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Noël et la seconde main : alternative durable ?

Noël revient chaque année, ce n’est pas nouveau ! Il semblerait que les cadeaux ne le soient pas non plus :  à l’approche des fêtes, de plus en plus de personnes sont séduites par la seconde main. S’agit-il d’une tendance réellement opposée au modèle de la surconsommation ? 

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Besoin ou modèle séducteur ?

Depuis quelques années, le marché de la seconde main progresse. Les consommateurs, de plus en plus conscients de leur impact écologique, se tournent vers de nouveaux modèles de consommation. Vinted, application de vente de vêtements et d’accessoires en ligne compte aujourd’hui 16 millions d’utilisateurs depuis sa création en 2008.

Le confinement y est sûrement pour quelque chose. Depuis la crainte des pénuries l’esprit du collectif, l’éloge de l’échange et de la solidarité, les produits d’occasions ont attiré l’attention des consommateurs à l’approche de Noël. Ceux-ci représenteraient l’intention de 53% des Français. Cette majorité en hausse, semble être symptomatique d’un changement progressif de mode de vie qui ne date pas d’hier. En effet, Ronald Inglehart souligne dès les années 70, un tournant dans la société de consommation. Les valeurs post-matérialistes côtoient de plus en plus les valeurs matérialistes

Les produits d’occasion sont une aubaine car il s’agit de concilier convictions environnementales et avantage financier (la France connaît aujourd’hui suite à la crise sanitaire, une inflation de 2,6% selon l’INSEE). La seconde main, de plus en plus plébiscitée, devient donc un réel enjeu marketing

La seconde main envisagée par la communication et le marketing

Fort de cette évolution, il semblerait que le marché de la seconde main s’approprie de plus en plus Noël. En effet, à l’approche des fêtes, les produits d’occasion gagnent le champ communicationnel, médiatique et marketing. Plusieurs entreprises ont décidé d’axer leur stratégie de communication autour de cette thématique. Que ce soit Leboncoin, Kiabi ou encore Décathlon, elles ont toutes choisi de s’adapter à une demande, désireuse de changer de politique de consommation. Il n’y a qu’à voir sur les bords de Seine, l’affiche publicitaire de Zalando, présentée par l’agence Kolle Rebbe qui a choisi Camille Lellouche comme égérie de cette campagne Zalando seconde main en toute simplicité”. S’agit-il d’une réelle position de la marque ou simplement d’un coup de com’ ? Ce choix stratégique peut traduire une forme de greenwashing autant qu’une évolution de l’état d’esprit global de la société. Quoi qu’il en soit, cela répond nécessairement à une nouvelle demande exprimée par les consommateurs sinon il n’y aurait aucun intérêt marketing. 

Le marché de la seconde main est investi par de nouvelles entreprises issues de différents secteurs et non plus seulement de la mode, désireuses de proposer de nouvelles offres à leurs clients. 

Cela pose d’autant plus la question d’une consommation raisonnée comme simulacre d’une consommation de masse car elle reproduirait les logiques de celles-ci, que ce soit la hausse soudaine des publicités, l’invocation d’un certain imaginaire ou encore l’attraction du consommateur par les diverses offres. En effet, les produits reconditionnés comme signe de la lutte contre la surconsommation investissent les fêtes de Noël, perçu comme l’archétype de la surconsommation. Les produits de seconde main, reflétant un enjeu écologique et idéologique entrent alors en contradiction avec la période de Noël. Peut-être faut-il voir dans cette tendance une manière de changer les mentalités de consommation affiliées aux fêtes de fin d’année. 

Et après Noël ?

Comment mesurer cette évolution ? Faut-il y voir une dynamique pérenne ? Certains évoquent un caprice de Noël et une démarche qui ressemblerait aux autres entreprises sans réel changement des mentalités. Patrice Duchemin, sociologue de la consommation, alerte sur les effets néfastes de la seconde main qui entraînerait finalement une surconsommation. Ce serait alors une réponse au paradoxe posé quelques lignes au-dessus.

Ce phénomène n’est pas sans nous rappeler la thèse de Jean Baudrillard sur “l’objet signe ». Il semblerait en effet que le produit de l’échange en tant qu’objet concret cède sa place au signe. L’objet ne serait qu’un signifiant pour le consommateur. La consommation ne serait-elle que le reflet de ce que l’on voudrait signifier à autrui ?  Une forme de consommation « ostentatoire » pour reprendre Veblen qui essaierait de manifester la conscience écologique. Par exemple, ce que l’offreur va vouloir mettre en avant ce n’est pas la jupe qu’il vient d’offrir mais son origine, d’où elle vient et le fait qu’elle soit d’occasion. La jupe n’est pas “jupe” mais le signe d’une consommation respectueuse de l’environnement. 

Aujourd’hui, la seconde main s’inscrit comme une pratique du quotidien. Alors qu’avant, elle connotait une forme de cupidité, celle-ci n’est plus une pratique de consommation en marge mais devient inscrite au sein des autres pratiques, si bien qu’elle investit les fêtes culturelles comme Noël. La façon dont cette pratique de consommation devient importante lors des fêtes nous signifie peut-être une pérennité… Qui sait, peut-être que dans 10 ans, acheter du neuf pour Noël sera socialement blâmé.

Maïlys Vermès

Sources :

Jérémy BRUNO. Noël : les Français achètent toujours plus de cadeaux d’occasion. [publié le 27/11/2021, en ligne sur bfmtv.com].

Marché de l’occasion : les jouets de seconde main séduisent les Français. [publié le 27/10/2021, en ligne sur francetvinfo.fr].

Ronald INGLEHART. Modernization and postmodernization.

Zalando insiste sur la seconde main avec Camille Lellouche. [en ligne sur lunettesdepub.com].

Jean BAUDRILLARD. Le système des objets.

Thorstein VEBLEN. Théorie de la classe de loisir.


Illustration : © Bilal Berkat

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