Publicité, Société

Le snobisme publicitaire

La marque de design haut de gamme AMPM a dévoilé en ce bon mois de mars sa nouvelle campagne print. Et c’est entre autres dans le métro parisien qu’on est resté perplexe face à ces visuels un tantinet élitistes : zoom sur le snobisme publicitaire.
Le but premier de la publicité : capter l’attention pour faire passer un message
La publicité ne cesse de se réinventer afin de capter notre regard fuyant les milliers de sollicitations quotidiennes. D’ailleurs, marques et agences sont conscientes du phénomène de publiphobie qui sévit dans nos sociétés contemporaines et tentent d’y remédier à coup de brand content et autres innovations.
De plus, une certaine logique de « campagne sur-mesure » privilégiant la stratégie de core targeting, c’est à dire centrée sur le cœur de cible, pousse les enseignes à cibler toujours plus leurs campagnes. Cette cible étant de préférence une population à fort pouvoir d’achat puisque les produits de design ne sont, entendons-nous bien, pas des plus abordables.
Cependant, si le message de cette campagne intrigue, il n’est pas des plus aisés à décoder. En effet, c’est un sentiment d’incompréhension qui envahit le récepteur durant la lecture de ce message. Ainsi, on saisit rapidement que cette campagne est destinée à une élite intellectuelle qui, apriori, ne constitue pas un segment de grande envergure.
Faut-il être « intello » pour acheter de l’ameublement design ?
Benjamin Marchal, directeur de création de l’agence Fred et Farid indiquait récemment dans une interview que cette campagne avait pour but de « montrer que la beauté et la modernité de la nouvelle collection se passent d’explications et sont donc accessibles au plus grand nombre » – ce qui se résumerait en somme à un exercice de démocratisation auprès de la fameuse catégorie des CSP+ constituée de cadres et personnes ayant une profession intellectuelle supérieure ou intermédiaire.
Pourtant, plus qu’un désir de populariser une marque telle qu’AMPM, c’est la recherche d’un certain entre soi qui saute aux yeux de prime abord. Le badaud est alors exclu au profit d’une micro communauté capable de saisir le clin d’œil lourdement appuyé par la marque. Car l’on peut aisément avoir un sens artistique et un portefeuille bien rempli sans pour autant savoir que l’académisme post-Bauhaus, évoqué sur l’affiche, fait référence à un mouvement artistique allemand. Ni que le Bauhaus est la référence en termes de modernité architecturale et de design.

 
Métamorphose de la figure féminine
AMPM tente donc de regrouper son cœur de cible en une communauté d’intellos stéréotypés. Mais ce n’est pas tout : elle file également la métaphore du meuble contemporain acteur d’une performance, en proposant une métamorphose de la femme en objet (voire de la femme en étagère). Et cette fois ci, on s’accorde sur le fait qu’il ne faut pas avoir un bac+5 pour comprendre cette délicate image. C’est effectivement dans une ambiance austère, qu’une femme se courbe sous le poids d’une planche de bois; le tout pour 399 euros ?
Finalement, cette campagne met également en lumière un autre enjeu : la façon dont les marques peuvent créer un dialogue privilégié avec leurs clients, et cela en proposant un contrat de communication sur le mode conversationnel. Patrick Charaudeau, grand théoricien des sciences de l’information et de la communication, énonçait que toute communication était comparable à un contrat mais régi par des règles implicites que les agents signaient inconsciemment. Aujourd’hui, les entreprises doivent de plus en plus intégrer les clients dans leurs contenus, prendre en compte leurs avis et opinions à l’instar des chaines de TV qui mettent en avant les commentaires Twitter de leurs émissions par exemple.
Cependant, l’exclusion et la proposition d’étagères humaines ne semblent pas être des options efficaces puisqu’en plus d’utiliser le mythe de l’intellectuel français du type « monsieur je sais tout », elles obligent le voyageur à sortir son smartphone de bon matin, les yeux encore mi-clos et pour lancer sur Google la recherche suivante : qu’est-ce que le dogme galiléen ?
Clara Duval
Sources :
lsa-conso.fr
arretsurimages.net
ladn.eu
cbnews.fr
Crédits photos :
ladn.eu
arretsurimages.net
 
 

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