus en plus nombreuses à demander de nouvelles législations dans le domaine de l’agro-alimentaire, à propos de la communication des grandes marques. Alors, est-ce une solution à envisager pour nos gouvernements ?
Nouvelles mesures pour un meilleur futur
Tout le monde se souvient des messages de préventions diffusés avant les dessins animés dès les années 2000 (« Mange au moins cinq fruits et légumes par jour » ou encore « Evite de grignoter dans la journée »). Ces campagnes ont particulièrement bien fonctionné. La mise en place d’un programme national nutrition santé (PNNS) en est la preuve. Malheureusement, plus de 15% des enfants en France demeurent en surpoids et 3% sont obèses. Alors, les ONG ne devraient-elles pas demander de nouvelles législations, comme le demandent les deux organisations The Praxis Project et CSPI ? La communication n’a-t-elle pas pour objectif de sensibiliser massivement à ces problèmes de malnutrition ?
Les différentes campagnes du ministère de la santé ont montré que les publicités préventives pouvaient avoir un réel impact sur les consommateurs, et qu’il était important de les sensibiliser régulièrement. Mais la communication ne doit pas être trop intrusive ou trop fréquente car le consommateur n’aime pas être contrôlé dans ses modes de vie. Il y a donc un entre-deux à atteindre. Le gouvernement communiquant déjà, pourquoi les marques ne prennent-elles davantage parti sur ces enjeux sociaux fondamentaux ?
Dans notre cas, Coca-Cola pourrait décider personnellement de s’engager sur cette question d’obésité, étant donné que son rayonnement est mondial. De plus, la marque fait partie la liste des cent marques « pouvant changer le comportement de milliards de consommateurs pour un plus bel avenir » du classement Planet Brand de Futerra, agence de communication tournée vers le changement des attitudes consommateurs. Coca-Cola a donc une opportunité qui se présente à lui : améliorer son image et faire taire les individus sceptiques en communiquant et en mettant en place des mesures contre l’obésité, le diabète… Mais comme toutes les marques, le problème qui se pose ici est la question d’image. Est-ce une réelle revendication, les actions sont-elles réellement menées pour une meilleure vie du consommateur, ou serait-ce seulement un coup de com’ ? Le futur nous le dira.
Nathanaelle Enjalbert
LinkedIn
Sources :
Béatrice Sutter, « Coca-Cola attaqué pour publicités mensongères », ladn.eu, 6/01/2017, consulté le 7/01/2017. http://www.ladn.eu/inspiration/de-la-transparence/coca-cola-attaque-pour-publicitesmensongeres/
Psychomédia, « Coca-Cola poursuivi pour avoir trompé les consommateurs », psychomedia.qc.ca, 6/01/2017, consulté le 8/01/2017. http://www.psychomedia.qc.ca/sante/2017-01-06/coca-cola-poursuivi-pour-tromperie
Crédits Photos :
Twitter https://pbs.twimg.com/media/BuQ4xYTCAAIdpN1.png:large
Capture d’écran de la publicité pour la coupe d’Europe de football 2016 http://www.sportbuzzbusiness.fr/wp-content/uploads/2016/04/publicit%C3%A9-TV-coca-cola-UEFA-EURO-2016-savoure-linstant-football.jpg
Coca Cola Web , pas de photographe indiqué http://img.e-marketing.fr/Img/BREVE/2014/10/246214/Coca-Cola-Life-arrivera-France-debut-2015-F.jpg
 
 

Médias

Les célébrités misent sur une com bourrée d'authenticité

Pour embellir toujours plus leur image les célébrités misent sur une communication originale fondée sur l’authenticité. Le succès de l’émission « Les Recettes Pompettes » qui met en scène des personnalités s’alcoolisant à l’écran est le signe d’une stratégie de communication nouvelle dans laquelle les stars ne montrent plus l’exemple.
Alcool, célébrités et plateaux TV
Alcool, célébrités et plateaux TV font depuis toujours bon ménage. Ce n’est pas un secret: la production met à disposition de l’alcool aux invités en coulisse. Marc-Olivier Fogiel explique « qu’il y a un peu de champagne en coulisses car on sait recevoir convenablement les gens » mais Thierry Hardisson, avec beaucoup moins de tact ou beaucoup plus d’honnêteté affirme que « torcher les invités c’est LE secret des talk-shows. » Il avoue même avoir être ivre au bout d’un quart d’heure sur le plateau des « Enfants de la télé ».
Le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) qui veille à ce que les contenus diffusés à la radio ainsi qu’à la télévision n’incitent pas à la consommation d’alcool ou de drogue a voté en 2008 une délibération relative à l’exposition des drogues illicites à la télévision et à la radio. Cependant elle ne mentionne pas les personnalités qui pourraient être sous l’emprise de l’alcool en plateau.
L’alcool en scène
Si l’alcool avait pour habitude d’être présent mais caché, avec les « Recettes pompettes », les personnalités s’alcoolisent devant la caméra. Adaptée de l’émission québécoise « Les Recettes Pompettes d’Eric Salvail » le concept est simple : l’invité tente de réaliser une recette de cuisine en buvant des shots d’alcool proposés par Monsieur Poulpe.

La promesse de ce divertissement est d’obtenir des réactions inattendues, des maladresses, des dérapages linguistiques. Approchant le demi-million d’abonnés sur YouTube, le format plait. Une des clés du succès: l’invité. Bien sur celui-ci doit se prêter au jeu et plus sa notoriété est élevée, plus cela attire l’attention. On pourrait se demander quel est l’intérêt de la personnalité à s’adonner à un tel spectacle, au risque de perdre le contrôle. La réponse est simple, la décontraction est à la mode.
Outre-atlantique nous le constatons avec « The Ellen DeGeneres Show », talk-show américain dans
lequel des célébrités se prennent au jeu et montrent leur visage le plus fou, Adam Devine et sa mère se sont par exemple prêtés au jeu de la pie face.

Avec les « Recettes Pompettes » l’alcool est là pour désinhiber les célébrités. Ainsi en ne contrôlant plus trop leur langue et leur cerveau, des vérités sont avouées et des personnalités sont découvertes. Les dérapages seraient donc le prix à payer pour une communication plus efficace, plus percutante et adressée à un public plus jeune, très actifs sur les réseaux sociaux; cette émission choc assure un relais des extraits sur les réseaux sociaux et une visibilité plus grande pour ces célébrités à la recherche de toujours plus d’influence.

Prenons l’exemple de Stéphane Bern, institution de la télévision française à l’image lisse, l’humour
contrôlé et la communication bien huilée. Sa présence dans cette émission surprend, lui qui est plus familier des maisons royales. D’autant plus qu’il est le premier à se lancer. Aux côtés de Monsieur Poulpe, son image est « écornée » mais c’est un homme plus proche de son public que l’on découvre, drôle et détendu. Le spectateur ressent une forme d’honnêteté de la part de l’invité, ce qui apporte une nouvelle dimension aux interviews traditionnelles.

« Recettes Pompettes »: alcool dans le verre, CSA sur le dos

La mise en scène de l’alcool par les « Recettes Pompettes » n’est pas vue d’un très bon œil ni par le CSA ni par de nombreuses associations notamment l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) qui dénoncent une apologie de la consommation excessive d’alcool. Dans l’émission « C à vous », diffusé sur France 5, les invités ainsi que les animateurs et chroniqueurs sont autorisés à boire du vin autour d’un repas. On voit donc que le problème en soit ce n’est pas la consommation d’alcool mais sa consommation excessive et surtout la mise en scène sous forme de jeu. Il y a dans les « Recettes pompettes » une déresponsabilisation des producteurs et des intervenants vis à vis des dangers de la consommation d’alcool.

Phénomène à la mode, la décontraction et le lâcher prise poussent les personnalités à se conformer à cette nouvelle mode et pour cela ils s’adonnent à des activités qui peuvent les pousser au dérapage. Le public veut de l’authenticité; avec les « Recettes Pompettes » les spectateurs se sentant plus proches de l’invité arrivent mieux à s’identifier à eux; « TPMP » sur C8 en est la preuve puisque malgré les procès et mises en garde du CSA, l’audience n’a jamais été aussi élevée. On peut donc dire que les « Recettes Pompettes » sont le symptôme d’une communication décontractée, à la recherche de buzz et d’authenticité qui alertent cependant sur les dérives d’une communication sensationnelle.
Xuan NGUYEN MAZEL
LinkedIn

Sources :

• CW, Stéphane Bern réagit à la polémique sur les «Recettes pompettes». 20minutes.fr. Mis en ligne le 07/04/2016. Consulté le 03/01/2017.

