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Matteo Renzi, la com à l'italienne

Dès son arrivée à la tête du Conseil des ministres, en février 2014, Matteo Renzi s’est imposé comme un virtuose de la communication. Avec plus de 2 millions d’abonnés sur Twitter, plus d’1 million de fans sur Facebook et même un compte Instagram, le jeune chef du gouvernement est aujourd’hui le dirigeant européen le plus suivi sur les réseaux sociaux. Il a ainsi transformé la communication politique italienne, passant d’une communication pyramidale à une communication en réseaux.
Sa stratégie de communication de proximité lui a permis de construire une forte communauté et ainsi de diffuser ses idées. En adoptant un style décontracté, que ce soit par son look ou sa façon de parler, Renzi a réussi à créer sa propre image de marque. Jusqu’ici admiré pour ses talents de communicant, l’ex-publicitaire a pourtant échoué lors de sa dernière campagne. Retour sur un flop à l’italienne…
Le Président du Conseil en campagne médiatique
Dans la continuité de ses hashtags #Italiariparte (faire repartir l’Italie) et #lavoltabuona (le bon moment), Renzi a amorcé une campagne massive placée sous le signe du changement pour promouvoir sa réforme, soumise au referendum le 4 décembre. Celle-ci propose une transformation assez importante de la Constitution. En effet, une volonté de renforcer le pouvoir exécutif et de mettre fin à l’instabilité politique propre à l’Italie depuis plus de soixante ans est clairement affichée. Pour cela, le projet de loi avait pour objectif de redéfinir intégralement le rôle du Sénat.
Afin de récolter un maximum de « Oui », le résidant du Palais Chigi s’est lancé dans une campagne qui a duré près de cinq mois afin de s’adresser à l’ensemble de la population. Il a ainsi déclaré vouloir employer un « langage simple pour parler de contenus compliqués ».
Et quoi de plus simple qu’une série de spots diffusée sur les réseaux sociaux ? Après avoir divulgué de courtes vidéos mettant en scène des Italiens disant « Sì » à la réforme, c’est à Firenze que Renzi a dévoilé les spots phares de sa campagne, à savoir celui de l’enfant et celui de la grand-mère. Tandis que l’enfant pense à un avenir impossible en Italie si les choses n’évoluent pas, la grand mère justifie tous les éléments du projet par « Si tu votes non, rien ne changera. ».

Sa stratégie est digne de celle d’une grande marque. Il utilise en effet la répétition d’un même discours par le biais de la grand-mère afin d’ancrer sa volonté de réforme dans l’esprit des électeurs. Mais vendre son programme politique, est-ce la meilleure façon de faire adhérer la population ?
Rien ne changera, sauf le Chef du gouvernement…
Le « non » l’a finalement emporté, et la campagne n’a donc pas porté ses fruits. Cet échec est-il dû aux propositions en elles-mêmes ou à une communication un peu trop personnalisée ? Si les Italiens, très attachés à la Constitution, n’étaient certes pas tous d’accord avec la réforme, Renzi a aussi sa part de responsabilité. En effet, de par ses résultats mitigés et sa façon de communiquer, il n’a pas toujours fait l’unanimité.
Il est parfois perçu comme un personnage arrogant à cause de son style et de son comportement, parfois un peu trop décontracté et sûr de lui. Cette attitude assez particulière pour un homme politique a même attirée les caméras du Petit Journal de Canal + qui, en 2015, lors d’une journée avec Martin Schulz, avait remarqué l’impolitesse du Chef du gouvernement italien. Celui-ci, après être arrivé en retard, a fait attendre le Président du Parlement Européen pour répondre à un appel et prendre un selfie avec de belles Italiennes.
Bref, une arrogance qui commence à agacer, d’autant plus pour cette campagne durant laquelle Matteo Renzi a mis en jeu sa démission, faisant passer la réforme pour un enjeu personnel beaucoup plus que pour un enjeu national. Cette personnalisation du projet a servi d’argument pour les opposants qui ont lancé leur propre spot, ironisant sur celui de Renzi, en allant même jusqu’à ré-utiliser le petit garçon pour réfuter tous les arguments en faveur du « Oui ». La publicité de Renzi n’a pas obtenu un grand succès, la contradiction entre l’enfant et la grand-mère ayant plus divisé que rassemblé.
Cette communication, peut-être trop simple pour un programme politique, s’est attirée les foudres de quelques Italiens qui ont créé une parodie de celle-ci, partagée avec le hashtag #Sevotino (si tu votes non).
La communication politique doit être unificatrice plus que personnelle. Être un bon communiquant ne suffit pas, d’autant plus que l’on reproche au « pro de la com » de n’être innovant que dans ses discours.
En effet, Renzi négligerait sa politique numérique et utiliserait peu l’innovation puissante que représente le web. La médiatisation avant le concret — Renzi en a payé les frais. Il est en effet parfois comparé à Silvio Berlusconi dans son rapport aux médias. Face à son échec, Matteo Renzi a finalement démissionné. Ce départ est encore une fois très médiatisé. Dans un énième spot, les bénéfices de mille jours d’un Renzi au pouvoir sont exaltés.

Alors quel avenir pour le Président du Conseil après ce flop politique ? Lors d’une interview pour le magazine Vanity Fair, il avait évoqué l’idée de se recycler en présentateur télé. Renzi présentateur de Grande Fratello, on adorerait voir ça… Ou pas !
Charlotte Delfeld
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Sources :
• DE LA ROCQUE Jean-Pierre. « Pourquoi Matteo Renzi a perdu son referendum en Italie ». challenges.fr. 5/12/2016. Consulté le 10/12/2016.
• GRASSO Aldo. « Renzi, la nonna, il bambino e gli spot (bruttini, ma concreti) per il sì al referendum: « Se voti no non cambierà nulla » ». corriere.it. 30/09/2016. Consulté le 10/12/2016.
• LA REPUBLICCA. « Renzi:  » Pronto a cambiare Italicum, referendum più importante Pronto » ». 29/09/2016. Consulté le 10/12/2016.
• Redazione News. « Dopo tutto questo ? Mi darò alla TV. ». vanityfair.it. 20/02/2014. Consulté le 11/12/2016.
• MARTEL Frédéric, « Matteo Renzi, l’as de la com’ numérique au grand flou politique. ». slate.fr. 18/10/2015. Consulté le 8/12/2016.
• TOSSERI Olivier. « Pour Matteo Renzi, révolutionner l’Italie, c’est d’abord communiquer ». lopinion.fr. 27/03/2014. Consulté le 8/12/2016
Crédits :
• Marc Hom pour Vanity Fair
• Twitter @matteorenzi

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Leçon de bon usage des réseaux sociaux: le bad buzz de la SNCF

Lundi 28 novembre, les followers du compte @SNCF sur Twitter ont eu la chance de tomber sur un tweet inédit : « Chez SNCF l’écart de rémunération hommes/femmes est plus faible que la moyenne. Découvrez nos initiatives #GirlsDay ». Et non ! Ce n’est pas une blague, ni l’œuvre d’un hacker, mais bel et bien le groupe SNCF qui se félicite des écarts de salaire qu’il pratique entre les hommes et les femmes.
Egalité dans les inégalités
Aujourd’hui, en France, selon l’Observatoire des Inégalités, les hommes gagnent en moyenne, 23,5% de plus que les femmes, et près de 11% des écarts de salaires entre les deux sexes restent inexpliqués, et relèvent donc d’une pure discrimination. En outre, plus on progresse dans l’échelle des salaires, et plus l’écart entre les hommes et les femmes est important, en partie parce que les femmes sont beaucoup moins nombreuses en haut de l’échelle.
C’est tout particulièrement le cas au sein du groupe SNCF. En effet, suite au constat déplorable d’un effectif très majoritairement masculin, dès 2006, le groupe a développé des politiques dans le but d’augmenter le taux d’emplois féminins. Pour atteindre une plus grande mixité, certaines actions ont été mises en place.
Ainsi, la SNCF a développé le concept du « Girls’ day », qu’elle nous propose d’ailleurs de dé- couvrir dans son tweet grâce au lien qui renvoie vers la page du site. Le concept est né aux États- Unis dans les années 1990, et la SNCF est la première entreprise française à avoir organisé cet évènement à l’échelle nationale. Il s’agit, pour plusieurs intervenants volontaires, d’accueillir des lycéennes et des étudiantes au sein de plusieurs établissements SNCF et Keolis. L’objectif est alors de découvrir les postes proposés par le groupe, de visiter les établissements, de participer à des forums métiers en présence de femmes exerçant des emplois techniques, ainsi qu’à des ateliers de réflexion sur la mixité des métiers.

