Société

#Metoo, #balancetonbar, à l’ère du féminisme des hashtags et des réseaux sociaux

En 2017, un hashtag prend de l’ampleur aux Etats-Unis, puis dans le monde entier, pour symboliser finalement le début d’une ère : #Metoo. Lancé suite aux scandales de harcèlements et d’agressions sexuelles par le producteur de cinéma américain Harvey Weinstein, il a ouvert, depuis sa création, la porte aux témoignages et lancements d’alerte au sein de la communauté féministe. Leur point commun ? Le moyen de diffusion, et surtout la forme. Les réseaux sociaux, et tout particulièrement la plateforme Twitter, sont devenus les vecteurs privilégiés d’une nouvelle parole, matérialisée par l’usage du #. Entre 2017 et 2018, #MeToo et #BalancetonPorc comptabilisent ainsi à eux seuls respectivement 17,2 millions et 930 000 tweets. Des chiffres vertigineux qui visibilisent une réalité jusqu’alors tue, et donnent, enfin, la parole aux victimes de violences sexuelles et sexistes.
Société

Tu seras un homme, mon fils

« Nous traitons du malaise des mâles, des rites et des méthodes de séductions, des diverses manières de parvenir à se réaliser malgré une société féminisée, castratrice et généralement frustrante. »
Ainsi se présente un des nombreux sites florissants questionnant la masculinité, supposés apporter soutien et astuces quotidiennes à des hommes toujours plus opprimés par la matriarchie ambiante.

Société

Time’s Up et MeToo : une communication en noir et blanc

Time has come
« À tous ceux qui voudraient essayer de nous faire taire, nous offrons deux mots : c’est fini ». « C’est fini », « time is up » en anglais. En trois mots, lors de la cérémonie des Grammy Awards le 28 janvier, la chanteuse Janelle Monae a repris dans son discours le flambeau d’Hollywood, se l’appropriant et passant ainsi le témoin à l’industrie musicale américaine. Une rose blanche au col, comme ses consœurs Lady Gaga, Pink ou Rihanna, la chanteuse a ouvert la voix sur un sujet jusqu’à maintenant peu traité par le milieu de la musique. L’industrie du cinéma avait amorcé le mouvement aux Golden Globes, en s’habillant tout en noir par solidarité avec les victimes de harcèlement et d’agression. Une action qui a inspiré les labels Roc Nation et Interscope/Geffen/A&M Records, proposant la rose blanche, « symbole de résistance » inspiré du mouvement des Suffragettes, toutes habillées de blanc.

Culture

Instapoets VS Patriarchie

La plupart des articles du site de la photographe londonienne Georgie Wileman commencent par la même phrase : « l’endométriose touche une femme sur dix ». J’aimerais commencer cet article différemment : en moyenne, une femme doit attendre dix ans pour avoir un diagnostique correct d’endométriose.

