coexist street art fastncurious
Culture

"Coexist", le street-art militant

Un slogan pacificateur et universel
En 2001, à l’occasion d’un concours organisé par le musée socio-politique d’art contemporain de Jérusalem (the Museum on the Seam) autour du dialogue et de la tolérance, le graphiste polonais Piotr Mlodozeniec invente le logo « Coexist ». Ce mot-slogan est formé par les symboles des trois religions monothéistes, respectivement, le croissant de l’Islam, l’étoile de David et la croix du christianisme, formant le C, X et T de « Coexist ». L’artiste ne dépose aucun droit sur cette création, la léguant ainsi au domaine public. En effet, il souhaite qu’elle puisse être diffusée dans le monde entier comme message de paix.
Les plus férus de musique n’auront pas manqué de remarquer que Bono et ses acolytes irlandais se sont appropriés ce symbole lors de leur Vertigo Tour en 2005.
Combo, le digne héritier parisien
Son aspiration trouvera du sens à travers l’œuvre du graffeur parisien Combo. A la suite des attentats qui ont visé Charlie Hebdo en janvier dernier, on peut voir fleurir sur les murs de la capitale l’apophtegme. Un de ses auteurs, Combo, un jeune artiste français de 28 ans « ne cherche pas à défendre la religion, mais les gens souffrant des préjugés concernant leur religion » confie-t-il à l’hebdomadaire Elle. On peut parfois apercevoir sa silhouette, vêtue d’une djellaba, dessinée aux côtés du slogan. Pourtant, le 30 janvier dernier, ce n’est pas ses dessins qui ont été pris pour cible mais bien le graffeur lui-même. Victime d’une violente agression après avoir refusé de retirer son affiche, il parvient à s’en tirer sans blessures graves et devient un symbole de la liberté d’expression.
Combo n’en est pourtant pas à son coup d’essai. En 2014, il effectue un voyage à Beyrouth où il initie une campagne de « Dji-art ». Le procédé est simple et déclinable à l’infini, il détourne les images utilisés par Daesh pour mieux renverser leur propagande. « Moins de Hamas, plus de Houmous » peut-on lire sur un mur de la capitale libanaise. Ancien publicitaire, il maitrise la rhétorique des catchphrases, les murs sont ses terrains d’expression engagée, car engagé il l’a toujours été.
Le 8 février, sur le plateau du Grand Journal, il lance une campagne d’affichage baptisée « Coexistons » et donne rendez-vous à l’Institut du Monde Arabe pour une distribution d’affiches destinées à être placardées sur les façades parisiennes. Les volontaires présents sont d’autres graffeurs mais aussi des communicants, des enseignants ou encore des étudiants. L’initiative est encouragée par le maitre des lieux, Jack Lang, et l’IMA revêt le premier « Coexist » de la matinée.

Combo fait aussi remarquer que depuis les attaques terroristes de janvier, ses messages ont une durée de vie raccourcie et sont effacés en quelques jours par la Mairie, alors qu’ils pouvaient subsister plus de deux ou trois mois auparavant.
Dernière création en date, réalisée le jour de la Saint-Valentin, deux personnages – un juif et un musulman – en train de s’embrasser. A côté on lit le tag “Love is blind. And religion can blind us.”
L’idée, encore une fois, est de faire réfléchir, ici autour de l’homosexualité et de la religion, de casser les stéréotypes. L’image est forte et n’est pas sans rappeler le « baiser fraternel » échangé entre Leonid Brejnev et Erich Honecker, dessiné sur le mur de Berlin par l’artiste russe Dimitri Vrubel.