La SNCF se montre donc comme un groupe soucieux de l’égalité entre les sexes, et voulant augmenter la mixité au sein de l’entreprise : les recruteurs exigent une candidature féminine au minimum pour chaque poste à pourvoir. À ce jour, 30 692 femmes travaillent dans les rangs de la SNCF, soit 20,33 % des effectifs contre 10 % dans les années 1980. Selon le site officiel, 60,8% d’entre elles travailleraient dans les activités administratives, 5,3% dans les métiers de la traction et 10,6% dans ceux de la circulation.
Twitter, ou la leçon de communication
Ainsi, le groupe a cru bon de « se vanter » sur les réseaux sociaux, de l’écart de salaire qu’il pratique entre les hommes et les femmes : celui-ci n’atteindrait que 4%, et serait donc inférieur à la moyenne nationale française. Le tweet se veut donc en accord avec la politique de mixité du groupe. S’il partait d’une bonne intention, nous avons ici affaire à une belle erreur de communication que les twittos, hommes comme femmes, n’ont pas manqué de souligner par une cascade de réactions. Et si la SNCF s’attendait à des félicitations, l’insurrection sur le réseau social a vite démontré l’absurdité et le scandale d’un tel tweet.
C’est d’abord la journaliste Clara-Doïna Schmelk qui a réagi : « Quand la @SNCF affiche fièrement qu’elle pratique l’écart salarial hommes/femmes, mais moins que d’autres #sexisme #RH ». D’autres utilisateurs ont aussi souhaité répondre directement au groupe en lui recommandant d’attendre que l’écart de rémunération soit nul avant d’en être fier.

Suite à la déferlante de tweets haineux, la SNCF a très certainement compris son erreur et a bien- sûr tenté de se rattraper. En effet, le Community Manager du groupe n’a pas manqué de répondre aux attaques, en se justifiant auprès de chaque twitto : l’écart serait donc lié à « un positionnement sur des métiers moins générateurs d’éléments variables de rémunération » ou encore, « à une différence d’ancienneté ». Chaque tweet de la SNCF est accompagné d’un lien renvoyant à un communiqué de presse expliquant le concept du Girls’ day, afin de rappeler aux internautes les initiatives prises par le groupe en faveur de l’emploi des femmes.

L’importance de l’e-réputation
Mais la vraie question est la suivante : comment une telle publication a pu être validée par l’équipe de communication de la SNCF ? À l’heure où l’e-réputation des marques et des entre- prises est cruciale, en particulier sur les réseaux sociaux, l’une des règles principales du marketing social consiste à « penser public ».
Si la SNCF engage des politiques intéressantes afin de développer l’emploi des femmes, une telle communication ne fait que la desservir. Mais si on s’intéresse de plus près à l’équipe dirigeante du groupe, le fameux tweet n’est finalement pas si surprenant qu’il n’y parait : en effet, un tel fail de communication parait moins étonnant quand on sait que l’équipe dirigeante — le directeur de la communication inclus — est entièrement composée d’hommes. Un regard féminin aurait-il changé la donne ?
Diane Milelli
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Sources

• 20minutes.fr « Sur Twitter, la SNCF se félicite de son « faible » écart salarial entre hommes et femmes et crée la polémique » ; mis en ligne le 02/12/2016 ; consulté le 04/12/2016
• Observatoire des inégalités ; « Les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes: état des lieux » ; mis en ligne le 27/05/2016 ; consulté le 05/12/2016
• Moutot Dora ; « Sur Twitter, la SNCF se vante de pratiquer l’écart de salaire entre hommes et femmes, mais moins que les autres » ; Konbini ; mis en ligne le 01/12/2016 ; consulté le 04/12/2016
• SNCF ; portrait du groupe, de l’équipe dirigeante et « Girl’s day pour la mixité professionnelle »
• Guernalec Florence ; « E-réputation: les 5 règles à connaître sur les médias sociaux » e-market- ing.fr ; mis en ligne le 22/01/2014 ; consulté le 05/12/2016
Crédits :
 

• SNCF.com

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L'IVG, un droit mis en danger

Le droit à l’interruption volontaire de grossesse existe en France depuis la loi Veil de 1975. Mais la montée en puissance de mouvements comme la Manif pour tous, les Survivants, ou encore de certaines associations catholiques nous indique qu’une partie du peuple français, et ce, quarante et un ans plus tard, n’est toujours pas prête à accepter ce que cette loi prône: le droit au choix.
Un malentendu originel
Désormais complètement légal (dans un délai de 12 semaines de grossesse), l’avortement est accessible à toutes les femmes en France. Dès lors, les « pro-life », qui n’ont toujours pas digéré cette loi, semblent s’être donnés pour objectif de sauver des vies en dissuadant par diverses techniques de manipulation des femmes d’avoir recours à l’IVG, notamment en les attirant insidieusement vers le choix de la grossesse.
L’angoisse principale des « anti-choix », comme on peut tout aussi bien les nommer, semble être que la femme qui avorte ne soit pas consciente de ce que ce geste représente, car ce dernier aurait été banalisé par sa légalisation. L’argument de « l’avortement de confort » est, entre autres, régulièrement repris dans les médias, alors même que les « pro choix » n’ont jamais nié le fait que l’avortement soit une épreuve difficile à traverser. En 1975 déjà, et devant les députés, Simone Veil revenait sur ce point en déclarant: « Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. (…) aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. »
Une façon très particulière de conseiller…
Les pro-life sont nombreux et organisés. Ils se sont emparés des moyens de communication modernes avec succès. IVG.net est le site le plus connu du genre. Ses méthodes relèvent de la désinformation et de la dissimulation: il s’agit d’apparaître sous la forme d’un site officiel et neutre, en se gardant bien de préciser ses influences, et tout en travaillant à ce que les femmes intègrent qu’en allant se faire avorter, elles sont en passe de commettre un crime.
Il s’agit tout d’abord de bien choisir son vocabulaire, ce qui consiste par exemple à parler d’enfant, plutôt que d’embryon. Le partenaire masculin sera évidemment immédiatement qualifié de père. C’est ensuite une rhétorique bien ficelée qui est déployée : s’attarder sur la taille du fœtus, sur le fait que son cœur bat déjà, ou encore sur le fait qu’à x semaines, les oreilles sont déjà formées (rendez-vous compte). IVG.net sait aussi très bien cibler ses victimes. En effet, comme les adolescentes enceintes peuvent être particulièrement tentées par l’IVG, le site s’attache à renseigner les jeunes filles à propos des différentes aides qui permettent d’élever un enfant: « Alors le RSA, je sais pas si vous vous imaginez mais c’est quand même une bonne petite somme qui vous arrive tous les mois et avec ça vous avez de quoi nourrir votre enfant ».
AfterBaiz.com ou encore testpositif.com sont des sites plus récents qui cherchent à « réinformer sur la sexualité ». Ils visent les jeunes avec leurs couleurs vives et un ton décomplexé. Notons que le fondateur d’AfterBaiz.com est le directeur artistique de la Manif pour tous. Quant aux Survivants, leur rhétorique fait de chacun de nous des « rescapés » puisqu’un enfant sur cinq ne voit pas le jour pour cause… d’IVG.
Enfin, la désinformation pro-life va jusqu’à la diffusion de fausses photos de bébés avortés. IVG.net se décline en chaîne YouTube (SOS ivg), use et abuse de la publicité sur les réseaux sociaux (page Facebook « IVG: vous hésitez ? Venez en parler ! »), et propose également un numéro vert mis à la disposition des femmes se posant des questions sur l’interruption volontaire de grossesse. Quel que soit le média, des méthodes similaires sont employées, comme le prouve Guillaume Meurice lorsqu’il décide d’appeler ce numéro vert pour sa chronique sur France Inter.