Culture

Emma Watson ou la renaissance par le féminisme

Il n’est pas toujours facile de trouver un second souffle après un début de carrière précoce et éclatant. Emma Watson, superstar de la saga Harry Potter dès ses 10 ans, a pourtant su s’en acquitter avec brio en troquant les traits d’Hermione Granger pour ceux d’une jeune actrice féministe et militante.
De cet engagement découle aujourd’hui une nouvelle image de la jeune femme qui paraît avoir réussi à s’émanciper de sa première notoriété. On pourrait même parler de métamorphose au regard des nombreuses récompenses et multiples engagements qui la séparent, à 26 ans, de son rôle de fillette surdouée au pays des sorciers.
Si la sincérité et le courage de son militantisme ne font aujourd’hui pas de doute, il n’en demeure pas moins qu’il permet à l’actrice de faire peau neuve. Derrière l’engagement vertueux semble demeurer pour la star l’opportunité du renouvellement de son image. Bien que Rupert Grint et Daniel Radcliffe, ses comparses sur le tournage d’Harry Potter, peinent à remotiver les assises de leur aura, Emma Watson maintient habilement les projecteurs sur elle par le truchement du féminisme.
Un engagement de bonne volonté
Après le dernier opus de la saga (Les reliques de la mort, partie 2) sorti en 2011, retrouver un rôle proportionné à sa célébrité n’est pas aisé pour Emma Watson. Plusieurs rôles mineurs et quelques interprétations significatives dans des films comme The Bling Ring de Sofia Coppola ou Le Monde de Charlie attestent de la difficulté de rester au sommet et de se détacher de l’image  de son double fictionnel qui lui colle à peau.
Si la mode semble à cet égard une opportunité ainsi que le montre l’activité de mannequinat de l’actrice, égérie de la marque Burberry à partir de  2010, Emma Watson ne semble pas vouloir se contenter du reliquat glamour de sa gloire passée. Il s’agit pour elle de créer un nouveau sens autour de sa notoriété en la mettant au profit d’une cause responsable et – accessoirement – valorisante.
L’actrice aspirante militante devient ainsi l’ambassadrice de bonne volonté de la campagne « HeforShe » qu’elle lance à l’ONU dans un discours remarquée pour sa ferveur à l’égard de l’égalité entre les sexes, le 20 septembre 2014. Deux mois plus tard, elle est nommée « célébrité féministe » par l’association américaine Foundation for Women. Ce titre illustre une transformation qui s’opère autour de l’image de l’actrice qui semble avoir réussi à paraître, par ses convictions, sous un nouveau jour.

Discours à d’Emma Watson à l’ONU – « Quand j’étais petite, je m’étonnais du fait qu’on m’appelle « autoritaire » parce que je voulais diriger nos pièces de théâtre ». Pour Emma Watson, féminisme et engagement artistique ne font qu’un. En découle une nouvelle image publique  où se mêlent les deux versants de sa personnalité, renouvelée aux yeux du public.
Une nouvelle image publique
Dès lors, ce n’est plus à propos d’Harry Potter qu’Emma Watson fait parler d’elle. En atteste, en mai 2015, la séance de questions réponses organisée pour les fans de la l’actrice britannique qui attire principalement des soutiens de la campagne HeforShe. Même constat avec les critiques qui lui sont adressées sur Twitter autour d’une photo topless dans Vanity Fair, perçue par certains comme un manifeste du corps-objet en rupture avec ses convictions féministes. Ces attaques montrent que c’est maintenant l’image de la militante avant celle de la star qui prime dans l’imaginaire collectif.
Cette nouvelle image, Emma Watson s’applique à la cultiver. Ainsi, elle affirme début 2016 vouloir prendre une année sabbatique pour « son développement personnel» et pour lancer un club de lecture féministe « Our Shared Self ». De même, dans les multiples interviews autour du blockbuster La Belle et la Bête dans lequel elle interprète la bien nommée Belle, elle ne manque pas de rappeler que c’est avant tout le caractère féministe du personnage qui a motivé son choix de prendre part au projet.

Emma Watson, seins nus dans Vanity Fair le 28/02/2017
Des soupçons mal placés
Pour autant, il convient de voir que toute suspicion à l’égard de l’authenticité de l’engagement d’Emma Watson serait mal placée. La constance de son militantisme (à 17 ans déjà, elle revendiquait sa part dans le combat féministe) malgré les difficultés d’un univers hollywoodien sous domination masculine montre la ferveur de ses convictions. Ainsi, elle n’a pas manqué de se rendre à Washington, le 21 janvier dernier, pour participer à la Women’s March à l‘encontre de la misogynie incarnée par Donald Trump et son administration.
On regrettera cependant l’instrumentalisation de cette nouvelle image de la star par ceux pour qui les bonnes actions de la jeune femme représentent un avantage financier. Ainsi, la Warner n’a pas manqué de s’emparer de l‘annonce du franc succès de l’actrice à la tribune de l’ONU. Elle a notamment relayé l’anecdote sur le blog de la franchise de JK Rowling afin de la convertir en un argument marketing de choix.
Etienne Brunot 
LinkedIn
 