Un phénomène amplifié par l’actualité
Paris n’est pas un cas isolé, le phénomène est repris par-delà les frontières. Le graffeur raconte qu’il a reçu des photos de Bordeaux, Chicago, Boston. Il suffit de télécharger le slogan et chacun peut alors lui aussi diffuser le message.
Lors des manifestations qui ont suivi les profanations de cimetières juifs dans le Bas-Rhin cette semaine, on retrouvait là aussi le fameux « Coexist » sur les banderoles.
Si ce crédo connait un tel succès, c’est parce qu’il tend à concerner la plupart des conflits géopolitiques actuels, à apaiser les tensions croissantes liées à la religion. L’action est symbolique et pacifique et l’on peut se demander dans quelle mesure elle parvient à éduquer les pensées, et à lutter contre les déchainements de violence commis au nom de la religion. Au-delà de ce message, le street-art, engagé par essence, représente un terrain d’expression virale et impactant, autour duquel la réflexion est toujours intéressante.
Thelma Cherpin
Sources :
elle.fr
observers.france24.com
lemonde.fr
Crédits photos :
observers.france24.com
culturebox.francetvinfo.fr
observers.france24.com

Culture

Le street, c'est pas automatique

 
S’il y a encore un mariage qui fait débat, c’est naturellement celui de la publicité et du street-art. La tendance à cette association contestée n’est, certes, pas inédite mais elle poursuit sa systématisation et sa normalisation. Loin d’être encore perçu comme une expérimentation originale et périlleuse de la marque, le recours aux codes du street-art est désormais tristement banal. L’underground acéré s’est fondu dans la masse, à grands coups d’édulcoration et de censure. Exit les contenus politiques et sociaux contestataires, bienvenue dans le joli monde marketé du street-art gentillet.
Un mariage arrangé contre-nature
« J’essaie de faire de belles peintures et je m’arrêterai le jour ou la publicité ne m’agressera plus dans les rues » , nous dit le street-artist Lenz. Que penser aujourd’hui quand le street-art prend part au mécanisme de « pollution visuelle » qu’il prétend combattre ?
Le street-art et la publicité entretiennent originellement une relation conflictuelle, aux limites de l’antagonisme. Les Pixadores, groupe de graffeurs de São Paulo, appuient cette idée en présentant le street-art comme « une forme de protestation, de révolte idéologique ! » . Précisons que, ironie du sort ou appât du gain, ces mêmes défenseurs de l’art sauvage finiront par collaborer avec Puma en 2012 (Puma x ASOS dans « OS PIXADORES »).
L’acte originel de la profanation de l’espace publicisé (ou simplement urbain) a aujourd’hui ouvert la voie à son contraire. Le contre-dispositif qui se met en place depuis quelques années investit la publicité non plus comme victime du street-art mais bel et bien comme instigatrice et mécène de celui-ci. Le mouvement audacieux et subversif est devenu un enjeu économique, tombé dans la production à la chaîne et instrumentalisé à des fins marchandes.
Le street-art pour tous ?
La question majeure qui se pose est celle de la légitimé et de la pertinence d’une marque à communiquer via les codes esthétiques et culturels qui sont ceux du street-art. Se dessinent alors plusieurs cas de figure, que l’on peut distinguer en fonction du degré de cohérence entre l’ADN de la marque et les valeurs portées par l’art de rue (la transgression, la contestation…).
Les « vrais » de la street

Keith Haring pour Reebok (à gauche) – Modèle Toki de Nike (à droite)
Ces « vrais de vrais » sont à chercher parmi les marques qui, à l’instar de Reebok ou de Nike, ont fondé leur image même sur cette « culture de la rue ». Les collaborations avec des street-artists ou les featurings avec des rappeurs se justifient par le fait qu’ils coïncident avec la volonté de la marque de se positionner en tant que pseudo « sub-culture » revendicatrice.

Le street-artist Niark à l’œuvre dans le métro pour la campagne
« Shoes are boring, wear sneakers » de Converse
Dans cette même catégorie, on retrouve les marques qui exploitent le filon de la provocation et de l’anticonformisme. Converse, avec sa campagne « Shoes are boring, wear sneakers » , dont les affiches ont été « vandalisées » volontairement par des street-artists, ou avec l’aménagement de son pavillon (au bord du canal de l’Ourcq) par l’artiste Supakitch propose une véritable collaboration entre l’art de rue et la publicité.
Les surfeurs superficiels
Ce phénomène de « street-artification » a particulièrement le vent en poupe chez les marques de boissons : on ne compte plus le nombre de bouteilles collectors en édition limitée issues des collaborations Marque/Street-Artist (Hennessy, Perrier, Malibu, J&B, Kronenbourg…). Le mouvement a également trouvé un écho dans la fashion sphère, où les marques de vêtements de luxe et semi-luxe ont toutes plus ou moins exploité les codes graphiques du street-art (Kongo x Hermès, Honet x Lacoste…).

