Contrer la désinformation: Trump VS. médias aux dernières heures de sa campagne
Homme qui rit à moitié conquis ou l’injonction au rire dans les médias.
“Rire est le propre de l’homme”
Rabelais, Avis aux lecteurs, Gargantua (1534)
Vous connaissez cette image, elle vous a fait rire, vous avez cliqué par ennui, par intérêt ou parce qu’elle a réussi à vous séduire. Une formule accrocheuse, un président “swag” dont le côté sympathique ne cesse de croître avec les années, une photographie haute en couleur oscillant entre la nostalgie et le comique de situation… il n’en fallait pas plus pour que vous atterrissiez entre ces lignes, et que vous vous retrouviez au cœur des logiques médiatiques actuelles. Faire rire pour séduire, faire passer des messages mais aussi créer du lien social par connivence… Le rire est par essence communicatif et les dispositifs médiatiques l’ont bien compris, jusqu’à en faire – et nous allons en discuter – une véritable arme de communication massive.
L’écologie dans l’environnement médiatique : le réveil inespéré de l’oubliée
Sans doute n’avons-nous jamais autant parlé d’écologie que depuis la démission inattendue de Nicolas Hulot de son poste de Ministre de la Transition écologique et solidaire le 28 août dernier. Impulsion d’un élan soudain d’engagement, elle a entraîné le réveil des citoyens et des médias sur les questions écologiques et environnementales. Mais qu’en est-il de ces prises de conscience populaire et médiatique ? Ne s’essouffleront-elles pas comme cela a déjà été le cas par le passé ? Autant de questions qu’il est légitime de se poser à l’heure où le changement climatique et ses conséquences se font de plus en plus ressentir dans nos vies et dans les médias.
Rencontre avec Mathieu Maire du Poset, directeur du Tank Media
J’ai rencontré Mathieu Maire du Poset, l’actuel directeur de Le Tank media chez Spintank. Spintank est une agence à l’ADN numérique qui se positionne au côté de ceux qui transforment la société, notamment à travers l’entreprenariat et la création. Ses clients sont à la fois des grands groupes (comme le Groupe ADP, anciennement Aéroports de Paris), mais aussi des Think Tank ou des acteurs publics (comme la Mairie de Paris ou le Ministère de la Culture).
La diabolisation par les médias : faire peur pour mieux faire vendre ?
Si la diabolisation prend historiquement ses racines dans la propagande, elle est aujourd’hui banalisée. Le lecteur contemporain possède davantage de sens critique que ses prédécesseurs n’en avaient lors de la Première Guerre mondiale, à la lecture du portrait journalistique d’un Allemand ennemi déshumanisé et monstrueux. Néanmoins, ce recours courant à la diabolisation dans les médias reste problématique : si elle engage une division du lectorat, elle s’appuie également sur des schémas de pensée mythologique sacralisant le dangereux au lieu d’y apporter des solutions.
Quand « la voix de la Russie » s’infiltre dans le paysage médiatique français
A compter de mi-Décembre, les chaînes de télévision françaises devront composer avec un petit nouveau tout droit venu de Russie : RT, anciennement nommé Russia Today. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’accueil qui lui est réservé n’est pas des plus chaleureux.
Communimacron : Enfermer les journalistes et jeter la clef par la fenêtre
Il l’a dit, il le fait. Emmanuel Macron a averti l’ensemble des journalistes : « un président préside et j’aurai cette distance avec la vie médiatique. La trop grande proximité avec les journalistes a été le problème des derniers quinquennats. Quand on préside, on n’est pas le copain des journalistes », en avril dernier dans l’Emission Politique sur France 2. Bim, prends ça François (et les autres). Après avoir été porté aux nues par les médias, Emmanuel Macron amorce un bras de fer inédit avec l’ensemble de la profession. Petit condensé d’une gueule de bois journalistique.