Et du côté de la loi ?
Ce site s’adressant aux femmes sur le mode de l’intimidation et de la déresponsabilisation était jusqu’en janvier 2016 le premier référencé sur Google avec le mot clé « IVG ». C’est grâce à l’implication du webzine Madmoizelle, et à l’action de Najat Vallaud-Belkacem que le site a perdu sa première place : c’est désormais le site officiel du gouvernement qui apparaît en premier. Néanmoins, IVG.net reste dans le top 3 des recherches et repasse parfois momentanément en tête. La guerre du référencement n’est donc pas terminée.
Un délit d’entrave à l’IVG existe déjà depuis 2014. Ainsi, le fait de chercher à empêcher une femme d’accéder à un établissement médicalisé pour pratiquer une IVG ou s’informer est passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende. Afin d’aller plus loin et d’empêcher ces sites internet d’exister en tout légalité, Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes, a proposé d’instaurer un délit d’entrave « numérique » à l’IVG début 2016, visant directement les sites de propagande pro-vie. Après que le Sénat a écarté cette extension du délit d’entrave par un avis défavorable en commission, les citoyens se sont mobilisés et rassemblés autour d’une pétition en sa faveur. Le 28 novembre, alors que l’extension doit enfin être débattue au Parlement, le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Georges Pontier, demande officiellement à François Hollande de s’opposer à cette réforme, sans succès, car le texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 1er décembre avec le soutien de l’ensemble de la gauche et d’une majorité de centristes, et ce malgré l’opposition de la droite qui en appelait à la liberté d’expression. Le 7 décembre, c’est au tour du Sénat d’adopter la proposition, avec 176 voix pour et 123 contre. Il reste désormais à voir comment ce projet va se concrétiser et comment vont réagir les responsables des sites visés.

En 2016, l’IVG n’est pas encore un droit acquis
Vous l’aurez compris, l’IVG est un droit qui, même en France, a encore bien besoin d’être protégé et défendu contre la désinformation. La manipulation guette chaque femme rendue vulnérable par une grossesse non souhaitée. Elle est un mal pour un bien selon les anti-IVG. En effet, manipuler une femme, c’est bien peu de choses, face au sentiment du devoir accompli, face à toutes ces vies « sauvées ».
Est-ce accomplir quelque chose de « bien » que de dissuader une femme d’avorter, est-ce que l’embryon doit être sauvé à tout prix, au risque de gâcher la vie d’une femme qui n’a pas l’envie, la force ou bien les ressources nécessaires pour élever un enfant ? Quid des enfants rejetés, malaimés ?
Toutes ces questions ne semblent pas être au cœur des préoccupations des regroupements pro- vie, qui, bien loin de se mourir, sont de plus en plus visibles. Le combat pour le choix n’est pas terminé. Rappelons par exemple que François Fillon, vainqueur des primaires de la droite il y a quelques jours, estime que l’IVG n’est pas un droit fondamental. La vigilance reste de mise afin qu’à l’avenir le site officiel du gouvernement ou celui du planning familial ne deviennent pas des repères d’anti-choix.
Pour une information non-partisane et respectueuse: ivg.social-sante.gouv.fr ou planning-familial.org
Camille Frouin
Sources :
• RICHE Sophie, « La nouvelle stratégie des anti-IVG », madmoizelle.com, 29/06/2016, consulté le 26/11/2016
• BALLET Virginie, « IVG: le « délit d’entrave numérique » écarté par le Sénat », libération.fr, 29/09/2016, consulté le 26/11/2016
• CHAMBRAUD Cécile et DUPONT Gaëlle, « Le débat sur l’avortement se crispe », 29/11/2016, consulté le 29/11/2016
• ivg.net
• afterbaiz.com 
• testpositif.com
• Vidéo YouTube France Inter, 12/10/2016 « Avec les anti-IVG – Le Moment Meurice »
Crédits :
• Twitter @lessurviivants
• Facebook , capture d’écran « IVG: vous hésitez ? Venez en parler ! »

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Quand New Balance perd pied

Baskets brûlées, jetées dans la cuvette des toilettes, voire embrochées … Mais pourquoi de telles réactions ? Une phrase de la marque New Balance interprétée comme un soutien au nouveau Président des États-Unis, Donald Trump, met le feu aux poudres. Les consommateurs s’enflamment et expriment leur rejet de la marque au travers de critiques qui déferlent sur les réseaux sociaux. La question qui se pose ici, est celle de la sur-interprétation des faits mais surtout du malaise de la marque face à ce feedback incontrôlable.
Rappel des faits
Au lendemain de l’élection de Donald Trump, Matthew LeBretton, responsable des affaires publiques de New Balance, est interviewé par Sara Germano, journaliste du Wall Street Journal, sur la question du Partenariat Trans-pacifique (Trans-Pacific Partnership ou TPP). Ce dernier vise à libéraliser le commerce et les investissements entre ses douze États-membres par le retrait des barrières tarifaires et entraîne, par conséquent, une délocalisation de la production des entreprises. Les dirigeants de New Balance s’opposent à ce dernier point dans la mesure où la mise en avant du « Made in USA » demeure pour eux primordiale. Dans ce contexte, Matthew LeBretton déclare : « L’administration Obama ne nous a pas écoutés et sincèrement, nous avons le sentiment qu’avec le président Trump les choses vont aller dans le bon sens ». Le responsable des affaires publiques aurait probablement dû réfléchir à deux fois avant de « parler politique ».
Un embrasement sur les réseaux sociaux
Les propos de Matthew LeBretton sont immédiatement relayés sur la toile, et les utilisateurs de Twitter et de Facebook accusent New Balance de soutenir Donald Trump. Même si cette déclaration n’a pas pour vocation d’afficher un véritable soutien et relève d’un simple constat à l’égard de la politique économique du nouveau Président des États-Unis, peu importe, les anti-Trump y voient une raison légitime de se retourner contre la marque et utilisent pour cela massivement les réseaux sociaux qui portent et décuplent leurs réactions. L’écho se fait ressentir jusque dans les grands médias. La notion de viralité prend alors tout son sens : l’histoire se propage, contamine, et mobilise les individus à une vitesse phénoménale.

Le pouvoir de l’interprétation
Il aurait été judicieux que Matthew LeBretton anticipe ces réactions et s’exprime autrement sur le sujet.
En effet, rares sont les internautes qui se lancent dans des analyses pointues et distancées de la situation. Au contraire, ils réagissent à chaud sur les faits et leur « décodage », si l’on reprend le terme de Stuart Hall, est nécessairement différent de celui souhaité par la marque. L’interprétation demeure souvent « négociée » voire « oppositionnelle » d’autant plus que les individus souhaitent faire valoir leur opinion face à ces grands empires que sont les marques. Ils ont conscience que leur parole a désormais un poids.
Aujourd’hui, n’importe quel individu peut jouer le rôle de leader d’opinion, et par là même, tout consommateur peut exercer une influence sur les autres consommateurs. Ces derniers se sentent en retour plus en confiance avec des individus qui n’ont pas un avis dicté par une ambition de profit comme c’est le cas des entreprises. Les consommateurs créent ainsi l’image de marque ou du moins l’entretiennent par le biais d’une influence mutuelle. Ils prennent en ce sens le pouvoir sur la marque qui devient elle-même dépossédée de son identité et de ses convictions. Sans le consommateur, cette dernière n’est rien, d’où la nécessité qu’elle expose le meilleur d’elle-même et qu’elle ne se risque pas dans des paroles plus ou moins hasardeuses qui pourraient être mal interprétées.

 
La cerise sur le gâteau
Comme si la situation n’était pas assez compliquée à gérer, il a en plus fallu qu’un blogueur néonazi reprenne au pied de la lettre les propos de Matthew LeBretton. Sur son blog, Andrew Anglin publie un article intitulé « Your Uniform: New Balance Just Became the Official Shoes of White People » et affirme que New Balance est « la marque officielle de la Révolution Trump ». La sur-interprétation est ici à son comble et réduit considérablement la marge de manœuvre de la marque dans la mesure où celle-ci représente une désastreuse réappropriation de son discours. Certes, il était difficile pour New Balance d’envisager de telles répercussions suite à cette phrase prononcée de manière quasi innocente.
Néanmoins, la politique est un domaine dans lequel une marque n’a pas à s’immiscer. Si elle souhaite réellement « parler politique », il est nécessaire qu’elle prenne en compte toutes les éventualités afin de connaître les risques auxquels elle s’expose. La politique est un domaine clivant dans nos sociétés, c’est pourquoi politique et marques ne font pas bon ménage (un des derniers bad buzz en date étant le scandale Michel et Augustin)
Une communication de crise trop formelle
Désemparée face à ces réactions quelque peu excessives, la marque soumet deux communiqués dans lesquels elle défend sa position vis-à-vis du TPP mais précise qu’elle ne partage en aucun cas les propos controversés de Trump. Elle rappelle également que l’opposition au TPP ne concernait pas que ce dernier mais aussi Hillary Clinton et Bernie Sanders. Néanmoins, le mal est fait. Proposer une telle explication est banal et n’a pas beaucoup d’intérêt pour les consommateurs. Ce qu’il faut, c’est avancer et chercher sans attendre à redorer son image en s’écartant des moyens traditionnels. Tout est question de timing et d’ ingéniosité.
Pour que les traces ne viennent pas entacher New Balance sur le long terme et impacter le comportement d’achat futur des consommateurs, pourquoi ne pas rebondir sur ce bad buzz et s’orienter vers une solution plus créative qui viendrait pallier ce discours ? C’est dans des coups durs comme celui-ci qu’une marque possède paradoxalement une grande visibilité sur la scène médiatique. Le moment est parfait pour faire preuve d’un grand pragmatisme. La marque a l’opportunité de pouvoir retourner la situation à son avantage. Ne serait-il pas gratifiant pour elle de se lancer dans une communication originale et innovante telle qu’une campagne sous le signe de l’autodérision par exemple?
En réaction à cette haine, il faut se battre à armes égales et ce n’est pas un communiqué formel qui va résoudre la situation. D’autant plus qu’en attendant, certains concurrents se lèchent les babines, dont Reebok qui profite explicitement de cette mauvaise passe pour proposer aux ex-adeptes New Balance les modèles Reebok Classic.

