Politique

Y a-t-il un comique pour sauver l'élection ?

En 1995, les humoristes de l’émission satirique Les Guignols de l’info ont grandement participé à la victoire de Jacques Chirac aux élections présidentielles. En effet, il était présenté comme un homme bon vivant, au comportement supposé proche de celui du Français moyen, ce qui lui assurait un important capital de sympathie. Cette intrusion de la sphère comique dans les élections se retrouve également aux Etats-Unis, et prend des formes à la fois plus hybrides et plus prononcées.
Dès lors, de quelle manière les hommes et les femmes politiques tentent-ils de contrôler l’incontrôlable représentation humoristique dont ils sont l’objet ? Et joue-t-elle en faveur du candidat sur les plans politique et médiatique ?
« Dans l’autre, on trouve toujours un peu de soi »

Aux Etats-Unis, certaines émissions humoristiques se veulent être le reflet de la société dans son ensemble. Dans le cadre des élections présidentielles, ce rôle miroir prend encore plus d’importance, comme on a pu le voir avec Saturday Night Live par exemple. Cette émission, créée en 1975 par le producteur Lorne Michaels et diffusée sur NBC, est devenue célèbre pour ses nombreuses imitations satiriques, notamment celles de personnalités politiques. La ressemblance avec les humoristes témoigne de la qualité de l’émission : il aura fallu plusieurs mois pour trouver Tina Fey, l’humoriste incarnant Sarah Palin.

Saturday Night Live accueille chaque semaine une célébrité qui prend le rôle du présentateur et c’est sur ce point précis qu’elle a fait parler d’elle il y a peu. Le 7 novembre 2015, c’est Donald Trump qui a été choisi pour présenter l’émission. Il ne s’agissait pas de tourner au ridicule le comportement ou le caractère du personnage, mais de lui offrir ce que certains ont pu analyser comme une sorte de tribune lui permettant d’accroître sa popularité. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce type d’exposition peut être contrôlé par l’équipe de campagne : il y aurait une sorte d’« exception humoristique » qui pourrait placer le candidat en position de force par rapport aux satiristes.
« Comme un cheveu sur la soupe de l’élection »
C’est Donald Trump qui cristallise les tensions dans cette campagne 2016 et qui s’est retrouvé au cœur d’une autre polémique en septembre dernier. Il a été reçu par Jimmy Fallon pour une interview dans son émission Tonight Show with Jimmy Fallon. Il ne s’agissait pas de l’interroger sur son programme politique mais de donner l’impression d’une discussion conviviale : l’image la plus commentée sur Internet a été celle de Jimmy Fallon ébouriffant les cheveux de Donald Trump. Les accusations se sont multipliées : certains se sont demandés quelle était la légitimité de l’humoriste pour interroger un candidat à la présidentielle, surtout si cela ne visait pas à soulever des points intéressants de son programme.

On s’éloigne par conséquent de l’infotainment que l’on connaît en France, et dont Yann Barthès est le chef de file. Jimmy Fallon et David Letterman qui le précéda, sont des humoristes, ils n’ont jamais prétendu être des intervieweurs politiques ou même des animateurs, mais ce n’est pas pour autant que leurs émissions n’ont pas une incidence sur les téléspectateurs et sur leurs votes. Ainsi en 2008, John McCain avait annulé à la dernière minute son passage au Late Show with David Letterman, lui préférant une émission politique reconnue, celle de Katie Couric. Vexé, David Letterman avait alors déclaré que le chemin vers la Maison Blanche passait obligatoirement par son plateau, et que John McCain s’en mordrait les doigts pour l’avoir manqué. La défaite du candidat républicain quelques mois plus tard a semblé confirmer ses propos.
« Il faut cultiver notre jardin »
Dès lors, il faudrait considérer l’humour (mis en scène, et non pas seulement glissé dans un discours) comme une stratégie de la communication, visant à toucher un public plus large et peut-être même plus jeune. La première tentative avait été faite par Barack Obama, alors qu’il avait déjà été élu Président mais qu’il souhaitait faire la promotion d’Obamacare : il avait été reçu par l’humoriste Zach Galifianakis dans une parodie de Late show, intitulée Between Two Ferns with Zach Galifianakis et diffusée uniquement sur Internet, sur la plate-forme Funny or Die qui a depuis ouvertement affiché son soutien au Parti Démocrate.
Ainsi le 22 septembre 2016, le même programme a reçu Hillary Clinton et ce, à la demande de l’équipe de campagne de la candidate, en la soumettant à des questions pour le moins ironiques et dérisoires telles que « Avez-vous déjà pensé à être plus raciste ? ». L’objectif était de donner une image plus sympathique et détendue de la candidate, car c’est sur ce point que se concentrent beaucoup les critiques du Parti Républicain.

Finalement, cet investissement n’a qu’un seul but : séduire l’électeur par le ludique s’éloignant ainsi du purement politique. La personnalité du candidat ne s’exprime plus uniquement à travers les points forts de son programme, mais se découvre également à travers les émissions humoristiques auxquelles il participe. Ces interventions restent contrôlées par les équipes de campagne, ce qui fait que le comique reste au service de la communication du candidat sans réellement pouvoir changer la perception que l’on a de la campagne, et ce même si elles peuvent apparaître comme des prises de risques et parfois même comme des actes subversifs.
Justine Ferry
Sources :
– Fey, Tina. Bossypants. Little, Brown and Company, 2011. 0-316-05686-3
– wikipedia; Saturday Night Live (consulté le 30/10/16)
– Carter, Bill (mis en ligne le 24/09/08 / consulté le 30/10/16)
– Hughes, William (mis en ligne le 29/10/16 / consulté le 29/10/16)
– Memoli, Michael A. (mis en ligne le 22/09/16 / consulté le 29/10/16)
– Saraiya, Sonia (mis en ligne le 16/09/16 / consulté le 30/10/16)

Politique

"La France prise en otage": 3 mois de déchaînement sémantique dans les médias

Depuis trois mois déjà, la France est au bord de la crise de nerf. Le temps médiatique s’ajuste au rythme des derniers rebondissements d’un mouvement social de grande ampleur, qui se base comme on le sait sur le refus d’une réforme du Code Civil concernant les règles qui régissent le travail.
Contrairement aux protestations passées, on peut dire que d’un point de vue communicationnel ce mouvement dénote par son originalité. Originalité de la manifestation avec l’organisation des Nuits Debout place de la République à Paris par exemple, mais aussi originalité des moyens et des supports de transmission avec Periscope et la multiplication des « radios Debout ».
Envahissant les colonnes des journaux et les grilles des radios et télévisions, ce mouvement global de contestation, de Nuit Debout aux récentes grèves, est plus que jamais l’objet d’interprétations et de mises en scènes médiatiques. Puisqu’il n’y a jamais de mot au hasard, il est intéressant d’observer les manifestations sémantiques qui découlent de ce brouhaha de revendication et d’altercations.  
La sémantique de la peur : 3 mois de couverture, entre bruit et fureur médiatique

