Société

Les dédales de l’algorithme YouTube

L’écoute de la musique en ligne est devenue aujourd’hui l’un des premiers moyens d’accès et de visibilité pour les abonnés du monde entier. Lorsque le fonctionnement de son algorithme est remis en cause, c’est donc l’ensemble des youtubeurs qui pourrait se retourner contre la plateforme.
Il n’est pas nécessaire de rappeler que cette société s’impose aujourd’hui comme le premier relai de diffusion de vidéos sur Internet, avec près de 43 000 vidéos visionnées par seconde et une présence diffuse dans 73 pays, ce qui lui permet de couvrir 95% de la population Internet mondiale.
La plateforme de diffusion de vidéos en ligne créée en 2005 fait face cette année à un nouvel enjeu. En effet, de nombreuses critiques ont été émises envers son algorithme, dont le fonctionnement reste flou pour le grand public.
Ce débat a été relancé il y a quelques semaines : le morceau du groupe Boy Pablo – « Everytime » a gagné 50 000 vues par jour après avoir été mis en page d’accueil de YouTube. Cela a mis en lumière l’influence phénoménale que peut avoir ce programme informatique sur les artistes en chair et en os, leur permettant d’obtenir un succès planétaire.

Le débat reste ouvert : YouTube est-elle toujours une plateforme permettant de créer une véritable culture participative comme l’imaginaient ses créateurs, ou bien son fonctionnement binaire pourrait lui porter préjudice ?
Echec (et maths) pour l’algorithme YouTube ?
Depuis le 1er Février 2017, l’association américaine en charge d’attribuer les disques d’or prend en compte les écoutes générées par les plateformes de streaming telles que YouTube, Spotify, Apple Music, ceci afin d’être en phase avec les évolutions d’écoute de son public. Le SNEP (Syndicat National de l’Edition Phonographique) a confirmé qu’il comptait suivre cette tendance de modernisation.
Malgré tout, l’opacité du fonctionnement de l’algorithme YouTube pourrait mener la plateforme à sa perte. En effet, au début de l’année 2017, de nombreuses plaintes se sont faites entendre : de la part d’abord des créateurs, qui font face à de soudaines pertes d’abonnés (ce qui pourrait leur être fatidique), et également de la part des abonnés qui ne comprenaient pas qu’ils puissent être désabonnés de certaines chaines sans leur consentement ni notification.
La position quasi monopolistique de YouTube sur la diffusion de vidéos en ligne permet de comprendre les réactions plutôt vives et les inquiétudes exprimées suite à cette modification non explicitée. Par exemple, le youtubeur PewDiePie avait menacé de fermer sa chaîne qui comptabilise pourtant 50 millions d’abonnés.
Les plaintes concernaient également le système de qualification du contenu « inconvenant » particulièrement strict, qui ne permet pas aux youtubeurs de récolter de l’argent sur leur contenu, étant donné que ces vidéos ne peuvent pas accueillir de publicités.
La réponse tardive de YouTube a finalement permis d’éclaircir les raisons de ce changement. Les modifications d’algorithme sont, selon l’entreprise, effectuées afin de s’assurer que « les utilisateurs regardent plus de vidéos qu’ils aiment », et les chiffres d’abonnement sont lissés dans le temps, ce qui expliquerait les baisses d’abonnés. Ces contestations reflètent in fine une désillusion des youtubeurs dont le succès repose sur un codage qu’ils ne maitrisent pas.
Favoritisme ou simple binarité ?
Au-delà de cette confusion, la tendance de YouTube à recommander des vidéos qui « buzzent » pose le doute sur la capacité de la plateforme à partager du contenu créatif ou éducatif. On pourrait penser que comme Facebook, YouTube serait soumis à une « bulle de filtrage » (Eli Pariser), créant ainsi un isolement intellectuel et culturel des utilisateurs, en ne leur proposant que du contenu optimisé par leur personnalité.
On le réalise rien qu’en regardant l’onglet des Tendances, où des vidéos comptabilisant des millions de vues n’y figurent que quelques heures. Cet onglet est un véritable levier pour les youtubeurs, car il leur permet de se faire connaître par les internautes. L’utilisation de cet espace par des publicités ou des émissions télévisées pourrait ressembler à une préférence envers les annonceurs plutôt qu’envers les créateurs de contenu.
Cet algorithme peut parfois pousser les utilisateurs à une utilisation quasi-malsaine de la plateforme afin de gonfler leurs vues. C’est le cas de Post Malone qui reprend le refrain du titre « Rockstar », numéro 1 aux Etats Unis, 5 fois en boucle dans la même vidéo, leur apportant une visibilité plus importante.
Le cas de Boy Pablo permet néanmoins d’avoir un peu d’espoir dans cet algorithme qui cherche finalement à maximiser le watch time, c’est à dire le temps durant lequel l’utilisateur va regarder la vidéo. Ce système peut entraîner un effet de longue traine (Chris Anderson), car le succès de cette vidéo peu connue est dû au bon relai effectué par l’algorithme. En effet, si cette vidéo a été suggérée par hasard, l’algorithme est efficace car les 500 000 vues par jour sont bel et bien dues à la qualité du morceau « Everytime ».
YouTube aurait-t-il besoin d’une meilleure communication de crise ?
La seule question à résoudre serait donc la suivante : pourquoi l’équipe de YouTube persiste à rendre son fonctionnement si opaque ?
En effet, les réponses tardives aux accusations des utilisateurs ne les ont pas convaincus. La réponse du chef des produits YouTube affirmant que « toute vidéo mise en ligne par un créateur apparaît dans le flux abonnements de tous ses abonnés, par défaut. En général cela prend quelques minutes » et qu’aucun abonnement n’a été supprimé, reste pour le moins elliptique.
On pourrait penser qu’un effort de communication serait nécessaire dans ce genre de situation de crise, mais cette solution ne serait pas la plus stratégique au niveau commercial. Si la communication à propos de cet algorithme était claire et limpide, chaque utilisateur aurait la solution pour maximiser les vues de sa chaîne.
En fin de compte, on pourrait faire l’analogie entre les vidéos YouTube et les Nuggets McDonalds : on est ravis de les avoir devant nous, mais on ne sait pas comment elles sont arrivées là.
Elise Batifort
Sources : 