La « transparence organisée » des deux derniers quinquennats
Cette volonté de mise au ban de la presse française trouve ses fondements dans la gestion médiatique des deux derniers présidents. Nicolas Sarkozy maintenait une proximité certaine avec la meute des éditocrates : textos mielleux, visiteurs du soir et tutoiement : Sarkozy gambadait main dans la main avec les barons des médias. Exemple : cette séquence, relevée dans Les Nouveaux Chiens de Garde, elle illustre les relations incestueuses qu’entretiennent médias et politiques.
F. Hollande pour sa part, se délectait des petites accointances avec les journalistes, de ses ‘off’ et autres confidences. Dans les couloirs du Parti Socialiste, on le surnommait « le petit rédacteur en chef du Canard ». Mal lui en a pris puisque beaucoup considèrent que le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Un Président ne devrait pas dire ça, fut le dernier clou du cercueil du président sortant. Epanchements à la tête de l’Etat ? Seulement soixante-et-une rencontres, souvent chez les journalistes, pour plus d’une centaine d’heures d’entretiens, et ce pendant 5 ans. Une broutille.
La volonté d’Emmanuel Macron de rester le « Maître des horloges » à l’heure de l’information en continu puise sa source dans un autre quinquennat : celui de Jacques Chirac. Le Grand Jacques avait pour conseiller spécial en communication Jacques Pilhan, théoricien de la « parole rare ».
L’influence des influenceurs
L’entourage proche d’Emmanuel Macron peut ainsi justifier sa vision ascendante de la communication. Il est principalement composé d’anciens DSK-Boys (& Girl) avec entre autres Benjamin Griveaux, Ismaël Emelien et Sibeth N’Diaye. Après avoir sué sang et tripes pour positionner leur champion en vue de l’élection présidentielle de 2012, ils ont assisté à la mise en charpie médiatique du trublion du Sofitel. Qualifiée par les journalistes de « mormons » ou de « control freaks », cette dream-team partage avec Emmanuel Macron une méfiance incurable à l’égard de la presse.
Les premiers mois de ce quinquennat ont donc été marqués par une volonté de « mettre de la distance, être dans l’économie de la parole », selon Arnaud Benedetti, co-auteur avec Dominique Wolton de Communiquer c’est Vivre. Il y décèle un ardent désir « d’écrire le récit présidentiel et d’éviter la cacophonie gouvernementale ». Le tintamarre s’oppose donc à un unique émetteur de message, en vue de verrouiller la communication et éviter la prolifération. Barack Obama semble inspirer cette stratégie, le pape du cool, bénéficiait d’une communication cadenassée et léchée comme un blockbuster hollywoodien. Il n’est pas impossible que l’ombre du fils de pub Jacques Séguéla plane sur la start-up nation, celui pour qui le ‘off’ était un « poison mortel. » Celui qui a suivi plus de vingt campagnes internationales ajoute, d’humeur taquine : « Le pouvoir est une œuvre solitaire. Un président normal, ça ne peut pas exister. »
Trigger Warning : La France est le 37ème pays du classement RSF sur la liberté de la presse
Cette distanciation médiatique a souvent pris la forme de méthodes dignes du bon vieux temps de l’ORTF. Un chapelet d’incidents sont venus renforcer l’image autoritaire de Jupiter, petit florilège. L’impétueuse Sibeth N’Diaye a ainsi contacté un redchef pour lui expliquer les règles du journalisme à la sauce macron : « c’est pas du journalisme, c’est du travail de sagouin », à propos d’un titre qu’elle jugeait peu flatteur. Yann Barthès s’est fait agonir de « gros connard » par l’attaché de presse de Macron Man. La raison ? Paul Larrouturou, journaliste à Quotidien, avait eu l’outrecuidance de géhenner Jupiter lors de l’entre-deux tours en lui demandant « La Rotonde, c’est votre Fouquet’s ? » Au premier Conseil des Ministres, les plumes et les caméras, qui captent traditionnellement les premiers pas du gouvernement ont été évacués manu militari de la Cour de l’Elysée. Le torchon (l’expression, pas Libé) brûle déjà entre les deux camps lorsqu’à la suite dudit Conseil, le Château annonce qu’à l’avenir les journalistes seront triés sur le volet pour suivre les déplacements du Président. C’est la goutte d’eau pour les canards qui se fendront d’une lettre ouverte intitulée « Monsieur le président, il n’appartient pas à l’Elysée de choisir les journalistes ». En fait si.