Comme le rappelle un article d’Acrimed, faisant un état des lieux de la médiatisation de la contestation, la réforme du code du travail suscitait dès septembre 2015 l’affolement des médias et un déchaînement sémantique pro-réforme. Loin d’une pluralité des discours médiatiques, le Code du travail est décrié par des journaux de tous bords, et la réforme montrée comme libératrice. On observe ainsi la reprise de nombreuses formules prônant une libéralisation du travail, comme celles de « dynamiser » ou « d’assouplir » le marché. Quand L’Opinion préconise de « déverrouiller le code du travail », Le Monde plaide que « Le Code du travail n’est pas une vache sacrée ». Il y a là une logique de démystification de cet objet symbolique, considéré comme un poids mort et rétrograde.
Une vidéo enregistrée pour l’émission de radio « Là-bas si j’y suis » montre que les médias se sont par la suite concentrés sur les effets des grèves et non pas sur leurs causes. En insistant sur la pagaille et l’énervement suscités, les discours des journalistes offrent une vision d’une France sombrée dans le chaos. L’expression de la contestation adoptée par une grande partie des médias est alors celle du français qui, agacé des mouvements de grève, revendique son « droit à travailler ».
Et les ennemis du dialogue social sont tout trouvés : quand ce n’est pas la CGT, ce sont les fameux « casseurs ». On dénonce alors l’escalade de leur violence, motivée par une rage baptisée « haine anti-flic ». Et certains n’ont pas lésiné sur les comparaisons douteuses… Quand Pierre Gattaz accuse Philippe Martinez de « terrorisme », Franz-Olivier Giesbert ose la comparaison entre Daech et la CGT, qui retiendrait tout bonnement la France « en otage ». Bref, le pays semble s’effondrer, la confusion est totale, et la sémantique apocalyptico-médiatique surfe sur une vague de peur incontrôlable et incontrôlée.
Les mots ont un sens
 

 
Dans son ouvrage Des miroirs équivoques, Louis Quéré nous rappelle la fonction sociale qu’occupent les médias. Il insiste particulièrement sur la visée identitaire des médias « positionnés dans un univers d’intérêts et de rapports de forces » dans lequel ils occupent un « rôle de fondation », « supports pratiques d’un mode historique d’objectivation de la médiation symbolique constitutif d’un système socio-culturel ». Par leur mode de narration, les médias se font « le théâtre des pratiques sociales ; ils donnent une assise à l’identité et à l’action individuelle et collective ». On ne peut donc que déplorer la quasi absence de pluralité des angles donnés aux contenus médiatiques sensés commenter les évènements.
Cet affolement médiatique et de cette confusion sémantique généralisée nous rappelle à quel point les mots ont un sens. Pierre Bourdieu dans Ce que parler veut dire entame une réflexion sociale sur le langage. Il y voit la société comme un marché, où le pouvoir s’exerce à travers une violence symbolique, bien plus intense que la violence physique, et dans lequel le langage est un échange de signes plus ou moins valorisants. Lorsqu’ils reprennent en masse des expressions similaires pour décrire les évènements relatifs à un mouvement social, les médias participent à cette violence, et assoient leur discours symbolique.
Au troisième mois du mouvement social, les médias, qui orchestrent le débat, semblent en majorité se focaliser sur des faits peu démonstratifs du mouvement dans sa globalité. En préférant la sûreté de la redondance des termes, ceux-ci prennent le risque de noyer l’analyse et de faire le jeu des préjugés sur un mouvement social dont on oublierait presque les fondements.
Mathilde Dupeyron
Linkedin 
Sources :
Acrimed, Julien Salingue, « Trois mois de couverture médiatique des mobilisations contre la « Loi Travail » », 6 Juin 2016
France Inter, Guillaume Meurice, « Terrorisme syndical », 3 juin 2016
Louis Quéré, Des miroirs équivoques, aux origines de la communication moderne, Aubier, 1992
Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire : L’économie des échanges linguistiques, Fayard, 1982
Crédits images: 
Le Monde
Huffington Post
Le Parisien 

Publicité et marketing

Mais t'es où ? Pas là ! – L'absence en communication

L’éclipse, selon le prisme que l’on prend, peut tout à la fois désigner une disparition ou une occultation. On parle d’éclipse médiatique lorsqu’un évènement est tellement relayé qu’il vient recouvrir toutes les actualités restantes. Mais il est également intéressant de voir, en jouant sur les mots, qu’il existe d’autres formes d’éclipses médiatiques : celles savamment orchestrées où l’on disparaît, et où l’on joue de l’absence pour créer du désir.
Alors quel sens à l’absence ?
Un ogre nommé média

Les médias se caractérisent par l’abondance, ils se nourrissent en permanence et, comme les tonneaux des Danaïdes qui se vident à mesure qu’on les remplit, les médias ne sont jamais pleins. Ce flux continu se caractérise par la hantise du vide et de l’absence. Si le contenu vient à manquer, le média se meurt. Leur existence dépend de ce qui est présent, de ce qui est là, voire de ce qui a été là. C’est bien la définition de la trace photographique, présence disparue, dont parle Roland Barthes et son « ça-a-été » dans La Chambre claire.
Les médias, jamais rassasiés, dépendent donc d’une présence pour exister ; la présence les anime, les nourrit, les conduit. Et l’effet de médiation crée lui-même une présence (une compagnie, une communauté, une assiduité, un message etc.). A ce titre, dans « Si j’étais médiologue… », Daniel Bougnoux rappelle que le propre du média est de se faire oublier en simulant une présence immédiate : « Les médias ont le même fonctionnement autoraturant que les signes : le téléphone ou la télévision, quand ils débitent bien, m’apportent l’illusion de la présence vive; de même, au comble de l’émotion participative, j’oublie le volume imprimé du roman ou la salle de cinéma. » Ainsi le média s’auto-annule en se faisant oublier, il s’auto-rature.
Mais là où les médias y voient l’échec et la mort, certains perçoivent les qualités de l’absence, à l’image des couples pour qui « le manque entretient la passion ». Prendre le contrepied de cette omniprésence médiatique peut faire de l’absence un outil communicationnel fort. Le but de cette absence orchestrée est alors de générer du manque : un manque que les médias ne supportent pas et qu’ils vont se dépêcher de combler.

« On m’voit, on m’voit plus »
L’absence est proche du sacré et du mystique. Le spectre, le fantôme n’est pas autre chose qu’une présence absente (ou une absence présente). Et la star des absents omniprésents, c’est Dieu, bien sûr. Dans la pièce de Beckett En attendant Godot, eh bien, on attend Godot mais il ne vient jamais. Qu’incarne God(ot) si ce n’est Dieu lui-même ? Ce grand absent est néanmoins présent avant même d’avoir vu, ou même lu, la pièce et c’est un personnage dont l’absence a fait couler beaucoup d’encre. La représentation pose ainsi la question d’une absence que l’on pallie en rendant présent, choix pour lequel Beckett n’opte délibérément pas. Grande absente du 21ème siècle, Lady Diana est pourtant présente chez les grand-mères anglaises et dans les médias. Puisque représenter est rendre présent, la dualité entre sa mort et sa présence médiatique procède d’une sacralisation de sa personne.
En communication politique, on retrouve cette idée de l’absence sacrée lorsqu’une personnalité politique programme son absence de la scène médiatique. Il disparaît volontairement quelque temps, les médias se questionnent. Lorsqu’il revient, en présentiel, ce nouvel homme providentiel est plus présidentiel que jamais. Cette « traversée du désert » (expression biblique par ailleurs) qu’a expérimentée De Gaulle dans les années 1950 fait de l’absence un outil politique important, se soldant par une présence médiatique renforcée (surtout quand on en profite pour écrire ses Mémoires).

C’est sur ce modèle disparition/apparition, peut-être, que Radiohead a récemment et volontairement disparu de la toile le temps d’une journée. Page blanche sur Facebook, Twitter et Instagram, le groupe fait une sortie remarquée. Radiohead a disparu pour mieux réapparaître le lendemain, sous les projecteurs, avec la diffusion d’un clip exclusif. Orchestrer son absence crée le désir, et le groupe a pu de ce fait profiter du focus médiatique. Dans l’absence se dissimulent alors des enjeux de pouvoir et de maîtrise de la relation. Quelques semaines plus tard, c’est d’ailleurs l’absence de la présentatrice Maïtena Biraben au Grand Journal qui fait parler d’elle : conflit avec l’équipe ? mise à pied ? démission ? Des suppositions toutes démenties par la principale concernée, mais qui en disent long sur les connotations polémiques de l’absence.
Daft Punk ? – Présents !
Les « Daft Punk » sont un cas d’école. Toute leur communication repose sur l’opposition absence/présence. Ils jouent de leur absence. Sans parler du peu d’images que nous avons d’eux, ils ne donnent jamais d’interview, leurs concerts sont très rares et leurs actualités ne sont liées qu’à leurs albums. En 2013, un simple visuel lâché sur les réseaux sociaux a suffi à alerter la planète entière de leur retour. Même lorsqu’ils sont là, leur présence n’est pas entière à cause des masques (à quoi ressemblent-ils aujourd’hui ? Est-ce bien eux derrière leurs casques ?, autant des questions qu’on pourrait poser). Pourtant, malgré cette absence manifeste, les Daft Punk ont une aura médiatique importante et ils demeurent perpétuellement présents via leur musique.

