Flops

L’indécence glorifiée

 
 American Apparel a, une fois de plus, choisi la polémique comme stratégie de communication en dévoilant il y a quelques jours sa dernière publicité :

Les mots « Made in Bangladesh » ne font pas référence à quelque chirurgie esthétique mammaire ou à des vêtements, puisque le modèle n’en porte pas, mais à la jeune femme elle-même. Maks, 22 ans, est née au Bangladesh. Le message que veut faire passer la marque, c’est celui de l’authenticité. American Apparel revendique haut et fort son « Made in Los Angeles » et son commerce équitable. Cette publicité fait écho au drame survenu l’année dernière dans une usine de textile non loin de Dacca, la capitale du Bangladesh. Le fabricant dénonce l’exploitation dans l’industrie du prêt-à-porter.
Créer la controverse à travers la publicité est devenu l’apanage de la marque. American Apparel est pour ainsi dire devenue une véritable marque-média qui s’exprime sur tout et n’importe quoi.  Aucun tabou ne lui échappe. Au début de l’année, des mannequins à la pilosité pubienne développée avaient été exposés en sous-vêtements à moitié transparents à la vue des passants. En 2012, une mère de famille avait porté plainte contre des publicités « inutilement sexuelles » de la boutique en ligne et la marque avait été accusée de « sexualiser » des mannequins mineurs. Cette même année, le fondateur Dov Charney s’était tout de même octroyé une certaine sympathie des consommateurs pour avoir lancé une campagne ayant pour modèle une vieille dame prénommée Jacky – elle aussi dénudée.

Les séniors, la nudité, les poils pubiens, la situation au Bangladesh… La marque se mêle de tout et n’importe quoi. American Apparel fait circuler des contenus médiatiques polémiques qui dépassent le champ de l’industrie textile : en quoi est-ce lié à une logique marchande ? Finalement, il semblerait que la marque produise des campagnes dans le but de faire un buzz qui lui donnerait de la visibilité sur un marché extrêmement compétitif. Si les thèmes abordés dans ses publicités sont osés, la marque parvient tout de même à vendre ses produits dans vingt pays différents. En 2012, lorsque de nombreux scandales avaient éclaté autour de ses campagnes, son chiffre d’affaires avait augmenté de 13%.
American Apparel, contrairement à de nombreuses marques – on peut penser par exemple à la publicité jugée sexiste de Numéricable, qui n’a pas profité à l’entreprise – sait doser la part de polémique dans les messages qu’elle véhicule dans ses campagnes. Non sans un certain humour, American Apparel frôle l’indécence sans jamais tomber dans l’immoralité. La marque parvient à diffuser des contenus médiatiques qui, sans réel poids idéologique, sont en lien avec des problématiques contemporaines. Le fabricant proclame que « la sexualité devrait être célébrée, pas condamnée ». En 2008, lorsque les californiens avaient voté pour Prop 8, qui interdisait le mariage entre personnes de même sexe, American Apparel avait produit et offert 50 000 t-shirts portant l’inscription « Gay O.K . » aux Etats-Unis, et avait fait de même en France pour soutenir le mariage pour tous.
Néanmoins, avec cette dernière campagne, la marque passe un nouveau cap. « Made in Bangladesh » s’aventure sur un terrain glissant, celui de la religion, voire de la politique. L’islam dans ce pays est en effet religion d’Etat, et cette jeune femme ne passera pas inaperçue. A trop jouer avec les mœurs, American Apparel risquerait de se brûler.
Camille Frilley
Sources :
Huffingtonpost.fr
Lexpress.fr
epcblog.com
Americanapparel.com

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aerie
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Jacques a dit : natural is the new black

 
Alessandra Ambrosio, Tyra Banks, Gisele Bündchen, Miranda Kerr, Adriana Lima, Natalia Vodianova, Kate Moss…
A la lecture de ces noms, même les moins « modeux » d’entre nous voient à peu près de qui il s’agit. Si l’identité d’une marque repose en partie sur ceux et celles qui la représentent, on peut d’ores et déjà avancer que les grandes marques prennent rarement le risque de miser sur autre chose que des physiques franchement avantageux. Bien sûr, un certain nombre de scandales éclatent de temps à autres et remettent en cause l’image que véhiculent les über-mannequins, en témoigne le scandale provoqué par un cliché photoshoppé de Miranda Kerr.