Pauline Baron
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Sources :
• Inconnu « États-Unis. New Balance, Trump et les néonazis : décryptage d’une étrange polémique », Courrier International, 15/11/16, consulté le 15/11/2016
• BABIN Justine, « Trump, néonazis et baskets brûlées… le “bad buzz“ de New Balance », Les Echos, 17/11/2016,    consulté    le    17/11/2016
• PARKINSON Hannah Jane, « Does New Balance really support Trump? », The Guardian, 15/11/2016, consulté le 16/11/2016
• WOOLHOUSE Megan, « Reebok engages in some social media teasing of New Balance », The Boston Globe, 18/11/2016, consulté le 19/11/2016
• ANGLIN Andrew, « Your uniform New Balance just became the shoes of white people », The Daily Stormer, 12/11/2016, consulté le 15/11/2016
Crédits :
• twitter
• diplomatie-digitale.com
 

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Jean-Luc Mélenchon à la conquête de YouTube : la construction d'une nouvelle image médiatique

On connaît l’aversion quasi légendaire de Mélenchon pour les journalistes. Il semble que dans les médias traditionnels, le candidat de la France Insoumise ne convainc pas : souvent trop virulent et trop énervé, il n’a pas la figure de l’homme présidentiable habituel. Son discours manque d’éléments de rassemblement et le registre de la dénonciation est usé jusqu’à la corde. Aussi, l’utilisation de YouTube présentait tous les avantages pour Jean-Luc Mélenchon, et devait lui permettre de renouveler son image en évitant son habituel et tant de fois reproché manque de contrôle face aux questions incisives des journalistes; seul face à la caméra, l’homme peut maîtriser ses dires et ses émotions. On ne peut pas non plus négliger la conquête potentielle d’un nouvel électorat plus jeune, très présent sur ce média.

Une pluralité de formats
Comme dans une anthologie médiatique, l’internaute peut retrouver sur la chaîne « Jean-Luc Mélenchon » de grandes catégories, plus classiques, telles que « Discours et meetings » ou « Emissions et passages média ». Mais des formats plus innovants dans le champ médiatico-politique se distinguent, comme la Revue de Presse, support d’une nouvelle communication politique pour Mélenchon.
Pari réussi ou fiasco communicationnel ?
Les chiffres parlent en faveur du premier schéma : dans la Revue de Presse n°3, on peut entendre Mélenchon parler de sa chaîne comme étant la « première chaîne [YouTube] politique de France », avec près de 51 000 abonnés. De plus, il ajoute qu’un pic d’abonnés coïncide avec chaque publication de revue de presse, révélant le succès du format choisi.
Alors qu’en est-il? Comment Mélenchon réconcilie-t-il la supposée objectivité inhérente à une revue de presse et la partialité propre aux discours politiques?
Dans une vidéo d’environ 20 minutes, le fondateur du Parti de Gauche revient sur les faits marquants de la semaine – qu’ils touchent à la France ou à l’international – et saisit l’occasion pour présenter les grandes convictions de son programme.
La création d’une nouvelle rhétorique politique
Ce qui saute aux yeux lorsque l’on compare l’homme de YouTube à l’homme des plateaux télé, c’est l’élargissement du panel émotif du candidat. On ne saurait deviner si c’est dû à l’absence de journalistes ou de spectateurs directs, mais le « Youtubeur » de l’extrême gauche parvient enfin à mobiliser le registre du pathos, si important en politique.
La subjectivité est alors davantage mise en scène : Mélenchon laisse entrevoir de nouveaux sentiments, comme la sollicitude et l’empathie pour les Français, à l’inverse de la colère et du registre de la trahison politique qui régissent les discours mélenchonnistes dans les médias traditionnels. Les faits divers les plus tristes (‘une nouvelle que je juge terrible’, ‘un événement bouleversant’…) sont autant d’occasions pour Mélenchon de montrer une nouvelle facette de sa personnalité – plus calme et sereine – en contradiction avec l’image que pouvaient véhiculer ses anciennes prises de parole médiatiques, plus houleuses.
YouTube : un média démocratique ou son contraire ?
La forme aussi est symbolique : Mélenchon se lance à la conquête d’un média sans médiateur, un média où l’homme politique est en prise directe avec ses électeurs. L’homme qui dénonce souvent «le prisme calamiteux des médias officiels » jouit alors d’un espace où nul journaliste ne déforme ses propos ni ne le pousse dans ses retranchements.
C’est que YouTube représente une occasion rare pour les politiques aujourd’hui : selon l’utilisation qu’on en fait, le média peut être réduit à un simple canal qui ne permet qu’une communication unidirectionnelle. Le viewer de YouTube n’a pas la possibilité d’intervenir directement, là où le présentateur télé ou le chroniqueur radio se font les relais de la contradiction. Sur YouTube, la parole de l’homme politique résonne seule. Il n’y a aucun contrepoint, aucun débat véritablement institutionnalisé. S’il existe bien une section « commentaires », ceux-ci ne peuvent être exprimés qu’après la publication de la vidéo et il n’existe donc pas de véritable dialogue.
Chassez le naturel, il revient au galop
Il ne faut pas pour autant oblitérer complètement le pouvoir de contradiction qu’ont les commentaires YouTube. A eux-seuls, ils arrivent à révéler l’attitude défensive d’un Mélenchon pourtant en quête d’une nouvelle image médiatique.
En dépit de l’objectif premier de la revue de presse, à mi chemin entre la pédagogie et la persuasion, l’homme ne peut s’empêcher de revenir sur les quelques commentaires belliqueux que suscitent ses prises de parole, et retombe malheureusement dans ses travers habituels : virulence du discours qui accuse et moralise («Les gens qui ont l’habitude de ridiculiser tout ce qu’ils voient […] ont ricané et n’ont rien écouté au fond de l’affaire.», «Les mesquins, les méchants qui attendent pour pouvoir déverser la bile.»), apostrophes alarmistes («Alors vous n’avez pas compris que si vous ne changez pas l’alimentation […] nous sommes tous condamnés à tout détruire autour de nous ?», «Vous avez compris ça, les gens ? »)..En retombant dans ses mauvais penchants communicationnels, Mélenchon échoue à    mobiliser le registre du rassemblement, à diffuser un message fédérateur, si essentiel à la rhétorique du présidentiable.
Bilan mitigé de l’initiative : Mélenchon face à l’imaginaire français du présidentiable
Finalement, le véritable échec de cette nouvelle campagne politique 2.0 réside dans le fait que jusqu’ici, elle peine à conquérir de nouveaux électeurs. Les 50 000 abonnés de Mélenchon ne suffisent pas à lui offrir une visibilité suffisante sur YouTube. Il suffit de jeter un œil aux commentaires où le hashtag #JLM2017 règne, pour comprendre que son public est un public de convaincus, de militants. YouTube serait-il alors inadapté vis-à-vis de cet objectif de conquête électorale?
Entre conquête d’un électorat plus jeune et connecté, et création d’une nouvelle rhétorique politique, Mélenchon s’est approprié les codes de YouTube avec une certaine facilité : l’absence de médiateur lui réussit relativement bien, tandis que l’éviction du journaliste confère à l’homme politique une transparence et une franchise face à ses électeurs.
Néanmoins, si l’appel au pathos se fait plus présent dans le discours de Jean-Luc Mélenchon, son ancien pilier communicationnel demeure, malgré son apparente fragilité. Certes, les apostrophes fréquentes aux auditeurs forment une composante fondamentale de son identité communicationnelle puisqu’elles participent à la création d’une rhétorique de la participation et de la responsabilité citoyennes. Mais la convocation permanente du registre virulent et alarmiste ne semble pas judicieuse à l’heure des présidentielles, éloignant une partie des électeurs en quête d’un homme plus fédérateur et paisible.
Une constante se dégage néanmoins : le choix du canal médiatique dans la construction de sa communication politique en révèle long sur le candidat. Là, où Alain Juppé favorise encore le mail pour une communication plus ciblée et trahit ainsi son manque d’innovation dans le champ communicationnel, Mélenchon se distingue de plus en plus comme le candidat du numérique et de la jeunesse. Or, en privilégiant ce média pour échapper à la contradiction qui le dessert parfois, il prend peut-être le risque de diminuer sa visibilité auprès d’un électorat plus classique, habitué des plateaux télé et des émissions radio.
A croire que nos hommes politiques ne peuvent être présents sur tous les fronts médiatiques.
Hélène Gombert
Sources :

Chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon
MELENCHON Jean-Luc, « La revue de la semaine #1 : pauvreté, Hayange, démocratie, Alstom, Juppé et retraites. » mise en ligne 08/10/2016 https://www.youtube.com/watch?v=ynfJBfJKzFw

Crédits :

Jean-Luc Mélenchon à la fête de l’Humanité en 2011. Photographie d’Olivier Coret pour french- politics.com
AURENT HAZGUI pour FRENCH-POLITICS.COM
Photographie de Nicolas Krief

 
 

Flops

La pilule pour homme: c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?

