Médias, Société

TikTok, la com’ à la mode

Quels enjeux pour cette jeune application de l’entreprise chinoise ByteDance ? En 2018, Le Monde nous parlait de la nouvelle « application pour les adolescents fans de play-back », alors que BFM TV décrivait un « Instagram musical » mêlant « karaoké et selfie », qui arrivait étonnamment à se placer comme l’application la plus téléchargée de l’année. Pourtant, en juillet 2020, c’est Emmanuel Macron qui fait son apparition sur l’application, félicitant nos bacheliers pour leur réussite dans ce contexte si particulier. Deux ans après son arrivée sur nos plateformes de téléchargement, TikTok est devenu bien plus qu’un réseau social pour partager une courte vidéo musicale : il représente une véritable opportunité pour les marques, les artistes, et les politiques, de se rendre visible sur la toile.

Pour comprendre ce phénomène, nous pouvons nous appuyer sur quelques chiffres qui donnent le vertige. Aujourd’hui, TikTok, c’est huit cents millions d’utilisateurs actifs mensuels. Cela correspond à la septième place sur le podium des réseaux sociaux, après des mastodontes et des inclassables comme Facebook et Messenger, WhatsApp, YouTube, Instagram ou encore WeChat. Mais surtout, ce sont deux milliards de téléchargements en 2020, soit l’application la plus téléchargée cette année, et l’une des dix premières de la décennie.

Toucher les jeunes avant tout

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Ces statistiques impressionnantes enveloppent une donnée encore plus intéressante pour les professionnels de la communication : sur TikTok, 38% des utilisateurs français sont âgés de 13 à 17 ans, alors que 37% ont entre 18 et 24 ans. La population présente sur l’application est en très grande majorité composée de jeunes ou très jeunes individus. Plus précisément, c’est une catégorie d’âge que Marc Prensky définit comme les « digital natives » : une génération – commençant dans les années 90 – ayant un lien particulier avec les nouvelles technologies puisqu’elle a grandi avec.

TikTok, c’est donc un réseau social en vogue avec une forte visibilité, comme pourrait l’être Instagram ou Twitter, mais avec une base d’utilisateurs beaucoup plus jeunes et une interactivité accrue, grâce à son concept fondé sur la publication relativement simple de petites vidéos.

En interrogeant plusieurs professionnels, il apparaît en effet que TikTok soit devenue une véritable solution pour s’adresser aux jeunes et très jeunes, qui délaissent petit à petit les médias traditionnels. C’est un moyen pour les marques d’interagir avec leurs actuels ou futurs consommateurs, comme le démontrent les « challenges créatifs » mis en place par Haribo ou encore Sephora autour de leur image de marque.

En parallèle, TikTok se présente aussi aujourd’hui comme l’un des tremplins musicaux les plus efficaces. En observant les tendances musicales sur l’application, nous pourrions croire qu’elles influencent les « hits du moment ». Avec les vidéos de ses utilisateurs, l’application a permis la découverte et l’explosion de titres comme Old Town Road de Lil Nas X, ou Anissa de Wejdene, alors que ces artistes n’étaient pas (ou peu) connus avant ça.

Néanmoins, ce tremplin ne sert pas qu’aux « nouveaux arrivants » mais aussi aux ténors de la musique déjà bien ancrés dans cette industrie. Lors du premier confinement, alors que l’application battait ses records de téléchargements, le rappeur canadien Drake sortait son titre Toosie Slide, accompagné d’un clip clairement formaté pour les Tiktokeurs : l’artiste déambule dans son immense propriété en réalisant une chorégraphie entraînante et facile à reproduire:

Fort de son succès, la chorégraphie a vite été érigée en « Toosie Slide Challenge » sur la plateforme et a été reprise par de nombreux Tiktokeurs, dont des célébrités, comme Justin Bieber. Une stratégie de promotion made For TikTok réussie pour le titre de Drake qui avoisine aujourd’hui les 250 millions de vues.

Un nouveau paradis people ?

Toutefois, hormis l’intérêt marketing assumé pour la sphère musicale, Toosie Slide met en évidence une autre notion communicationnelle centrale sur l’application : la place de l’influenceur – ou quand Drake met en évidence sa fortune pendant son « home-tour ». Dans un sens, théâtraliser et utiliser l’image d’une célébrité n’est pas une nouveauté, mais Internet a donné une autre ampleur à ce phénomène et a créé ses propres célébrités. Nous pouvions déjà voir cette pratique se développer sur des réseaux sociaux comme Twitter et surtout Instagram, mais TikTok semble pousser ce principe encore plus loin. Son système de vidéos courtes et d’abonnements favorise l’exposition répétée des individus, et les réponses vidéos incitent les utilisateurs à la reproduction de ces « modèles ». Parmi eux, nous retrouvons des « people » plus ou moins connus comme – Miley Cyrus ou Will Smith – mais aussi des stars de l’application elle-même. Si une très large majorité d’entre eux sont Américains ou Indiens, il existe également des Tiktokeurs-nés dans l’hexagone. En effet, tandis que l’Américaine Charli d’Amelio comptabilise 100 millions de followers sur la plateforme, notre championne nationale demeure Léa Elui Ginet avec ses 12,8 millions de fans, faisant d’elle l’une des françaises les plus suivies dans le monde uniquement grâce à l’application. 