• Le rôle et les missions du CSA. CSA République Française. Consulté le 03/01/2017.
 
• Franceinfo avec AFP, Une nouvelle émission diffusée sur YouTube provoque la colère d’une
association anti-alcool. francetvinfo.fr. Mis en ligne le 04/04/2016. Consulté le 03/01/2017.
 
• 20minutes, L’alcool coule-t-il à flots sur les plateaux de télévision ?.
jeanmarcmorandini.com. Misen ligne le 20/03/2008. Consulté le 03/01/2017.
 
• Henri Poulain, STUDIO BAGEL PRODUCTIONS. Séphane Bern – Les Recettes Pompettes.
youtube.com. Mis en ligne le 13 avril 2016. Consulté le 02/01/2017.
 
Crédits :

© Salvail & Co 2014
© STUDIO BAGEL PRODUCTIONS 2016
© theellenshow 2016

 

Société

La communication selon Donald Trump

On nous avait prédit l’Apocalypse, ou parfois simplement la fin du monde sous la forme d’une troisième guerre mondiale. Les plus audacieux le comparaient à Hitler quand les sages nous promettaient une Amérique totalitaire. Force est de constater que le scénario actuel est moins spectaculaire que celui annoncé. Nous sommes ainsi contraints de nous pencher sur les ressorts de cette communication dynamitante, qui a fait d’un milliardaire aux tweets détonants le nouveau président des Etats-Unis.
Malaise dans la communication

La veille, il était encore perçu un triste clown populiste et sûrement fasciste; le lendemain il était le 45ème président des Etats-Unis d’Amérique dans l’hébétude presque unanime des médias. Le soir de son élection, son discours réconciliateur et les quelques amabilités vis à vis de son adversaire Hillary Clinton surprennent encore largement… le grand méchant loup de Wall Street aurait-il aussi des bonnes manières ? C’est à se demander dans quelle mesure les médias ont réellement compris celui contre qui ils ont fait campagne.
Si Trump a si unanimement déplu – rappelons que 6 journaux américains sur 200 l’ont soutenus – c’est par la tonalité de ses discours et la virulence de ses interventions, parfois haineuses, parfois vulgaires, toujours politiquement incorrectes. Etrangement c’est aussi la clé de son succès. De quoi mettre mal à l’aise les gardiens de bonnes mœurs.
Le discours de Trump pouvait sans doute être difficilement plus opposé à celui de son prédécesseur Barack Obama. Tribun subtil, Obama a cherché la réconciliation des communautés américaines dans la tendance qui est désormais celle du parti démocrate. A l’inverse, l’imprévisible Donald Trump n’a cessé de s’en prendre aux diverses communautés.
Et pourtant ce n’est pas au seul mâle blanc de la classe moyenne que Trump doit son élection, puisque 29 % des Latinos, 42 % des femmes (et 53 % des femmes blanches) et enfin 58 % des protestants ont votés pour un candidat aux dérapages xénophobes, misogynes et globalement insoupçonnable de puritanisme moral. De même, le milliardaire a réuni Wall Street et la classe moyenne, et cela autour d’un seul projet : « Make America great again ». Si ce n’est pas une mince affaire c’est un maigre discours, mais c’est peut-être l’élément qui a fait la différence. L’absence de projet national, d’un rêve à la hauteur de l’Amérique, aurait-il coûté la victoire aux démocrates ? C’est le diagnostic posé par Laure Mandeville dans son livre Qui est vraiment Donald Trump ?.

La journaliste qui avait prédit l’élection du candidat républicain, prouvant par là une finesse d’observation supérieure à la moyenne des observateurs, cherche à y analyser le phénomène dans toute sa complexité.
Quand l’oiseau bleu de Twitter se met à faire des « couacs »

Son triomphe, Trump le doit à sa figure sans doute plus qu’à ses discours. Il a su apparaître comme celui-à-qui-on-ne-la-fait-pas, celui aussi qui n’hésite pas à faire campagne contre la quasi-totalité des médias, celui enfin qui serait propre à défendre ses électeurs contre toutes les puissances – y compris celle de l’argent : on n’achète pas un milliardaire. Il a construit son édifice communicationnel sur une utilisation habile des réseaux sociaux : entre les mains de Donald Trump Twitter est une machine à buzz et l’oiseau bleu qui gazouille se met à faire des couacs ! Trump se situe ainsi souvent en dessous du niveau de réflexion de ses électeurs, mais il leur prouve aussi qu’il ne se soucie guère des convenances et redit encore et toujours son principal message : avec lui, les choses ne sont plus comme avant.

Comme le remarque dans Libération la chercheuse Katherine Cramer : le vote Trump c’est d’abord le vote dans un homme car « quand les gens votent pour un candidat, leur préoccupation principale n’est pas de savoir si les points de vue de cette personne leur correspondent, mais plutôt de savoir si cette personne leur ressemble.»

En accentuant le discours anti-Trump, les médias n’ont ainsi fait que renforcer sa figure. Car le candidat républicain, qui s’est improvisé son propre chargé de communication, est avant tout un pragmatique : hormis peut-être son patriotisme, Trump a misé son succès sur des actes et non des idées. Selon Laure Mandeville, une fondamentale incompréhension séparerait ainsi les médias du président élu : effrayés par les provocations de celui-ci, ceux-là ne comprendraient pas que les dérapages et les tweets ont pour fonction d’affirmer la force de son caractère encore bien davantage que celle de ses idées.
Conclusion : réfléchir avant d’inter-agir
Ainsi la communication à rebrousse poil de Donald Trump a propulsé à la tête de la première puissance mondiale l’homme le moins attendu de la campagne. Si cette stratégie, faisant la part belle à l’impulsion, forcera à s’interroger sur le caractère convenu de certains discours, elle n’en présente pas moins pour danger le risque de la réaction violente. En témoigne la récente agression d’un jeune handicapé aux cris de « Fuck Donald Trump ! Fuck with people ». A l’heure du tweet, la réflexion semble donc plus que jamais nécessaire, mais ne tiendra probablement pas en 140 caractères.
Bertrand Duguet
Sources :
• « Répliques », Le Phénomène Trump, France Culture, 24 décembre 2016
• Laure Mandeville, Qui est vraiment Donald Trump ?,Editions Equateurs, 2016
• Libération, « Trump : pourquoi les médias se sont trompés », par Frédéric Autran – 18
novembre 2016
• Libération, « Dédramatisons la victoire de Donald Trump », Par Nadia Marzouki – 17
novembre 2016

Crédits photos :
• Capture d’écran : Fusion, « The Collected Donald Trump: 107 of his worst, weirdest, and
most outrageous quotes », 24/06/16
http://fusion.net/story/305204/donald-trump-best-worst-quotes/
• Capture d’écran : Topito, « Top 12 des pires déclarations de Donald Trump, quelqu’un peut-il
le faire taire ? », 09/11/16
http://www.topito.com/top-declarations-donald-trump-le-candidat-sans-filtre
• Capture d’écran Twitter retrouvée sur le blog Elles Sandas, 09/05/16 :
http://www.ellezsandas.com/2016/06/hillary-clinton-donald-trump-fight-on.html

Société

Ni Teen, ni Milf, plutôt Com

Vous les connaissez, sûrement, vous les fréquentez, (sûrement) peut être : les sites pornographiques. Comme chaque entreprise, ces plateformes communiquent à coup de campagnes, de tweets et de buzz afin d’attirer plus de consommateurs. Mais le porno connaît la crise : dans un monde de démocratisation excessive via les plateformes gratuites, souvent illégales qui proposent le contenu des plateformes payantes, seuls deux producteurs du paysage X français subsistent : Marc Dorcel et Jacquie & Michel. Les enjeux communicationnels sont donc importants afin de tirer son épingle du jeu et résister à la pression du marché.
50 Nuances de X
La communication des acteurs du porno est très axée sur le buzz. Cependant, la communication sur le contenu pornographique correspond en tous points à celle du cinéma classique. On retrouve par exemple des sites comme die-screaming.com qui établissent des critiques de films pornos, des tops, des revues et suivent l’actualité des stars et des réalisateurs. Tout comme leurs homologues (un peu) moins dénudés, ces films et leurs castings sont présentés lors de cérémonies dans lesquelles ils reçoivent des prix et disposent même de bandes-annonces. Quid des acteurs et actrices ? Ceux-ci possèdent des comptes Instagram, réalisent des entrevues et font la promotion de leurs films sur des supports spécialisés.