Sources :
La Belle et la Bête : Emma Watson explique pourquoi c’est un film féministe, Éleanor Douet, RTL Girls, 17/02/2017
Emma Watson : la belle féministe, Margarte Macdonald, Paris Match, 14/02/2017
Quand Emma Watson ne peut pas être féministe car elle a des seins, Grégor Brandy, Slate, 06/03/2017
Journée de la femme : Emma Watson, une ambassadrice engagée, Le Monde des Sorcier de JK Rowling, 2014
Photos : 
Image 1 : Frazer Harrison, GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP, 02/03 2017, Newsweek, « Emma Watson is having to defend her feminism. Again »
Image 2 : Tim Walker, Vanity Fair, 28/02/2017
 

Politique

Comment médiatiser le féminisme ? Le cas Femen.

Le 25 janvier dernier éclatait le « PenelopeGate », l’affaire de l’emploi fictif dont aurait bénéficié Pénélope Fillon auprès de son mari, le candidat Les Républicains à la présidentielle, lorsqu’il était alors parlementaire. Le lendemain de la sortie du Canard Enchainé, qui a révélé le scandale, « Femen » publie sur Facebook une lettre à l’humour corrosif « en soutien » à la principale intéressée, lançant les hashtags #supportPénélope et #bringbackmyjob (référence au #bringbackourgirls, soutien aux lycéennes nigériennes enlevées par Boko Haram en 2014).

Un moyen humoristique de rappeler les combats du féminisme au 21ème siècle, dans un monde où Donald Trump occupe le bureau ovale, où la Russie dépénalise les violences faites aux femmes et où une des rares candidates à l’élection présidentielle en France n’est autre que la représentante d’un parti patriarcale souhaitant revenir sur les droits fondamentaux des femmes. Face aux périls, et si « la femme est l’avenir de l’homme », quel est l’avenir de la communication militante et féministe ?
Petite histoire du féminisme.
Le féminisme naît véritablement à la fin du 19ème siècle avec le mouvement des suffragettes – qu’on nomme également a posteriori « première vague du féminisme » – revendiquant le droit de vote pour les femmes. La « seconde vague » sera celle de la revendication de la liberté du corps de la femme. L’IVG représente l’une de ses plus grandes victoires. Au cours des années 80, on arrive à la « troisième vague ». Le féminisme élargi ses combats en défendant les minorités ethniques et sexuelles autour du concept d’ « intersectionalité », développé par Kimberlé Crenshaw. Par cette ouverture, l’idée est de se débarrasser du concept de « femme » beaucoup trop essentialisant pour aller vers une compréhension ouverte des individualité. Les différentes vagues du féminisme sont marqué par un activisme s’illustrant par des manifestations pacifique mais aussi l’usage de la violence tant physique que symbolique pour mettre en lumière leurs revendications. Actuellement, nous serions dans un quatrième moment, inscrivant les combats des anciennes vagues dans la logique « accélérationniste » pour moderniser et développer la médiatisation à l’heure des nouvelles technologies de l’information et de la communication de la cause féministe. Maintenant qu’on est au clair sur l’histoire, penchons nous sur la communication des Femen.
Les Femen, une communication a double tranchant.
Les Femen, une communication a double tranchant. « Les manifestations qui réussissent ne sont pas nécessairement celles qui mobilisent le plus de gens, mais celles qui intéressent le plus les journalistes. […] cinquante personnes astucieuses, capables de faire un happening réussi qui passe 5 minutes à la télévision, peuvent avoir autant d’effet politique que 500 000 manifestants ». Les Femen répondent parfaitement à cette « loi des médias » proposée par Bourdieu avec leurs actions où elles apparaissent seins nus, le corps recouvert de slogans, dans l’Église de la Madeleine à Paris en 2013, ou encore lors du meeting du Front National le 1er mai 2015. Un féminisme « pop », s’inscrivant dans le « sextrémisme », néologisme mélant « sexe » et « extrémisme » pour décrire ce nouveau féminisme qui n’hésite pas à employer des méthodes particulières comme l’utilisation du corps féminin, qu’on nomme également « Riot Grrrl ». Elles utilisent la provocation, la moquerie ainsi que l’auto-dérision dans des moments et des lieux stratégiques pour relayer leur revendication principale : dé-sexualiser le corps féminin pour en faire un corps politique à l’égal de l’homme. C’est là qu’il y a un hic. Car en manifestant seins nus, elles utilisent la même logique que la publicité, se servant du corps féminin comme support d’un message. D’où le bashing dont elles sont victimes. Elles sont ainsi critiquées et perçues comme des filles sans message qui ne font qu’exhiber un corps dont elles sont fières. Les féministes « anti-femen » s’indignent donc, dénonçant l’utilisation de la beauté et du corps sexualisé pour critiquer les actions des Femen, argument qu’elles entendent justement démonter. Au fond, les anti-femen sexualisent la provocation de Femen. Paradoxe quand tu nous tiens ! Alors dénonciation d’un système ou asservissement ? FastNCurious vous laisse vous faire votre avis. Reste que le message derrière le médium ne semble plus audible. Ce qui pose problème pour le militantisme quand on considère que « le message, c’est le médium ». McLuhan viens nous en aide ! On rappelle ici que Femen ne fait pas que des happenings. Conférences, débats, livres, campagnes sur les réseaux sociaux, le mouvement utilise tous les moyens de communication disponibles pour sensibiliser sur la question féministe.
#SUPPORTPENELOPE