Le manquement fondamental de ces marques est d’envisager le recours à ces « arts décalés » comme une formule magique à même de satisfaire leur aspiration à s’inscrire dans l’air du temps et à toucher un public jeune et branché.
La directrice marketing France de Perrier souligne en effet, dans le cadre de la collaboration « Inspired by Street-art » , la volonté de « parler à des gens avec lesquels [la marque] ne parle pas d’habitude », entendons « les jeunes urbains ».
Or, dans le monde de la communication, les échecs retentissants provoqués par ce type de raccourcis maladroits sont légion. Si peindre un 4×4 en rose n’en fait pas pour autant une voiture destinée aux femmes, si parler verlan n’est pas la garantie de toucher un public jeune, « faire à la manière» du street-art ne suffit pas à transformer une marque en the brand to be.
Le risque encouru, via ce genre de raisonnement littéral, est de tomber dans la gratuité de l’esthétique et dans l’absence de discours de marque au-delà. Le rapport entre le street-art et la marque devient indéniablement superficiel au sens où cette dernière est davantage dans l’imitation de codes visuels que dans l’incarnation de valeurs fortes.
La journaliste Catherine Cochard le formule clairement : « L’art est soumis aux règles de la tendance et celle-ci est actuellement urbaine » . Les marques, dans leur désir d’actualité et d’attractivité, sont ainsi les premières à surfer sur cette vague.
Les opportunistes illégitimes

La Collection Street-art de Monoprix, lancée en cette rentrée 2014, symbolise la dénaturation et la négation la plus complète du mouvement artistique qu’est le street-art. La marque a banalisé au plus haut point la tendance et a destitué l’œuvre d’art pour en faire une pure marchandise. L’absence de signature d’un artiste en particulier, au profit d’un englobant « Collection Street-art », marque l’apparition de biens de consommation sérialisés et anonymes, dont seule l’esthétique désincarnée évoque vaguement les graffitis urbains. Dans ce lieu de distribution grand public qui propose la customisation de produits domestiques (torchon, gant de cuisine, culotte…), l’art a disparu, le street aussi.
Monoprix, qui s’est démarqué sur d’autres collaborations bien plus réussies, a malheureusement endossé le mauvais rôle cette fois-ci. Alors que le recours au street-art se limitait, jusque-là, à des campagnes publicitaires et des produits de niche, l’initiative malhabile de la marque fait jouer au mouvement artistique urbain son dernier acte : celui de sa néantisation.

Détournement des codes visuels des packagings Monoprix par Martin Parker, adepte
de urban hacking, pour dénoncer la « Collection Street Art »
Le divorce radical entre l’annonceur et l’urban-artist n’est pas nécessairement souhaitable. Il serait simplement bon que certaines marques osent fermer leur porte et laisser le street-art à la rue.
Tiphaine Baubinnec
http://www.linkedin.com/pub/tiphaine-baubinnec/75/76/995
Sources :
slate.fr
digitalhunter.fr
allcityblog.com
fabula.org
midilibre.fr
Crédits photos :
street-rules.com
buzzly.fr
fraisfrais.com
monoprix.fr

Société

Dislike the like

 
Nouveau chapitre dans la critique contre les réseaux-sociaux. Cette fois, c’est l’artiste italien Mr Thoms qui a posté le 8 juillet dernier une vidéo dévoilant en stop-motion une fresque street-art parodiant notre comportement sur Facebook, avec dans son viseur le like.