Un passage un peu étroit
Ces entreprises de la pornographie ne disposent pas d’un contexte communicationnel très favorable. La crise du secteur et la difficulté de rentabiliser cette activité leur impose un budget limité alors que les objectifs sont grands. Il est indispensable de résister à la pression des sites gratuits, d’attirer de nouveaux consommateurs et faire connaître la marque et ses produits le plus largement possible. De plus, ils doivent faire face à la censure des médias en général et au puritanisme télévisuel, quand plus aucune égérie porno n’est admise sur les plateaux. En témoigne le blocage du compte Facebook de Marc Dorcel suite à la publication d’une photo d’une femme légèrement dénudée il y a 2 ans. D’autant plus que l’algorithme de censure de Facebook supprime automatiquement tous les tétons qui passent (quand bien même ils se trouvent dans une campagne de sensibilisation contre le cancer du sein). Un comble alors que la consommation de vidéos pornographiques (gratuites) ne cesse d’augmenter et représente des millions de pages vues chaque jour. Bien que le porno soit passé dans les mœurs et que les mentalités soient plus ouvertes sur le sujet, il existe néanmoins une forme de lobbying très prude qui pèse sur l’espace médiatique et restreint les possibilités de communication de ce secteur.
Une communication léchée

Malgré des réseaux sociaux assez hostiles, la communication du porno se fait essentiellement sur internet. Il est impossible aujourd’hui de passer à côté de l’utilisation de la communication digitale ; c’est en effet un média très économique, adapté au manque de budget du secteur pornographique et indispensable afin d’être vu, connu et reconnu. Marc Dorcel dispose ainsi d’un compte Facebook, de comptes Twitter, Instagram, Snapchat et d’une chaîne Youtube. Comptes sur lesquels la marque propose des opérations drôles et originales qui deviennent rapidement virales. La campagne « Sans les mains » par exemple a connu un succès phénoménal devenant un des sujets les plus commentés dès sa sortie.

Les ressources de la marque ne s’arrêtent pas là. Elle utilise tous les outils et toutes les innovations à sa portée afin de se démarquer. Elle a par exemple lancé une campagne de financement participatif simplement pour faire parler d’elle. Elle se positionne également sur le secteur de la réalité virtuelle en teasant la possibilité de bientôt pouvoir regarder des films avec l’Oculus Rift et a lancé dernièrement le porno à 360°.
Marc Dorcel est aussi un habitué du détournement d’autres marques et rebondit continuellement sur l’actualité pour promouvoir ses services. Ces traits d’humour lui offrent une grande sympathie et une énorme visibilité auprès du public, les tweets étant largement repris.

Depuis peu, Marc Dorcel s’est acoquiné avec Marcel, agence de com très innovante, preuve du potentiel de la communication dans le secteur du porno et du défi qu’elle représente. De cette association est par exemple née un coup de pub sur Snapchat nommé Snaptisfyer et illustrant l’orgasme en seulement 20 secondes que promet le nouveau jouet de la marque. La story du géant du porno permettait donc de voir la démonstration, réalisée par une animatrice, de leur dernier produit. Et visiblement, ça fonctionne. MD a d’ailleurs reçu pas moins de 5 récompenses pour sa publicité si bien huilée ! C’est ainsi une union gagnant-gagnant, puisque Dorcel acquiert en visibilité, tandis que Marcel gagne en visibilité grâce à son travail avec un des géants du X.

 

Tweet de Dorcel à propos de #Snaptisfyer
Mais la concurrence est forte dans ce domaine et les sites ou les relayeurs de pornos ne cessent de se montrer plus inventifs les uns que les autres. Pour des plateformes telles que Marc Dorcel il peut donc être difficile de faire entendre sa voix et de sortir des codes afin de se démarquer. Autre problème pour ces sites payants, les plateformes gratuites utilisent la même communication originale qui est elle aussi largement relayée sur les réseaux sociaux. Comme Pornhub et sa vidéo spéciale Noël ou encore le coup de com autour de la recherche de vidéos grâce aux emojis. Deux campagnes très virales.

Le secteur de la pornographie rivalise d’inventivité en termes de communication; un peu dramatiquement, on peut dire que leur survie en dépend. Leur touche humoristique et leur originalité séduit le public malgré la censure à laquelle ils doivent faire face. Censure qui justement, les pousse à innover sans cesse pour attirer les consommateurs. Pourra-t-on assister bientôt à une communication du porno bien plus libérée ? Probable lorsque l’on sait que des publicités n’hésitent plus à utiliser les codes de la pornographie pour séduire les consommateurs. La pornographie est définitivement en train de passer dans les mœurs. Les langues se délient et les tabous tombent.
Alexane David
Sources :
• REES, Marc, Nextinpact,  « L’éditeur Marc Dorcel bloqué 30 jours sur facebook pour une photo », publié le 15/07/14, consulté le 21/12/16
• ROPARS, Fabien, Blog du modérateur, « Interview : La stratégie digitale de Dorcel », publié le 19/08/15, consulté le 20/12/16
• PAULET, Samuel, FocuSur. « Interview : Grégory Dorcel, DG de Marc Dorcel, prince de la luxure et du X en France »,, publié le 16/11/2015, consulté le 21/12/15
• LE ROY, Sylvie, L’ADN. « Dorcel, toujours un coup d’avance », , publié le 24/11/2015, consulté le 20/12/2016
• BONNEMAISON, Romain, Paper Geek, « Pornhub : pour Noël, une pub encourage les gens seuls à regarder du porno », publié le 8/12/16, consulté le 22/12/16
• Pierre, auteur à journaldugeek.com, « PornHub : Un emoji contre une vidéo porno », Journal du geek., publié le 22/4/16, consulté le 22/12/16
Crédits  :
• Marc Dorcel
•   Photo censurée
•  Mikadulte
•  Capture Snapchat du compte twitter de Dorcel
• Vidéo youtube de la chaîne Dorcel, Anna Polina – #SansLesMains
• Screen de la page d’accueil de Marc Dorcel

Société

Je parle donc je suis: l'Agora du 93 à l'honneur dans À voix haute

Seine Saint-Denis, c’est d’la bombe bébé. Et c’est ce que prouvent les jeunes participants d’Eloquentia, le concours d’éloquence du 93. Pour la quatrième année, l’amphithéâtre de Paris 8 se transforme en arène où s’affrontent des orateurs en jean-baskets. Avec une verve décapante, ils nous livrent des bribes d’humanité poignantes. Dans À voix haute, diffusé en novembre dernier sur France 2, Stéphane de Freitas suit de sa caméra discrète et sincère la préparation d’une dizaine de ces jeunes. Pendant plusieurs mois, avocats, slameurs et metteurs en scène leur enseignent les ressorts subtils de la rhétorique. Le documentaire qui en résulte est à couper le souffle, ou plutôt, il donne envie de le reprendre dans un seul but : en parler.

L’éloquence est un sport de combat
« J’avais l’impression l’année dernière quand je suis arrivée à la fac que toutes mes origines sociales, la catégorie socioprofessionnelle de mes parents, les établissements quelque peu douteux que j’ai fréquenté (…) ça se dessinait sur mon visage mais surtout sur ma parole. » Le documentaire s’ouvre sur ce témoignage, illustration flagrante de la violence symbolique du « marché linguistique » analysé par Bourdieu dans Ce que parler veut dire. Pour le sociologue, il n’y a de bonne ou mauvaise façon de parler qu’en regard de la norme en vigueur, imposée par les « dominants », légitimée par le système. La jeune fille poursuit en racontant comment sa manière de passer des graves aux aigus la désigne directement comme issue de banlieue : « l’habitus linguistique » est socialement déterminé. Les personnes ne maîtrisant pas la forme standard du langage subissent une exclusion provoquant parfois une « auto-disqualification » qui les contraint au silence. Ce fut d’ailleurs le cas pour l’un d’entre eux: alors qu’il se retrouve à la rue suite à l’incendie de son appartement, les mots lui manquent face au mépris de France Habitation. Pas question de s’apitoyer pourtant. Bourdieu nous a appris à voir la sociologie comme « un sport de combat » : avoir conscience des déterminismes, c’est avoir les armes pour se défendre. Loin de tout fatalisme, À voix haute est le récit de ce combat.