Décembre 1967, les femmes opprimées, mais les femmes libérées… par la loi Neuwirth. Celle- ci abroge les articles du code de la santé qui réprimaient la propagande anticonceptionnelle et autorise l’importation et la fabrication des contraceptifs. Depuis, the star, c’est elle : la pilule, ou contraception hormonale orale féminine.
En 2010, selon une étude de l’INPES (Institut National de Prévention et d’Education pour la santé), 71% des femmes de moins de 35 ans prennent la pilule pour éviter la grossesse. Et du
côté des hommes ? Eh bien toujours ce bon vieux condom, et pour cause ! Les recherches en
matière de contraception hormonale masculine menées depuis les années 70’, sont un véritable
échec, sans parler du terrible manque de communication en la matière. Mais alors pourquoi,
frein scientifique, sociologique ? En tout cas, cela ne semble encore être qu’un doux rêve.

Vade retro spermato !
Bien que les scientifiques et les chercheurs ne se soient pas dorés la pilule ces dernières
décennies, les résultats des recherches pour la contraception masculine pourraient être plus
féconds. Après tout, nous sommes au XXIème siècle et il est grand temps que la contraception
soit l’affaire de tous. « Les hommes devraient s’impliquer, c’est aussi à nous d’assumer le non-
désir d’enfant » préconise Pierre Colin, cofondateur d’ARDECOM, association créée en 1978
pour la recherche et le développement de la contraception masculine. En 2009, l’INPES tapait
dans le mille avec sa campagne pour sensibiliser tous les citoyens à la contraception. Un
discours qui envoie promener les attentes des téléspectateurs avec une campagne publicitaire inversant les rôles : et si les hommes tombaient « enceinte » à cause d’un oubli de pilule ?
Si pour des raisons évidentes, les hommes ne sont pas sujets d’une grossesse, ils pourraient bien
être les seuls responsables directs de la contraception dans le couple : depuis les années 70’,
plusieurs techniques ont été inventées. À ce jour, il existe trois méthodes principales de
contraception pour homme :
–    La contraception hormonale, reconnue par l’OMS (Organisation Mondiale de la
Santé) et testée sur plus de 1500 hommes ces quarante dernières années.
–    La contraception masculine thermique, mise au point au CHU (Centre Hospitalier
Universitaire) de Toulouse et qui consiste à remonter les testicules vers le haut du
corps dans le but d’augmenter leur température, qui passe alors de 34°c à 37°c,
permettant ainsi de diminuer significativement, voire supprimer, les
spermatozoïdes.
–    Et enfin, la vasectomie, une méthode marginale et brutale, car définitive.
Un intérêt grandissant donc… Mais toujours rien de probant !
Soyons clairs : scientifiquement parlant, la pilule pour homme existe déjà. Elle est testée en
France depuis les années 70’, notamment par le Docteur Soufir, médecin à l’hôpital Cochin à
Paris. Pourtant, sa commercialisation n’est pas pour demain, et le meilleur moyen de s’en rendre
compte est d’analyser le sujet du point de vue de la communication et de la médiatisation.
L’année 1982 est importante dans l’histoire de la contraception puisque c’est à cette date que
l’interdiction de toute publicité pour les contraceptifs est supprimée. Cependant, jusqu’à ce jour
la communication à ce sujet est un échec retentissant : mis à part la pile d’articles qui rappellent
que tout cela est bien joli mais pas encore tout à fait réalité, les informations sur le sujet sont
rares. Sur Internet, il est presque impossible de trouver des résultats concrets pour la
contraception masculine. Par exemple, le youtubeur Pitoum explique dans l’une de ses vidéos
que l’association française pour la contraception a produit une web-série pour présenter les
différentes méthodes de contraception. Belle initiative ! Mais voilà, sur les six épisodes en
ligne, un et seulement un, nous avertit de l’existence d’un contraceptif masculin : le préservatif.
Alors à quoi tient l’origine de ce flop communicationnel, ou plutôt cette absence de
communication ?
Une pilule qui a du mâle à passer
Cause de ce silence quasi parfait ? Très probablement la dimension sociologique du sujet, la
pilule étant le symbole historique de la libération des femmes. Dans un article du magazine
Society, le docteur en sociologie Cyril Desjeux explique que « La contraception masculine […]
peut être perçue comme un retour à une forme ancestrale de domination masculine vis-à-vis des
femmes qui se sont battues pour maîtriser leur corps : la pilule, c’est un droit qu’elles ont gagné ;
la pilule masculine, ce serait comme leur retirer ce droit. »
Mais cela n’empêche en rien une évolution des mentalités. Le 27 mars 2015, l’émission Les
maternelles lance une étude auprès de ses « maternautes ». Résultat : 60 % des femmes se
disaient prêtes à confier la responsabilité de la contraception à leurs hommes. Cela ne veut évidemment pas dire que ces messieurs se sentent parés pour une telle expérience, loin de là.
Beaucoup d’hommes disent ne pas être prêts à assumer la responsabilité de la contraception au
sein du couple ou considèrent encore la prise de la pilule comme une atteinte à leur virilité.
Par ailleurs, l’un des principaux arguments rédhibitoires seraient les potentiels effets
secondaires liés à la contraception masculine (acné, comportement dépressif, augmentation
significative de la libido chez les hommes), ce contre quoi certains acteurs s’insurgent. En effet,
les mêmes effets secondaires existent en ce qui concerne la pilule, hormis la libido qui a plutôt
tendance à baisser. Au début du mois de novembre, une vidéo sur Facebook mettait en scène
une jeune femme se moquant avec ironie des hommes ayant abandonné les tests de
contraception masculine parce qu’ils ne pouvaient supporter les effets secondaires. « Pauvres
garçons ! » blague-t-elle, « toutes les femmes les ont subis». C’est aussi l’idée qu’a voulu
transmettre Courrier International cette semaine, « il est temps de s’y mettre, les mecs ! ».
La pilule pour les hommes n’est donc pas prête à voir le jour pour le moment. En fait, la
meilleure méthode contraceptive pour ces messieurs reste encore de bonnes vieilles chaussettes dans les sandales !
Camille Laine
Sources:

COUTARD Hélène, LEGRAND Victor « Une pilule qui passe mâle » Society, 17-24 octobre 2016 consulté 20/11/2016; accessibilité Paris Sorbonne Universités
RODIN Gaëlle, DESFFRESNNES Marie, « Et si les hommes tombaient enceintes ? » Madame le Figaro, 25 septembre 2009. Consulté 01/11/2016
LEMBEZAT Carole « Contraception. La pilule pour homme, ce n’est pas pour demain. » Courrier International. Publié le 02/11/2016. Consulté le 02/11/2016
Marcos Ministère de la Santé INPES, vidéo diffusée en 2009. Consulté le 20/10/2016
Chaine YouTube « humour, parodies, concerts et diaporamas » 22/10/2009
GUERRE François, THIEBAUD Olivier, LAPLATTE Stéphane, MENEGHETTI, web-série Mégabit :
tout sur les idées reçues en contraception, Consulté le 25/10/2016.
PITOUM (chaîne YouTube) «La contraception masculine – HARDSCIENCES #4» Publiée le 05/04/2016, consulté le 25/10/2016
Page facebook Fusion

Crédits:

Magazine Society,  illustrations de Pierre La Police, photo à la Une
madame.lefigaro.fr

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Le Petit Journal est mort, vive le Petit Journal !