Le message est explicite. L’artiste peint un homme menotté, enfermé dans un système d’œillère à l’effigie de Facebook, hystérisé et obsédé par la fameuse main au pouce levé accrochée devant lui.
La critique est parlante : le réseau social, loin de générer du lien, emprisonne l’individu dans une frénésie abrutissante. Il devient un dispositif d’aliénation, qui présenterait presque des similitudes avec la célèbre allégorie platonicienne. Alors, les réseaux sociaux seraient-ils la caverne des temps modernes, et les likes des simulacres de popularité ?
 Nous pouvons tous nous reconnaitre dans cette fresque : elle caricature la façon dont nous « scrutons » le nombre de likes sur nos photos, commentaires ou statuts. Elle montre combien le « like » est dans l’ère du temps, mais peut-être surtout dans celle du marché, alors que les jeux-concours exploitant le dispositif se multiplient et que les marques rivalisent en nombres de « j’aime ». Mais l’e-réputation peut-elle se résumer au like, quand on connait sa volatilité ?
 Car plus généralement, l’artiste nous interroge sur la nature de ce geste : « Liker » est un réflexe. L’intuitivité du bouton est d’ailleurs ce qui fait son succès. On adhère d’un clic, sans forcément en mesurer les conséquences. Et si aimer la publication d’un ami semble sans danger, qu’en est-il du reste ? Des publicités, des pétitions, des messages politiques ? Sans compter qu’avec Facebook, qui ne souffre pas de quelques contradictions, l’intuitif a souvent vocation à devenir éternel.
 Et finalement, qu’arrive-t-il lorsque ce réflexe sort du cadre du réseau social ? Sommes-nous, comme semble le penser l’artiste, prisonniers d’un dispositif qui affecte notre propre rapport au monde ? Augure-t-il de l’avènement d’une société du like ou du dislike, en somme du tout ou rien et de l’assentiment instantané et inconséquent ?
 Clarisse Roussel
Sources :
Konbini.com

Publicité et marketing

INSTAGRAM DANS LA RUE

 
A l’angle des rues Ponthieu et Jean Mermoz, se trouve un prototype des plus originaux. Face à un hôtel parisien, collé sur le mur, un miroir semble vous interpeller. Il faut dire que sa forme est quelque peu particulière : le cadre entourant le miroir rappelle en tout point celui des photographies postées sur Instagram. En effet, on y retrouve les codes du réseau social : forme carrée de la « photographie », police de caractère, boutons « j’aime » et « commenter », etc.
Mais qui se cache derrière cette œuvre de « street art » ? Pour avoir la réponse, il suffit de taper sur Instagram « Encoreunestp », soit le nom du compte indiqué sur le miroir. On y découvre alors en photo chaque étape de la préparation du projet : de la confection du miroir à sa pose, dans ce carrefour du 8ème arrondissement de Paris. Cette œuvre d’art hybride, en encourageant les passants à prendre un selfie et à le poster sur Instagram, offre à « Encoreunestp » la possibilité de contempler la réception de son œuvre. Streetart rime désormais avec Feedback.

Lisa Brunet
Crédits photos :
compte Instagram « Encoreunestp »

Culture

Aux anonymes la patrie reconnaissante : le Panthéon revisité par l’artiste JR.

 
L’un des monuments les plus célèbres de la capitale est actuellement au cœur de l’actualité du pays : si le président a annoncé le vendredi 21 février que les cendres de quatre figures de la Seconde Guerre Mondiale seraient transférées au Panthéon en 2015, une autre déclaration a fait parler du Panthéon. En effet, le Centre des monuments nationaux (CMN) a déclaré le 24 février que l’artiste de street-art JR allait orner le dôme d’une œuvre d’art.
Le président du CMN, Philippe Bélaval, a ainsi préféré l’art à la communication publicitaire : « Pour la première fois, les bâches d’un chantier d’un monument national deviendront le support d’une création artistique contemporaine, et non celui d’une campagne publicitaire lucrative » a déclaré le CMN. Ouf, les Parisiens peuvent respirer : ils ne verront donc pas de bâche Apple sur cet emblème national qu’est le Panthéon.
Le projet semble avoir tout pour plaire. C’est avant tout un dispositif participatif : dans le cadre du travail de JR intitulé « Inside Out », un camion va circuler dans toute la France pour prendre en photo ceux qui le voudront. On peut aussi envoyer son portrait via Internet sur un site dédié.