Le réalisateur, un Richard Hoggart du XXIème siècle ?
Le réalisateur Stéphane de Freitas a grandi au sein d’une famille d’origine portugaise en Seine-Saint- Denis. Sa passion pour le basket le propulse à l’adolescence dans les quartiers chics de l’ouest parisien. « Fils de garagiste » VS « fils d’héritier » : pas facile d’y trouver sa place. Quelques années plus tard, diplômé d’ASSAS et de l’ESSEC, il fonde une association pour faciliter le lien social et repenser une société plus collaborative : la Coopérative Indigo, à l’initiative d’Eloquentia. Cette ascension éclair rappelle celle du sociologue Richard Hoggart. Recueilli par sa tante dans une famille de la classe ouvrière du Nord de l’Angleterre, il fut le « contre-exemple exemplaire » d’un boursier issu des classes populaires devenu universitaire de renom dans les années 50. Dans La Culture du pauvre, Hoggart affirmait la non-passivité des classes populaires face à la culture de masse : leurs logiques de ré-appropriation culturelle déjouaient l’idée d’individus réceptacles de la « seringue hypodermique » médiatique (Lasswell). « A la fois proche et éloigné » (1957), entre familiarité et prise de recul, la posture d’Hoggart ne tombait ni dans l’écueil du mépris ni dans celui de la complaisance. Il en est de même pour Stéphane de Freitas. Pas de voix-off ni de métadiscours : les récits de vie s’entremêlent aux performances sans jamais tomber dans le pathos sur-joué du tv show. À voix haute est un cocktail explosif que l’on sirote avec le sourire.
Des philosophes antiques au 93 : la parole efficace et poétique
« Je parlais sans prendre en compte l’efficacité, le but de ma parole. L’objectif était de parler le plus possible, un peu comme des éjaculations de poulet ». Derrière la métaphore saisissante de ce jeune homme se retrouve l’importance de la performativité, étudiée dans les travaux de John Austin. Pour ce philosophe anglais, il est possible de « faire des choses avec des mots ». La force d’une énonciation est d’abord « illocutoire » : elle est dirigée dans un certain sens par l’énonciateur. Mais la visée ultime de tout acte de langage est surtout « perlocutoire » : il s’agit de l’effet produit sur l’interlocuteur. Bien qu’on ne puisse le contrôler, on peut l’anticiper. Se confronter à un auditoire est alors le meilleur exercice qui soit.

Eddy Moniot, vainqueur d’Eloquentia 2016.
Comme Flaubert dans son gueuloir, Eddy fait parler ses textes sur les dix kilomètres séparant son village de la gare la plus proche. Pour Jakobson, on trouve du poétique dans la quotidienneté du langage. Choisir une tournure de phrases plutôt qu’une autre parce qu’elle « sonne mieux », c’est déjà user de la fonction poétique.
Discours, plaidoirie, slam, théâtre… A Eloquentia, l’expression n’a pas de limite. Un point commun : la parole. D’après la distinction Saussurienne, la parole se distingue du langage et de la langue par son caractère éminemment personnel. Parler, c’est donc « se révéler aux autres, et surtout à [soi-même] » déclare le réalisateur. Par là même, les jeunes deviennent « les héritiers de Cicéron ». Cet homme d’état et auteur latin, du 1er siècle av. JC, prône en effet la cultura animi, ou culture de l’âme. De même que l’on peut cultiver son champ, on cultive par la pensée ses idées : l’orateur est celui qui se dévoile à travers le langage.
Leïla et Victor Hugo – A voix haute – INFRAROUGE

Comme l’enseignait Platon dans le Gorgias, un orateur doit avoir la subtilité des dialecticiens, la science des philosophes, la diction des poètes, la voix et les gestes des plus grands acteurs. Alors, à Eloquentia, le corps lui aussi « parle » : on apprend à se servir de la kinésique (gestes et mimiques) et de la proxémie (le positionnement dans l’espace).
De l’importance de l’éloquence

Emmanel Macron hurle  HURLE – Heavy metal  (remix)

« On fait campagne en poésie. On gouverne en prose. » : lors des primaires qui l’opposaient à Barack Obama, Hillary Clinton avait repris cet aphorisme de Mario Cuomo (ancien gouverneur de l’État de New York). Elle cherchait alors à le dépeindre comme un candidat dont la rhétorique ne pourrait se traduire en réalité… On voit bien où ça l’a menée ! Marc Antoine, Martin Luther King et Charles de Gaulle l’avaient bien compris : un discours peut renverser le cours des choses. Mais de l’envolée lyrique à la moquerie générale, il n’y a qu’un pas. C’est ce qu’a prouvé Emmanuel Macron dans son récent meeting, largement parodié en chanteur de hard rock ou en loup en détresse à cause d’une voix un peu éraillée. A la radio, la sentence est particulièrement sévère ; Sonia Devillers l’avoue sur France Inter : « Nous passons notre temps à éliminer des invités parce qu’ils ne parlent pas assez bien ». Alors que les anglo-saxons refont du « public speaking » une discipline à part entière, les français restent maîtres dans l’art de l’élucubration soporifique. Remettre l’accent sur l’éloquence permettrait certainement de (r)éveiller les esprits… alors, qu’est-ce qu’on attend ?
Alice Fontaine
LinkedIn
Sources:
•  A voix haute, Un documentaire écrit et réalisé par Stéphane de Freitas / Co-réalisé par Ladj Ly 
(le documentaire 
n’est malheureusement plus disponible en replay)
•   Claude Grignon, « Richard Hoggart ou les réussites improbables », La Vie des idées, 24 
février 2016. ISSN : 2105-3030.
•  Barbara CASSIN, « ÉLOQUENCE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 décembre 2016.
•  Sonia DEVILLERS – L’instant M « Concours d’éloquence dans le 93 : la parole comme une arme » – France INTER, 5 décembre 2016
•  Alban DE MONTIGNY, « Stéphane de Freitas, créateur d’Indigo, réseau social solidaire », publié sur La Croix le 30/08/2016
Crédits photos:
• France 3 Régions
• Julien Pebrel / MYOP pour NEON
•  Eddy Guilloux

Com & Société

La mission Proxima : quand l'aventure spatiale retrouve son aura romantique

« Vers l’infini et au-delà »… petite pensée pour nos rêves d’enfant, nos envies d’évasion, et d’ailleurs. Et quoi de plus « ailleurs » que l’espace ? Le bleu profond de cette immense étendue n’en finit pas de fasciner : il y a dans cette contrée étrangère mille et une questions scientifiques irrésolues, et autant de mythes qui tentent d’y répondre. C’est pourquoi les photos postées chaque jour par les astronautes de la Station Spatiale Internationale (ISS) récoltent autant de « j’aime ». Le fait est que, depuis juin, leur connexion Internet s’est nettement améliorée, permettant un storytelling renouvelé des aventures spatiales.
Facebook, Twitter, Instagram et FlickR relaient des nouvelles destinées à un public de plus en plus large. La mission Proxima, qui envoie Thomas Pesquet (Fr), Peggy Whitson (USA) et Oleg Novitski (Ru) sur l’ISS, révèle l’importance des réseaux sociaux, qui sont devenus un terrain de communication privilégié pour les agences spatiales américaine et européenne (Nasa et ESA). Actuellement, ce succès médiatique est incarné par l’astronaute français, dernier arrivé à la Station et suivi par 500 000 personnes sur les réseaux sociaux.
Une star au milieu des étoiles
Thomas Pesquet a tout du héros moderne : ingénieur de formation, le jeune astronaute de 38 ans est aussi pilote de ligne, ceinture noire de judo, saxophoniste à ses heures perdues… il doit cependant en avoir peu, vu l’entraînement intensif qu’a connu le Français depuis son recrutement en 2009 par l’Agence Spatiale Européenne. Son parcours extraordinaire suscite identification et inspiration, et pas seulement à l’échelle nationale.