La nouvelle campagne de Femen remet au coeur de la campagne la question féministe, invisible dans les programmes des candidats. Au point où Libération a publié le 7 février dernier une tribune d’un collectif de citoyen et d’élus pour appeler les candidats Mélenchon, Jadot et Hamon à entendre la voix des femmes. Et #SupportPénélope de rappeler le rôle émancipateur du travail pour tout individu. On notera cette phrase de Femen : « si jamais, un jour, une de tes filles veut avorter, auras tu seulement les moyens de lui acheter un cintre ». L’humour noir pour dénoncer le recul du progrès face aux politiques misogynes et conservatrices. Petit rappel que nos droits fondamentaux sont toujours à défendre. Choquer ou ne pas choquer, reste qu’il faut communiquer pour prolonger la cause féministe.
Charles Fery
Crédits photos :
– photo de Femen sur Facebook
– lettre de Femen #supportpénélope sur Facebook
– dessin Luz publié dans Charlie Hebdo le 6 mars 2013
Sources :
– page Facebook Femen https://www.facebook.com/femenmovement/?fref=ts
– Julie Mazuet, #Supportpénélope: Les Femen « soutiennent » Penelope Fillon, lefigaro.fr, publié le 30/01/2017, consulté le 06/02/2017. http://madame.lefigaro.fr/societe/supportpenelopepenelopegate-les-femen-soutiennent-penelope-fillon-300117-129452
– RTBF, publié le 06/03/2013, consulté le 06/02/2017 https://www.rtbf.be/info/societe/detail_femenla-troisieme-vague-du-feminisme-aux-seins-nus-est-partie-d-ukraine?id=7942852
– Mona Cholet, Femen partout, féminisme nul part. Le Monde Diplomatique, publié le 12/03/2013, consulté le 06/02/2017 https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-03-12-Femen

Publicité et marketing

Marketing féministe, drôle de forme d’engagement contemporain

Si la définition du féminisme est souvent controversée, on peut s’accorder à le concevoir aujourd’hui, comme l’ensemble de mouvements et d’idées tant politiques que philosophiques et sociales visant à promouvoir le droit des femmes dans la société civile comme dans la sphère privée et d’abolir les inégalités hommes-femmes. But noble et ambitieux, poursuivi depuis des siècles à travers des figures variées, il est depuis quelques années utilisé comme argument marketing. S’agit-il d’un engagement idéologique des marques ? D’une stratégie purement commerciale s’adaptant aux évolutions de notre société ?