Agence France Elysée Presse
Stéphane Fouks, vice-président de Havas, livre son analyse : « ils ont compris que ce qui comptait, c’était l’offre, c’est-à-dire de prendre la main sur le contenu, les messages, l’image ». C’est ça la nouveauté : cette façon d’être à l’origine des images, en les fabriquant soi-même.
Deux piliers soutiennent cette stratégie. Le premier, une équipe dévouée de stakhanovistes, qui enchaine les Facebook Live, bénéficiant d’accès que les médias n’ont pas. Lors de la visite des Invalides avec Donald Trump, BFM TV avait dû reprendre, déconfite, les images fabriquées par la team com. La systématisation de la pratique du pool, laquelle est habituellement utilisée pour des raisons pratiques, comme la visite d’un sous-marin. Avec Manu, c’est pool party. En aout, une visite présidentielle a fait grincer les dents des journalistes les plus chevronnés : « Là, sur une base de loisirs, le pool, c’est n’importe quoi, il y a de la place, ce n’est pas un lieu sensible, mais c’est comme ça, avec Macron. » L’avantage de court-circuiter les médias c’est que l’on réduit le bruit de Shannon et Weaver et on élude la nécessaire séduction des gatekeepers de Lewin. Le second pilier, plus insidieux, est le « contrat d’exclusivité moral » passé pendant la campagne avec Bestimage, l’agence photo de Mimi Marchand, la reine des paparazzis. Ses photographes sont omniprésents dans les pools constitués et suivent à la trace le couple présidentiel pour assurer le storytelling. De la sorte, l’avant dernier numéro de Paris Match n’a consacré que 18 pages (19 avec la Une) au couple présidentiel. La matière première photographique étant fournie par Bestimages. Le cadenassage se poursuit de jours en jours : le 15 novembre, c’est une équipe de C à Vous qui s’est vue blackbouler loin du président après avoir essayé de poser une question. La raison invoquée ? La veille, ils avaient couvert le rassemblement d’Insoumis qui accueillaient le Président avec des casseroles. On attend le retour sur Terre de Jupiter.
S’il n’applique pas les préconisations de Bourdieu, Emmanuel Macron en suit la pensée : « Le pouvoir symbolique exceptionnel confère aux grandes autorités de l’État la capacité de définir, par leurs actions, leurs décisions et leurs interventions dans le champ journalistique (interviews, conférences de presse, etc.), l’ordre du jour et la hiérarchie des événements qui s’imposent aux journaux. »
Anonyme
Sources :
Balbastre Gilles, réal. Les Nouveaux Chiens de Garde. JEM Productions, 2012. DVD, 104 minutes
Bourdieu Pierre. L’emprise du journalisme. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 101-102, mars 1994. L’emprise du journalisme. pp. 3-9
Lewin, Kurt. « Forces behind food habits and methods of change ». Bulletin of the National Research Council. 108: 35–65
Claude E. Shannon,, « A Mathematical Theory of Communication », Bell System Technical Journal, vol. 27, no 3, juillet 1948, p. 379-423
« Com’ verrouillée, médias critiqués… Macron force les journalistes « à avaler leur chapeau » », par Antoine Rondel, LCI, rubrique Elections, le 24 mai 2017
« Culture du secret et papier glacé : la communication selon Macron » par Par Zineb Dryef et Laurent Telo, M le Magazine du Monde, rubrique Reportage/Actu, le 18 mai 2017
« Emmanuel Macron et sa communication : « Il est passé d’une séduction intense à « Je traite les journalistes comme de la m*rde » » par Sasha Beckermann, Closer, rubrique Politique, le 20 août 2017
« Macron, l’emploi des mots, le toc des photos », par Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, Les Jours, rubrique In Bed With Macron, le 23 novembre 2017
« « Monsieur le président, il n’appartient pas à l’Elysée de choisir les journalistes » », par 15 rédactions françaises, Le Monde, rubrique Idées, le 18 mai 2017
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Le Brexit, un échec médiatique et communicationnel
Quel a été le rôle des médias dans le vote du Brexit ? La campagne de communication des pro-Bremain a-t-elle été défaillante ? Un an et demi après le référendum et alors que l’heure est encore aux négociations, le rôle des médias et les campagnes de communication des pro-Bremain comme des pro-Brexit sont toujours pointés du doigt.