Si Thomas Pesquet est évidemment représentant de son propre pays — le drapeau tricolore flotte en apesanteur dans son étroite cabine — son appartenance à l’ESA est aussi une part essentielle de son identité, il est le seul représentant de l’Europe sur l’ISS. Son nationalisme n’est pourtant pas exacerbé par la distance, au contraire. Sa communication sur les réseaux se fait en français et en anglais, et est partagée par des milliers de fans à travers le monde.
Paradoxalement, à travers le regard des astronautes, ce n’est parfois plus l’espace qui représente l’étranger, mais la Terre elle-même, redécouverte. En un mois de vie astronautique, Thomas Pesquet et ses collègues ont déjà publié des photos des cinq continents. Celles-ci dévoilent des paysages étranges et magnifiques, lunaires aimerait-on écrire. Finalement, l’émerveillement de ces scientifiques extraordinaires, partagé par ceux qui les suivent, s’accompagne d’un sentiment d’appartenance et de fierté, celui un peu science-fictionnel de se sentir Terrien.
√(Science x Facebook) = pédagogie2
Ce n’est pas par hasard si l’ISS communique maintenant essentiellement via les réseaux sociaux. Jean-François Clervoy, membre du jury ayant sélectionné Thomas Pesquet, affirmait sur RTL : « c’est très difficile de communiquer sur l’espace […] il faut donc faire preuve d’une très grande pédagogie.    […] Pour cela il faut être un bon communicant, et Thomas Pesquet est très bon. ». Dans un secteur trop souvent jugé comme mystérieux, perméable au regard d’un public amateur, la nouvelle recrue était un atout majeur pour recouvrir un grand public perdu depuis le pic de fascination pour l’exploration spatiale après le 1er vol de 1961.

Premières expériences de dialogue entre Station Spatiale et Terrien lambda
Dans un registre plus interactif, Thomas Pesquet a posté une photo le 17 décembre dernier, dont la seule légende était : « quizz du soir : de quelle ville s’agit-il ? ». Cette interview avec des collégiens de Saint-Malo, en direct depuis l’espace, visait à créer un échange entre amateurs et professionnels. Une vingtaine d’autres écoles ont également été sélectionnées pour participer à ces entrevues très spéciales, un investissement qui assure une curiosité durable des élèves pour la cause spatiale.
En outre, de nombreux accords ont été passés avec différents médias nationaux et internationaux (RTL, Europe 1, Aujourd’hui en France…) afin d’assurer une transmission d’information régulière via des canaux plus traditionnels. L’ESA joue sur tous les fronts médiatiques pour assurer une relation fidélisée entre l’ISS et le grand public. Elle travaille ainsi pour une meilleure connaissance, voire une reconnaissance du travail astronautique. Thomas Pesquet confiait à ce sujet dans une interview : « Je veux montrer aux gens à quel point c’est intéressant, à quel point les recherches qu’on mène sont pour eux. ».
Comment le multimédia dévoile une science… humaine.
Le cas Thomas Pesquet n’est qu’une facette de la stratégie de communication globale mise en place par l’ESA ou la NASA pour mieux vendre l’aventure spatiale. Chaque événement majeur pour la station est un rendez-vous médiatique mondial, depuis le retour de l’astronaute Jeff Williams (#YearInSpace) jusqu’à la prochaine sortie des astronautes dans l’espace, le 16 janvier prochain.
La culture cinématographique – vecteur majeur de l’imaginaire spatial – est aussi mise à contribution. Seul sur Mars avait par exemple été diffusé en avant-première par la NASA, qui ne manque pas de donner son avis sur le degré de réalisme de chaque nouveau film de science-fiction concernant l’espace. Buzz l’Eclair de Toy Story, lui, est régulièrement utilise comme ambassadeur du monde scientifique chez les enfants. Il a, de ce fait, été envoyé dans l’espace en 2009 (sous forme de figurine), et son retour a été fêté en grandes pompes à Disneyland. L’institution scientifique se déride donc, même pour les plus grands : la NASA vient de lancer quatre centaines de GIFs sur giphy.com. Dramatique ou humoristique, l’information scientifique se teinte d’affects sur les réseaux sociaux, et pour le mieux !

via GIPHY
Pour en revenir à Thomas Pesquet, il est à noter que parmi les 200 missions qu’il a à remplir pendant son semestre dans l’espace, l’une d’entre elles consiste à filmer des images en qualité 4K en vue d’un documentaire sur grand écran. Son devoir de scientifique se décline aussi sur les terrains de la communication à court, moyen, et long-terme, histoire de « remettre la science en culture », comme le souhaitait J.M. Levy-Leblond, c’est-à-dire de « ré-attribuer à chacun à la fois la tache de produire du savoir et de le partager ».
Mélanie Brisard
LinkedIn
Sources :
• Thomas Pesquet sur Facebook
• Petit point historique par FranceTVInfo, De John Glenn à Thomas Pesquet, comment la vie en orbite a évolué , Camille Adaoust, publié le 10/12/2016 et consulté le 21/12/2016. http://
• Sur Thomas Pesquet Astronaute surdoué et as de la communication RTL, publié par Rémi Sulmont et Loïc Farge le 30/08/2016 et mis à jour le 17/11/2016, consulté le 21/12/16
• Sur la communication de la NASA par La Nouvelle République.fr, La Nasa crée sa banque de GIF de l’espace par Clément Hebral, le 14/12/2016, consulté le 21/12/2016
• Sur Thomas Pesquet, le blog de l’ESA qui lui est consacré
• Un petit essai sur la science aujourd’hui, et ses problèmes de communication par J.M. Levy Leblond, « Remettre la Science en culture » issu de Courrier de l’environnement de l’INRA n°56, décembre 2008
Crédit photo :
• Couverture : NASA
• Photos 1, 2 et 3 : capture d’écran du Facebook et du Twitter de Thomas Pesquet le 21/12/16
• Photo 4 : extrait de la couverture de La Vulgarisation Scientifique, Cécile Michaut, chez EDP Sciences, 2014. Dessin de René Pétillon.

Com & Société

Força Barça, et vive sa com !

On ne présente plus le Barça ni son mythique trio 9, 10, 11. Hors terrain, le FC Barcelone fait aussi parler de lui, que ce soit parce qu’on le voit dans les avions Qatar Airways, parce qu’il tente de se rapprocher des fans, ou encore parce qu’il fait les gros titres de la presse, notamment lorsqu’un scandale concernant les joueurs éclate.
Messi on allait prendre l’air ?
Fin 2015, Messi, Neymar ou encore Piqué se sont retrouvés sur le petit écran… de chacun des passagers de Qatar Airways, le sponsor de FC Barcelone. Les joueurs de foot se sont improvisés hôtesses de l’air : nous pouvons les voir dans la vidéo des consignes de sécurité, diffusée avant chaque vol de la compagnie qatarie. À l’occasion du court-métrage, une analogie est faite entre un vol Qatar Airways et un match que dispute le Barça au Camp Nou : un supporter fume dans les toilettes et reçoit un carton rouge, Messi et une hôtesse de l’air indiquent les sorties de secours, tandis que sous le choc de voir Piqué, les fans utilisent les masques à oxygène. Enfin, le mur du Barça et Mascherano adoptent la position de sécurité d’atterrissage d’urgence face au coup franc de Neymar… Qatar Airways a donc rendu originale et amusante la traditionnelle présentation des consignes de sécurité tout en donnant une visibilité ludique au club.

La compagnie aérienne qatarie n’est cependant pas la première à avoir associé équipe sportive et sécurité. Au cours de l’été 2015, Air New Zealand parodie le film Men in Black en choisissant les All Blacks pour sa vidéo des consignes réglementaires. Que le ballon soit rond ou ovale, il aide dans les deux cas à rendre la marque plus attrayante. Salam Al Shawa, la Senior vice-présidente Marketing et Communication de Qatar Airways déclarait à ce propos : « Cette vidéo nous donne l’occasion de montrer une autre facette de notre marque, son humour et son côté fun. ». Pour le FC Barcelone, c’est l’opportunité de rappeler l’une de ses valeurs : l’universalité. Le club veut fraterniser avec ses fans sur tous les continents pour créer un lien solide. Les joueurs sillonnent le monde, allant ainsi à la rencontre des supporters.
Une communication officielle…
Début novembre, le Barça interdisait à ses joueurs d’accorder des entrevues aux médias locaux.
Verrouiller ainsi sa communication est un moyen d’éviter toute polémique pouvant entacher la – parfois fragile – réputation de ses footballeurs. Désormais, le club catalan ne court plus le risque qu’un propos déplacé fasse la une. De cette manière, en ne donnant plus de contenu à la presse locale, le Barça met en avant ses propres médias de communication. La mesure prise par le club ne concerne cependant pas la presse étrangère, considérée comme moins concurrentielle. Seule la presse catalane s’intéresserait au quotidien des Blaugrana, faisant ainsi de l’ombre au contenu diffusé par les médias officiels.
Le Barça, « més que un club »… (« plus qu’un club »). Certainement, quand on sait que c’est aussi une chaîne, la Barça TV. Son but est de permettre aux spectateurs de découvrir le club depuis l’intérieur, d’être au plus près de l’action de Camp Nou et Palau Blaugrana. Le FCB, c’est aussi une présence sur les réseaux sociaux, et notamment sur Dugout, une plateforme entièrement consacrée au football.