Leur absence symbolise ainsi l’effacement derrière l’œuvre. Leur musique existe et demeure lorsqu’eux ne sont que rarement présents. La rareté entretenue par le groupe galvanise et crée un tel manque qu’à leur retour, l’engouement public et médiatique est exemplaire.
C’est en jouant sur cette rareté de l’œuvre d’art que le réalisateur Robert Rodriguez présente – ou plutôt ne présente pas – son nouveau film « 100 years » au Festival de Cannes. Le concept de ce film repose entièrement sur l’inaccessibilité et l’absence. En effet, il ne sera présenté, et disponible, qu’en 2116. Autrement dit, aucun de nous ne le verra. Pourtant, les acteurs, John Malkovitch par exemple, en font la promotion, et un premier teaser, assez opaque, a été diffusé. Le coup de maître est de mêler à nouveau présence et absence : il y a promotion et exposition (il voyage de pays en pays dans un coffre) d’un film absent, dans le sens où personne ne le voit. Personne ne sait d’ailleurs si ce film a réellement été produit et réalisé. Ce film se réduit dès lors à son objet, sorte d’arche perdue (le teaser rappelle cet univers de l’aventure) et devient un pur objet d’exposition et de désir.

Ainsi l’absence n’est pas toujours synonyme d’échec ou d’oubli dans les médias. Au contraire, lorsqu’elle est maîtrisée, elle se révèle souvent être un outil communicationnel hors-pair. A l’heure où apparaissent le « 0 % », le glutenfree et les expos d’art sans œuvre exposée (héritières du « 4’33’’ » de John Cage), on peut questionner l’absence comme nouvelle tendance pour se garantir une empreinte médiatique et sociale.
Emma Brierre
LinkedIn
Sources: 
« Du désoeuvrement : Blanchot ou l’absence… », Florence Chazal, Tangence, n° 54, 1997, p. 18-28.
Libération, Pourquoi vous ne trouvez pas beaucoup de vidéos de Prince, 21/04/2016, Gurvan Kristanadjaja
L’Express, Daft Punk: le buzz programmé par l’absence, Loïc Le Clerc, 16/01/2014
Kulture Geek, Radiohead retour sur internet avec un clip totalement barré, 3/05/2016
Y.JEANNERET & E.SOUCHIER, L’image absente de Diana, Communication et Langage, Année 1997, Volume 114, Numéro 1, pp. 4-9
Crédits: 
L’espace littéraire, Blanchot 
Columbia
Dreamworks – 9gag
Tumblr degau2le
Youtube

Politique

Le tabou, on en viendra tous à bout

Le tabou est un outil indispensable pour les annonceurs. Il est presque un truisme de dire que les publicitaires choquent et dérangent pour communiquer. Mais ce même tabou peut aussi être un poison. En ethnologie, le terme désigne une prohibition sacrée dont la transgression peut entraîner un châtiment surnaturel. Par définition, il est donc préférable d’éviter le tabou. Suivant ce conseil, l’esprit cherche automatiquement à l’occulter : le tabou finit par tomber dans les méandres de la non-pensée. Il appartient si l’on puit dire à l’ordre de l’immonde qui menace le nôtre par son impureté ou sa dangerosité. Son évocation ne suscite alors qu’une réaction de rejet rendant toute pensée impuissante. Communiquer à travers le prisme du tabou ne revient-il donc pas à limiter le dialogue aux sentiments ? Quelles sont les limites d’une telle communication ?
Le tabou : un garde-boue sociétal
Dans son acception commune, le terme « tabou » désigne un sujet qu’il est préférable de ne pas évoquer au risque de transgresser les codes de la bienséance. Sa forme varie en fonction du temps et de l’espace. On parlera moins de son salaire en France qu’aux États-Unis, on parlera moins de sexe en Arabie Saoudite qu’en Islande … Ainsi, l’être social obéit à des règles plus ou moins tacites qui pèsent sur son comportement et sur son langage.
Le tabou auquel Freud a consacré une œuvre entière structure nos pulsions en prohibant l’inceste et conditionne l’existence de la morale et l’émergence de la culture. Freud s’appuie sur l’hypothèse d’une société primitive -la horde sauvage- dominée par un père tout puissant disposant du seul droit d’accès aux femmes. Il explique la naissance de la société par le meurtre du père qui est paradoxalement devenu objet de vénération. En voulant libérer leur désir du pouvoir paternel, la rébellion a conduit à le contenir. La proscription de l’inceste et l’interdit du meurtre ainsi que du parricide assurent les liens familiaux et sociaux. Cette explication mythique structurerait notre inconscient.
Dans l’esprit polynésien, le tabou est lié au sacré et ne peut se concevoir qu’en relation au mana, équivalent très approximatif de l’esprit qui anime les êtres et les choses que l’on ne peut toucher ou dont on se protège car les forces peuvent être négatives. Ces notions participent d’un ordre que l’on doit absolument respecter. Mais dans l’usage courant, en dehors de l’univers magique et religieux, il renvoie à ce que l’on ne peut pas dire ou faire. Sur quoi dès lors repose cette interdiction ? Quelle justification peut-elle avoir ? Quels que soient nos univers d’appartenance, sommes-nous si loin de cet univers magique, nous qui appartenons à une culture privilégiant la raison ?
Les forces surnaturelles nous menacent sans cesse si nous transgressons le tabou en l’amenant à la communication. La croyance fait sa force dans le domaine mythique et religieux. Que peut-on craindre quand on appartient à un univers laïque et désacralisé ? Si on transgresse l’interdit, on suscitera la gêne ou l’on subira le rejet car on remettra en cause les valeurs fondamentales qui régissent la société. La crainte du tabou semble inscrite dans notre esprit. Au lieu d’avoir affaire à une puissance surnaturelle, c’est la société elle-même, tel un dieu, qui nous imposera tacitement le respect de limites à ne pas franchir. Le tabou est maintenu par un système dont nous sommes nous-mêmes les garants.

Les sociétés archaïques et les sociétés modernes ont-elles un but si différent ? Derrière l’interdit, il s’agit de préserver un monde constitué de valeurs communes au périmètre plus ou moins grand. Nos sociétés se distinguent en effet par l’importance qu’elles reconnaissent à l’individu et à sa liberté. Les sociétés anciennes privilégient la communauté par rapport à l’individu qui lui appartient complètement à l’inverse des sociétés modernes. A travers le tabou, la société nous rappelle aux valeurs communes qui la fondent. C’est une limite infranchissable par laquelle elle se défend comme un corps contre des agressions extérieures qui menacent sa cohésion. Ainsi, les menaces d’exclusion qu’elle nous impose perpétuent le tabou. L’individu peut se croire totalement libre – de communiquer – mais la pression sociale lui rappelle qu’il fait parti d’un monde qui lui reconnaît dans le meilleur des cas une liberté relative.
Y a-t-il encore des tabous dans la publicité ?
La publicité semble échapper à l’interdit. Elle n’hésite pas à le braver. Elle joue fréquemment avec lui. Dans un monde saturé de messages, les communicants n’hésitent pas à provoquer, à extraire le potentiel polémique du tabou pour mieux marquer. En fait, l’utilisation du tabou s’inscrit parfaitement dans une communication dite  » transgressive ».
 