La plupart des journaux britanniques doivent leur existence à un petit groupe de « barons de la presse » – des hommes d’affaires tels que Lords Beaverbrook, Northcliffe et Rothermere – qui ont fondé des journaux à but lucratif et politique et exigé qu’ils reflètent leurs opinions sociales et politiques. Un mythe ? Que nenni. En effet, en Grande-Bretagne, les médias sont très engagés et ont souvent influencé le résultat des élections et des référendums : une tendance qui s’est une nouvelle fois vérifiée lors du Brexit.
Une presse divisée au sujet du Brexit
Le paysage médiatique anglais était partagé sur le sujet du Brexit. Les opinions divergentes étaient perceptibles à travers le traitement de l’actualité. La presse pro-Brexit jouait la carte de l’insécurité et celle de l’immigration massive, en pointant du doigt la libre circulation des personnes dans l’Union Européenne, tandis que les médias pro-Bremain mettaient en avant l’incertitude économique si la Grande-Bretagne venait à quitter l’Union Européenne. Ainsi, à la lecture des journaux, les électeurs ayant choisi de quitter l’Union Européenne associaient les problèmes sociétaux (crise migratoire, politique d’austérité, difficultés du marché du travail…) à la présence de la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne. Influencés par la presse pro-Brexit, les citoyens pensaient faire disparaître ces problèmes en votant pour.
Une prise de position engagée de la part des médias
Les convictions pro-Brexit de la presse britannique sont donc allées bien au-delà de la simple analyse, et de l’objectivité qui incombe à la presse. Ainsi, la couverture médiatique a en partie été biaisée par des préjugés et autres fake news… un processus déjà utilisé par le passé dans les journaux britanniques. Les journalistes auraient-ils délaissé la déontologie au profit de leurs opinions personnelles ? C’est en tout cas ce que laisse imaginer le traitement médiatique du Brexit. Les journaux anglais ont, par exemple, véhiculé des fake news au sujet du coût de l’adhésion britannique à l’UE et de l’adhésion de la Turquie à l’UE. Des informations inexactes rendues crédibles par leur médiatisation. Les médias pro-Brexit affirmaient, par exemple, que la Turquie rejoindrait l’UE d’ici 2020 tout en soulignant qu’il y aurait une migration illimitée provenant de ce pays et de ses voisins tels que l’Iran et la Syrie. De plus, les médias pro-Brexit ont accordé leurs unes à des fausses informations notamment en insistant sur les éventuels dangers qu’encourait la Grande Bretagne avec l’immigration : « Les migrants ne paient que 100 livres pour envahir la Grande-Bretagne », « 20 000 migrants prêts à envahir la Grande Bretagne », … The Mail a même été jusqu’à affirmer que les migrants étaient responsables de 700 meurtres par semaine, une information qu’il a été forcé de corriger tant elle était fausse. Il semble ainsi que les médias ont essayé de provoquer la peur des électeurs afin qu’ils la traduisent dans les urnes. Ce qui prouve que dans le discours politique « post-vérité », l’exactitude de ce que vous dites compte finalement moins que la force et la fréquence à laquelle vous le répétez.