… Qui se veut plus intime
Sur le réseau social Dugout, l’utilisateur choisit ses abonnements parmi de nombreux clubs, comme le Bayern, le PSG, Juventus, Arsenal… et depuis peu le FC Barcelone. Comme l’a déclaré Francesco Calvo, directeur commercial du Barça, le club « bénéficie d’un nouveau canal pour se rapprocher au plus près de ses supporters. Dugout amplifiera la diffusion de nos contenus avec de nouveaux formats qui placeront les fans au centre de l’action. ». Les fans des joueurs catalans ont donc accès à des contenus exclusifs depuis ce réseau et peuvent suivre l’équipe sur le terrain comme en dehors. Le Barça se veut plus proche de ses supporters, comme le démontre l’arrivée du club sur la plateforme. Cet effort de proximité rappelle la dernière stratégie de communication de l’entraîneur du PSG, Unai Emery. Celui-ci avait écrit directement aux supporters pour faire le bilan du premiers tiers de la saison réalisé par le club parisien.
Carton rouge à la 91ème
Messi (10). Au cours de l’été 2016, l’attaquant du Barça s’est retrouvé au cœur d’un scandale. En quelques mots, le joueur a été condamné à vingt-et-un mois de prison pour fraude fiscale : il a en effet été reconnu coupable d’avoir fraudé quant à ses revenus tirés de ses droits à l’image entre 2007 et 2009. Le Barça a vite soutenu sa « Pulga » (sa « puce ») en lançant le hashtag #WeAreAllLeoMessi (« nous sommes tous Léo Messi »).

Coup de sifflet sur les réseaux sociaux : d’abord, l’utilisation du hashtag est critiquable. Comme beaucoup d’internautes l’ont souligné : non, tout le monde n’est pas quintuple Ballon d’Or, ni ne détourne des millions d’euros, ni n’échappe à la prison. Ensuite, le Barça, en soutenant Messi, a été accusé d’être en faveur de la fraude fiscale. Une communication de crise bancale, d’autant plus que le cas de Messi n’est pas une exception. Le Barça souhaite renvoyer une image irréprochable, mais sa communication n’est pas toujours son meilleur défenseur.
Victoria Parent-Laurent
Sources:
• Vidéo YouTube Air New Zealand « Men in Black Safety Defenders #AirNZSafetyVideo » publiée le 12/08/2015
• FESTOR Gilles « Le Barça verrouille sa communication et interdit les entretiens individuels », le Figaro, 10/11/2016 consulté le 27/11/2016
• JUSOT Emilie « Qatar Airways : les consignes de sécurité à bord version joueurs de foot » publié le 29/12/2015; consulté le 28/11/2016
• ALYCE Anthony « FC Barcelone : le club ouvre un compte officiel sur une nouvelle plateforme numérique » ecofoot.fr Publié le 28/11/2016; consulté le 28/11/2016
• Paris Team « La lettre d’Emery aux supporters »paristeam.fr publié 13/10/161 consulté le 28/11/16
• Le Point « Fraude fiscale: le soutien gênant du Barça à Messi » le Point, publié le 09/07/2016, mis à jour le 10/07//2016 et consulté le 29/11/2016
• Huffington post avec AFP, « Le Barça n’aurait pas dû appeler les internautes à soutenir Lionel Messi après sa condamnation pour fraude fiscale »,  publié le 10/07/16 consulté le 29/11/16

Flops

La pilule pour homme: c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?

Décembre 1967, les femmes opprimées, mais les femmes libérées… par la loi Neuwirth. Celle- ci abroge les articles du code de la santé qui réprimaient la propagande anticonceptionnelle et autorise l’importation et la fabrication des contraceptifs. Depuis, the star, c’est elle : la pilule, ou contraception hormonale orale féminine.
En 2010, selon une étude de l’INPES (Institut National de Prévention et d’Education pour la santé), 71% des femmes de moins de 35 ans prennent la pilule pour éviter la grossesse. Et du
côté des hommes ? Eh bien toujours ce bon vieux condom, et pour cause ! Les recherches en
matière de contraception hormonale masculine menées depuis les années 70’, sont un véritable
échec, sans parler du terrible manque de communication en la matière. Mais alors pourquoi,
frein scientifique, sociologique ? En tout cas, cela ne semble encore être qu’un doux rêve.

Vade retro spermato !
Bien que les scientifiques et les chercheurs ne se soient pas dorés la pilule ces dernières
décennies, les résultats des recherches pour la contraception masculine pourraient être plus
féconds. Après tout, nous sommes au XXIème siècle et il est grand temps que la contraception
soit l’affaire de tous. « Les hommes devraient s’impliquer, c’est aussi à nous d’assumer le non-
désir d’enfant » préconise Pierre Colin, cofondateur d’ARDECOM, association créée en 1978
pour la recherche et le développement de la contraception masculine. En 2009, l’INPES tapait
dans le mille avec sa campagne pour sensibiliser tous les citoyens à la contraception. Un
discours qui envoie promener les attentes des téléspectateurs avec une campagne publicitaire inversant les rôles : et si les hommes tombaient « enceinte » à cause d’un oubli de pilule ?
Si pour des raisons évidentes, les hommes ne sont pas sujets d’une grossesse, ils pourraient bien
être les seuls responsables directs de la contraception dans le couple : depuis les années 70’,
plusieurs techniques ont été inventées. À ce jour, il existe trois méthodes principales de
contraception pour homme :
–    La contraception hormonale, reconnue par l’OMS (Organisation Mondiale de la
Santé) et testée sur plus de 1500 hommes ces quarante dernières années.
–    La contraception masculine thermique, mise au point au CHU (Centre Hospitalier
Universitaire) de Toulouse et qui consiste à remonter les testicules vers le haut du
corps dans le but d’augmenter leur température, qui passe alors de 34°c à 37°c,
permettant ainsi de diminuer significativement, voire supprimer, les
spermatozoïdes.
–    Et enfin, la vasectomie, une méthode marginale et brutale, car définitive.
Un intérêt grandissant donc… Mais toujours rien de probant !
Soyons clairs : scientifiquement parlant, la pilule pour homme existe déjà. Elle est testée en
France depuis les années 70’, notamment par le Docteur Soufir, médecin à l’hôpital Cochin à
Paris. Pourtant, sa commercialisation n’est pas pour demain, et le meilleur moyen de s’en rendre
compte est d’analyser le sujet du point de vue de la communication et de la médiatisation.
L’année 1982 est importante dans l’histoire de la contraception puisque c’est à cette date que
l’interdiction de toute publicité pour les contraceptifs est supprimée. Cependant, jusqu’à ce jour
la communication à ce sujet est un échec retentissant : mis à part la pile d’articles qui rappellent
que tout cela est bien joli mais pas encore tout à fait réalité, les informations sur le sujet sont
rares. Sur Internet, il est presque impossible de trouver des résultats concrets pour la
contraception masculine. Par exemple, le youtubeur Pitoum explique dans l’une de ses vidéos
que l’association française pour la contraception a produit une web-série pour présenter les
différentes méthodes de contraception. Belle initiative ! Mais voilà, sur les six épisodes en
ligne, un et seulement un, nous avertit de l’existence d’un contraceptif masculin : le préservatif.
Alors à quoi tient l’origine de ce flop communicationnel, ou plutôt cette absence de
communication ?
Une pilule qui a du mâle à passer
Cause de ce silence quasi parfait ? Très probablement la dimension sociologique du sujet, la
pilule étant le symbole historique de la libération des femmes. Dans un article du magazine
Society, le docteur en sociologie Cyril Desjeux explique que « La contraception masculine […]
peut être perçue comme un retour à une forme ancestrale de domination masculine vis-à-vis des
femmes qui se sont battues pour maîtriser leur corps : la pilule, c’est un droit qu’elles ont gagné ;
la pilule masculine, ce serait comme leur retirer ce droit. »
Mais cela n’empêche en rien une évolution des mentalités. Le 27 mars 2015, l’émission Les
maternelles lance une étude auprès de ses « maternautes ». Résultat : 60 % des femmes se
disaient prêtes à confier la responsabilité de la contraception à leurs hommes. Cela ne veut évidemment pas dire que ces messieurs se sentent parés pour une telle expérience, loin de là.
Beaucoup d’hommes disent ne pas être prêts à assumer la responsabilité de la contraception au
sein du couple ou considèrent encore la prise de la pilule comme une atteinte à leur virilité.
Par ailleurs, l’un des principaux arguments rédhibitoires seraient les potentiels effets
secondaires liés à la contraception masculine (acné, comportement dépressif, augmentation
significative de la libido chez les hommes), ce contre quoi certains acteurs s’insurgent. En effet,
les mêmes effets secondaires existent en ce qui concerne la pilule, hormis la libido qui a plutôt
tendance à baisser. Au début du mois de novembre, une vidéo sur Facebook mettait en scène
une jeune femme se moquant avec ironie des hommes ayant abandonné les tests de
contraception masculine parce qu’ils ne pouvaient supporter les effets secondaires. « Pauvres
garçons ! » blague-t-elle, « toutes les femmes les ont subis». C’est aussi l’idée qu’a voulu
transmettre Courrier International cette semaine, « il est temps de s’y mettre, les mecs ! ».
La pilule pour les hommes n’est donc pas prête à voir le jour pour le moment. En fait, la
meilleure méthode contraceptive pour ces messieurs reste encore de bonnes vieilles chaussettes dans les sandales !
Camille Laine
Sources:

