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Agora, Com & Société

Schumacher, ou l’histoire d’un journalisme à deux vitesses

 
Cela ne vous aura sans doute pas échappé, Michael Schumacher est hospitalisé depuis le 29 décembre au CHU de Grenoble à la suite d’un grave accident de ski. Maintenu dans un coma artificiel et souffrant d’un traumatisme crânien, son état est jugé critique, quoique stable.
Alors que les circonstances et les responsabilités de l’accident font l’objet de nombreux débats, des voix commencent à s’élever contre la couverture médiatique sans précédent de l’évènement.

Dérives
Les médias du monde entier font en effet le pied de grue face au bâtiment où Schumi est interné. Mais faute de mieux, les télévisions rediffusent en boucle les mêmes images, à savoir celles des fans du pilote ou encore du panneau « urgence », comme l’a bien montré Le Petit Journal du lundi 06 janvier. Comble du paradoxe, elles obtiennent toutes leurs infos uniquement par les agences de presse.
Alors, dans cette véritable course au « visuel », certains journalistes outrepassent les limites et tentent de se déplacer dans l’hôpital au-delà de la salle de presse. L’un d’entre eux s’est même déguisé en prêtre pour tromper les agents de sécurité, révélant ainsi une absence de limite dans la poursuite du sensationnel.
Un journalisme « peopolisant » l’anecdotique qui pose la question de la limite entre investigation et intrusion dans la vie privée de la famille de Schumacher, loin d’être sereine face à l’acharnement médiatique. Dans un communiqué, son épouse a appelé les médias à quitter l’hôpital de Grenoble : « S’il vous plait, aidez-nous dans le combat que nous menons avec Michael. Il me parait important que vous soulagiez les médecins et l’hôpital afin qu’ils puissent travailler en paix. S’il vous plait, faites confiance à leurs communiqués et quittez l’hôpital. S’il vous plait, laissez aussi notre famille en paix ». Une demande qui a été relayée par les médias, mais qui ne semble pourtant pas avoir été entendue.
Certains fans ont également manifesté leur mécontentement envers ce journalisme intrusif, comme Monique Neyret il y a quelques jours : « On a l’impression que vous, les journalistes, vous attendez tous qu’il soit mort, et que votre but est simplement d’être celui qui annoncera la nouvelle en premier ». Une phrase qui en dit long sur un malaise dans la perception du journalisme aujourd’hui.
Le journalisme en péril ?
Finalement, ce que l’on retrouve surtout dans cette affaire, c’est cet éternel journalisme à sensation, avec ici une recette qui ne peut que marcher : une star, du sport, un accident, un risque de mort… tous les ingrédients sont réunis pour capter au mieux l’attention de l’audience. Car c’est bien de cela dont il s’agit : une course à l’audience. Néanmoins, le journalisme à sensation n’est pas totalement contre-nature si l’on considère le fait que la presse de masse est née dans l’avènement du fait divers.
Mais le fait est que ce journalisme n’est aujourd’hui plus réservé qu’aux magazines people et à la presse tabloïd, mais concerne bien la grande majorité de nos médias, y compris les JT et autres journaux d’information qui s’en défendent.
La couverture médiatique autour de l’accident de Schumacher rappelle par exemple celle de la naissance du « royal baby », avec des journalistes campant nuit et jour devant la maternité et des images, là encore, rediffusées en boucle. Idem avec la couverture médiatique actuelle autour de l’affaire Dieudonné.
Finalement, le journalisme tel qu’il est pratiqué aujourd’hui semble faire l’amalgame entre information et évènement. La sacro-sainte actualité est devenue proprement événementielle, et le journaliste n’est plus un spectateur engagé qui restitue des faits et tente de les expliquer, mais un simple témoin attestant d’une évènementialité. Un rôle qui, semble-t-il, lui donne le droit de dépasser toutes les limites de l’intimité et de la vie privée.
En témoignent les chaines d’information en continu, qui ont la possibilité de traiter des sujets de fond mais qui se contentent bien souvent de JT qui s’enchainent et se ressemblent, à grand renfort d’interviews d’experts – entrecoupés par des « priorités au direct » ayant rarement un véritable intérêt au regard de leur contenu.
Mais peut-être ne faut-il pas tomber dans le piège du regret systématique d’un « âge d’or du journalisme d’information », qui existe toujours dans certains médias d’une qualité indiscutable.
Beaucoup d’ONG se battent par ailleurs pour la liberté de la presse et de l’information, tels que Reporters Sans Frontières, mais aussi beaucoup de journalistes, et ce parfois au péril de leur vie : selon la Fédération Internationale des Journalistes, 108 d’entre eux ont ainsi été tués dans le monde en 2013.
Un chiffre ambivalent, alarmant d’une part car représentatif de la difficulté de l’exercice journalistique aujourd’hui, mais qui nous rappelle en même temps que la promesse du journalisme est toujours tenue : informer, tout simplement.
 
