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Mesdames et Messieurs, je vous prie de bien vouloir tweeter pendant la représentation

Les premiers tweet seats sont apparus aux Etats-Unis dans les années 2011-2012, dans les théâtres et dans les opéras une rangée de sièges au fond des salles devient exclusivement dédiée aux utilisateurs de Twitter. Ces spectateurs qui ne sont pas comme vous et moi, capables de multitasking pendant la représentation, y sont libres de tweeter à condition d’utiliser le hashtag officiel du spectacle. Une publicité apparemment efficace. Auparavant bannis, voilà que les smartphones sont les bienvenus dans les temples de la culture. La pratique s’est logiquement assez répandue, du Shakespeare Festival à St. Louis aux nombreux théâtres de Boston en passant par les orchestres symphoniques d’Indianapolis et de Cincinnati, et même au Public Theater de New York. Et elle est bientôt devenue un sujet de querelle passionnée pour les journalistes et les professionnels qui ont pour les uns loué cette adaptation aux outils modernes de communication ou bien se sont indignés, critiquant l’immixtion de pratiques marketing dans le temps sacré de la représentation.

Cela fait pourtant longtemps qu’au théâtre la représentation traditionnelle est en crise. La coupure sémiotique, selon Daniel Bougnoux, qui permet l’accès au symbolique et se matérialise dans le quatrième mur – la limite entre la scène et la salle – est fréquemment attaquée dans l’art contemporain. De Platon à Brecht, on a en effet cherché à dissimuler la présence réelle de l’acteur, aujourd’hui on la dévoile complètement, les coulisses, les dessous de la pièce font partie intégrante de la représentation. Les acteurs changent de costume sur scène, interprètent plusieurs personnages, changent les décors plateau allumé, les metteurs en scène deviennent eux-mêmes acteurs, feignant d’être simplement au milieu d’une répétition. C’est à présent la technologie qui participe de cette déconstruction des conventions théâtrales. La pratique du live tweet a même gagné la scène, comme au théâtre de Providence dans le Rhode Island où les acteurs tweetent et postent des photos depuis les coulisses pendant la représentation. Depuis le plateau également on semble apprécier ces retours instantanés, créant une nouvelle interaction avec le spectateur.
Les tweet seats pourraient en ce sens être un des éléments d’une réinvention des relations du spectateur au spectacle et ses artisans. Le théâtre, qui peine à renouveler son public, pourrait conquérir de nouveaux auditoires grâce au dépassement de la simple représentation. Toutefois, ces sièges ne sont pas tellement un outil publicitaire qui permet de toucher, au-delà des spectateurs habituels, des gens étrangers au théâtre. Une twittos interviewée par USA Today semble persuadée de pouvoir détourner les gens de l’horrible télé-réalité pour les faire aller au théâtre, pourtant ses followers sont des personnes éduquées à l’art qui ne se contentent pas de la télévision, c’est un public déjà conquis. L’initiative s’inclut tout de même dans ce mouvement qui entend repenser le rôle du spectateur, où il n’est plus question du théâtre comme un lieu quasi-religieux où l’on absorbe de manière passive : au Hutington Theater à Boston par exemple, un membre de la production répondra aux questions twitter, qui seront par ailleurs diffusées sur des écrans dans le hall du théâtre. Il est en fait question d’une interaction qui s’émancipe des codes traditionnels liés au lieu théâtral. Ce n’est cependant pas un renouveau si nouveau que ça. Le public antique n’était pas immobile et silencieux comme l’est notre public depuis un siècle : il mangeait, parlait, réagissait à haute voix, apostrophait les acteurs. Le théâtre devrait en définitive redevenir, grâce aux innovations communicationnelles numériques, un spectacle vivant des deux côtés et cesser d’être un art vertical.
Marc Blanchi
Sources
usatoday.com
Rue89.nouvelobs.com
npr.org
arstechnica.com
La crise de la représentation, Daniel Bougnoux
Crédits images
1.standaardcdn.be