COUTARD Hélène, LEGRAND Victor « Une pilule qui passe mâle » Society, 17-24 octobre 2016 consulté 20/11/2016; accessibilité Paris Sorbonne Universités
RODIN Gaëlle, DESFFRESNNES Marie, « Et si les hommes tombaient enceintes ? » Madame le Figaro, 25 septembre 2009. Consulté 01/11/2016
LEMBEZAT Carole « Contraception. La pilule pour homme, ce n’est pas pour demain. » Courrier International. Publié le 02/11/2016. Consulté le 02/11/2016
Marcos Ministère de la Santé INPES, vidéo diffusée en 2009. Consulté le 20/10/2016
Chaine YouTube « humour, parodies, concerts et diaporamas » 22/10/2009
GUERRE François, THIEBAUD Olivier, LAPLATTE Stéphane, MENEGHETTI, web-série Mégabit :
tout sur les idées reçues en contraception, Consulté le 25/10/2016.
PITOUM (chaîne YouTube) «La contraception masculine – HARDSCIENCES #4» Publiée le 05/04/2016, consulté le 25/10/2016
Page facebook Fusion

Crédits:

Magazine Society,  illustrations de Pierre La Police, photo à la Une
madame.lefigaro.fr

Com & Société

Le combat des Amérindiens : touche pas à mon dialecte !

À l’heure où notre monde s’uniformise, le langage n’est malheureusement pas épargné. Si comme l’évoque le philosophe roumain E. M. Cioran « on n’habite pas un pays, on habite une langue », alors celle-ci est au cœur de l’identité culturelle de chacun. Triste constat pour les Amérindiens qui depuis des années, voient considérablement diminuer le nombre de locuteurs de leurs langues autochtones.
En 1992, le physicien américano-canadien Krauss, estimait que 90% des langues amérindiennes ne survivraient pas au XXIe siècle. Pour des peuples aux richesses linguistiques traditionnellement essentielles, il semble légitime de parler de catastrophe culturelle face à un tel phénomène. Malgré les démarches tâtonnantes de certains États d’Amérique latine et centrale, aujourd’hui l’alerte est lancée : S.O.S dialectes en voie de disparation ! Comment les préserver ?
Uniformisation rime avec disparition
Remontons un siècle et demi en arrière, lorsque les colons américains achevaient leur conquête territoriale en cloîtrant l’ensemble des tribus indiennes dans des réserves, lorsque la politique d’assimilation battait son plein, lorsque l’on imposait aux autochtones de renier leurs valeurs, leur spiritualité et bien sûr… leurs langues originelles. C’est à ce moment-là que l’uniformisation des langues a commencé.
« Un bon Indien est un Indien mort » : cette règle d’or, énoncée par le général américain Philip Sheridan, enclencha les politiques d’acculturation et d’assimilation. Ainsi, les jeunes de chaque tribu étaient emmenés dans des pensionnats où on leur interdisait de parler leur dialecte maternel, où on leur inculquait une éducation et une religion chrétienne, et où on effaçait toute trace culturelle de leur appartenance au peuple amérindien.

Il y eut bien sûr des conséquences immédiates, mais c’est aujourd’hui que l’on peut réellement parler de communautés linguistiques en voie de disparition. Le schéma est simple mais fatal : diffusés avant tout oralement, les dialectes ne restent gravés que dans la mémoire de ceux qui les parlent ; la plupart étant exclus du système éducatif, seule la transmission intergénérationnelle peut encore les faire perdurer. Celle-ci, ne tenant qu’à un fil, est fragilisée par l’évolution des formes linguistiques actuelles, qui tendent à se simplifier et à se rassembler autour d’une langue prédominante. En somme, quand le langage se limite à une fonction d’« utilité », la tradition, la diversité et l’ethnicité ne sont plus les mots d’ordre.
Les dialectes amérindiens : la Communication avec un grand C
Bien plus qu’un simple moyen de communication, un dialecte construit l’identité d’un peuple, et c’est tout particulièrement vrai chez les Amérindiens. Fondée sur le respect de la terre ancestrale, la spiritualité de la nature et son apport à l’homme, cette identité s’exprime par une communication atypique où prédominent la gestuelle, l’oralité, les symboles… En cela, chaque mot possède une empreinte sémiologique et historique considérable dont dépend la culture amérindienne. Or, de nombreux dialectes amérindiens ont déjà disparu, et avec eux l’identité et l’histoire d’un peuple.
 

Loin des textos, tweets et chats, les formes du langage des Autochtones se différencient nettement des moyens de communication qui prévalent dans nos sociétés actuelles. Les valeurs traditionnelles au cœur de l’identité de ces peuples, s’opposent à une communication de plus en plus désincarnée et indirecte. Dès lors, la fin de ces dialectes est-elle la conséquence inéluctable de l’évolution des formes du langage ? Ne sommes-nous pas en train de perdre l’essence même de la communication ?
La solution pour sauver ces langues menacées serait alors d’unir deux champs intrinsèquement opposés : allier tradition, diversité et portée culturelle des dialectes, aux moyens de communication modernes et universalisés. Des armes douteuses et fragiles, un combat qu’il est décidément difficile de mener à bien.
Les derniers mots des condamnés ?
Ne fermons cependant pas les yeux sur les démarches engagées par certains États latino-américains visant à revitaliser les langues autochtones des tribus encore majoritairement présentes (comptant encore aujourd’hui des dizaines de millions d’Indiens) sur ces territoires. Prévues dans le cadre du droit démotique (qui implique la prise en compte des minorités, des communautés linguistiques et religieuses dans l’ordre juridique), de nouvelles législations voient le jour ; comme par exemple celle de l’aménagement linguistique dont l’objectif est soit de reconnaître les divers dialectes comme des langues officielles, soit de réglementer leur pratique par la création d’académies dédiées.
Cependant, un manque de volonté à double facette ralentit le processus. D’une part, l’enseignement public n’est pas encore prêt à s’investir juridiquement et économiquement parlant. Hésitante et superficielle, cette politique de revitalisation des langues autochtones qui impose un enseignement bilingue obligatoire, n’est pas systématiquement respectée. Pourtant, des études sociolinguistiques mises en place, notamment par le Groupe de travail des Nations-Unies sur les populations autochtones, montrent que ce sont les enfants ne recevant pas un enseignement dans leur langue maternelle, qui connaissent les résultats scolaires les plus faibles.
D’autre part, tel que le montre Fernand de Varennes dans son article Language, Rights and Opportunities : The Role of Language in the Inclusion and Exclusion of Indigenous Peoples, un réel manque d’implication des populations autochtones elles-mêmes se fait sentir. En effet, certains Amérindiens ne voient pas d’utilité à la pratique de leur dialecte, puisque c’est la langue dominante qui est associée à l’insertion professionnelle et sociale.
Dès lors, la question se pose : à quoi bon se battre si les Amérindiens eux-mêmes ne croient plus en l’importance de leurs traditions ? Le mouvement doit provenir des membres de ces communautés pour que le combat ne s’essouffle pas de lui-même.
Byron Shorty, un Navajo qui ne donne pas sa langue au chat
Créateur du site « Navajo Wotd », Byron Shorty, originaire de Winslow en Arizona et proche d’une branche gouvernementale de la nation Navajo, est un jeune issu de la réserve. Empreint de l’histoire de son peuple, il semble proposer une alternative intéressante à la question de la revitalisation des langues autochtones. Un espoir, un tremplin, une innovation ? Son concept est simple, original et attrayant : il poste tous les jours sur son site un mot en Navajo, dont il donne la traduction, la définition et la prononciation.
L’universalité d’Internet permet alors une redécouverte ludique de la tradition Navajo et en assure la perpétuation. C’est d’ailleurs le but premier de Byron Shorty : « Ce qu’il y a de mauvais dans les techniques d’apprentissage du Navajo aujourd’hui, c’est que ça n’excite pas les gens. Ils le vivent comme une gigantesque obligation, mais ça ne leur apporte pas une grande satisfaction. En utilisant les nouveaux médias et quelques éléments de design, je me disais, pourquoi ne pas commencer avec le truc le plus basique ? Un mot. »