Ajoutons que le projet « Au Panthéon » témoigne d’une volonté plus large d’améliorer l’attractivité du lieu, ambition définie dans le rapport de Philippe Bélaval intitulé « Pour faire entrer le peuple au Panthéon ». Orner le dôme en travaux d’une œuvre d’art est également une manière de communiquer sur les valeurs républicaines dont le lieu est chargé. On voit bien en effet toute la portée symbolique de ce geste qui consiste à s’approprier le Temple et davantage, à y faire une entrée éphémère au côté des « hommes illustres ».
La bâche doit être inaugurée le 22 avril. L’opération, dont les internautes pourront suivre l’avancement sur Twitter (#AuPanthéon), saura-t-elle donner un nouveau souffle au monument, mal aimé des touristes ?
Lucie Detrain
Sources :
Au-pantheon.fr
Paris.fr

1
Vermibus
Culture

Passage sous acide : quand Vermibus dissout les affiches de pubs

 
Le projet « Dissolving Europe », la mise à mal des affiches publicitaires de l’adbuster Vermibus
Dissolving Europe est le nouveau projet d’art public du street artiste berlinois, Vermibus. Dans un road trip de 18 jours, il s’est muni de ses pinceaux et de dissolvant afin de s’attaquer aux affiches des panneaux publicitaires et de les modifier à sa guise. Comme il l’explique sur son site web, le cœur de son projet a pour objectif de « détourner physiquement et temporellement le monde occidental des affiches publicitaires au nom des beaux-arts ».
Ainsi, il est intervenu dans 6 pays européens différents et a réalisé une centaine d’œuvres.

Dissolving Europe : au cœur d’un processus « anti-pub »

On pourrait dire que le projet du street artiste Vermibus se présente sous la forme d’une chronologie d’actions permettant, ainsi, une réelle immersion dans sa campagne de sensibilisation sur la pollution publicitaire.
Dans un premier temps, Vermibus choisit soigneusement l’espace urbain dans lequel il souhaite opérer, s’attaquant le plus souvent à des panneaux publicitaires proches de grands magasins de luxe.
Il récupère et rassemble les affiches publicitaires laissant, en apparence, vide de sens ces grands panneaux d’affichage lumineux. La première phase de son projet est enclenchée : un souffle d’air frais est créé et notre environnement urbain devient, le temps d’une journée, plus lisse, plus épuré.
En même temps, il retravaille dans son atelier les affiches récupérées à coup de pinceaux et de dissolvant. Les modèles, beautés plastiques et imaginaires de la perfection, sont alors déformés, voire même déshumanisés, se transformant tels des spectres aux silhouettes effrayantes.
Une fois satisfait de son œuvre, les publicités sont replacées dans leurs environnements initiaux et ainsi dévoilées au consommateur.
A travers son œuvre, notre espace urbain, excessivement rempli d’affiches publicitaires similaires et fades, retrouve un second souffle où le regard du consommateur est hypnotisé par cette dénaturalisation, parfois extrême, des modèles. Les photographies originales prennent un tout autre sens et deviennent de réelles œuvres d’art.
Un acte anti-consumériste et bien plus !
Dans un environnement où le matraquage publicitaire est devenu monnaie courante, Vermibus s’attaque à cette pollution visuelle et s’engage dans un processus créatif anti-consumériste. Télévision, Internet, mur, métro, building, etc., tout est devenu bon pour pousser le citoyen à dépenser et à consommer.
En plus d’être omniprésente, la publicité est construite de manière insidieuse, elle s’ancre en nous et reste bien présente dans nos esprits.
A travers les différentes techniques de marketing, elle joue sur nos affects et surtout nous transmet des représentations sociales, des normes et des critères physiques qui cadrent nos vies ; présentés comme le seul protocole valide de mode de vie.
Ainsi, l’œuvre de Vermibus va bien au-delà de la simple critique consumériste, elle nous transporte et dénonce publiquement notre aliénation à ce protocole.
Ce street artiste rompt avec les traits d’une génération hautaine et sans vie en effaçant la froideur macabre des mannequins.
Avec ses solvants, il s’improvise chirurgien et éclate les représentations sociales et physiques qu’on souhaite nous faire intérioriser, en remodelant à sa guise les corps et les expressions des modèles.
La plupart des logos sont effacés incitant directement à démanteler la suprématie des marques. La chair semble dissoute, les visages sont défigurés, marqués par des regards à la fois perçants et vitreux, créant une sensation de malaise, sans pour autant que le consommateur ne puisse détacher son attention de l’affiche.
Ces spectres sombres et torturés nous envoûtent, nous fascinent mais surtout nous permettent de nous interroger et de nous mettre face à notre propre aliénation afin de nous faire réagir et de nous faire prendre conscience de la prééminence purement capitaliste qui régit nos sociétés.
Les spots publicitaires fades des marques de vêtements ou de parfums, qui s’accumulent et s’amoncellent indéfiniment au sein de notre société, sont alors manipulés, détournés et acquièrent pleinement leur caractère dénonciateur et engagé.
En s’improvisant poseur d’affiches, Vermibus crée un vrai chef d’œuvre et nous transporte pleinement au sein de sa campagne de sensibilisation.
Chapeau bas l’artiste !
 