Ce phénomène de notoriété digitale soulève plusieurs problématiques et pistes de réflexion. Ces nouvelles célébrités deviennent des personnalités publiques au même titre qu’un musicien ou un acteur, mais sur un média moins conventionnel. Ils peuvent être suivis par des milliers d’utilisateurs et passer du statut de parfaits inconnus à celui de star d’Internet. Comment gérer une telle image, comment pérenniser celle-ci ou comment professionnaliser un tel domaine ? Pour répondre à ces enjeux, des entreprises se sont spécialisées dans la communication des influenceurs parmi lesquelles Webedia, l’une des plus connues, ou encore Foll-ow. En outre, avec une audience aussi importante et parfois mobilisable, ces nouveaux peoples peuvent endosser le rôle de leader d’opinion, d’effigie marketing ou parfois d’homme-sandwich digitaux. C’est une réalité qui était particulièrement visible sur des réseaux comme Instagram ou YouTube et qui s’applique aussi bien à TikTok. Néanmoins, avec une population aussi jeune sur l’application, quelques retenues pourraient être émises. Comment contrôler et surveiller une publicité facilement dissimulable ou agressive ? Comment éviter certains sujets comme la sexualité ou la politique pour un public encore jeune ?

Quand TikTok rime avec politique 

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En effet, comme on pouvait l’entendre durant Mai 68, « tout est politique » et TikTok n’échappe pas à la règle. Comme nous avons pu l’évoquer précédemment, il semblerait que nos hommes et femmes politiques se soient intéressés à ce nouveau réseau pour une raison bien précise. Le 7 juillet 2020, c’est Emmanuel Macron qui inaugure son compte et félicite nos bacheliers sur la plateforme pour leur baccalauréat à domicile. Le lendemain, Jean-Luc Mélenchon – pourtant avant-gardiste sur les réseaux sociaux, comme Discord ou Twitch – faisait entendre sa réponse avec sa première vidéo, mêlant critiques contre le gouvernement et autodérisions – avec le fameux « La République, c’est moi ! », ou même une citation d’Anissa de Wejdene. Mais ce ne sont pas les seuls : notons aussi Marlène Schiappa et Agnès Buzin qui se sont emparées de TikTok ces derniers mois.

L’objectif semble clair : atteindre un public jeune qui s’intéresse peu à la politique, très investi sur TikTok. Nos représentants politiques cherchent donc à jouer le jeu d’une génération qui vote peu mais qui se mobilise beaucoup. Est-ce une réussite ? La réponse est mitigée. Entre apparition déplacée ou communication innovante et dédramatisation de la politique ou tentative gênante, les opinions sont très divisées.

Néanmoins, le « TikTok politique » n’est pas monopolisé par nos représentants. Comme pour Instagram, nous avons pu voir des internautes se mobiliser sur la plateforme pour créer ou nourrir des actions politiques et des mouvements socio-politiques partout dans le monde. #BlackLivesMatter, #TransRight ou manifestations anti-Trump sont des exemples tangibles de mobilisations politiques sur l’application. Nous pouvons retenir entre autres ce meeting du candidat républicain dans la ville de Tulsa, où des internautes mobilisés sur TikTok avaient massivement réservé des places pour ne laisser que des sièges vides. Comme nous le faisions remarquer en octobre sur FastNCurious, les réseaux sociaux semblent participer plus largement à la vie politique de nos pays.


Tristan Narcy

Lire aussi: Instagram est-il un tremplin politique ? et Le politique influenceur : lorsque Emmanuel Macron investit Snapchat

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Sources :

« Digital Natives, Digital Immigrants » Marc Prensky, On The Horizon, 30 septembre 2017.

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/05/comprendre-tik-tok-l-application-preferee-des-ados-fans-de-play-back_5365205_4408996.html

https://www.oberlo.fr/blog/tiktok-statistiques

https://datareportal.com/reports/digital-2020-global-digital-overview

https://blog.digimind.com/fr/agences/tiktok-chiffres-et-statistiques-france-monde-2020

https://www.tiktok.com/business/fr/apps/tiktok?refer=tiktok_webhttps://music-planet.fr/index.php/2020/07/20/tiktok-la-nouvelle-catapulte-musicale-enquete/

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/11/24/charli-d-amelio-16-ans-et-reine-incontestee-de-tiktok_6060978_4408996https://fr.webedia-group.com/

https://www.lefigaro.fr/politique/sur-tiktok-quand-les-politiques-essaient-de-parler-aux-jeunes-20200709

https://www.nouvelobs.com/politique/20200627.OBS30563/comment-tiktok-est-devenu-l-arme-politique-de-la-generation-z.htmlhttps://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/21/des-utilisateurs-de-tiktok-revendiquent-le-sabotage-du-meeting-de-trump_6043657_3210.html

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