 
Comme le tabou parle à l’émotionnel, il est difficile d’avoir une vision claire de la réaction suscitée par une pub exploitant un tabou. Toutefois, le bon communicant pourra anticiper les conséquences de son énonciation.
Il y a des règles à respecter. D’abord, il paraît évident qu’il faut prendre en compte le contexte socio-culturel dans lequel on souhaite développer une campagne. Ensuite, il ne faut pas confondre communication et provocation gratuite : il faut éviter que le choc du tabou phagocyte le message. Ce phénomène correspond à ce que les communicants les plus aguerris appellent sentencieusement « le risque de monopolisation mémorielle par le tabou ».
En 2009, une publicité distribuée au nom de Carrefour Discount était publiée sur le web avec comme titre : « J’aime pas Mamie ». Carrefour démentit aussitôt son affiliation à cette pub. La pub met en scène une famille qui mange tranquillement. Le téléspectateur s’aperçoit rapidement qu’il mange “Mamie”. Le tout est brillant puisque l’humour noir dédramatise le lien grossier fait entre précarité et cannibalisme. La pub amène à penser que Carrefour Discount est assez bon marché pour éviter de tomber dans le cannibalisme. Le message est clair !

La transgression, l’énonciation du tabou doit avoir un but. Les campagnes contre les MST sont à prendre en exemple : elles tentent de lever les tabous pour libérer la parole, oublier « la honte » pour mieux se soigner. Ici, le tabou est énoncé pour mieux dénoncer. Au contraire, la campagne « Unhate » (2011) de Benetton mettait en scène des visuels sans grand rapport avec les vêtements : on y voyait des chefs d’États ou des responsables religieux s’embrasser. Cet exemple montre comment la shockvertising relève de la pure vacuité. Le tabou doit être manipulé avec pertinence.

Le propre du tabou est de gêner, de repousser et même d’horrifier. Cependant, tout comme il existe une “licence poétique”, la publicité est un lieu où le tabou peut s’énoncer sans être suivi de châtiment. Il prend un autre sens sous la bannière publicitaire. L’absence d’un sujet déterminé de l’énonciation favorise la liberté que l’on peut prendre vis-à-vis de lui. Cela ne veut pas dire que la publicité peut tout se permettre : il faut éviter les interdits archaïques tels que le tabou de l’inceste fondé à la fois sur des lois ancestrales, morales, religieuses et scientifiques. Et au-delà de ce simple constat, il faut trouver le ton qui permette d’oublier le tabou pour mieux cerner le message.
En énonçant l’imprononçable, la publicité soulève des questions et modifient les mentalités. Elle habitue à l’inhabituel et dédramatise l’inconvenant. Malgré de nombreux jeux sur les clichés, la pub ouvre parfois le débat sur des sujets tels que la sexualité ou la sécurité routière. En provoquant, en jouant sur le sentiment, la publicité éveille celui qui la regarde. C’est le bon côté de ce genre de communication : elle pousse à la polémique et donc à la réflexion.
De l’utilité du silence dans la communication : une hypocrisie nécessaire
Le tabou provoque. C’est cette vertu que le communicant exploite. Quel intérêt y a-t-il à le braver si cet acte soulève l’indignation et empêche la communication ? Au contraire, le silence fracassant propre au tabou ne serait-il pas un bienfait pour la communication ?
L’interdit de l’inceste par exemple repose sur des explications et des justifications sociologiques voire scientifiques. Statistiquement, il est prouvé que l’endogamie entraîne des conséquences génétiques graves. Lévi-Strauss, un anthropologue contemporain, voit dans la prohibition de l’inceste – une loi fondée sur la nature et la culture – une condition nécessaire pour assurer l’existence sociale en élargissant les relations matrimoniales. Le tabou préserve ainsi la société des conséquences néfastes de l’endogamie. Le respect de la loi ne fait donc pas directement appel à la raison cependant il se justifie rationnellement. Certains comportements pour le dire autrement ne sont pas prohibés pour les bonnes raisons : on ne fait pas telle ou telle chose par sagesse mais par peur, par superstition comme si les dieux allaient se retourner contre nous.
Dans notre société certaines questions sont aujourd’hui taboues. La répartition ethnique en est un exemple. Quand on parle de tabou dans ce cas, il ne faut cependant pas voir seulement le fait qu’on écarte la question, il y va aussi d’un choix de valeurs et de principes. Le risque serait de résumer les individus à des appartenances et des explications biologiques.
Que cela ne soit pas un tabou aux États-Unis relève de raisons historiques. L’absence de ce tabou peut conduire à conforter les séparations entre les hommes. À ce niveau, le tabou est une façon de parler. Il y va en même temps d’une certaine dimension du sacré qui correspond au respect de principes fondamentaux. L’histoire du XXème a vu de surcroît le développement de l’idéologie eugéniste -théorie pseudo-scientifique d’hygiène raciale – qui a entraîné les pires monstruosités politiques.
Le tabou dans l’exemple précédent donnait un sens sacré vis-à-vis de ce qu’il représentait. On pouvait y voir conséquemment la marque d’un attachement à des valeurs. Peut-on conclure de ces observations à quelque possible vertu du tabou ?
Voltaire semble allègrement franchir ce pas lorsqu’il écrit dans ses Dialogues : « Je veux que mon procureur, mon tailleur, mes valets, ma femme même croient en Dieu ; et je m’imagine que j’en serais moins volé et moins cocu. » La croyance devient garante de la morale. C’est un moyen en sacralisant ses règles de conduire les hommes. Cette formule plutôt pessimiste sur la nature des hommes relève d’un acte de prudence sauvegardant nos intérêts. En devenant intouchables, les règles garantissent un ordre impossible de discuter soumis que nous sommes à la suprême autorité qui nous prive en passant de toute autonomie. On reste dans une société d’autorité, celle des anciens opposés aux modernes pour reprendre une distinction établie par Benjamin Constant. Est-ce une entrave à la communication que d’avoir des tabous dans une société ? Supprimer le tabou pour en parler librement suppose qu’il faudrait passer du superstitieux au rationnel. Cela suppose de laisser, peut-être naïvement, les tabous aux griffes de l’intelligence individuelle. S’il n’y a plus de règles de communication, le reste dépend de l’homme. Le risque évident est que l’interdit lié au tabou ne soit plus aussi fort s’il perd sa sacralité arbitraire et que l’homme transgresse sans réfléchir.
La modernité signe-t-elle la fin progressive des tabous ? Le tabou semble appartenir à un univers théologique. En entrant dans l’univers positif ou scientifique perd-il alors son sens ? Dans la mesure où le tabou fait partie du domaine du sacré, le fait de vivre dans une société et une culture caractérisées par la raison n’en fait-il pas pour le dire autrement une relique du passé ? Sans base rationnelle, le tabou demeure un interdit fondé sur des croyances surnaturelles. Il n’est pas le fruit de l’intelligence mais de la crainte superstitieuse. C’est notre peur qui fait sans doute sa force, l’absence de pensée. C’est l’analyse que développe Spinoza en particulier dans la préface au Traité théologico-politique. Rien n’est interdit à la libre pensée. C’est la condition essentielle de notre libération. Le tabou est une limite à penser pour en comprendre la nécessité et accéder au salut pour parler comme le philosophe.
De nombreuses choses restent taboues. « Le phénomène du tabou n’a pas cessé d’exister. Il existe toujours, aussi dans les sociétés modernes, comme il existait dans les sociétés primitives. Ce qui a changé, c’est seulement son caractère, les prémisses sur lesquelles il se base, les causes pour lesquelles il existe. » écrit Stanislas Widlak. Êtes-vous homosexuel ? Combien tu gagnes ? Êtes-vous dérangé par la présence d’une personne séropositive? Êtes-vous malade ? Ces questions gênantes traduisent nos peurs et notre besoin d’ordre, d’appartenir au monde commun. C’est l’expression archaïque de notre être dont nous avons gardé la mémoire ou bien le produit de notre culture.
Existe-il des moyens de communiquer sur un tabou sans heurter ? Pour chaque tabou, il y a un vocabulaire « politiquement correct » spécifique. Le tabou et l’euphémisme sont frères. Toutefois, les mots sont tellement aseptisés qu’ils ne semblent plus renvoyer à des réalités humaines. De plus, Il y a un réel paradoxe, si ce n’est une contradiction, à utiliser ce langage à l’heure où l’on parle de « minorités visibles », de « discriminations positives » ou bien d’ « égalité des chances ». On cache en même temps que l’on essaye de lever certains tabous. On peut peut-être y voir une volonté maladroite de manipuler les sujets tabous pour les exorciser sans dévoiler totalement leur arbitraire nécessaire. En effet, le silence que le tabou suppose empêche certaines minorités d’exister normalement, c’est-à-dire à l’intérieur de la norme, et entraîne parfois des contestations politiques légitimes.
Il y a donc des sujets dont « on peut » parler et d’autres non : la communication est donc encadrée par une « normalité », des normes qui se veulent assurément civilisatrices. Toutefois, il reste une volonté de savoir comme dirait Foucault. Remplacer cette norme par une autre changerait-il quelque chose ou bien la norme actuelle est-elle particulière, organisée et réfléchie, c’est-à-dire basée sur des critères civilisateurs et visant le bien commun ? À y regarder de plus près, les constructions sociales semblent arbitraire. Le philosophe explique entre autres que les normes sexuelles se seraient développées sous l’influence des États du 17ème siècle en partant du simple constat qu’il fallait encourager la natalité. Ainsi, ils auraient soutenu la sexualisation du corps féminin en marginalisant les autres sexualités.
Ameziane Bouzid
Linkedin
Sources :
« « J’aime pas mamie »: mais qui a fait cette fausse pub Carrefour ? », Le Poste Archives, 14/12/2009
 » Comment communiquer sur un sujet tabou en publicité ? « , Études & analyses, 30/03/2008 
« Les briseurs de tabou. Intellectuels et journalistes « anticonformistes » au service de l’ordre dominant », Sébastien Fontenelle, Paris, Éd. La Découverte, coll. Cahiers libres, Paris, 2012, 180 p.2016 
 » « Unhate » : la nouvelle campagne choc de Benetton « , Pure Médias, 16-11-11 
Crédits images :
BNP
AIDES
Reuters/Stefano Rellandini
 