Adeline Reux
Sources :
Konbini.com
Brooklynstreetart.com
Opnminded.com
Crédits photos :
Thomas von Wittich

Culture

Banksy, ou l'art sur une frontière.

 

Banksy est certainement le street-artist contemporain le plus médiatisé de ces cinq dernières années. Bien que son identité soit entourée de mystère (il serait anglais et né en 1974 d’après Wikipedia), ses moindres faits et gestes artistiques disposent d’une couverture médiatique ahurissante, tel la Une du New-York Post la semaine passée. Bien peu d’artistes contemporains peuvent se targuer d’une si grande reconnaissance publique. Souvent adulé, parfois détesté, Banksy semble être le modèle de l’artiste d’aujourd’hui : people mais caché, underground mais pop, illégal mais moralisateur.
Cependant, ses derniers travaux new-yorkais n’ont-ils pas montré de façon définitive les limites du travail de cet homme évoluant toujours à la frontière de ce qu’il dénonce : le consumérisme et la bien-pensance ?
Depuis un mois, Banksy navigue dans New-York au gré de ses projets artistiques et dévoile quotidiennement une nouvelle « œuvre » sur un blog (http://www.banksy.co.uk/) ouvert à cette occasion. Le nom du projet ? « Better out than in », mettant ainsi en exergue de nouveaux travaux de rue. Un « happening » de cette résidence new-yorkaise m’a interpelé et a accaparé les médias la semaine dernière : près de Central Park, un homme d’un certain âge proposait sur son stand des toiles authentiques et signées de Banksy au prix dérisoire de 60 dollars. Le stand semblait tout à fait commun et aucune communication particulière n’était faite pour le promouvoir. Le consommateur ne savait plus si les œuvres vendues étaient vraies ou non, et s’en voyait décontenancé. L’artiste anglais publia sur son blog le lendemain de cette opération une vidéo dans laquelle il divulgua les dessous de cet évènement et reconnut être à l’origine des toiles.
Banksy a toujours souhaité dénoncer les affres du capitalisme, du communautarisme, de la guerre, de la marchandisation du monde. Il souhaite ici montrer du doigt toutes les stratégies de communication qui entoure les grands évènements artistiques récents et qui, selon lui, créent des buzz factices, détournant le public des véritables qualités artistiques des travaux qu’ils vont voir. Le peu d’œuvres vendues (malgré leur prix dérisoire) sur le stand de Central Park semble corroborer son analyse, montrant que l’absence de communication n’a pas permis une vente qui aurait pu être historique.
Il est vrai que le marché de l’art est un marché d’influence, de bulles spéculatives créées artificiellement par d’importantes galeries ou par d’importants acheteurs qui orientent et guident le marché au travers de grands évènements et de grandes campagnes de communication. Cependant, ce constat est vrai pour tout marché, et la nécessité de communiquer vaut pour tout produit, même culturel.
Banksy souhaite t-il alors dénoncer la marchandisation de l’art ? Il a lui-même profité de ce mouvement en vendant certains de ses travaux lors d’expositions au « buzz » parfait, dans lesquelles le « tout Los Angeles » s’est précipité. Officiellement, les fonds ainsi récoltés lui permettent de conserver sa liberté artistique. Banksy avance alors dans un flou certain, sur la ligne jaune entre dénonciation de la marchandisation et le « marchandising » du monde artistique dont il a profité. Les arts de rue sont désormais tombés dans la culture populaire, et dans un monde de marchandisation. Banksy a été l’un des chefs de file de ce mouvement, et a ouvert les portes des galeries d’art à toute une génération de street-artists.