Clarisse Roussel
Sources :
Canalplus.fr
LeMonde.fr (1)
LeMonde.fr (2)
Lexpressiondz.com
Crédits photos :
Une – DL/C.A
LeJDD.fr

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Société

Informer, tout simplement ?

 
 « Donner la parole ne signifie pas approuver, ni cautionner » écrit Alexis Brézet, directeur des rédactions, dans l’éditorial du Figaro du Mardi 3 Septembre, édition dans laquelle les lecteurs ont pu lire en première page une interview exclusive du dirigeant syrien Bachar el-Assad. A travers dix-huit questions, le journaliste Georges Malbrunot permet au dictateur de réagir à la volonté de la France et des Etats-Unis de lancer une intervention militaire suite au recours à des armes chimiques le 21 août dans la banlieue de Damas.
Dans son éditorial, permettant de proclamer la légitimité de la publication d’un tel entretien dans un grand quotidien national français, Alexis Brézet justifie le souhait du Figaro « d’apporter à (leurs) lecteurs, à l’opinion française et internationale, un élément essentiel à la compréhension du drame qui se noue ». Ce à quoi François Hollande a répondu lors d’une conférence de presse : « On ne remerciera jamais assez le Figaro pour son sens civique que d’avoir permis à l’opinion française d’être éclairée par l’interview de ce dictateur. Maintenant, nous savons qu’il veut liquider son opposition ».
Il convient en effet d’interroger le choix du quotidien d’accorder une telle tribune à Bachar el-Assad. Certes, les questions du journaliste sont loin d’être partisanes, ni timides. Du bain de sang syrien à l’emprisonnement de journalistes français en Syrie, Georges Malbrunot espère fait parler son interlocuteur sur des sujets sensibles et même dramatiques. Certes, interviewer un tyran dans une démocratie peut avoir du sens si l’on met en avant la nécessité informationnelle de la profession de journaliste. Certes, il est possible de le comprendre comme un devoir civique. Certes, le style journalistique employé ici, l’interview, permet d’afficher une certaine neutralité de la part du journaliste qui se contenterait de poser des questions. Alors la parole du tyran apparaîtrait sous sa forme la plus « brute », « naturelle », et « libre ».
Mais n’était-il pas possible de replacer d’avantage cette interview dans son contexte géopolitique et humain (tentative veine de l’éditorial d’Alexis Brézier) ? N’aurait il pas été préférable, dans une perspective démocratique et déontologique, de confronter la parole de Bachar el-Assad à celle d’un(e) autre, chef ou représentant de l’opposition syrienne, d’un dirigeant français, d’un insurgé ?
A la première question posée sur l’usage d’armes chimiques, le dictateur syrien se prête littéralement  à un jeu de rhétorique lors duquel il détruit cette accusation, en appelant à l’usage de la raison et de la « logique » (« Quelle est la logique ? »). Il enchaîne en effet pas moins de cinq questions rhétoriques.  On ne peut que regretter que le quotidien n’y ait pas apporté de réponses pour faire office de contrepartie à l’argumentation du dictateur. Plus que « raconter (…) donner la parole aux acteurs », le Figaro aura surtout permis d’informer ses lecteurs sur les capacités rhétoriques et le niveau de démagogie de Bachar el-Assad.
Faut-il en appeler à la liberté d’expression pour comprendre ce choix de la rédaction du Figaro d’accorder une interview à un dictateur ? En mars 2011, le quotidien avait déjà interviewé le dictateur libyen Kadhafi. En 2009, en visite en France, ce dernier avait publié une annonce dans Le Figaro, dans laquelle il « invitait » les lecteurs du quotidien à consulter son site internet. La publicité, qui occupait plus d’un quart de page, représentait un portrait du dirigeant libyen se tenant les mains et ce « message »: « Mouammar Kadhafi vous invite à consulter son site internet www.algathafi.org ». Le Figaro avait été le seul quotidien national à la publier.
Dans une interview parue sur le site internet de la Libre Belgique, Yves Thréard, directeur adjoint de la rédaction du Figaro, tente à nouveau de légitimer l’interview de Bachar el-Assad. Ainsi, à la question « Après la guerre, si vous aviez pu avoir une interview d’Hitler, l’auriez-vous également diffusée ? », le journaliste français répond : « Cela n’a rien à voir. Il ne faut pas comparer ce qui ne doit pas l’être.  Vous ne devez pas comparer Hitler et Bachar el-Assad. Il faut quand même garder la mesure. Est-ce que vous savez si c’est Assad qui a lancé des frappes chimiques ? On n’en sait rien pour le moment. Personne ne sait, pas même les experts français puisqu’on attend les conclusions des experts de l’Onu. Attendons de voir avant de condamner. »
En effet, 60 millions de personnes ont péri lors de la Seconde Guerre Mondiale et sous l’Allemagne nazie. Dans un rapport rendu le 13 juin 2013, l’ONU ne dénombre que 93 000 morts dont 6 500 enfants depuis le début du conflit en Syrie il y a deux ans. Bien que la question soit peu pertinente, la définition quantitative du niveau de tyrannie d’un homme que propose ici Yves Thréard peut être aussi effrayante.
 