Société

The lion that broke the internet

Rappel des faits : le 1er juillet 2015, au Zimbabwe, Walter Palmer, un dentiste et chasseur américain abat Cecil, un lion à la crinière noire, star du parc national Hwange et sujet d’étude des chercheurs de l’université d’Oxford. Ce braconnage a duré plus de 40 heures. Walter Palmer a tout d’abord attiré l’animal à l’extérieur, du parc et l’a blessé avec une arbalète avant de le traquer et de l’abattre au fusil. Très vite, cet abattage a attiré l’attention des médias internationaux et a suscité l’indignation des défenseurs de l’environnement et de l’opinion publique. Résultat, l’affaire est remonté dans les sphères politiciennes et jusqu’aux tribunaux.
C’est précisément cette « attention », cette réaction des médias, qui a érigé ce fait divers en véritable phénomène médiatique, aujourd’hui connu et reconnu sous le verbatim « Cecil le Lion ».
Naissance du phénomène
Les mécanismes traditionnels de l’information se mettent en route
La première couverture médiatique de l’affaire Cecil le lion, concerne l’affaire elle-même. Dans les médias traditionnels, les articles expliquent comment le lion a pu être tué, quelle était sa particularité, et la somme que le dentiste a dépensé pour cette chasse. C’est après cette première couverture factuelle, que l’affaire Cecil le Lion va pouvoir commencer à circuler. Rapidement l’expression “Cecil the Lion” est reprise. La légitimité des médias traditionnels suffit à figer cette formule. Elle va ensuite jouer un rôle très important dans l’amplification du phénomène, puisqu’elle va permettre d’indexer et de retrouver toutes les réactions et tous les commentaires. La formule devient donc une porte d’entrée pour l’ensemble des réactions internationales.
Internet permet à tout un chacun de s’approprier le phénomène
Dans le cas de Cecil le Lion, les internautes sont les acteurs principaux de la viralité du phénomène. Ils se sont appropriés toutes les plateformes d’expression du web pour contribuer à l’écriture du phénomène Cecil le Lion.
Campagnes
Beaucoup de campagnes ont été lancées, avec des objectifs très variés à chaque fois. L’université d’Oxford, qui avait placé un collier GPS autour du cou du lion en 2008, afin de recueillir des données sur le mode de vie des lions et leur longévité, a lancé un appel aux dons pour “révolutionner” la protection des félins. Plusieurs associations de défense de la faune et de la flore ont crées leurs propres pétitions comme l’African Wildlife Foundation ou PETA. Et face à l’absence de campagnes réclamant la justice, des internautes se sont lancés. Cecil, célèbre lion à la crinière noire du Zimbabwe, tué pour 50 000 euros : demande à Barack Obama de faire condamner le dentiste. Même chose pour Extradite Minnesotan Walter Palmer to face justice in Zimbabwe, postée sur la plateforme de pétitions de la Maison Blanche. Cecil est également devenu l’illustration d’autres pétitions comme Justice for Cecil, help fight trophy hunting! ou Demand Justice for Cecil the Lion in Zimbabwe, qui militent pour l’interdiction des permis de chasse.
Réseaux sociaux
Entre les différentes pétitions et appels aux dons lancées par des organismes officielles et toutes celles lancées par des particuliers, il y a eu un vaste éparpillement des campagnes de mobilisation. Mais cette éparpillement est encore plus visible sur les réseaux sociaux, où un nombre pharaonique de pages et autres groupes ont été crées à l’effigie de Cecil.
Sur Facebook, parmi les 100 pages dédiées à Cecil, il y a :  Cecil the Lion, Justice for Cecil the Lion, CECIL the LION, Cecil : The Lion, Justice For Cecil the Lion, R.I.P. Cecil the Lion, Cecil, Lion. Parmi la trentaine de groupes, il y a RIP Cecil the lion… let’s tell the dentist he is a coward !, CECIL the Lion HUNTS Walter Palmer, Cecil the lion says “All Lives Matter”, Extradite Walter J. Palmer: Justice for Cecil the Lion, etc.
 
Sur Twitter, 53 comptes lui sont dédiés, dont : Cecil The Lion Game @lioncecilgame, Cecil_the_Lion @Lion_for_Truth, CecilTheLion @CecilTheLion, Justice For Cecil @justiceforcecil, Cecil Lion Festival @GurundoroFest, Cecil The Lion @lion_cecil…
 
Sur les réseaux sociaux, on voit une véritable volonté de réappropriation du phénomène. Signe d’une énorme volonté de mobilisation des internautes. Même s’il existe une première page ou un premier groupe, qui reprend la terminologie exacte « Cecil the Lion», beaucoup d’autres pages et groupes éclosent, avec à chaque fois, un effort du créateur ou de la créatrice pour trouver une manière de reformuler la terminologie, en jouant sur les majuscules, les signes de ponctuation, les tirets, en rajoutant des mots…

Forums
Mais bien au-delà des élans d’émotions et d’indignation, la mort de Cecil le Lion a généré beaucoup de commentaires et de débats. Les plus grands forums se sont tous retrouvés avec un, ou plusieurs, sujets mentionnant Cecil : American hunter illegally killed Cecil the Lion, Cecil the Lion as a non-killable beast in WoW, The killing of Cecil the Lion, Cecil the Lion, We need a tribute to Cecil the Lion in the game, The brother of Cecil the Lion, was killed by a hunter in Zimbabwe, this Saturday, announces CNN, Cecil the Lion Killed.
Vidéos
Et le phénomène Cecil le Lion n’a pas non plus échappé aux plateformes de vidéos. En dehors des reportages journalistiques, un florilège de vidéos sur les réactions qu’a provoqué l’affaire ont été postées : en allant des réactions de célébrités aux réactions d’internautes lambdas.  