Découvrir les avantages de YouTube avec le marketing sensoriel, Idéalis Médias, publié le 20/01/2014.
 Mélanie Roosen, YouTube pris en compte pour les disques d’or, L’ADN, publié le 05/02/2016.
Elodie Abadi Garcia, YouTube, le nouvel algorithme qui affole la toile, DMB, publié le 20/12/2016.
Els Bellens, YouTube moins rigoureuse à propos des vidéos « inopportunes », Datanews, publié le 30/10/2017.
YouTube, Wikipédia.
Perrin Signoret, L’algorithme YouTube met-il en avant certains candidats à la présidentielle, Le Monde, publié le 14/04/2017.
Bulle de filtres, Wikipédia.
Erwan Cario, Comment YouTube en met plein les vues, Libération, publié le 19/12/2016.
Communication de crise, Wikipédia.
L’algorithme de YouTube, les points clés pour comprendre, Wizdeo.
Jean Morel, L’algorithme YouTube a transformé un morceau en tube, Radio Nova, le 23/10/2017.

Flops, Publicité

C’est la crise dans le milieu de la publicité programmatique

Le 20 mars 2017, Havas UK annonce la suspension de la diffusion de ses campagnes publicitaires sur Youtube à la suite de captures d’écran montrant que ses clients apparaissaient sur des contenus offensants. Une décision importante lorsque l’on sait que l’agence avait investi plus de 200 millions d’euros dans la publicité digitale. Mais c’est surtout un coup dur pour Google, qui depuis fait face à de nombreux retraits de grandes marques. Le début d’une crise, qui remet en question l’efficacité de l’algorithme de programmation Google et sa capacité à contrôler ses contenus.

Politique

Algorithme et Big Data, pour le meilleur ou pour le pire ?

De plus en plus d’entreprises et d’hommes politiques se dirigent vers le big data – désignant l’analyse de volumes de données (data) à traiter de plus en plus considérables et présentant un fort enjeu marketing – et la géolocalisation afin d’affiner leur stratégie commerciale ou d’affûter leurs stratagèmes politiques.
En outre, les algorithmes – équations complexes programmées pour s’effectuer automatiquement à l’aide d’un ordinateur pour répondre à un problème spécifique – connues uniquement de leurs propriétaires, régissent aujourd’hui le fonctionnement de la plupart des réseaux sociaux et sites d’information. Filtrant notre information, cloisonnant les électeurs dans des cases ou influençant nos comportements d’achat, il est temps de se pencher sur l’éthique et la transparence de ces pratiques.