M. L. J.
 
Sources :
Le Figaro du 3 Septembre 2013
Peut-on donner la parole aux dictateurs ? sur Lalibre.be
Interview de Kadhafi par Delphine Minoui dans le Figaro en 2011
Kadhafi fait sa publicité dans le Figaro – le Nouvel observateur politique – 2009

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Société

L'Opinion : on change tout et on recommence

 
En 1996, le Monde Diplomatique lançait son site Internet, où l’on retrouvait, avec une esthétique très épurée, le contenu de ses articles papier. Depuis, toute la presse a épousé cette stratégie. Émotion, émulation, excitation d’un nouveau canal chargé d’un imaginaire fort en utopies : les années 2000 furent marquées par une fantastique idée du tout gratuit et du libre accès aux connaissances. Hélas, ce modèle, comme on le sait, s’est avéré peu rentable, a nui aux journalistes comme au journalisme tout court ; l’impératif du clic engendrant une course au « buzz » et au contenu vain et vaguement amusant, le LOL. Face à cette double crise dont on nous a déjà bien trop parlé, quelles alternatives ?
Certains décidèrent d’adapter le journalisme à cette nouvelle matière qu’est Internet, plutôt que d’opérer un simple transfert. Ils se saisirent des possibilités qu’il offrait : interactivité, objets dynamiques… C’est l’histoire de cette curieuse soucoupe que fut OWNI, un « pure player » (un média n’existant que sur Internet), avec un aspect graphique, fortement artistique et qui a été repris même dans les journaux papiers désormais. Un média qui prétendait à une information différente, en exploitant le mythe des données, supposées neutres et révélatrices de vérités. Le contenu n’en était pas moins intéressant, et l’on doit à cette initiative beaucoup d’innovations et une nouvelle conception de ce que peut être l’information à l’ère du Web. Seulement, OWNI a fermé cette année.
Quant aux autres grands titres, des déboires de Libération aux difficultés du Monde, en passant, si l’on fait un petit détour à l’international, par la fermeture de Newsweek, le modèle qui saurait concilier écrit et écran semble encore bien flou. Il y a bien le New York Times qui a adopté un “paywall”, un mur payant où l’on peut ne peut lire que le début des articles gratuitement – la page d’accueil se présentant comme une sorte de Une cliquable, assez surprenante. Mais n’importe qui n’est pas le New York Times, et il est peu probable que cette solution soit applicable à tous les médias.
Pourquoi ces échecs ?
Eh bien peut-être parce que les médias traditionnels ne se sont toujours pas saisis d’Internet. Ils l’interprètent encore comme un faible écho aux productions écrites. Certains prennent tout de même acte du fait que leurs lecteurs ont changé d’usage. Le Monde a récemment refondu sa page d’accueil, plus dynamique et mouvante, plus adaptée à la rapidité d’Internet tout en proposant en parallèle un temps propre à la réflexion avec des articles qui se rallongent dans son journal. On peut y trouver une carte qui permet de visualiser ce qui se passe dans le monde, ce qui serait impossible à réaliser sur papier.
L’Opinion tente d’aller encore plus loin. A l’heure où cet article est écrit (13 mai), on peut lire sur la page de présentation de ce tout nouveau journal : « ce média sera à la fois un site Internet, une application pour mobiles et tablettes, une chaîne vidéo et un journal papier. » Les sites d’information ont forgé un nouveau terme pour en parler : c’est un « média web-papier ».
Pour la première fois, les deux supports sont mis sur un pied d’égalité. Même, selon France Culture, c’est Internet qui prend le dessus : « son modèle économique est inédit, puisque pour la première fois, le papier n’est que l’extension d’un support web majoritairement payant. » Nicolas Beytout, créateur de ce nouvel ovni, souligne son caractère radicalement nouveau. L’Opinion sera présenté sous forme d’une grille radio : on donnera des rendez-vous à heures fixes aux lecteurs (une méthode qu’applique déjà le Huffington Post avec le 13h de Guy Birenbaum par exemple). On y trouvera des mini JT vidéo, où les journalistes se filmeront, et le journal à 22h pour les abonnés. Quant à la ligne éditoriale : « libérale, pro-business et pro-européenne », pour se démarquer.
Coup de com’ ou nouveau modèle économique viable ? Le magazine sortira en kiosque demain, distribué gratuitement. Ensuite, affaire à suivre…
 