Banksy déclare vouloir « Faire de l’art sans prix ». Il propose alors sur un stand new-yorkais ses œuvres à une somme misérable face à celle du marché, et ne communique pas dessus. Mais alors, pourquoi publier le lendemain une vidéo montrant le stratagème et faisant, de facto, augmenter le prix des œuvres ? Pourquoi ne pas taire cette information et laisser l’art pour l’art, lui qui souhaite sortir la culture du système marchand ? En le dénonçant, il l’encourage.
Banksy, vous ratez l’évident : l’art qui n’a pas de prix, c’est l’art de la rue, celui qui se trouve sur les murs des immeubles. Stoppez le travail que vous fournissez sur toiles. Ce sont vos tags qui ne disposent d’aucune valeur marchande. C’est ce travail qui rend unique vos pochoirs reproductibles puisqu’il se crée en situation, dans un lieu particulier, dans des conditions particulières. C’est cela l’art de rue : un art de l’éphémère mais de l’unique, qui parle sans stratégie de communication ni murs prestigieux de galeries ou d’institutions. Banksy, si vous souhaitez faire vivre l’art hors de la marchandisation, contentez-vous de faire de l’art sur les murs, et cessez d’utiliser votre talent sur des supports qui ne sont pas les vôtres.
Adrien Torres
Sources
Nouvelobs.com
Banksyny.com

Culture

Jacques a dit "La tour Paris 13, ou l'intégration bien pensée du digital et du collaboratif"

 
Depuis le 1er octobre, la tour Paris 13, un ancien immeuble d’habitations de 9 étages voué à la démolition, est accessible au public.
Il a été entièrement envahi par 100 street artistes du monde entier qui ont pu laisser libre cours à leur créativité, et nous sommes invités à aller visiter gratuitement le lieu pendant un mois avant que le bâtiment soit détruit. L’idée parait déjà intéressante, mais elle l’est d’autant plus qu’elle se double d’un dispositif digital et collaboratif pensé dans ses moindres détails.
En effet, un site Internet avec une version déclinée pour les tablettes permet une visite interactive de la tour dans ses moindres détails et d’obtenir des informations et témoignages inédits sur les artistes. Un hashtag #tourparis13 a été créé pour l’occasion, et un documentaire de 52 minutes est déjà prévu sur France Ô en 2014 pour témoigner de cette opération de grande ampleur.
Mais ça ne s’arrête pas là, puisque les internautes sont invités à participer de manière plus importante dans le projet.

Le collaboratif au cœur du dispositif
Le collaboratif est maintenant remixé à toutes les sauces, avec plus ou moins de succès, et cette opération n’a donc pas échappé à cet incontournable.
Il sera donc proposé aux internautes pendant dix jours après la fermeture du site de cliquer pixel par pixel sur les œuvres qui leur auront plu. Le bâtiment étant voué à la démolition, les œuvres sélectionnées garderont une existence digitale sur le site Internet de la Tour Paris 13. Alors que l’avenir des expositions est généralement un poster dans sa chambre ou un beau-livre à afficher dans sa bibliothèque, il s’agit cette fois d’un moyen astucieux de pérenniser l’expérience de la visite, en impliquant réellement les internautes. C’est d’autant plus intéressant qu’il s’agit ici de street art, un art particulièrement éphémère.
Toutefois on ne peut manquer de noter le côté légèrement hypocrite de cette opération, qui transparaît notamment à travers l’expression employée dans le communiqué : « venez sauver la Tour Paris 13 ». On joue ici sur l’ambiguïté avec le vrai sauvetage d’un monument voué à la destruction. Aller jusqu’au bout de l’opération aurait été permettre aux internautes de décider (ou non) de la sauvegarde de cet immeuble comme un nouveau lieu dédié au street art, mais celui-ci sera de toute manière détruit, pour construire quoi à la place ? On se garde bizarrement bien de nous le dire.
En définitive, une opération culturelle innovante et de grande ampleur pour ceux qui pourraient accuser la « ville-musée » d’être à la traîne. Paris affirme son inventivité dans le domaine artistique, et l’on espère que ce genre d’initiatives ne sera pas isolée !
 