Ce qui nous amène à notre 3ème et dernière partie sur le traitement médiatique de l’évènement médiatique lui-même de Cecil le Lion, et de la manière dont il a été couvert dans les médias.
Troisième niveau, le traitement médiatique du phénomène en tant que tel
Quand les figures médiatiques se mettent en scène et deviennent des leaders d’opinion
Ici le reportage journalistique porte plus sur le scandale qui a éclaté autour de l’affaire, que de la mort de Cecil en elle-même.

 
D’autres vidéos vont commencer à fleurir pour commenter la manière dont telle ou telle célébrité a réagi à la mort de Cecil. Des articles ont fleuri sur le même thème « Celebs React to the Heinous Murder of Cecil The Lion », avec une énumération des tweets. 

Le Figaro a fait un article sur l’acteur Arnold Schwarzenegger qui attaque le dentiste américain. Le Télégramme a couvert l’indignation de Brigitte Bardot le 1er août. Et dernièrement c’est la photo d’Ashley Benson, sur Instagram qui a réveillé la communauté pro-Cecil. A l’approche d’Halloween l’actrice poste une photo d’elle en costume de lion, avec comme légende “Help ! Can’t decide on my Halloween costume this year ! What do you guys think of this Cecil the Lion costume?” Très vite le message a fait un tollé, les internautes qualifiaient sa référence d’offensive et de mauvais. Cette anecdote a même fait l’objet d’un article, le 7 octobre sur PureBreak.
Dans d’autres vidéos, des internautes se filment en train de « découvrir » et de réagir pour la première fois, à la réaction de Jimmy Kimmel.
Ou encore la vidéo Jimmy Kimmel Chokes Up Over the Death of Cecil the Lion, dont le sujet n’est pas la mort du lion mais uniquement la réaction du présentateur vedette. Dans la vidéo Teens React to Cecil the Lion Killed, filme des jeunes devant un ordinateur et filme leur réaction « spontanée ». A ce stade, ce n’est plus la mort de Cecil le Lion qui est médiatisée, mais la réaction d’individus plus ou moins connus à sa mort.
Toutes ces réappropriations ont renforcé le phénomène, car elles ont généré de l’engagement et de l’identification. Les internautes se sentent investis dans le débat, et se sentent appartenir à une communauté.
Toutefois, la mobilisation sur Internet, a amené à des manifestations plus concrètes : devant la maison de Walter Palmer et devant son cabinet dentaire par exemple. Ces manifestations physiques ont continué à alimenter le phénomène. Elles ont rendu la mobilisation télégénique, et ont ainsi permis une couche supplémentaire de couverture médiatique.
Le méta-discours
Et puis il y a eu des articles sur le phénomène : comment Cecil le Lion a généré autant d’engagement et de réactions dans le monde occidental. Le 30 juillet, Marino Eccher écrit l’article « Why the death of Cecil the lion ran wild on the Internet ? ». Nous sommes seulement deux jours après la révélation de la mort, il énumère les réactions sur Internet (plus de 700 000 tweets et 1 million de recherches sur Googe, rien qu’aux Etats-Unis). Selon lui, l’histoire a été propagée par une poignée d’influenceurs sur les réseaux sociaux, des comptes qui agrègent à chaque fois des dizaines de millions de followers, comme des comptes de médias ou de célébrités, dont l’acteur Ricky Gervais. Fin août, la BBC2 dédie son émission Newsnight au phénomène, avec comme accroche “We look back on the killing of Cecil the Lion : did we overeact ? is social medial to blame ?” En effet, dans la naissance et la propagation du phénomène Cecil le Lion, les réseaux sociaux ont vraiment joué un rôle de tremplin. Le fait divers a été partagé et relayé sur les réseaux, avant d’atteindre par la suite le palier des médias traditionnels. Sans aucun doute, si un le braconnage de Cecil était arrivé avant l’existence des réseaux sociaux, il serait resté un fait divers et n’aurait pas pris cette ampleur phénoménale.
Aujourd’hui Cecil the lion est devenu un emblème. Une véritable communauté d’internautes émus par sa mort s’est crée, et depuis elle agit comme un vigile. D’autres cas de meurtres d’animaux sauvages été révélés, comme celui d’une girafe par la chasseuse américaine Sabrina Corgatelli). Chaque nouvel épisode judiciaire entre Walter Palmer et le Zimbabwe fait de nouveau l’objet d’articles, renouvelant une fois de plus le phénomène et les réactions des internautes. Des rumeurs et des intox ont même vu le jour : Cecil serait finalement bien en vie, ou son frère Jericho aurait été à son tour assassiné par un chasseur. Cette dernière intox a d’ailleurs fait l’objet d’un article, sur la formation et la déformation de la rumeur sur francetvinfo.fr.
Ainsi, le phénomène Cecil le Lion est devenu viral sur les plateformes web. L’institution de la formule « Cecil the lion » a permis de fixer ce phénomène et de lui permettre de circuler. La réappropriation des internautes a permis d’ériger ce fait divers jusqu’à un véritable évènement. Ces réappropriations ont crée un nouveau niveau dans l’affaire Cecil le Lion, avec une nouvelle couverture médiatique, qui a porté cette fois sur les vagues d’émoi. Il y a donc eu un mouvement de balancier entre les internautes et les médias traditionnels : les internautes ont crée le phénomène, qui a ensuite été relayé par les médias traditionnels, ce qui a alimenté de nouvelles réactions d’internautes etc… Et au fil de toute cette circulation médiatique, Cecil le Lion est devenu aujourd’hui un véritable objet culturel.
Cet article est un résumé d’une étude qui a été réalisée par Orlane Lebouteiller, Marion Parquet et Marie Mougin, dans le cadre du cours de sémiotique culturelle d’Internet, d’Etienne Candel, en décembre 2015.
Marie Mougin 

Formats spéciaux

Entretien avec Virginie Descoutures : Communication & sociologie de la famille

Virginie Descoutures est docteur en sociologie, spécialiste de la famille et du genre. Elle est l’auteure de Les mères lesbiennes (2010) et d’ouvrages collectifs: Sous les sciences sociales, le genre (2010) & Mariages et homosexualité dans le monde (2008).

Cet entretien est divisé en trois parties, d’abord Virginie Descoutures nous parle du rôle de la communication dans son travail de sociologue. Elle souligne l’importance des outils de communication pour rendre visible les travaux de recherche. Elle explique qu’en tant que fonctionnaires, les chercheurs se doivent de fournir des traces de leurs travaux aux citoyens.
Virginie Descoutures parle ensuite de l’utilisation des moyens de communication en faveur de l’égalité. Elle explique que de nombreuses campagnes sont pensées pour l’égalité. Elle-même utilise des objets de communication pour illustrer ses propres cours « une affiche, un média, ça dit des choses ». Ces supports permettent de déconstruire des normes, des préjugés. Elle revient sur la possibilité d’attribuer le nom des deux parents aux enfants et dit :  « Je suis assez surprise qu’il n’y ait aucune campagne du gouvernement, de l’Etat qui permette de rendre compte du dispositif légal qui permet qu’il y ait plus d’égalité entre les hommes et les femmes. » Et elle termine en disant que cela relève des pouvoirs publics, pas du métier de sociologue.
Sur l’emballement médiatique autour du Mariage pour Tous, Virginie Descoutures trouve que « le débat a manqué de débat » et que « c’est la première fois que des gens vont dans la rue, vont manifester, pour interdire des droits à d’autres […] cela témoigne d’un moment réactionnaire. » Et cet engouement révèle l’importance du mariage en tant qu’institution.
L’équipe de FastNCurious tient à remercier Virginie Descoutures et Olivia Foli qui nous a permis de réaliser cet entretien.