Une méconnaissance globale de l’Union Européenne
Mais comment une institution aussi puissante que l’Union Européenne a-t-elle pu perdre l’un de ses membres les plus importants ? Comment une institution censée rassembler peut-elle aujourd’hui être aussi contestée et clivante ? Il semble que le manque de communication de l’Union Européenne sur son rôle justifie en partie le Brexit, les citoyens n’ayant pas été suffisamment informés sur l’Union Européenne et n’ayant pas véritablement saisis ses enjeux. Dominique Wolton dans son texte « Dix chantiers pour aider à penser l’incommunication en Europe » constate que la part de l’information européenne dans les médias est dérisoire, que les citoyens européens méconnaissent l’histoire de l’Union Européenne ou encore qu’il y a une méfiance envers la diversité culturelle. Il propose ainsi d’accroître le volume et la diversité de l’information sur l’Europe, d’enseigner la vie politique européenne dans toutes les écoles, de populariser l’histoire de l’Europe, ou encore de faire de la question des réfugiés un symbole de la solidarité de l’Union Européenne. Des propositions pouvant mener à un nouveau plan de communication efficace de l’Union Européenne afin d’éviter des situations telles que le Brexit.
Une communication numérique réussie
À l’inverse des pro-Bremain, les pro-Brexit ont réussi leur campagne de communication en misant sur le digital et en donnant le ton au débat sur les réseaux sociaux. Les nombreux partisans actifs du Brexit leur ont permis de dominer Facebook, Twitter et Instagram, influençant des foules d’électeurs indécis. Selon l’étude « impact of social media on the outcome of the EU referendum », les partisans du Brexit sur Instagram étaient cinq fois plus actifs que les partisans du Remain. De plus, les 3 hashtags les plus utilisés provenaient du camp du Brexit : #Brexit, #Beleave et #VoteLeave. Le message du camp du Brexit était ainsi beaucoup plus intuitif, direct et émotionnel, ce qui a facilité la propagation virale des idées pro-Brexit. En effet, les messages émotionnels se propagent plus rapidement que les messages axés sur des arguments rationnels ou économiques. Ainsi, l’erreur communicationnelle des pro-UE a été de ne pas dominer les médias sociaux. Internet a changé la nature des campagnes politiques et continuera à jouer un rôle clé dans les futures élections politiques.
De nombreux électeurs du Brexit semblent maintenant souffrir de ce qu’on appelle « Bregret ». En effet, ils ont voté pour quitter l’Union Européenne, et maintenant, ils auraient aimé ne pas le faire. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas vraiment compris les implications des choix offerts. Ce qui est si inquiétant, c’est qu’avec une meilleure communication des différents camps et un traitement médiatique plus neutre, les électeurs auraient au moins pu prendre une décision éclairée, quelque soit le camp qu’ils avaient choisi.
Sandrine Roul
Sources :
Abott James, Brexit : les prises de position engagées des médias britanniques, RTL, 23/06/2016, consulté le 01/11/2017.
Lessons From Brexit: How Not To Communicate Your Cause, Entrepreneur Middle East, 10/07/2016, consulté le 01/11/2017.
Polonski Vyacheslav, Impact of social media on the outcome of the EU referendum, EU Referendum Analysis 2016, consulté le 01/11/2017.
Malherbe Michael, Réflexions post-Brexit sur la communication de l’Union européenne, La Com Européenne, 13/07/2016, consulté le 01/11/2017.
Simon Hinde, Brexit and the media, Hermès, La Revue 2017/1 (n° 77), p. 80-86.
Dominique Wolton, Dix chantiers pour aider à penser l’incommunication en Europe, Hermès, La Revue 2017/1 (n° 77), p. 243-247.