Début mai, Yann Barthès annonçait son départ de l’émission la plus regardée de Canal+ en clair : Le Petit Journal. Après une vive réaction de la part des internautes, beaucoup se sont interrogés sur l’avenir de l’émission. Les réactions se sont amplifiées lorsque Canal+ a annoncé l’arrivée de Cyrille Eldin (et non pas Cyril Hanouna, ne pouvant pas être partout à la fois) connu pour ses interventions dans le Supplément et dans Le Grand Journal.
Après plus d’un mois de diffusion, retour sur le non-succès de cette succession.
Relancer la machine après un présentateur de taille
L’annonce de la nouvelle identité du Petit Journal avait déclenché les foudres des internautes. Le 25 août dernier, la photo de Yann Barthès avait été remplacée par celle de Cyrille Eldin sur la page Facebook du Petit Journal. L’avis des internautes ne s’est pas fait attendre et le nombre d’abonnés a dégringolé: 15500 d’abonnés de moins en seulement une heure. Aujourd’hui, on estime une perte de 60 000 abonnés, soit une part d’audience à 45% inférieure à celle de l’an dernier.
À cela s’ajoute une fin particulièrement tragique du Petit Journal de Yann Barthès, avec une intervention de Catherine Deneuve annonçant la fin d’une ère. Difficile de relancer la machine après de tels adieux de la part de Barthès. Ce n’est pas tant l’image de Cyrille Eldin qui est critiquée, mais le départ d’un présentateur plus qu’apprécié ayant fondé l’identité même du Petit Journal.
En effet, Yann Barthès a construit avec son équipe l’essence d’une émission critique, légère, joyeuse et innovante. C’est un personnage qui capte l’attention, alternant entre sous-entendus et plaisanteries fines. Il a su faire ses preuves au sein du groupe Canal+ malgré une position délicate avec son émission dérangeant les politiques. Image qui s’oppose à celle de Cyrille Eldin, connu pour ses bons rapports avec de nombreux politiciens et ses nombreux contacts à l’Assemblée.
Chambouler les codes de l’émission
Bolloré avait annoncé vouloir changer l’orientation de l’émission en adoptant des approches plus douces envers les figures politiques pour mieux saisir la profondeur de leurs idées. Mais l’organisation de l’émission se forme beaucoup plus autour du présentateur et cela s’est ressenti dès le premier soir. Cyrille Eldin nous présente un one man show, imitant le président de la République et enchaînant quelques blagues peu pertinentes sur l’ancien présentateur de l’émission : « Ça me rappelle qu’il faut que j’envoie un petit SMS à Yann Barthès, j’avais oublié. » Eldin précise le contenu, « Yann si tu reviens, j’arrête tout. ». Il n’en faut pas plus pour que le public dénonce son manque de légèreté et que Cyrille Eldin occupe la une des journaux le lendemain.
Ces plaisanteries adressées à Yann Barthès ont finalement incité les téléspectateurs à comparer les deux figures et non à aborder une distance vis-à-vis de ce nouveau format. Le nom de l’émission, Le Petit Journal, influence le téléspectateur qui s’apprête à retrouver le même programme, le même humour. Or, si nous comparons les deux personnages, nous avons d’un côté un Cyrille comédien, très joueur et avec un gestuelle prononcée contre un Yann plus discret, très concis et sûr de lui. Mais, le départ de Yann Barthès accentue davantage les différences entre les deux personnages. Car, même si le présentateur a permis le succès de l’émission, la gloire du Petit Journal est également due aux personnes qui l’entourent (Martin Weil ou Eric et Quentin par exemple). C’est un élément que la plupart des critiques négligent, préférant se focaliser sur l’écart entre les deux présentateurs.
Rivaliser avec le groupe TF1
Reprendre le Petit Journal était un défi de taille. Alors, quand Yann Barthès a annoncé l’arrivée de Quotidien, sa nouvelle émission sur le groupe TF1, accompagné par sa société de production Bangumi, la position de Cyrille est devenue délicate. C’est sans surprise que l’on se retrouve devant un programme de Yann Barthès qui annonçait qu’il garderait la même essence : « On change tout mais sans rien changer, toute l’équipe est avec nous, en gros on ne change pas des masses. C’est bien non ? » (Interview sur France Inter). En effet, c’est même très bien. Quotidien commence avec plus de 1,3 million de téléspectateurs et concurrence même avec Touche pas à mon Poste. Alors est-ce vraiment judicieux de la part de Yann Barthès d’utiliser à nouveau les mêmes codes pour cette émission ? D’une part oui, car l’idée de braver les interdits politiques et de repousser les limites plaisent à la société actuelle. De plus, le personnage qu’incarne Yann Barthès reste un repère pour la génération des 20-30 ans, comme l’était Claire Chazal pour les 45-55 ans. Mais d’un autre côté, la société ne cesse d’aspirer au changement, et Yann Barthès devra sûrement innover lors des prochaines années afin de conserver sa place dans le cœur des français.
Convaincre des téléspectateurs fermés à la nouveauté
Avec des débuts très difficiles, les journaux et les internautes annonçaient la perte du Petit Journal. Mais, après quelques modifications, l’émission regagne du terrain avec des chiffres d’audience ayant doublé du 26 septembre au 12 octobre (de 258 000 à 486 000 téléspectateurs). Certes, le niveau n’atteint pas le million d’habitués du temps de Yann Barthès, mais le Petit Journal remonte la pente. Puis il ne faut pas omettre que ce programme avait connu des débuts peu concluants en 2011 et qu’il n’avait fait que surprendre d’année en année. Alors, peut-être est-ce l’occasion d’aborder un nouveau point de vue sur la politique et d’accepter le changement. Car s’il y a une chose à retenir de ce non-succès, c’est l’incapacité des téléspectateurs français à s’ouvrir aux changements lorsqu’il s’agit d’émissions qu’ils connaissent et suivent régulièrement. Face à de nouveaux codes de la communication et de nouvelles approches, les téléspectateurs se réfugient dans la critique. Mais, le Petit Journal n’a peut-être pas encore dit son dernier mot.
Nathanaelle Enjalbert
Linkedin : Nathanaelle Enjalbert
 
Sources:
– Assouline Gary, La chute vertigineuse du « Petit Journal » de Cyrille Eldin sur Facebook – Le Huffington Post, 25/08/2016 consulté le 22/10/2016
– Lefilliâtre Jérôme, « Quotidien », le remake hollywoodien de Yann Barthès – Libération.fr, 13/09/2016 consulté le 20/10/2016

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La droite en débat, premier round

Après plusieurs bandes annonces attrayantes diffusées quotidiennement sur les chaînes TF1 et LCI, le premier débat de la primaire de la droite s’ouvrait enfin devant 5,638 millions de téléspectateurs le jeudi 13 octobre dernier à 20h45, pour plus de deux heures d’antenne. L’un des évènements majeurs de la vie politique française en cette fin d’année 2016 est ici imagé pour la première fois : ce premier débat rassemble les sept candidats à la primaire qui a pour but d’élire le représentant de la droite et du centre à l’élection présidentielle de l’année 2017. Seul objectif, donc : conquérir un électorat.
Plusieurs voix, une seule voie
Après une brève présentation digne d’un show télévisé prononcée par Gilles Bouleau, un générique dynamique et ambitieux sur fond de musique entraînante laisse apparaître un par un les visages des candidats à la primaire des 20 et 27 novembre prochains. Comme si l’on assistait à l’ouverture d’une émission de télé-réalité ou de jeu télévisé, les candidats sont présentés succinctement : alors que les couleurs patriotiques que sont le bleu, le blanc et le rouge jaillissent aux yeux des téléspectateurs, chacun voit son identité dans la campagne présidentielle résumée peu ou prou par la diffusion d’une phrase choc, prononcée auparavant lors de meetings politiques.
Le débat ne pourra commencer qu’après l’énonciation des règles à suivre durant celui-ci : le show est réglé au millimètre, presque de manière scolaire. Chaque candidat dispose du même temps de parole : une minute pour chaque réponse, trente secondes pour rebondir sur l’intervention d’un adversaire.
Après avoir précisé que l’emplacement des candidats ainsi que l’ordre de prise de parole avaient été tirés au sort, Gilles Bouleau introduit auprès du public ses deux voisins pour la soirée : Elizabeth Martichoux de RTL et Alexis Brézet du Figaro. Selon eux, les objectifs sont, pour les candidats, de « clarifier leurs propositions pour la France ». Ainsi, Isabelle Martichoux ouvre le bal avec cette question : « Pourquoi voulez-vous devenir Président ou Présidente de la République ? ».
Le classique et le moderne connectés
Parmi les sujets abordés lors de ce premier débat, l’originalité n’est pas au rendez-vous ; l’économie et le régalien, eux, si. Pour chaque candidat, il s’agit moins d’affaiblir ses rivaux que de gagner des points en exposant ses propositions : aucune annonce n’est réellement novatrice, l’objectif principal étant de faire connaître ses idées. Selon Alexandre Lemarié, journaliste au Monde, en charge du suivi de la droite et du centre, on parle plus de « round d’observation » que de débat.
Toutefois, le format du débat, lui, est novateur et se distingue par sa modernité. Là aussi, le modèle social de la pratique des médias s’impose : participation, interactivité et commentaires sont les bienvenus et l’importance des réseaux sociaux est ici soulignée. En effet, durant toute la durée du débat, les téléspectateurs ont pu réagir et adresser leurs questions grâce au hashtag #primaireledébat, ainsi que sur les pages Facebook TF1, RTL et LeFigaro. En outre, le plateau lui-même prend une forme inédite : rappelant plus celui du Maillon Faible que celui des précédents débats politiques, celui-ci donne à ce débat de la primaire un caractère moderne et innovant. La stratégie est claire : on attend des questions simples, émanant de tous et accessibles à tous, pour des réponses simples, claires et concises, également audibles par tous.
Quand l’habit fait le moine
Stratégie médiatique, certes, mais aussi stratégie de l’image. En effet, l’image est un élément fondamental de la communication : au-delà du discours, elle véhicule un message, qui diffère de candidat en candidat. Sept candidats, six couleurs : chacun de nos prétendants s’est choisi une apparence bien à lui, dans un effort de différenciation par la tenue vestimentaire, et plus particulièrement par la couleur de celle-ci.