Société

Datas, algorithmes, robotisation: quand la machine s'empare de la création

Dans des temps ancestraux, l’Homme reléguait la machine et son intelligence au rang de chimères de science-fiction. La robotique n’était alors qu’un vaste sujet qui nourrissait des films d’anticipation aux allures de fin du monde. En ces temps-là, l’imagination et la création étaient d’irrationnelles vapeurs qui ne pouvaient émaner que de l’esprit de l’Etre humain.
30 mars 2016 : on apprend que l’équipe japonaise de l’agence McCann est la première à compter un membre d’un genre particulier. Celui-ci répond au doux nom de « AI-CD β » (pour Artificial Intelligence – Creative Director). Robot entièrement créé par l’équipe McCANN Millennials et issu du projet Creative Genome, il occupe le poste de Directeur de la Création. Bien qu’on s’y attendait un jour ou l’autre, cette nouvelle a pu dérouter plus d’un professionnel de la communication.
Imaginez cinq minutes le bazar dans l’open-space…
L’art, le propre de l’Homme ?

La question de l’interaction entre l’Homme et la machine alimente un débat de longue date en sciences de l’information et de la communication. Dans les années 1950, le mathématicien Norbert Wiener fonde la cybernétique, science qui se penche sur les processus de l’interaction par phénomène de rétroaction entre l’homme et la machine, et recherche in fine l’optimisation des systèmes de communication. Très peu de temps après, Alan Turing reprendra les travaux de Wiener et mettra au point un test destiné à déterminer si la conscience peut être simulée par un ordinateur. Avec ses travaux sur l’intelligence artificielle, Alan Turing jette les bases de l’informatique telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Chercheurs comme artistes se saisissent de la question d’un art optimisé par la robotique, comme l’atteste par exemple l’exposition « Art Robotique », présentée à la Cité des Sciences et de l’industrie, à Paris en 2014.
Optimiser l’imagination ?

L’art robotique est-il un oxymore ? Professeure de philosophie, Charlie Renard traite justement de ce sujet dans l’un de ces articles, et s’interroge sur la question suivante : « que reste-t-il d’humain dans la création quand ce ne sont pas seulement les moyens mais le processus lui-même de création qui s’autonomise, s’automatise ? ». Derrière la prouesse technologique, c’est donc bien d’optimisation de la création qu’il s’agit. Mais peut-on réellement rationnaliser, optimiser l’imagination?
Les exemples de robots artistes sont bien nombreux. En 1973, Harold Cohen, professeur à l’Université de Californie, créé et développe AARON, un programme informatique capable de créer des œuvres d’art abstrait. Ses travaux ont fait l’objet de nombreuses expositions à travers le monde. Pour autant, la question de l’imagination de ce programme dans le processus créatif de ses œuvres reste à déterminer.
L’intelligence artificielle au service de la création touche tous les domaines artistiques. Par exemple, David Cope, musicologue et chercheur à l’Université de Californie, a créé dans les années 1990 un programme informatique compositeur de musique classique, nommé Emily Howell.
Plus récemment, une équipe de chercheurs japonais de l’université d’Hakodate a mis au point une intelligence artificielle capable d’écrire une nouvelle, grâce à des paramètres préétablis formant un algorithme. Celle-ci, intitulée tout bonnement « Le jour où une machine a écrit une nouvelle » a même été nominée à un prestigieux concours littéraire nippon, les Nikkei Hoshi Shinichi Literary Awards.
Prouesse technologique ou marketing ?
Tu nous a bien eu, Kevin
Ces nouvelles techniques de création au service du marketing posent évidemment la question de la standardisation de la culture et de l’influence du choix des consommateurs ? Si l’on rouvre les travaux d’Adorno sur la culture de masse, la publicité et les médias, celui-ci affirme que la culture de masse uniformise les aspirations et les goûts des classes sociales. Les technologies au service de la création d’une culture de masse ne feraient-elles alors de nous qu’un vaste troupeau de moutons de panurge ?
Sans tomber dans une telle paranoïa, on sait que quelques entreprises utilisent déjà ces algorithmes afin que leurs créations collent au mieux aux choix du consommateur. Vous avez aimé les fameux monologues-regard-caméra du délicieux Kevin Spacey dans la série House of Cards ? C’est normal, les algorithmes ont choisis pour vous cet acteur. Tout comme pour sa récente série Marseille, Netflix a utilisé ces programmes informatiques lors de la production pour déterminer le casting. Objectif : être certain de nous plaire.
Quand à AI-CD β, nouveau Directeur de la Création chez McCann au Japon, ses créateurs auraient élaboré un large panel de publicités télévisées primées, que l’intelligence artificielle exploiterait afin de cerner les tendances en matière de transmission du message publicitaire.
Quel avenir pour les métiers créatifs ?
Je vous présente la Team Créa du futur
Finalement, si le nouveau Directeur de la Création de l’agence McCann au Japon est l’aboutissement d’une véritable prouesse technologique, on comprend que la question de la substitution d’un humain à ce poste créatif – et plus technique comme l’on a pu le voir jusqu’alors – puisse remuer certaines angoisses chez les professionnels de la communication. De la même façon, Narrative Science a développé en 2014 le logiciel Quill, une intelligence artificielle capable de transformer des données brutes en articles de presse. Ce procédé a notamment été utilisé par le magazine américain Forbes.
Ce renouveau des pratiques professionnelles est synonyme des bouleversements entrainés par le progrès technique dans les structures de production des industries de l’information et de la communication. Tout cela constitue un processus perpétuel et intemporel où le nouveau élimine l’ancien, qui nous rappelle la fameuse « destruction créatrice » déjà théorisé par Joseph Schumpeter dans les années 1940 pour expliquer les cycles économiques, à l’époque de profondes mutations industrielles et technologiques. Coïncidence ? Je ne pense pas.
Mathilde Dupeyron
Linkedin 
Sources :
Julien Bordier et Igor Hansen-Love, L’Express, 24/01/15 
Pierre Fontaine, BFM Hightech, 26/03/16 
Martin Gayford, Technology Review, 15/02/16 
Korben, 25/02/10 
Llllitl, 30/03/16 
Charlie Renard, IPhilo, 12/12/15 
Crédit photos :
Banksy, New York Daily News 
Liberation 
Iphilo 
Genetics and culture
Télérama 
Les Inrocks

Politique

La récupération politique

S’il y a un domaine où le recyclage n’a pas la côte, c’est bien en politique. Pour preuve le tollé médiatique, à la suite des attentats de Bruxelles, des tweets de Robert Ménard ou encore Bruno Le Roux. Ce dernier s’est empressé de poster un tweet fustigeant l’attitude de la droite sénatoriale dans le débat sur la déchéance de la nationalité, et ont vu l’ensemble de la twittosphère lui tomber dessus malgré des tentatives détournées de faire oublier son tweet.
Mais en quoi consiste vraiment la récupération politique ? Il s’agit d’un procédé qui consiste à se servir d’un événement survenu dans l’actualité pour servir son parti, sa campagne ou ses idées politiques, tout en se parant du voile des bonnes intentions, et en se mettant dans une posture moralisatrice presque prophétique sur le mode du « je vous avais prévenu ».!