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Suppression de l'ISF: Petite ôde à l'impôt
La suppression de l’Impôt sur la Fortune (ISF) a été annoncée par Emmanuel Macron alors candidat pour l’élection présidentielle en février 2017. Cet impôt, auparavant nommé Impôt sur les Grandes Fortunes était apparu sous la présidence de François Mitterrand avant d’être abrogé puis réintroduit en 1988. Il est aujourd’hui question de l’instauration d’un Impôt sur les Fortunes Immobilières (IFI) prévue dans le projet de budget de 2018. L’instauration de ce nouvel impôt fait suite au constat de l’inefficacité de l’ISF : en 2016, il avait provoqué l’exil de deux familles par jour. Même si la rationalité économique souligne que cette taxe coûte plus à la collectivité qu’elle ne rapporte, la froideur de cet argument ne semble pas suffire à justifier sa suppression.
L’impôt a ses raisons que la raison ignore
En effet, s’il existe une raison économique qui justifie le retrait de cet impôt, la façon de le suggérer n’a pas été des plus pertinentes. On peut identifier deux raisons expliquant l’échec de la communication autour de la suppression de l’ISF.
D’une part, la fiscalité tient d’une matière extrêmement technique. Elle est sujette à l’instrumentalisation par l’ensemble du personnel politique, c’est ce que l’on a pu constater durant la campagne présidentielle de 2017.
Ici, le problème est pris à l’envers. Au lieu de faire revenir les riches, il s’agit de ne pas les faire partir : cela serait possible en mettant l’accent sur la dimension contributive de l’impôt pour l’ensemble de la société. Or, Emmanuel Macron s’adresse plus aux individualités qu’à la collectivité. En opposant ceux qui réussissent et « ceux qui ne sont rien » (29 juin 2017, Discours d’inauguration d’un incubateur de start-up) le président valorise l’individu dans son aboutissement personnel en le distinguant clairement du reste de la société.
D’autre part, la mauvaise perception de l’ISF est la conséquence directe d’une défaillance de l’Etat. L’appareil public ne parvient pas à présenter comme nécessaire la participation de l’ensemble des individus dans le financement de l’activité publique.
Il est avéré que de faire comprendre aux citoyens que leur participation à l’impôt sert la collectivité et permet un plus grand assentiment à ce dernier. L’impôt permet de financer par exemple un système éducatif de qualité, et une population plus qualifiée -et de la même façon plus productive- est plus à même à participer à la vie démocratique, ce qui constitue une externalité positive pour la société.
On retrouve ici une des contradictions fondamentales de la communication macronienne. S’affrontent une volonté de satisfaire les classes moyennes et la suppression des contrats aidés ou la réduction des Aides Personnalisées au Logement (APL). La « pensée complexe » qu’avait faite valoir l’Elysée pour justifier l’absence du président dans les médias sert finalement des intérêts simples.
Marqué du sceau « Ami des nantis »
Si la réforme de l’ISF pose problème, c’est également du fait de l’importante valeur symbolique de cet impôt. En plus du modèle « jupitérien » de la présidence Macron qui implique une grande prise de distance médiatique, le fait que cette réforme prenne tant de place dans l’espace médiatique conforte le président dans une déconnexion par rapport à la classe moyenne qui est loin des réalités que connaissent ceux qui sont assujettis à cet impôt.
Par conséquent, cette suppression contribue à créer un imaginaire de la technicité et de la distance d’un président croulant sous ses propres contradictions, tiraillé entre des interventions millimétrées dans les médias et un goût pour les phrases volées à l’occasion de ses différentes interventions.
Cette réforme renforce l’inquiétude que les richesses se concentrent à l’extrême, la répartition de celles-ci redevenant très inégalitaire. Effectivement, selon Thomas Piketty dans son livre Le Capital au XXIème siècle, depuis la fin du XIXème la part de la richesse accaparée par le 1% des plus riches a doublé pour atteindre aujourd’hui 20%. L’acrimonie sociale est aujourd’hui particulièrement vive contre des objets qui rentrent dans l’imaginaire collectif de la richesse : avec ce nouvel impôt, les yachts, voitures de luxe et lingots d’or seront épargnés de taxe.