Publicité et marketing

Leçon de bon usage des réseaux sociaux: le bad buzz de la SNCF

Lundi 28 novembre, les followers du compte @SNCF sur Twitter ont eu la chance de tomber sur un tweet inédit : « Chez SNCF l’écart de rémunération hommes/femmes est plus faible que la moyenne. Découvrez nos initiatives #GirlsDay ». Et non ! Ce n’est pas une blague, ni l’œuvre d’un hacker, mais bel et bien le groupe SNCF qui se félicite des écarts de salaire qu’il pratique entre les hommes et les femmes.
Egalité dans les inégalités
Aujourd’hui, en France, selon l’Observatoire des Inégalités, les hommes gagnent en moyenne, 23,5% de plus que les femmes, et près de 11% des écarts de salaires entre les deux sexes restent inexpliqués, et relèvent donc d’une pure discrimination. En outre, plus on progresse dans l’échelle des salaires, et plus l’écart entre les hommes et les femmes est important, en partie parce que les femmes sont beaucoup moins nombreuses en haut de l’échelle.
C’est tout particulièrement le cas au sein du groupe SNCF. En effet, suite au constat déplorable d’un effectif très majoritairement masculin, dès 2006, le groupe a développé des politiques dans le but d’augmenter le taux d’emplois féminins. Pour atteindre une plus grande mixité, certaines actions ont été mises en place.
Ainsi, la SNCF a développé le concept du « Girls’ day », qu’elle nous propose d’ailleurs de dé- couvrir dans son tweet grâce au lien qui renvoie vers la page du site. Le concept est né aux États- Unis dans les années 1990, et la SNCF est la première entreprise française à avoir organisé cet évènement à l’échelle nationale. Il s’agit, pour plusieurs intervenants volontaires, d’accueillir des lycéennes et des étudiantes au sein de plusieurs établissements SNCF et Keolis. L’objectif est alors de découvrir les postes proposés par le groupe, de visiter les établissements, de participer à des forums métiers en présence de femmes exerçant des emplois techniques, ainsi qu’à des ateliers de réflexion sur la mixité des métiers.

La SNCF se montre donc comme un groupe soucieux de l’égalité entre les sexes, et voulant augmenter la mixité au sein de l’entreprise : les recruteurs exigent une candidature féminine au minimum pour chaque poste à pourvoir. À ce jour, 30 692 femmes travaillent dans les rangs de la SNCF, soit 20,33 % des effectifs contre 10 % dans les années 1980. Selon le site officiel, 60,8% d’entre elles travailleraient dans les activités administratives, 5,3% dans les métiers de la traction et 10,6% dans ceux de la circulation.
Twitter, ou la leçon de communication
Ainsi, le groupe a cru bon de « se vanter » sur les réseaux sociaux, de l’écart de salaire qu’il pratique entre les hommes et les femmes : celui-ci n’atteindrait que 4%, et serait donc inférieur à la moyenne nationale française. Le tweet se veut donc en accord avec la politique de mixité du groupe. S’il partait d’une bonne intention, nous avons ici affaire à une belle erreur de communication que les twittos, hommes comme femmes, n’ont pas manqué de souligner par une cascade de réactions. Et si la SNCF s’attendait à des félicitations, l’insurrection sur le réseau social a vite démontré l’absurdité et le scandale d’un tel tweet.
C’est d’abord la journaliste Clara-Doïna Schmelk qui a réagi : « Quand la @SNCF affiche fièrement qu’elle pratique l’écart salarial hommes/femmes, mais moins que d’autres #sexisme #RH ». D’autres utilisateurs ont aussi souhaité répondre directement au groupe en lui recommandant d’attendre que l’écart de rémunération soit nul avant d’en être fier.