Un début certes, mais un début innovant, original et prometteur. En prônant les valeurs traditionnelles de son peuple, Byron Shorty souligne discrètement mais fermement, l’importance majeure de la préservation des langues et de leur diversité ainsi que l’ampleur du danger culturel encouru. Si la bataille n’est pas encore perdue, on est loin d’entendre s’élever le cri de la victoire.
Madeline Dixneuf
Sources:

Sens public, La revitalisation des langues amérindiennes en Amérique Latine, Sabine Lavorel – Publication : 2 mars 2015 – Consultation : 6 novembre 2016
L’Obs, avec rue 89, L’Homme qui fait vivre le Navajo sur internet, Kim McCabe –  Publication : 10 juillet 2015 – Consultation : 2 novembre 2016
Atlas des langues en danger dans le monde, projet UNESCO – Publication : 2011 – Consultation : 6 novembre 2016
Le temps, Navajos les guerriers des mots, Xavier Filliez – Publication : 5 juillet 2016 – Consultation : 6 novembre 2016
Les langues amérindiennes : états des lieux, Colette Grinevald, Lyon2 SDL & CNRS – Publication : 4 juillet 2005 – Consultation : 13 novembre 2016
Language, Rights and Opportunities : The Role of Language in the Inclusion and Exclusion of Indigenous Peoples, Fernand de Varennes – Publication : 17 février 2012 – Consultation : 13 novembre 2016

Crédits photos :

Brulé War-Party. © Taschen, Edward Curtis
Little goguette, carnet de voyage pour famille intrépide
Blog, le langage des signes des indiens des plaines, WICASA SIOTANTKA
Portrait de Byron Shorty

Agora, Com & Société

#MorandiniGate : buzz ou moralité ?

Cet été, les révélations sur la web-série de Jean Marc Morandini n’ont pas pu vous échapper ! Face à un intense acharnement médiatique, JMM n’a pas réussi à garder son sang-froid. Entre une brève conférence de presse et une forte propagande sur son blog, le journaliste n’a pas appliqué les règles de base d’une communication de crise : prise de conscience de la gravité des actes, évocation du fond de l’affaire et réponse aux interrogations du public. Cette communication ratée a renforcé sa culpabilité aux yeux de l’opinion. Si Europe 1 a évincé le présentateur, iTélé a annoncé son retour sur la chaîne avec une émission quotidienne intitulée « Morandini Live ». Quand justice, morale et audiences s’emmêlent.
Rédaction : 1 ; Direction : 0 !
Le retour de Morandini a éveillé de fortes tensions au sein de la rédaction d’iTélé. Les journalistes voient cette arrivée comme destructrice pour l’éthique du journalisme et pour l’image de la chaîne. En effet, l’image d’une chaîne d’info sérieuse ne semble pas coïncider avec un présentateur accusé de corruption de mineurs. En plus d’une grève et d’une motion de défiance, les journalistes ont déployé une communication massive. Le Monde a notamment publié une tribune de la Société des journalistes, implorant Morandini de renoncer à sa venue. Mais une guerre moderne ne serait pas communicationnelle si elle n’était pas numérique. Le hashtag #JeSoutiensItélé est vite devenu TT (toptweet) France, relayé par de nombreux journalistes et téléspectateurs. L’implication du public a pris une telle ampleur qu’une pétition contre JMM a été lancée.

Face à cet engouement, le groupe a répliqué avec son argument principal: #JeSoutiensLaPrésomptionDinnocence. S’il a été retweeté par Morandini, ce hashtag n’a finalement pas connu un grand succès…
Le privilège de l’audience
La nouvelle image que devait bâtir la chaîne en se rebaptisant Cnews est entachée par la polémique. Face à des employés et à un public mécontents, la communication de la direction se fait attendre. Au lieu d’apaiser les tensions, elle s’est opposée au reste du monde. La guerre numérique pouvait paraître bon enfant, mais la proposition d’une clause de conscience, si elle avait pu constituer une communication efficace (la direction se montrant alors compréhensive), sonne comme une injure pour les journalistes, invités à accepter ou à démissionner. Celle-ci fut alors perçue comme une simple formalisation juridique de la provocation de Serge Nedjar, patron d’iTélé : « Si vous n’êtes pas contents, vous n’avez qu’à partir».
La stratégie du groupe – ne jamais baisser la garde, donne l’impression d’un refus de régler le conflit. Mais pourquoi défendre un présentateur tant rejeté par l’opinion ? Pour défendre l’ami de Vincent Bolloré, pour essayer de faire de l’audience quitte à sembler immoral ? Une telle polémique pourrait effectivement attirer les téléspectateurs, curieux de voir si JMM saura rebondir ou bien s’il subira l’humiliation. L’audimat serait donc privilégié au détriment de l’image de marque. Pari très risqué pour iTélé !
(In)succès
Lundi 17 octobre, point culminant du scandale : nouvel article des Inrocks révélant une nouvelle affaire de corruption de mineurs impliquant Morandini, nouveau déchaînement médiatique, grèves et bataille numérique. Bref, de quoi déstabiliser JMM pour sa première. Si le présentateur le précédant a laissé l’antenne sans lui adresser un mot, il n’a rien laissé paraître. Néanmoins l’émission a donné à la twittosphère de quoi alimenter les conversations, du sujet sur la série New York, unité spéciale (sur la lutte contre les agressions sexuelles) aux problèmes techniques et aux nombreuses allusions à ses détracteurs. Stéphane Plaza s’est fait lyncher pour avoir fait sa promo à travers l’émission, tandis que les annonceurs, refusant d’être associés à l’animateur, ont laissé les coupures pub démunies.

Sur son blog, JMM s’est trop vite réjoui des premières audiences, sûrement dues à une simple curiosité. Dès le lendemain, les audiences ont chuté. La stratégie de la direction a donc échoué, s’attirant au passage les foudres du public et de ses propres salariés. Mais depuis ce jour, la com’ de la direction a pris un tournant inattendu : émission introuvable sur le site d’iTélé, suspension provisoire du programme et nouvel habillage remis à plus tard. Bref, la chaîne semble prouver son incapacité à gérer la crise.
Comment faire croire aux employés qu’on les comprend en éliminant le problème seulement pendant la durée de la grève ? Les tensions entre salariés et directeurs ne vont certainement pas s’estomper de sitôt.
La question reste de savoir si la présomption d’innocence est applicable à une personnalité publique ou si la moralité devrait l’emporter. Quoi qu’il en soit, la réputation d’un homme semble pouvoir déteindre sur l’image d’une chaîne, et la polémique n’amène jamais de bons résultats. Entre le Morandinigate et la nouvelle grille des programmes, Cnews n’en a pas fini avec les polémiques. Affaire à suivre…
Charlotte Delfeld
Sources :
– Delcambre, Alexis et Picard, Alexandre. « I-télé: Morandini à l’antenne, malgré la grève ». Le Monde. Publié le 18/10/2016. Consulté le 18/10/2016.
– Kucinskas Audrey. « Affaire Morandini : comment l’animateur gère sa crise grâce à son blog ». L’express. Publié le 09/08/2016. Consulté le 15/10/2016.
– Le Point. « Affaire Morandini : la guerre des hashtags ». Publié le 15/10/2016. Consulté le 16/10/2016.
– Morandini, Jean Marc. « Le Monde publie une tribune de Jean-Marc Morandini qui répond à la société des journalistes de iTélé». Publié le 14/10/2016. Consulté le 16/10/2016.
Crédits photos:
– Closer
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