Nicolas Sarkozy choisit de rester classique : cravate de couleur bleue marine, celle d’un ancien Président de la République, mais aussi celle de sa campagne de 2012. Couleur de la sagesse, écho d’un certain passé.
François Fillon porte une cravate violette, couleur de la vérité, de l’honnêteté, valeurs qu’il défendait déjà en 2007 avec L’Etat en faillite.
Alain Juppé opte pour le noir, une couleur qui rassemble par sa neutralité et sa sobriété.
Jean-François Copé, lui, fait le choix d’une cravate bleu ciel : il s’agit d’attirer le regard, de
rappeler sa présence et sa légitimité.
Tout comme la cravate de Jean-Frédéric Poisson, Nathalie Kosciusko-Morizet arbore une couleur non moins attirante : le rouge du pouvoir et de la conquête, s’éloignant des six costumes masculins.
Enfin, Bruno Le Maire, candidat du renouveau, choisit de se démarquer par l’absence de cravate, mettant ainsi en valeur le blanc immaculé de sa chemise et soulignant l’atout qu’il brandit le plus souvent : sa jeunesse. Alors, à chacun sa stratégie : se démarquer ou s’affirmer, se faire connaître ou se faire reconnaître, par l’image ou par la gestuelle chez un Juppé calme et serein ou un Sarkozy tendu et agité

 
Si ce débat a pu prendre les aspects d’un évènement de télé-réalité ou de show télévisé, les couleurs politiques ont su rester au garde à vous. Entre continuités et nouveautés, celui-là a su annoncer la forme inédite que prend la campagne présidentielle à venir. Certains en sortent renforcés, comme Jean-Frédéric Poisson qui a su apparaître aux yeux des Français comme un candidat légitime, d’autres moins, mais rien n’est joué : la suite aux prochains rounds, les 3 et 17 novembre prochains.
Diane Milelli
LinkedIn Diane Milelli
 
Sources :
– LeMonde.fr : «Bilan du débat de la primaire à droite, C’était un peu le round d’observation » par Alexandre Lemarié
–  LeMonde.fr : « Sept candidats, deux droites »
– Le Nouvel Obs : «Primaire de droite : les coulisses du premier débat sur TF1»
– Europe 1 : « Débat : l’analyse politique d’Antonin André »
Crédits photo :
– LCI, Primaire de la droite et du centre, revivre le débat en 2 minutes
–    L’express, Primaire à droite: le premier débat télévisé était-il raté?

Flops

La sentience animale: de la réification à l'anthropomorphisation

Le 28 janvier 2015 la proposition d’amendement initiée par l’association 30 millions d’amis et ses nombreux signataires a été validée, permettant ainsi aux animaux d’être reconnus par le code civil comme êtres sentients: ils ne sont désormais plus considérés comme des « biens meubles » mais comme des « êtres doués de sensibilité ». Mais y a-t-il anguille sous roche ? Le point un an après.
Changement juridique, changement de pratiques ?
Cette récente réforme prolonge d’autres initiatives timides et ponctuelles depuis 1950 dont par exemple le délit de cruauté sur l’animal domestique ou encore la loi Grammont (droit pénal) qui punit d’amende voire de prison ceux qui infligent de mauvais traitements aux animaux en public… Des réformes qu’à demi.
 
Cependant, malgré sa dimension symbolique essentielle, certains défenseurs des animaux blâment son inefficience pratique et la complexification théorique engendrée. D’un point de vue théorique, les animaux sauvages, d’élevage et de laboratoires sont en effet exclus de ce changement de statut puisque l’amendement s’applique uniquement aux animaux domestiques donc il y a démultiplication arbitraire des étiquettes désignant l’animal. En pratique, les animaux exclus ne peuvent espérer d’améliorations tangibles alors que c’est eux qui prioritairement ont besoin d’être reconsidérés. A l’instar de l’initiative ambitieuse d’une Déclaration des droits de l’animal à la Maison de l’UNESCO fin XXe dénuée de répercussions empiriques, le changement se cantonne dans la sphère philosophique.Si l’amendement semble aller de soi, cette exclusion interne discriminante et l’assimilation paradoxale aux êtres humains de certains est de la mauvaise foi puisqu’elle sert habilement les intérêts économiques tout en donnant un semblant de satisfaction aux défenseurs du droit des animaux.
Or, il est clair que si engager de véritables réformes est crucial, encore faudrait-il que cela n’aboutisse pas sur des réformes incohérentes et inapplicables. Pour cela, l’initiative française doit être tremplin de réflexion et d’action. La preuve en est l’écho récent sur la scène internationale que ce soit au Canada, en Nouvelle-Zélande ou encore au Luxembourg qui envisagent tous trois de repenser l’animal politiquement. Affaires à suivre.
Quand l’essayer c’est… l’acheter
On entend encore bien trop souvent « j’ai acheté un chien » au lieu de « j’ai adopté un chien »qui a été « soldé ». La monétisation de l’animal est sans aucun doute la cause principale de ce choix lexical puisqu’elle assimile l’animal à un objet: la distinction entre être et objet n’est pas encore intériorisée puisque subsiste ce statut ambigu qu’incarne l’animal.
De plus, le critère prioritaire lors de l’adoption est la race, ou du moins l’apparence, qui ne devrait être que secondaire par rapport à l’assurance de leur ascendance et de leur santé ce qui les réduit alors à un simple produit marketing. Les modifications génétiques du rat domestique est un exemple flagrant puisqu’elles réduisent leur capital santé au nom de la création de typologies originales.
Dans l’incapacité de comprendre leur langage et par méconnaissance de leur caractère, on se
raccroche au prix et à la race valorisée qui facilite les adoptions. Si l’Homme acquerrait la capacité à communiquer à propos avec les animaux, pourraient-il être encore monétisés ? Le jour où nous comprendrons les nuances de leur langage les poules auront des dents. D’ici là, pourra-t-on véritablement sensibiliser unanimement en continuant de faire la sourde oreille ?
Profession : chose animée
Un travail communicationnel qui prend différentes formes est déjà en partie efficient. L’évènement qu’incarne la Journée internationale internationale des animaux est une occasion privilégiée pour communiquer et sensibiliser quant aux droits des animaux. Déjà, le pouvoir des images est mis à contribution : la fermeture de l’abattoir d’Alès fin 2015 doit beaucoup à la sensibilisation visuelle et à la diffusion d’une pétition relayée via les réseaux.
L’enseignement est aussi devenu un média intéressant : le droit animal est enseigné en France pour la première fois en septembre 2015. En effet, le Centre européen d’enseignement et de recherche en éthique de Strasbourg propose un master « Ethique et sociétés » spécialisation « L’animal : science, droit et éthiques ». Peut –être que grâce à ce type de sensibilisation prendra-t-on conscience que la culture perd son âme dans l’irrespect des animaux comme le fait la Corrida, rituel culturel illégitime bien que légal.
 Enfin, en s’appuyant sur le levier affectif formidable qu’est le cinéma on peut faire émerger des nouvelles pratiques quasi immédiates grâce à une intériorisation en amont d’une vision renouvelée de l’animal. Le dessin animé Ratatouille au héros éponyme a permis, bien que fictif, d’ennoblir l’image du rat comme l’illustre la vente exponentiellede ce rongeur après son succès médiatique. Mais est-ce une véritable considération ou un simple effet mode ?
De la différenciation à l’assimilation
Reconnaître leur sentience estompe la distinction être humains/être animal tendant vers une assimilation aveugle avec l’Homme qui finalement, ne respecte ni ne considère l’animal dans sa spécificité d’être. Cette perversion est fondamentalement paradoxale : faut-il vraiment qu’ils soient assimilés aux humains pour être enfin respectés ? Le philosophe de l’utilitarisme Bentham avait déjà réagit: « La question n’est pas : peuvent-ils raisonner ? Ni : peuvent-ils parler ? Mais : peuvent-ils souffrir ? ». S’ils ne sont pas fondamentalement différents des Hommes, ils s’en distinguent, mais cette distinction, à défaut de renforcer la multiplicité et diversité des êtres, les a exclus et associés politiquement à des objets.
Cette double vision agonistique de l’animal est palpable à travers les sites de rencontre pour animaux, les dessins animés et publicités qui les humanisent: cet anthropomorphisme révèle à quel point la confusion est forte soulignant l’antonymie caricaturale entre ce qui est semblable à l’humain et ce qui lui est clairement différent. En effet, certains sites assimilent les animaux à de simples prétextes de séduction comme animoflirt.com. Il faudrait apprivoiser la spécificité du statut animal qui ne se situe pas, finalement, entre ce qui est humain et objet, mais est à considérer comme un être au monde à part entière. De la réification à l’anthropomorphisation, où se situe alors la juste nuance ?
Allison Leroux 
LinkedIn 
Sources :
Audrey Jougla, Profession : animal de laboratoire, 2013
Le Monde, Les animaux sont officiellement doués de sensibilité
Journée internationale pour le droit des animaux
L’université se penche sur le droit animal, Libération 
Site de rencontre pour animaux 
Les animaux deviennent des atouts pour séduire, 20 Minutes 
Panorama des lois, Site du Sénat
La sentience animale pdf
Luxembourg : nouveau projet de loi pour protéger les animaux, AuFeminin.com
Le parlement confirme que les animaux ne sont plus des meubles, Ouest-France 
Les animaux reconnus définitivement (rien n’est moins sûr) comme des êtres sensibles dans le code civil, 30 millions d’amis 
Les animaux ont enfin des droits, Le Quotidien 
Bien être animal : contexte juridique et sociétal 
Canada : animal de compagnie en garde partagée, La Presse
Nouvelle-Zélande : reconnaissance officielle de l’animal comme être sentient, VegActu.com 
Maltraitance animale, des sanctions plus fortes, Le Quotidien
Projet de loi : prison ferme pour la maltraitance animale
Crédits photos:
actuanimaux.com
lagazetteanimale
dippé
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Flops, Politique