Alors, pas cap’ d’être top sans photoshop ?
C’est pourtant le pari pris par Aerie, marque de lingerie appartenant à l’enseigne American Eagle, dans sa dernière campagne publicitaire. En faisant poser de jeunes femmes en face de l’objectif sans en retoucher l’image, la marque espère ainsi redonner confiance à un public (15-21 ans) qui ressent souvent une compétition face à la beauté prônée par le papier glacé.
Le mot d’ordre est simple : « The real you is sexy. » Le naturel fait son grand retour : pas besoin de gommer quoi que ce soit lorsque l’on se sent bien dans sa peau !

Il en ressort une campagne dans le même esprit que les feel-good movies, différente des autres et pleine de fraicheur.
D’autres marques n’ont pas attendu beaucoup plus longtemps pour exposer elles-aussi des modèles différents, se donnant une image toute nouvelle aux yeux des consommateurs.
Ainsi, Diesel a demandé à Jillian Mercado, blogueuse de mode new-yorkaise, de poser pour la marque. Petit détail qui a son importance ici, Jillian est atteinte de dystrophie musculaire et se déplace en fauteuil roulant. Autant dire que ce n’est pas dans les habitudes de la marque, qui s’offrait dernièrement Ashley Smith comme visage du parfum Loverdose.

Forever Yours, boutique de lingerie canadienne, n’hésite pas elle non plus à soutenir la beauté sous tous ses angles, dans tous ses visages. Elle a dernièrement mis en lumière son égérie, qui, atteinte d’un cancer, pose tête nue : « que vous vous entrainiez pour un marathon ou que vous bottiez les fesses au cancer, vous avez besoin d’un bon soutien. »

On pourrait citer encore une fois American Apparel qui a récemment publié sur Instagram une photo de leur nouvelle lingerie portée par l’actrice Jacky O’Shaughnessy et en dessous de laquelle on pouvait lire « Sexy has no expiration date. » L’actrice a 62 ans. Cette fois-ci, c’est le corps âgé qui est sublimé. Un clin d’œil aux carrières éclairs des über-mannequins ?

Ces différentes marques ont récemment montré des corps qui ne sont ni ceux des anges de Victoria’s Secret ni ceux des muses inspirant les grands créateurs de mode. Au contraire, on voit ici une beauté qui sort des normes habituelles mais qui divise déjà le public.
D’une part, on peut saluer l’initiative de sortie du lot et la promotion de la femme « normale » que Dove avait déjà mise en valeur en 2013 dans sa campagne Dove real beauty sketches. Ces campagnes s’adressent plus aisément à toutes les femmes, sans établir l’habituelle frontière imposée par les photos vernies. La mode se donne un visage plus humain, sans jugement, que les consommateurs et consommatrices voient encore trop rarement.
D’autre part, même si l’on peut vouloir croire à la bonne volonté et à l’amour inconditionnel pour l’être humain, cette mise en lumière des femmes normales commence à prendre de plus en plus d’ampleur. La real woman, qui n’était au départ qu’une tendance mineure allant à contre-courant des idées préconçues, pourrait bien être en train de devenir un artefact marketing des plus efficaces…
Accordons-lui encore quelques temps le bénéfice du doute, ne serait-ce que pour respirer un peu de cet air frais.
 
Annabelle Fain
Sources :
Huffingtonpost.com
Huffpost.com
Iletaitunepub.fr
Madmoizelle.com (1)
Madmoizelle.com (2)
Lovelace-media.imgix.net
Hercampus.com (1)
Hercampus.com (2)
F3.thejournal.ie