Le « président des riches » sacrifie sur l’autel de la rationalité économique la paix sociale : la haine contre cette richesse ostentatoire devient palpable.
La présidence des riches, par les riches et pour les riches
La défense de cette réforme revêt dans le discours présidentiel un aspect purement dogmatique. La parole du président devrait permettre que la surpression de l’ISF donne la possibilité aux français les plus fortunés d’investir dans les entreprises pour servir la croissance. Bien que sa posture donne de l’importance à son discours, être président ne semble plus suffire pour donner un effet concret à cette volonté. Il peut exister en plus de cela un effet d’aubaine qui détournerait la réforme de son essence : les plus riches ne sont en rien contraints d’investir leur argent dans les entreprises.
Il n’en demeure pas moins qu’Emmanuel Macron se pose dans une position autoritaire, comme si sa stature présidentielle à elle seule suffisait à donner du corps à son discours. Or, la position présidentielle n’est plus aujourd’hui un facteur de légitimation du discours, d’autant plus à l’heure de la démystification de la fonction politique. Ce sentiment est conforté par l’alimentation d’une « pensée complexe », l’intellectualité de la pensée du président serait un facteur de légitimation de son discours. La verticalité de sa parole contraste franchement avec les qualificatifs de « fouteurs de bordel » adressés aux salariés de GMS au début du mois d’octobre 2017.
Et pendant que la suppression de l’ISF nourrit cette passion bien française de dégout envers la richesse, l’extrême droite arrive en Autriche avec un président plus jeune qu’Emmanuel Macron, conséquence directe d’une distance grandissante entre ceux qui font les politiques et ceux que cela concerne. Juste sanction ou mauvaise colère?
Corentin Loubet
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Sources:
AFP. La suppression de l’ISF, une réforme sans garantie de résultat, Le Dauphiné . Publié le 23/09/2017 . Consulté le 19/10/2017
« A peine présenté, le nouvel ISF de Macron menacé par le «syndrome des yachts» » , Le Parisien. Publié le 28/09/2017. Consulté le 19/10/2017.
Michel Ricard, ISF : l’art délicat de la communication, Le Point. Publié le 04/10/2017. Consulté le 20/10/2017.
Jérome Leroy; Macron : une pensée complexe au service d’intérêts simples, Causeur. Publié le 16/10/2017 , Consulté le 19/10/2017.
Pierre Rosanvallon, Relégitimer l’impôt. CAIRN . Publié en 2007 . Consulté le 20/10/2017.
Denis Jeambar; Emmanuel Macron, ce président qui sait tout sur tout. Publié le 16/10/2017. Consulté le 24/10/2017.
Ludovic Galtier. Pourquoi la réforme de l’ISF pose problème. RTL. Publié le 19/10/2017 . Consulté le 23/10/2017
Arnaud Benedetti, Emmanuel Macron s’adresse aux individus plutôt qu’à la nation . Le Figaro. Publié le 16/10/2017. Consulté le 24/10/2017
Thomas Vampouille. Nous pas comprendre le président Macron, Marianne. Publié le 29/06/2017. Consulté le 28/10/2017
Economie des Politiques Publiques, Antoine BOZIO et Julien GRENET, Collection Repères, Edition La Découverte, P. 71-71
Thomas PIKETTY, Le Capital au XXIème siècle, Stock, 2013
Crédit photo
Une : YVES VELTER / GAZ OF HESITATION / 2013
Photo 1 : GIANGIACOMO SPADARI / ELEMENTI MECCANICI / 1971
Photo 2 : FRANK FREED / HAVE AND HAVE NOT / 1970
Photo 3 : ANNE CHRISTINE POUJOLAT / AFP / 2017