Déplacer un événement de la sphère publique pour l’arrimer à la sphère politique ?
La première question qui se pose face aux régulières vagues d’indignation que suscitent les interventions de tel ou tel personnage politique est de distinguer, dans une perspective presque harendtienne, ce qui relève du politique de ce qui n’en relève pas. Cela nous renvoie à la notion d’espace public développée par Habermas. Si l’espace public relève de la souveraineté populaire, en bannit-il pour autant le politique ? Philippe Chanial, dans son analyse L’éthique de la communication : une politique des droits démocratiques ? résume la pensée d’Habermas par le fait que « si la réalisation de la démocratie exige une extension toujours inachevée et toujours menacée de la discussion publique à un réseau sans cesse plus large de relations sociales, ce projet, parce qu’il doit faire face à la réalité des rapports de pouvoir, à la dynamique de répressions systématiques des intérêts universalistes, doit bénéficier de garanties institutionnelles ».
Réguler l’intervention du politique dans l’espace public
Mais qu’est-il reproché au politique ? Intervenir en tant que citoyen pour exprimer ses émotions, ou utiliser l’événement pour soutenir son propos ? La faute serait-elle de faire de la politique du fait divers, de se servir d’un événement particulier pour en faire une généralité ? Alors que dans le même temps les médias incitent les citoyens à interpeller personnalités politiques (bien que ces interpellations soient parfois refusées, à la manière de Christiane Taubira, qui dans l’émission « Des paroles et des actes » dit faire silence face aux victimes (DPDA, jeudi 5 septembre 2013). Pourquoi alors les politiques font-ils part de leurs états d’âme quand ils savent pertinemment que cela va se retourner contre eux ? Les mêmes politiques qui, entre eux, « récupèrent la récupération », la considérant comme une arme facile pour décrédibiliser un adversaire.
La phénoménologie du politique
Louis Queré voit l’espace public comme un espace tampon entre état et société civile. Il essaie d’aller au-delà des analyses d’Habermas en faisant appel à la perspective phénoménologique d’Harendt. Il insiste en effet sur la scénarité de l’espace public et du jugement que peuvent en porter les individus.
Vollrath, qui analyse la pensée harendtienne, en déduit que « le mode de pensée politique de Hannah Harendt considère les thèmes du champ politique non pas comme des objets mais comme des phénomènes et des apparitions. Ils sont ce qui se manifeste soi-même, ce qui apparaît aux yeux et aux sens. Les phénomènes incluent ceux à qui ils apparaissent, de même que l’espace dans lequel ils adviennent, qui détermine la relation qu’il y a entre les phénomènes et ceux qui les perçoivent ». « l’espace dans lequel surviennent les phénomènes politiques est créé par les phénomènes eux-mêmes » Ou, pour le dire plus précisément, il est créé par les personnes dont les actes constituent les événements politiques.
Ainsi, la récupération politique ne serait donc qu’une sorte d’invention journalistique pour justifier les interventions de telle ou telle personnalité sur un événement qui n’a pas forcément de lien direct avec elle(comme Jacques Chirac et la coupe du monde de football 1998). Il semble cependant que le phénomène de récupération soit encore plus malvenu lorsqu’il concerne des situations dramatiques.
Serions nous-arrivés dans ce que Pierre Le Coz appelle « le gouvernement de l’émotion » ?
L’émotivité de l’espace public
Les politiques doivent faire face à un espace médiatique schizophrène qui, d’un côté les dissuade d’intervenir, et de l’autre organise à la télévision ou encore à la radio, des lieux propices à l’échange où se mêle intérêt particulier et général. C’est ainsi que dans les matinales de radio les questions des auditeurs ont pour but d’apporter à un cas personnel une réponse globale. De même à la télévision, lorsqu’un citoyen interpelle un politique, il y a bien confusion entre ce qui est privé et ce qui ne l’est pas. Faire entrer le privé dans la sphère publique n’est en fait permis que lorsque cela est fait par la personne concernée, une sorte de « récupération citoyenne » en somme. Les médias sont en quête de sensationnel, et ont bien compris le caractère hyper-sensible de la société lorsque le politique s’en mêle.
Jérémy Figlia
Sources : 
http://www.francetvinfo.fr/sports/foot/coupe-du-monde/les-politiques-francais-champions-de-la-1 recuperation-du-foot_463304.html 
https://www.youtube.com/watch?v=_Q1_VcxweHE2
http://www.scienceshumaines.com/le-gouvernement-des-emotions_fr_33546.html3
http://www.persee.fr/doc/quad_0987-1381_1992_num_18_1_972
https://basepub.dauphine.fr/bitstream/handle/123456789/8767/Ethique%20de%20la%20communication.PDF?sequence=1

Société

Le coworking: les bienfaits de la communication

Notre époque voit se développer massivement l’entrepreneuriat : de plus en plus de personnes créent leur propre entreprise. Elles échappent ainsi au rebutant statut de salarié, jouissent d’une liberté totale puisqu’elles sont leur propre patron, et surtout, peuvent laisser parler leur créativité, leur imagination, et leur soif de créer. Mais face à la multiplication des entrepreneurs, un problème auparavant marginal s’est transformé en problème sociétal : l’isolement professionnel.
Travailler pour soi-même comporte de nombreux avantages, comme une disparition de la pression patronale ou une liberté totale dans la constitution de son emploi du temps. Mais on relève également un inconvénient majeur : l’absence de collègues de travail, qui entraîne une large diminution des relations sociales. Cette restriction du cercle social empêche toute constitution d’un réseau professionnel, mais elle rend également impossible tout échange de point de vue, et donc tout recul sur son projet. Et, plus précisément, l’isolement conduit à un état dépressif qui entraîne procrastination ou encore panne d’inspiration. N’oublions pas que l’être humain est un être de communication…
Pour contrer cet effet dévastateur, les entrepreneurs fuient leur canapé pour aller se réfugier dans des cybercafés ou des bibliothèques. Le but : être stimulé par un bain de foule. Mais si ces lieux sont effectivement bondés, ils n’y trouvent pas l’émulation recherchée : ils travaillent, certes, mais ils ne discutent pas et ne partagent donc pas leur travail avec les autres. C’est suivant ce constat que les espaces de coworking se sont largement développés ces dernières années.
Qu’est-ce qu’un espace de coworking ? C’est un lieu dans lequel des entrepreneurs de tous horizons viennent travailler, mais aussi échanger, apprendre, discuter et même s’associer. Travailler à son compte oui, travailler seul non ! Les entrepreneurs louent un poste dans un espace de coworking, en général au mois, afin de travailler dans un lieu simulant, aux côtés d’autres entrepreneurs. Antoine Amiel, fondateur de Learn Assembly, une startup qui accompagne des entreprises dans leur transformation digitale via des formations de type MOOC (Massive Open Online Course) ou encore blended learning (formation qui mixe présentiel et distanciel), explique que « le coworking, c’est le reflet d’un nouveau mode de travail. Un espace de coworking, bien plus qu’un lieu de travail, est un lieu de vie ».
Cependant attention, il est bon de rappeler que si le concept de coworking s’est démocratisé récemment, il n’a pas été inventé suite à la montée de l’entrepreneuriat ! Au 19e siècle déjà, les ateliers d’artistes étaient des collocations d’espace de travail : nous pouvons par exemple citer La Ruche, fondée par Alfred Boucher en 1902.
Aujourd’hui, où sont ces espaces de coworking et comment se sont-ils développés ? Il en existe des dizaines à Paris, qui ont chacun leur particularité. La Manufacture, par exemple,  est destiné aux auteurs (scénaristes, écrivains, journalistes…), tandis que La Cantine s’adresse davantage aux codeurs (développeurs, bloggeurs…). L’intérêt de différencier les espaces de coworking selon le milieu professionnel est de maximiser les échanges fructueux, c’est-à-dire les échanges aboutissant à des associations, ou tout simplement à un perfectionnement des projets grâce à l’avis des congénères. Mais outre ces différenciations, tous les espaces ont la même vocation – que le slogan de l’un d’eux, La Mutinerie, résume bien : « Libres ensemble » – et proposent les mêmes services : locations de salles, conférences, ou même cours.
Le coworking, c’est donc travailler dans un espace commun pour y partager ses idées et ses projets, et rencontrer des personnes avec qui s’associer. En somme, c’est transformer ses “concurrents” en alliés grâce à la communication !
Camille Pili
LinkedIn
Sources :
Antoine Amiel, fondateur de Learn Assembly

Coworking

Coworking

Mutinerie Coworking Paris


Crédit photo :

Premier espace de Coworking métropolitain