Judicaëlle Moussier

Street Art "What are you looking at" ?
Culture

Jacques ne l’a pas dit mais le street art est en vogue

 
Jacques ne l’a pas dit mais peut être qu’il devrait en parler davantage. Je parle de tous ces artistes de rue à l’image de Banksy, JR ou encore Mark Jenkins qui travaillent depuis des années à surprendre les individus que nous sommes par l’exposition d’œuvres d’arts inattendus destinées à faire réagir celui qui les voit à savoir le plus souvent, le piéton.
Si je prends le temps de m’arrêter sur leur travail aujourd’hui c’est parce qu’il me semble que le street art est un mode de communication au sens le plus brut du terme tout comme l’art est de manière générale un mode d’expression et donc un mode de communication. Le particularisme du street art, enfin selon moi, réside dans le fait qu’il confronte le spectateur à un spectacle inattendu et donc surprenant voire même parfois choquant. Il est possible d’ailleurs que ce type de réaction soit celle attendu par l’artiste dès le moment où il conçoit son œuvre : par exemple Mark Jenkins comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous expose consciemment certaines de ses œuvres, des personnages en scotch habillés pour ressembler à de véritables personnes, à la vue de tous et filme les réactions des passants à leur contact.

Ce type de travail permet alors l’établissement d’une communication implicite entre l’auteur de l’œuvre et le spectateur de cette même œuvre. En effet, le premier va révéler à l’autre l’existence d’un point de vue dont il n’avait pas connaissance par le seul fait de l’amener à réfléchir au sens de ce qu’il voit. Ce qu’il voit est alors souvent très ordinaire, quelque chose qu’il voit tous les jours à tel point que paradoxalement il n’y prête même plus attention. Ce peut être le visage des gens qu’ils croisent dans la rue (JR et ses expositions photos caricatures), ou les ordures qui inondent les poubelles (Tim Noble et Sue Webster) ou encore le détournement d’objet du quotidien (la cabine téléphonique de Banksy). Eclairés sous un nouveau jour, mis en valeur par un nouveau regard l’artiste pousse son public à se poser de nouvelles questions et met en lumière des phénomènes courants et pourtant important.
Ce type d’art connait à l’heure actuelle un certain succès puisque des agents économiques et sociaux ont pu dernièrement, reprendre à leur compte ce type de mécanisme. On peut citer ici les autorités néo-zélandaises qui jouent à réaliser du trompe l’œil sur les trottoirs pour alerter les piétons sur les dangers de la route mais aussi un organe de sensibilisation anglais qui utilise le tag comme vecteur de son message sur la nécessité d’utiliser des préservatifs[1] et enfin les trois fausses grand-mères d’un groupe nommé Neozoon qui cherchent à faire passer leur message quant à la lutte contre la maltraitance des animaux en affichant des fourrures dans les rues de Paris et Berlin[2].
Ainsi, le street art en vient à se démocratiser et à se mettre parfois au service d’idéaux qui communiquent alors de manière frappante sur leurs idées. Si l’idée est intéressante il convient cependant de ne jamais oublier que le street art trouve ses racines dans la sincérité, le partage d’idées fortes et une certaine abnégation des artistes qui le représentent puisqu’ils cherchent avant tout la confrontation avec le public. Des lors, il est nécessaire de s’inscrire dans cet esprit pour réussir à frapper avec succès et une certaine éthique, l’esprit des passants qui verront votre travail.
 
Justine Jadaud

[1] road4.com
[2] wecomin

1