La récupération politique

S’il y a un domaine où le recyclage n’a pas la côte, c’est bien en politique. Pour preuve le tollé médiatique, à la suite des attentats de Bruxelles, des tweets de Robert Ménard ou encore Bruno Le Roux. Ce dernier s’est empressé de poster un tweet fustigeant l’attitude de la droite sénatoriale dans le débat sur la déchéance de la nationalité, et ont vu l’ensemble de la twittosphère lui tomber dessus malgré des tentatives détournées de faire oublier son tweet.
Mais en quoi consiste vraiment la récupération politique ? Il s’agit d’un procédé qui consiste à se servir d’un événement survenu dans l’actualité pour servir son parti, sa campagne ou ses idées politiques, tout en se parant du voile des bonnes intentions, et en se mettant dans une posture moralisatrice presque prophétique sur le mode du « je vous avais prévenu ».!

Déplacer un événement de la sphère publique pour l’arrimer à la sphère politique ?
La première question qui se pose face aux régulières vagues d’indignation que suscitent les interventions de tel ou tel personnage politique est de distinguer, dans une perspective presque harendtienne, ce qui relève du politique de ce qui n’en relève pas. Cela nous renvoie à la notion d’espace public développée par Habermas. Si l’espace public relève de la souveraineté populaire, en bannit-il pour autant le politique ? Philippe Chanial, dans son analyse L’éthique de la communication : une politique des droits démocratiques ? résume la pensée d’Habermas par le fait que « si la réalisation de la démocratie exige une extension toujours inachevée et toujours menacée de la discussion publique à un réseau sans cesse plus large de relations sociales, ce projet, parce qu’il doit faire face à la réalité des rapports de pouvoir, à la dynamique de répressions systématiques des intérêts universalistes, doit bénéficier de garanties institutionnelles ».
Réguler l’intervention du politique dans l’espace public
Mais qu’est-il reproché au politique ? Intervenir en tant que citoyen pour exprimer ses émotions, ou utiliser l’événement pour soutenir son propos ? La faute serait-elle de faire de la politique du fait divers, de se servir d’un événement particulier pour en faire une généralité ? Alors que dans le même temps les médias incitent les citoyens à interpeller personnalités politiques (bien que ces interpellations soient parfois refusées, à la manière de Christiane Taubira, qui dans l’émission « Des paroles et des actes » dit faire silence face aux victimes (DPDA, jeudi 5 septembre 2013). Pourquoi alors les politiques font-ils part de leurs états d’âme quand ils savent pertinemment que cela va se retourner contre eux ? Les mêmes politiques qui, entre eux, « récupèrent la récupération », la considérant comme une arme facile pour décrédibiliser un adversaire.
La phénoménologie du politique
Louis Queré voit l’espace public comme un espace tampon entre état et société civile. Il essaie d’aller au-delà des analyses d’Habermas en faisant appel à la perspective phénoménologique d’Harendt. Il insiste en effet sur la scénarité de l’espace public et du jugement que peuvent en porter les individus.
Vollrath, qui analyse la pensée harendtienne, en déduit que « le mode de pensée politique de Hannah Harendt considère les thèmes du champ politique non pas comme des objets mais comme des phénomènes et des apparitions. Ils sont ce qui se manifeste soi-même, ce qui apparaît aux yeux et aux sens. Les phénomènes incluent ceux à qui ils apparaissent, de même que l’espace dans lequel ils adviennent, qui détermine la relation qu’il y a entre les phénomènes et ceux qui les perçoivent ». « l’espace dans lequel surviennent les phénomènes politiques est créé par les phénomènes eux-mêmes » Ou, pour le dire plus précisément, il est créé par les personnes dont les actes constituent les événements politiques.
Ainsi, la récupération politique ne serait donc qu’une sorte d’invention journalistique pour justifier les interventions de telle ou telle personnalité sur un événement qui n’a pas forcément de lien direct avec elle(comme Jacques Chirac et la coupe du monde de football 1998). Il semble cependant que le phénomène de récupération soit encore plus malvenu lorsqu’il concerne des situations dramatiques.
Serions nous-arrivés dans ce que Pierre Le Coz appelle « le gouvernement de l’émotion » ?
L’émotivité de l’espace public
Les politiques doivent faire face à un espace médiatique schizophrène qui, d’un côté les dissuade d’intervenir, et de l’autre organise à la télévision ou encore à la radio, des lieux propices à l’échange où se mêle intérêt particulier et général. C’est ainsi que dans les matinales de radio les questions des auditeurs ont pour but d’apporter à un cas personnel une réponse globale. De même à la télévision, lorsqu’un citoyen interpelle un politique, il y a bien confusion entre ce qui est privé et ce qui ne l’est pas. Faire entrer le privé dans la sphère publique n’est en fait permis que lorsque cela est fait par la personne concernée, une sorte de « récupération citoyenne » en somme. Les médias sont en quête de sensationnel, et ont bien compris le caractère hyper-sensible de la société lorsque le politique s’en mêle.
Jérémy Figlia
Sources : 
http://www.francetvinfo.fr/sports/foot/coupe-du-monde/les-politiques-francais-champions-de-la-1 recuperation-du-foot_463304.html 
https://www.youtube.com/watch?v=_Q1_VcxweHE2
http://www.scienceshumaines.com/le-gouvernement-des-emotions_fr_33546.html3
http://www.persee.fr/doc/quad_0987-1381_1992_num_18_1_972
https://basepub.dauphine.fr/bitstream/handle/123456789/8767/Ethique%20de%20la%20communication.PDF?sequence=1