Société

Mikado Stick, le mystère résolu

Alors là, ça va trop loin. Voilà la phrase qui pourrait résumer la grande majorité des réactions suscitées dans un premier temps par la surprenante campagne #MikadoStick, supposée promouvoir un petit nouveau dans la gamme de biscuits Mikado. Ces dernières semaines, les citadins ont en effet vu se multiplier dans les transports en commun des affiches vantant les mérites d’un étrange biscuit, entouré de « rien d’autre que du biscuit », tandis que tous ceux qui allumaient leur télévision y découvraient des spots publicitaires relayant eux-aussi l’information. Peu à peu, grâce à un effet boule de neige, à base de « non mais t’as vu le dernier mikado ? », le mikado stick était dans tous les esprits et dans toutes les conversations autour de la machine à café. Un mikado sans chocolat. Une hérésie marketing, un scandale aux yeux de tout amateur de cacao, mais surtout, une énorme blague de la marque dont le but était en réalité de relancer son Mikado King Choco, en manque de visibilité depuis son lancement.
Surprendre et innover
C’est à la créative agence Romance, connue pour son offre axée sur le digital, que Mikado a confié cette opération. Ayant compris les enjeux des médias sociaux dans la communication moderne, l’agence a donc choisi de tout mettre en œuvre pour inciter les internautes à parler de la marque : et quoi de mieux pour cela que de créer un débat, dont on sait combien les amateurs de réseaux sociaux sont friands. Il s’agissait donc de lancer une bombe, une information rompant avec la logique du produit (un mikado, c’est depuis toujours un biscuit enrobé de chocolat), mais aussi avec la logique tout court (enlever au lieu d’ajouter, c’est aller à contre-courant des stratégies mises en œuvre dans le secteur des biscuits). Cela étant fait, au moyen d’une accroche courte et surréaliste poussant le consommateur à s’interroger (« 0% chocolat, 100% plaisir »), le publicitaire incite ce dernier à se rendre sur les réseaux sociaux et notamment sur twitter, en intégrant dans les prints comme dans les spots télévisés le hashtag #MikadoStick. La marque bénéficiant d’une communauté de fans très active et très engagée, il n’est pas étonnant que le buzz recherché ait parfaitement fonctionné : le #MikadoStick est rapidement devenu le premier trending topic en France sur twitter.

Moquer la publicité traditionnelle pour créer de la connivence : rire « avec » le consommateur, non à ses dépens.
Mais ce qui semble le plus intéressant dans cette opération originale c’est que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le but de Mikado n’était pas de piéger le consommateur en lui faisant réellement croire à la sortie d’un mikado sans chocolat. Comme le rappelle Christophe Lichtenstein, co-fondateur de l’agence Romance, la marque a toujours fait appel à l’intelligence de ses consommateurs, avec lesquels elle a entretenu une relation adulte et forte au gré des campagnes publicitaires. Il s’agissait donc de s’amuser avec les internautes, de faire monter le suspens autour de ce qui se cachait réellement derrière le Mikado Stick, grâce à un community management efficace Ainsi, durant toute la phase de mise en avant du Mikado Stick, les réactions sur twitter ont été nombreuses, et Mikado extrêmement réactif pour rebondir sur les blagues des twittos (8 personnes à temps complet produisant des contenus en temps réel pendant 4 jours) : pour ne donner qu’un exemple, lorsque l’un d’eux s’amuse à lui proposer de « vendre des bouts de bois », la marque répond par un montage humoristique reprenant les codes de ses prints.

Au-delà d’une stratégie digitale efficace, dont l’humour devait déjà alerter le consommateur et le faire réfléchir à la crédibilité de ce nouveau produit, les spots télévisés venaient parfaitement compléter la stratégie de mikado. Reprenant les codes de la communication alimentaire pour mieux les détourner (« la petite faim » de Kinder, l’image de l’enfant héros devenue la marque de fabrique des biscuits Prince …), ces spots humoristiques laissent peu de place au doute. Cependant, force est de constater que beaucoup de clients se sont laissés prendre au piège, notamment les consommateurs peu actifs sur les réseaux sociaux et qui n’ont été confrontés qu’aux prints : malgré le discours de la marque, cette campagne joue donc à fond la carte de l’ambiguïté, créant malgré tout un doute, et donc une attente.

Relancer une innovation produit : un défi
Mikado ne cherchait pas à palier un manque de visibilité de sa marque, mais bien de l’un de ses derniers produits : le Mikado King Choco, dont la particularité est justement d’avoir… deux fois plus de chocolat ! Trois jours après le lancement de la campagne #MikadoStick, de nouveaux prints sont ainsi apparus, mettant en avant le Mikado King Choco et arborant fièrement le slogan « Maintenant, vous savez où on a mis tout le chocolat ». Tout s’expliquait. Après la première phase autour du Mikado Stick, la marque est donc entrée dans une deuxième phase, celle du « mass média » dont le but est de redonner de la visibilité à ce produit, et ainsi de booster les ventes. S’il faudra attendre un peu pour mesurer l’impact de l’opération sur les ventes du King Choco, l’agence Romance estime déjà que l’activité des consommateurs sur les réseaux sociaux de la marque aurait progressé d’environ 300% depuis le lancement. En attendant, vous reprendrez bien une double dose de chocolat ?

Sarah Revelen
Sources
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