Suite à la déferlante de tweets haineux, la SNCF a très certainement compris son erreur et a bien- sûr tenté de se rattraper. En effet, le Community Manager du groupe n’a pas manqué de répondre aux attaques, en se justifiant auprès de chaque twitto : l’écart serait donc lié à « un positionnement sur des métiers moins générateurs d’éléments variables de rémunération » ou encore, « à une différence d’ancienneté ». Chaque tweet de la SNCF est accompagné d’un lien renvoyant à un communiqué de presse expliquant le concept du Girls’ day, afin de rappeler aux internautes les initiatives prises par le groupe en faveur de l’emploi des femmes.

L’importance de l’e-réputation
Mais la vraie question est la suivante : comment une telle publication a pu être validée par l’équipe de communication de la SNCF ? À l’heure où l’e-réputation des marques et des entre- prises est cruciale, en particulier sur les réseaux sociaux, l’une des règles principales du marketing social consiste à « penser public ».
Si la SNCF engage des politiques intéressantes afin de développer l’emploi des femmes, une telle communication ne fait que la desservir. Mais si on s’intéresse de plus près à l’équipe dirigeante du groupe, le fameux tweet n’est finalement pas si surprenant qu’il n’y parait : en effet, un tel fail de communication parait moins étonnant quand on sait que l’équipe dirigeante — le directeur de la communication inclus — est entièrement composée d’hommes. Un regard féminin aurait-il changé la donne ?
Diane Milelli
Linkedin
Sources

• 20minutes.fr « Sur Twitter, la SNCF se félicite de son « faible » écart salarial entre hommes et femmes et crée la polémique » ; mis en ligne le 02/12/2016 ; consulté le 04/12/2016
• Observatoire des inégalités ; « Les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes: état des lieux » ; mis en ligne le 27/05/2016 ; consulté le 05/12/2016
• Moutot Dora ; « Sur Twitter, la SNCF se vante de pratiquer l’écart de salaire entre hommes et femmes, mais moins que les autres » ; Konbini ; mis en ligne le 01/12/2016 ; consulté le 04/12/2016
• SNCF ; portrait du groupe, de l’équipe dirigeante et « Girl’s day pour la mixité professionnelle »
• Guernalec Florence ; « E-réputation: les 5 règles à connaître sur les médias sociaux » e-market- ing.fr ; mis en ligne le 22/01/2014 ; consulté le 05/12/2016
Crédits :
 

• SNCF.com

Société

Quand la parole des femmes se fait oublier

Le 7 novembre dernier avait lieu un rassemblement dans plusieurs grandes villes de France pour lutter contre l’inégalité salariale. En effet, depuis le 7 novembre, à partir de 16h34 les femmes travailleraient bénévolement. Ces dernières sont payées en moyenne 16% de moins que les hommes (calcul réalisé par Eurostat, organisme des statistiques de L’Union Européenne). Pour lutter contre l’une des plus grandes inégalités qui demeurent en France, des groupes féministes sont apparus sur Internet. Entre blogs et événements Facebook, quelle est la portée de ces nouveaux collectifs ?
Paye ton Tumblr