Virginie Béjot
Sources :
Le Nouvel Economiste : L’aventure de l’Opinion, le nouveau journal de Nicolas Beytout
BFM TV : l’Opinion, nouveau site d’info pensé comme une grille de radio
France Culture : l’Opinion, nouveau modèle économique de la presse en ligne ?

Invités

Demain à la Une

 
Le journal satirique Charlie Hebdo a récemment publié son dernier numéro, aussi sulfureux que les précédents. Après s’être attaqué aux religions juive et musulmane, c’est au tour du christianisme. En effet, les Unes de presse sont de plus en plus chocs et agressives et l’exemple de Charlie Hebdo n’est plus un cas isolé. On constate, dans les unes de la presse française, une recrudescence des sujets chocs et des titres accrocheurs, le tout sur un parfum de scandale : le Figaro, le Point, Marianne ou encore le Nouvel Observateur… Tous ces journaux ont un point commun : l’utilisation du scandale et une agressivité latente des titres proposés. On se souvient du désormais célèbre « Casse-toi riche con » de Libération.
Le scandale serait-il devenu le nouvel opium du peuple ?
 
En effet, ce besoin de se montrer, voire d’exister puise ses sources dans la crise que vit actuellement la presse. La baisse du nombre de lecteurs oblige la presse à redoubler d’efficacité au niveau éditorial. Choisir un sujet polémique et  faire une Une « trash » est aujourd’hui devenu banal, que cela soit dans la presse quotidienne ou dans les magazines. Certains en ont même fait leur marque de fabrique. Charlie Hebdo fait encore et toujours parler de lui grâce à ses caricatures qui font polémique. De son côté, le magazine les Inrockuptibles traite l’information de façon décalée et  rock’n’roll, en assumant ainsi ce côté sulfureux. Le scandale fait couler beaucoup d’encre, notamment du côté des journalistes « bien-pensants », des philosophes ou mêmes des associations, qui s’insurgent, attaquent et ne font qu’alimenter la polémique.
Malgré les critiques, il semblerait que la recette fonctionne puisque ces titres accrocheurs tendent à maintenir la presse à flot. En effet, selon l’OJD les Inrocks se sont vendus  à 55 000 exemplaires par mois en 2011. Quant à Libération, le quotidien enregistre une forte progression de ses ventes la même année (5,3%).  « Casse toi riche con » s’est écoulé à 56 000 exemplaires, et le numéro de Charlie Hebdo caricaturant le Prophète musulman était épuisé en kiosque quelques heures après sa parution. L’audace et le scandale font donc bien recette.
En somme, l’audace, et l’agressivité des Unes françaises ne seraient qu’un moyen comme un autre d’attirer un lectorat de plus en plus friand des sujets polémiques. Les articles sont toujours des articles de fond, qui traitent de tous les aspects du sujet en donnant la parole aux avocats et aux détracteurs, comme en témoigne l’article du Point, du 1er novembre, qui titre « Cet islam qui gêne ».
Mais au-delà de cela, on peut également se demander si cette ligne éditoriale n’est pas simplement une volonté pour la presse de rassurer ses lecteurs sur son rôle de contre-pouvoir. En effet, dans un monde où Internet et les réseaux sociaux se proposent comme les médias de la libre parole, de la transparence et de la liberté, le rôle de la presse est mis à mal. On ne pense plus le journaliste comme garant de la liberté d’expression, de l’éthique et de la vérité, mais comme des hommes et femmes embourgeoisés dans leur rôle confortable auprès des personnes de pouvoir.
Cependant, on le voit, celui qui fut auparavant appelé le Quatrième pouvoir insiste, persiste, montrant ainsi qu’il a encore et toujours sa place dans un monde où Internet voudrait la loi.