A l’origine, il était Paye ta shnek. Crée par Anaïs Bourdet en août 2012, ce tumblr rassemble les témoignages de victimes de harcèlement de rue. Simples, ces affiches présentent en citation, un propos retenu par une victime. Efficace, le contenu choque par son contraste avec le choix des couleurs plutôt ludiques.
L’idée lui est venue après avoir visionné une vidéo en caméra cachée de Sofie Peeters dénonçant le harcèlement de rue. En l’espace de quelques semaines c’est plus de 150 messages par jour qu’elle reçoit. Le modèle a été repris par d’autres et nous voyons fleurir aujourd’hui sur la toile de nombreux tumblr pour dénoncer les discriminations contre les femmes : Paye ta robe, Lesbeton, Projet crocodile par exemple.
Le concept se développe parce que ces blogs viennent parer un gouffre médiatique. En effet les femmes sont sous-représentées dans les médias : elles sont 37,6% à détenir la carte de presse en presse régionale et 41,7% en presse nationale. Le taux de présence des expertes quant à lui est de 23% à la radio, 15% dans la presse, 18% à la télévision. Même à la télévision, les présentatrices sont souvent reléguées au rang de potiches, à l’image de Karine Ferri dans The Voice dont le rôle est bien effacé face à Nikos Aliagas. La diversité féminine ne caractérise pas non plus le PAF : la femme télévisuelle est – trop souvent ? – belle, blanche, grande et mince.
Il est donc impossible de parler des problèmes rencontrés par les femmes car elles ne sont ni écoutées ni même représentées dans les médias traditionnels. Les blogs deviennent alors une forme d’expression privilégiée par celles-ci. Internet est l’espace de discussion et de dénonciation des inégalités homme/femme. Il permet de créer une masse militante anonyme beaucoup plus forte qui étend ainsi son réseau beaucoup plus facilement. Il crée une communauté non plus basée sur les centres d’intérêt mais sur les discriminations partagées.
Le mouvement du 7 novembre : « une affaire de bonne femme » ?
 
Les groupes féministes qui naissent sur Internet sont également très actifs dans le monde réel. A l’origine de nombreuses campagnes de sensibilisation, ces collectifs créent également des événements et des rassemblements pour appeler le grand public à réagir. Ces événements font parfois le « buzz » comme le mouvement du 7 novembre, organisé par le collectif féministe Les Glorieuses, relayé par la suite sur les réseaux sociaux telle que la page Facebook Paye ta shnek.
Il est intéressant de constater qu’ici les médias se sont faits une fois de plus observateurs des agissements d’Internet. L’Obs, Le Monde et bien d’autres ont appelé à rejoindre le mouvement. Les femmes journalistes ont manifesté, parfois même au sein des rédactions. Mais ont-ils proposé autre chose que ce rassemblement ? Une action ? Une pétition ? En ont-ils parlé le reste de l’année ?
Il aura donc fallu attendre un mouvement venu des réseaux sociaux pour que les grands journaux nationaux parlent à nouveau, et en dehors de la journée mondiale pour les femmes, d’inégalité salariale. Malheureusement, le mouvement s’est essoufflé aussi vite qu’il est apparu : aucun suivi dans les médias le lendemain, aucune déclaration de politiques (mise à part celles de deux ministres femmes du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine) ni aucune proposition voire même de début de débat. Le traitement médiatique s’est arrêté sur les jours précédents et la journée de l’événement. Et pourtant, les inégalités, quant à elles, perdurent.
Aux armes, citoyennes ET citoyens !
Loin d’être négligeable, la portée de ces blogs est réelle mais limitée si les médias et les politiques ne s’engagent pas, eux aussi. Nous pouvons observer un clivage manifeste entre la masse populaire présente sur Internet et les représentations médiatiques. Pour obtenir un véritable changement des mentalités, sans doute faudrait-il déjà que les médias deviennent eux-mêmes un exemple d’égalité hommes/femmes et se fassent les véritables relais des combats d’Internet. Les luttes pour les droits des femmes nécessitent un traitement médiatique beaucoup plus global. En attendant, les femmes devront une fois de plus travailler autant et gagner moins que leurs collègues hommes jusqu’à ce qu’on en parle à nouveau…l’année prochaine ?
Laura Sébert
LinkedIn
Sources :

L’image des femmes dans les médias, HCE
Les femmes, toujours en minorité dans les médias, Le Monde, le 09/ 03/ 2015
Interview Anaïs Bourdet alias Paye Ta Shnek, MadmoiZelle, youtube, le 06/ 06/ 2016
Paye Ta Shnek, le tumblr

Crédits :
-Paye ta shnek (Facebook)
-Les glorieuses (Facebook)