Enfin, les opposants de ces Unes sont eux-mêmes pris au piège dans leurs contradictions puisque la polémique rend les sujets attrayants.  Ces mêmes personnes s’intéressent à la polémique et lisent ces articles.
La presse est désormais devenue adepte du célèbre adage : « Qu’on en parle en bien ou en mal, le principal c’est qu’on en parle ».
Reste à ne pas tomber dans le piège des bruits de couloirs et des rumeurs qui pourrait entacher le métier de journaliste. Affaire à suivre…
 
Laetitia Aïred
 
Sources

http://www.liberation.fr/medias/2012/09/19/les-caricatures-de-charlie-hebdo-suscitent-des-reactions-embarrassees_847323
http://lci.tf1.fr/politique/liberation-assume-sa-une-choc-sur-arnault-7512682.html
http://electronlibre.info/archives/spip.php?page=article&id_article=01245
http://www.ozap.com/actu/en-2011-les-inrockuptibles-est-le-magazine-d-actualite-qui-a-le-plus-progresse/439201
http://www.ozap.com/actu/les-ventes-du-quotidien-liberation-ont-explose-en-2011/439145
 

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Jakadi : tous au ski !

 
Même si bien moins médiatisé que le sacro-saint football, Jacques nous a conseillé dernièrement un autre type de sport : la glisse.
Du 14 au 16 mars, à Tignes, ce sont déroulés les Winter X games 2012 pendant lesquels de grands champions, pourtant inconnus en France, se sont affrontés lors d’épreuves de ski, de snowboard ou encore du célèbre snowmobile… Vous faites peut-être partie, comme moi, des étrangers à ces disciplines mais cela n’est pas le cas de tout  le monde : l’édition 2012 a attiré 103 600 personnes pendant ces trois jours.
Mais ce ne sont pas les résultats sportifs qui m’intéressent aujourd’hui. C’est plutôt la couverture médiatique de l’événement réalisée non pas par un journaliste, non pas par une marque mais par les deux ! En effet, le journaliste Clément Gargoullaud, à travers des vidéos, a couvert cet événement pour Jeep, le constructeur automobile partenaire et sponsor des Winter X Games. Une manière audacieuse d’allier publicité et  journalisme, qui avouons-le, a meilleure réputation que la première. C’est aussi une nouvelle preuve qu’il n’y a pas d’information sans communication, ou de communication sans information. Au choix.
Comment marche cette alliance ? C’est très simple : le sérieux journaliste spécialiste des sports extrêmes nous livre de son œil d’expert et  professionnel, une série de vidéos pour nous faire connaître et vivre ses trois jours de  glisse. On ne remet en question aucune info et on ne critique pas. Ben non, c’est de l’information journalistique. On oublierait presque qu’il le fait du point de vue de Jeep. Enfin, on pourrait l’oublier si les vidéos n’affichaient pas constamment le logo de la marque. Mais il faut reconnaître que le tour est subtil. Quelques apparitions de 4×4 dans les vidéos qui nous montrent à quel point elles s’adaptent aux différents terrains, un rapide plan sur une banderole Jeep mais aussi la forme classique du reportage. Cette publicité est alors mieux reçue dans les différents médias.
Evidemment, quel meilleur moyen de voir les photos et vidéos produites par Clément Gargoullaud que d’aller sur la page facebook de l’évènement ? Et cette page n’est pas celle de l’événement ou du journaliste, c’est bien celle de Jeep France L’occasion d’en apprendre un peu plus sur la marque et de découvrir que l’on a vraiment besoin d’un de leur fabuleux modèle, oui même si l’on n’habite pas dans la montagne enneigée ou dans un désert de sable.
Bref (pour plagier un autre événement à la couverture médiatique étonnante) journalisme et publicité peuvent s’allier efficacement même si, une fois de plus, cette efficacité semble être plutôt bénéfique pour la marque que pour l’amateur de snowboard en route pour le magasin Jeep le plus proche.
 
Manon Levavasseur
Sources :
jeep.fr
influencia.fr
xgames.net

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Hollande interviewé par des journalistes
Société

Vers la fin du off ?

Début d’année, reprise de la campagne présidentielle – qui s’était un peu arrêtée avec la magie des fêtes – et comme d’habitude, cela ne commence pas par le meilleur. Le Parisien publie des propos attribués à François Hollande où celui-ci se met dans la peau de Nicolas Sarkozy : «Je suis le Président de l’échec, je suis un sale mec, mais dans cette période difficile, je suis le seul capable, j’ai le courage…». Cette déclaration, tenue en off, avait elle vocation à se retrouver dans la presse ?
De plus en plus malmené par les nouvelles technologies et les nouvelles formes de journalisme, le « off » est il encore une réalité ?
Si le « off » a été créé, c’est qu’il servait des intérêts. Dans le principe, il est une protection pour les hommes politiques, qui peuvent de temps en temps s’exprimer librement (ce qui sous-entend bien que ce n’est pas toujours ce qu’ils font quand ils sont interviewés de manière classique). Ainsi que pour les journalistes qui obtiennent des informations -qui même si elles ne sont pas publiables – apportent un ton à l’article et une relation de confiance souvent utile.
Le « off » inciterait donc au journalisme connivent, non critique, facile. En ce sens, les journalistes sont les premiers à défendre la publication du off dans leurs articles. C’est le cas de Maurice Szafran, dans l’introduction de son livre « OFF : Ce que Nicolas Sarkozy n’aurait jamais dû nous dire », qui écrit « le journalisme neutre, faussement objectif, nous fait mourir ». La publication du « off » serait l’anecdote, la petite information qui apporterait la touche finale à un article peu dynamique. Cette vision du journalisme à l’anglo-saxonne prône la transparence totale : « un président ou un candidat à la présidence n’a pas de vie privée » avait dit Bob Woodward (il fût à l’origine du scandale du Watergate).
Dans cette manière de penser le « off », on comprend bien que celui-ci serait toujours involontaire de la part du politique. C’est une pensée naïve. Cependant, il est sûr qu’au fur et à mesure que le « off » disparaît, les hommes politiques s’adaptent. C’est donc un nouveau canal de communication, avec un contrat à part qui s’est institué : « je te raconte quelque chose que tu vas publier comme si tu n’avais pas le droit de le faire ». Là, ce n’est plus les politiques ni les journalistes qui sont bernés mais bien les lecteurs. F. Hollande voulait-il se donner une nouvelle image plus combative en traitant N. Sarkozy de « sale mec » ? Ou tentait-il juste un trait d’humour pour construire une connivence plus forte avec les journalistes présents ? Difficile à savoir…
En soi, la question du on/off est en passe d’être tranchée : la frontière entre les deux a disparu. C’est la conséquence logique d’une société où les petites phrases en politique font bien plus vendre que les grands projets de société.
 
Ludivine Preneron
 
Crédits photo :
©Sophie Levy

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